• l’année dernière
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 19 Octobre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

Category

🗞
News
Transcription
00:00 *Générique*
00:07 En 17 ans, 6 guerres ont touché l'enclave de Gaza. Comment la société Gazaoui, plus largement la société palestinienne,
00:13 vit-elle sous la menace, sous la violence presque permanente ?
00:17 Nous sommes ici dans ce studio avec Stéphanie Lat Abdallah.
00:21 Bonjour, vous êtes historienne, politiste, spécialiste des territoires israélo-palestiniens,
00:26 au CERI, à Sciences Po et au CNRS. Et puis nous sommes en duplex avec Elias Sambar. Bonjour.
00:32 Bonjour.
00:33 Vous êtes ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l'UNESCO. Vous êtes aussi un homme de lettre, Elias Sambar.
00:39 J'aimerais votre regard sur les quelques jours qui viennent de s'écouler. Comment les vivez-vous ? Qu'en pensez-vous ?
00:49 C'est beaucoup de questions en une seule. Je vais vous répondre. Je pense que c'est un drame, tout simplement,
00:58 et au sens le plus fort du terme. Je pense que nous sommes face aux résultats d'années et d'années d'impasse
01:07 et de délégations palestiniennes aux négociations qui, pendant 30 ans, sont parties pour revenir à brudouilles, les mains vides.
01:16 Nous sommes face également à une déstabilisation régionale qui commence à montrer ses effets.
01:23 Et nous sommes également face à une crise, on ne le dit pas assez, quelles que soient les pertes et les drames qu'Israël a subis.
01:32 Il faut savoir que je pense que nous sommes à la veille, à l'orée d'une très grande crise interne israélienne,
01:39 car dès que les choses vont un peu et relativement se calmer, la crise va également se transposer au sein d'Israël,
01:48 où une bonne partie de la société aura des comptes à demander à l'actuel gouvernement dominé par les colons.
01:56 Elias Sambard, dans l'actualité ce matin, il y a ce que Libération appelle le spectre de l'embrasement après l'explosion meurtrière dans l'hôpital de Gaza,
02:03 des manifestations un peu partout dans plusieurs pays de la région, une nouvelle étape dans l'escalade du conflit,
02:10 même si aujourd'hui rien ne semble indiquer qu'Israël soit responsable de la frappe.
02:16 Là aussi, vos commentaires sur cette onde de choc qui se propage dans le monde arabe ?
02:23 Vous savez, quels que soient les résultats des enquêtes, parce qu'il y en aura beaucoup,
02:27 et je pense qu'elles seront très longues, pour savoir d'où est venu le tir contre l'hôpital.
02:33 Je suis certain que nous sommes partis à une deuxième phase et que les résultats, quels qu'ils soient,
02:39 ne changeront rien à ce que vous avez qualifié d'embrasement.
02:42 C'est vrai que le risque est là et que de toute façon, personne ne se conformera,
02:47 ou en tout cas, les deux parties ne se conformeront jamais sur un même résultat de l'enquête.
02:54 Ce que nous sommes en train de vivre maintenant, et peut-être, je m'avance un peu vite,
03:00 nous sommes en train de vivre le fait qu'il est très peu probable, à mes yeux,
03:05 qu'une offensive israélienne terrestre aura lieu.
03:08 Nous avons dépassé ce stade. Nous avons dépassé ce stade pour deux raisons.
03:13 La première, c'est qu'Israël est de plus en plus enclin à calculer les effets des pertes,
03:20 qu'en tout cas, il aura, quelle que soit sa force militaire ou sa suprématie sur le terrain,
03:26 et que d'autre part, et c'est l'argument fondamental, les États-Unis,
03:30 et je pense que c'est ce qui s'est discuté pendant cette visite éclair du président américain,
03:35 les États-Unis mettent maintenant une très grosse pression sur les Israéliens
03:39 pour qu'il n'y ait pas d'escalade, car cela aboutirait à ce que vous venez de dire,
03:45 un peu un tournant dans la situation et la stabilité régionale.
03:49 Les Américains ont amené deux porte-avions pour assurer qu'Israël soit toujours protégé et aidé,
03:55 mais les Américains ont certainement dit aux Israéliens qu'il est temps de calmer le jeu.
04:01 Et d'ailleurs, il y a une phrase sibylline employée de nouveau,
04:05 alors que ça semble tout à fait chimérique, par le président américain dans son avion,
04:10 sur la voie du retour aux États-Unis hier.
04:13 Biden dit que maintenant, il faut à tout prix qu'Israël fasse en sorte
04:17 de raviver la solution des deux États.
04:20 Peut-être que ça ne le sera pas.
04:22 Pourquoi cette phrase, Elias Sambar, vous paraît-elle curieuse dans ce contexte-là ?
04:30 Elle n'est pas curieuse, elle me rappelle une petite phrase
04:33 que le ministre des Affaires étrangères, le secrétaire d'État des États-Unis,
04:37 n'a cessé d'ajouter systématiquement à toutes ses déclarations d'appui absolue à Israël,
04:45 ça se terminait toujours par cette petite phrase, également anodine,
04:50 il faudra penser à des mesures, à des sacrifices, à des décisions, pardon.
04:57 Il faudra penser à des décisions difficiles.
05:00 Quelles sont les décisions difficiles, quand vous venez dire à un État
05:04 que vous l'appuierez jusqu'au bout ?
05:06 C'est que vous allez lui demander quelque chose en contrepartie.
05:08 Joe Biden a aussi demandé de la clarté dans les objectifs de la guerre à Israël,
05:13 est-ce qu'il y a aussi une manière d'essayer de modérer le gouvernement israélien
05:19 dans sa poursuite du conflit ?
05:22 Je pense que les Américains ont les yeux sur la région.
05:26 Vous savez, la question de l'embrasement, le terme qu'utilise Libération ce matin,
05:32 c'est un enlisement.
05:33 Les Américains sont extrêmement inquiets que la détérioration de la situation
05:40 les amène à intervenir et que dans ce cas ils s'enlisent,
05:43 qu'il y ait une forme de nouvelle crise afghane dans la région.
05:47 Et vous le savez par exemple à quel point déjà, sans attendre la suite,
05:53 un certain nombre d'États arabes qui avaient décidé de se rapprocher d'Israël
05:57 sont maintenant soit sous la pression de leurs opinions,
06:01 je n'ai jamais pensé qu'il y aurait un million de manifestants arabes
06:06 pour dire qu'il est temps de changer de politique
06:10 et d'arrêter de se rapprocher d'Israël.
06:12 La question de la normalisation a été frappée également par ces crises.
06:15 Les Américains qui pensaient être en train de monter une architecture nouvelle,
06:20 qui permettent une solution de la question,
06:23 non pas sans les Palestiniens,
06:24 mais en demandant aux Palestiniens d'accepter beaucoup moins
06:26 que le minimum qu'ils demandaient, c'était cela la situation.
06:31 De voler en éclat l'éloignement saoudien à cause de cette guerre.
06:38 Les Saoudiens reprennent un discours très très ferme.
06:41 Voilà le tournant et c'est peut-être aussi ce qui était souhaité par le Hamas
06:47 lorsqu'il a mené cette offensive.
06:49 Stéphanie Latabdallah, l'autre information de cette nuit,
06:52 ce sont de plus en plus de manifestations qui montent en Cisjordanie
06:58 contre Mahmoud Abbas qui préside l'autorité palestinienne,
07:00 peut-être quelques mots pour nous rappeler ce qu'est cette autorité palestinienne
07:05 et votre regard sur ce qui est en train de se dérouler en Cisjordanie.
07:09 Oui, je pense que ça a un lien un peu avec ce qu'on vient de dire,
07:13 c'est-à-dire que lorsque Elias Sambar disait qu'il n'y aurait sans doute pas
07:20 d'incursion terrestre, d'opération terrestre,
07:23 je pense que c'est aussi à mettre en lien,
07:26 pas seulement avec la pression de Biden éventuelle,
07:29 mais aussi avec, je crois, l'incapacité de l'armée israélienne
07:34 à conduire cette attaque, en fait,
07:36 et notamment en raison de ce qui se passe en Cisjordanie
07:40 et de ce qui peut se passer sur le front nord.
07:42 Donc je m'explique, je pense que de toute façon,
07:44 il faut énormément de militaires pour conduire une attaque
07:48 contre un groupe armé tel que le Hamas
07:51 qui est dans 500 kilomètres de souterrain, de tunnel.
07:56 Et il n'y a finalement que 170 000 militaires de carrière en fait en Israël,
08:02 avec des réservistes, il faut s'imaginer que pour conduire une guerre comme ça au sol
08:05 qui peut être extrêmement violente,
08:07 beaucoup plus difficile à conduire que bombarder par les airs,
08:10 qui est quand même une stratégie beaucoup moins coûteuse,
08:15 en tout cas pour les Israéliens, et terrible pour la population.
08:18 Donc ça suppose autre chose, ça suppose d'autres modes d'engagement.
08:21 Et au vu de ce qui se passe aujourd'hui,
08:24 notamment en Cisjordanie, mais également éventuellement sur le front nord,
08:28 je pense qu'il y a vraiment une crainte de l'armée
08:31 de ne pas pouvoir mener cette opération.
08:33 Donc pourquoi en Cisjordanie ?
08:36 Je reviens à votre question, donc effectivement il y a des manifestations
08:39 contre l'autorité palestinienne.
08:42 Bon, l'autorité palestinienne, elle est décriée depuis un moment maintenant,
08:46 ce n'est pas la première fois aujourd'hui.
08:49 - Très décriée, j'ai vu un sondage de juin 2023
08:52 qui montrait à quel point il y avait une percée du Hamas en Cisjordanie,
08:57 à quel point l'autorité palestinienne était perçue par les Palestiniens
09:02 comme étant corrompue, disqualifiée, bref...
09:06 - Oui, alors en fait, je ne dirais pas qu'il y a une percée du Hamas en Cisjordanie.
09:11 - C'était ce que disaient les chiffres.
09:12 - Oui, mais non, en fait ils ne disent pas tout à fait ça les chiffres,
09:15 quand on les regarde plus en détail.
09:17 Ce qu'ils disent, c'est qu'il y a un front d'opposition
09:20 à la politique de l'autorité palestinienne,
09:23 une politique de maintien d'une coopération sécuritaire
09:25 avec peu en face, très peu de gains politiques,
09:30 l'avancée de la colonisation sans frein,
09:34 sans protection pour les civils,
09:35 avec la multiplication des attaques de colons comme on l'a vu.
09:39 C'est devenu très très dangereux aujourd'hui de vivre en Cisjordanie
09:43 pour les Palestiniens, pour les villageois,
09:46 pour les gens, je dis les villages parce qu'ils sont plus isolés,
09:49 entourés de colonies, de circuler sur les routes.
09:52 Et donc il y a une sorte de front d'opposition à la politique d'autorité palestinienne.
09:57 Je voudrais juste quand même citer un tout petit peu.
09:59 Donc un front qui réunit politiquement, et je dis bien politiquement,
10:04 donc des branches du FATA qui sont opposées à la politique de Mahmoud Abbas,
10:12 un parti comme le Front populaire de libération de la Palestine
10:15 et le Hamas dans une union stratégique, tactique, politique.
10:18 Donc on va dire la gauche laïque pour présenter aux auteurs,
10:21 on va dire la gauche laïque et un parti religieux de cette manière là.
10:26 Est-ce que c'est présenté ?
10:27 Oui, et également il faut savoir qu'aujourd'hui l'autorité palestinienne telle qu'elle,
10:30 la politique menée par Mahmoud Abbas n'est défendue que par une fraction du FATA.
10:35 C'est-à-dire qu'il y a des fractions dissidentes du FATA
10:37 qui ne sont pas d'accord avec cette politique.
10:39 Elias Sambar, pourquoi aujourd'hui Mahmoud Abbas ne cède-t-il pas la main et le pouvoir ?
10:48 Vous savez, son pouvoir a été sapé systématiquement.
10:53 Nous sommes au résultat d'un processus.
10:56 Le pouvoir est déjà sapé.
10:59 Encore une fois, je vous le disais tout à l'heure,
11:01 ça fait 30 ans qu'il est le seul à dire qu'il croit en la solution des deux États,
11:06 qu'il croit en une paix possible et qu'il revient brunouilleux du fait
11:10 d'une part du sursissement permanent israélien
11:14 et d'autre part du fait que ça fait également 30 ans
11:17 que les Américains qui se sont présentés comme les parrains du processus
11:21 n'ont jamais fait pression sur la partie israélienne
11:24 pour arriver à une forme acceptable des deux côtés.
11:27 Donc il y a cela, mais il y a plus que cela.
11:30 Je voudrais vous dire par rapport à la situation en Belgique...
11:33 En quelques secondes, Elias Sambar, on se retrouve dans une vingtaine de minutes,
11:36 mais si vous pouvez conclure en quelques mots...
11:39 En quelques mots, je crois que...
11:41 Vous aurez d'autres mots tout à l'heure.
11:43 Tout à l'heure !
11:44 D'accord, très bien, tout à l'heure.
11:46 On se retrouve tout à l'heure, Elias Sambar.
11:49 Je rappelle que vous êtes en ce qui est un ambassadeur de la Palestine auprès de l'UNESCO,
11:52 homme de lettre, et puis on se retrouve également avec Stéphanie Lattab-Dalla,
11:56 historienne, politiste, spécialiste des territoires palestiniens au CNRS.
12:01 Tout de suite, nous retrouvons la glaciologue Heidi Sévestre.
12:12 Bonjour Heidi !
12:13 Bonjour Guillaume !
12:14 Nous partons avec vous en Antarctique sur les traces de votre toute première expédition dans les glaces australes.
12:20 Et oui Guillaume, en 2015, je partais pour la première fois sur le continent blanc.
12:24 Je terminais tout juste mon doctorat et voilà qu'on me propose d'accompagner une équipe de scientifiques gallois en Antarctique.
12:30 Un rêve !
12:31 Je rejoins l'équipe en Amérique du Sud pour partir ensuite sur la péninsule Antarctique.
12:36 La première vision du continent qu'on a, elle est irréelle.
12:39 C'est des montagnes à perte de vue, couvertes de glace comme on couvrirait un dessert de crème fouettée.
12:45 Après une semaine d'entraînement à la base anglaise de Rothera,
12:48 nous avons enfin le feu vert pour nous envoler vers notre objet d'étude, la barrière de glace du Larsen C,
12:54 un endroit clé pour mieux comprendre ce qui permet de stabiliser la calotte polaire antarctique.
12:59 On connaît la banquise qui flotte sur l'océan, la calotte polaire qui elle repose sur le continent,
13:04 mais alors c'est quoi exactement ces barrières de glace Heidi ?
13:07 Très bonne question Guillaume.
13:09 Sur le continent, la glace s'écoule naturellement en direction de la côte
13:13 et par endroit, elle se met à flotter et à s'étendre sur des dizaines voire des centaines de kilomètres.
13:19 Et cette glace, tant qu'elle est là, elle stabilise la glace continentale qui est coincée derrière elle.
13:24 Elle l'empêche en quelque sorte d'accélérer et de se jeter trop rapidement dans l'océan.
13:29 Les trois quarts des côtes de l'Antarctique sont connectés, sont stabilisés par ces barrières de glace.
13:34 Et en Antarctique, c'est vrai que de la glace qui veut se jeter dans l'océan, il y en a énormément,
13:39 assez pour augmenter le niveau des mers jusqu'à 58 mètres.
13:43 Si les barrières de glace s'effondrent, la montée des eaux partout sur Terre
13:47 pourrait très largement accélérer et dépasser les 1 mètre d'ici la fin du siècle.
13:50 Mais comment se passe donc cette première expédition polaire australe Heidi ?
13:54 Alors plutôt bien, pendant deux mois à camper sur la barrière de glace,
13:58 on essuie certes un petit paquet de tempêtes, mais surtout on récolte des données jamais vues auparavant.
14:03 A notre surprise, on réalise que la barrière de glace, à beau faire des centaines de mètres d'épaisseur,
14:08 elle est véritablement mitée, bouffée de toutes parts.
14:12 Elles fond par-dessous au contact d'un océan qui est trop chaud,
14:15 elles fond par-dessus aussi à cause des conditions atmosphériques.
14:19 Aujourd'hui, on sait que l'Antarctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète,
14:23 en grande partie à cause des activités humaines.
14:25 Mais l'Antarctique est un continent immense qui fait, alors si je ne me trompe pas,
14:29 25 fois à peu près la taille de la France. Que nous racontent les autres barrières de glace présentes sur le territoire ?
14:35 Alors une toute nouvelle étude menée par Ben Davison de l'Université de Leeds
14:39 a justement fait le bilan de santé des 161 autres barrières de glace en Antarctique en utilisant des images satellites.
14:46 Alors une bonne nouvelle pour une fois, la moitié des barrières de glace sont soit stables,
14:50 soit en train de grossir, ce qui nous montre quand même qu'il y a encore de l'espoir
14:54 si on réduit nos émissions de gaz à effet de serre au plus vite pour les maintenir.
14:58 Mais l'autre moitié des barrières de glace qui sont dans les régions les plus chaudes de l'Antarctique fondent énormément.
15:03 Certaines carrément s'effondrent. Et l'océan aujourd'hui est trop chaud pour que ces barrières millénaires
15:09 se reconstituent et continuent à assurer leur rôle de clé de voûte de l'Antarctique.
15:13 Alors ce qui se passe en Antarctique ne reste pas en Antarctique.
15:16 Tout comme les décisions prises en France n'impactent pas que la France.
15:20 Sauver les barrières de glace, lutter contre le changement climatique, c'est un sport collectif où chaque décision compte.
15:26 Que ce soit la construction d'une nouvelle autoroute ou la programmation d'un événement sportif mondial,
15:31 tout peut soit accélérer l'effondrement de l'Antarctique ou nous donner une chance d'un avenir meilleur.
15:38 La balle, elle est dans notre camp, à nous de faire les bons choix.
15:41 Merci beaucoup Heidi Sévestre pour ce biais qu'on retrouve bien sûr sur le site de France Culture sur l'appli Radio France.
15:47 On se retrouve dans quelques instants avec nos invités.
15:51 Il y a Sambar, ancien ambassadeur de la Palestine, Stéphanie Lattabdallah, historienne et politiste spécialiste des territoires palestiniens.
15:59 8 heures sur France Culture.
16:01 Et oui, de la politique palestinienne après l'explosion qui a touché avant-hier un hôpital à Gaza,
16:13 qui a suscité des scènes de colère dans le monde arabe et également des manifestations violentes pour certaines d'entre elles en Cisjordanie.
16:22 Nous sommes en compagnie de Stéphanie Lattabdallah, historienne, politiste, spécialiste des territoires israélo-palestiniens.
16:28 Et puis en duplex avec Elias Sambar.
16:30 Elias Sambar, vous êtes ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l'UNESCO, mais aussi homme de lettre.
16:36 On évoquait le destin d'Abu Mazen, de Mahmoud Abbas, le président de l'autorité palestinienne.
16:43 Car je rappelle qu'il y a deux territoires palestiniens.
16:46 Il y a la Cisjordanie et puis il y a Gaza.
16:50 L'autorité palestinienne est donc gouvernée par Mahmoud Abbas, lequel est aujourd'hui contesté par une partie de ses jeunes manifestants.
16:59 S'agit-il selon vous, Elias Sambar, d'une possibilité, par exemple, pour le Hamas de s'emparer des deux territoires ?
17:07 Pour vous répondre de façon très précise, je crois qu'avec cette crise, le Hamas vient de prendre le contrôle,
17:19 non pas physique, non pas matériel, mais le contrôle de la question palestinienne.
17:24 Aujourd'hui, c'est le Hamas qui apparaît comme le porte-drapeau de ce que des millions de Palestiniens
17:30 et des centaines de millions d'Arabes appellent la résistance palestinienne contre l'occupant.
17:35 Il y a eu un succès politique énorme avec cette crise, extrêmement coûteuse en vie humaine, très très dure.
17:42 Mais finalement, le Hamas va se retrouver comme étant l'interlocuteur,
17:47 car nous allons entrer maintenant dans une phase ou un deuxième temps de cette crise.
17:53 Dans ce deuxième temps, Israël est déjà aux portes d'une crise intérieure très importante
18:01 et les Palestiniens vont se retrouver à travers le Hamas en train de négocier l'après-crise.
18:09 C'est le Hamas qui sera l'interlocuteur, car je ne vois pas aujourd'hui quelle autre force palestinienne
18:14 pourrait imposer une décision à ce mouvement.
18:18 Mais Eliassan Barre, ça doit être terrible pour vous qui êtes un militant de la cause palestinienne, un militant laïc.
18:28 Vous avez plusieurs fois participé à des pourparlers de paix,
18:32 voire arrivé ce groupe terroriste en situation d'hégémonie intellectuelle sur le monde palestinien.
18:40 C'est très dur pour moi et je voudrais ajouter que je suis furieux contre ceux qui ont laissé faire ces situations.
18:47 Je suis furieux contre le fait que les États-Unis se sont contentés pendant 30 ans de regarder les négociations se faire sans jamais faire pression.
18:55 Je suis furieux contre ceux qui ont applaudi en pensant que les colons et sa société de la politique fondamentale
19:02 de Benyamin Netanyahou avant même qu'il ne fasse son gouvernement.
19:05 A savoir que les colons feraient le jeu jusqu'au bouddhisme qui rendrait la naissance des deux États absolument impossibles.
19:14 Bien sûr que ça me fait beaucoup. C'est une défaite.
19:18 C'est une défaite pour tous ceux qui pendant 30 ans n'ont cessé de répéter à l'infini qu'ils étaient pour les deux États,
19:25 que les deux États étaient une bonne chose et qui de façon cynique savaient que cette possibilité qui était bonne et juste était en train de couler, de se noyer.
19:34 Bien sûr que cela est très dur. Mais maintenant il faut faire avec ce qu'on voit, avec ce que la réalité vous met devant vous.
19:41 Nous avons une donnée nouvelle. Il y a un interlocuteur palestinien qui s'est imposé à nouveau.
19:48 Et qu'il soit présent ou pas en Cisjordanie. Vous parliez tout à l'heure des sondages.
19:53 C'est vrai. Mais c'est avec eux que ça va se négocier l'après-guerre.
19:57 On était environ à 60% de popularité du Hamas en Cisjordanie en juin 2023.
20:04 Je vous donne ma parole que même pendant les négociations de paix, je n'ai jamais cru à ces histoires de pourcentage.
20:12 Ça ne fonctionne pas comme cela. Ce qui vient de se passer et les réactions que vous voyez autour de la Palestine,
20:19 oubliez les Palestiniens, autour de la Palestine, dans tous les pays arabes et les pays musulmans également,
20:25 mais dans tous les pays arabes, les réactions que vous voyez sont la preuve tangible que le Hamas vient de se présenter
20:32 comme le porteur de la résistance palestinienne, comme celui qui porte l'étendard.
20:37 Ça, c'est la mauvaise nouvelle que vous évoquez aujourd'hui. Qu'est-ce que ça signifie Stéphanie ?
20:42 L'Attab Dalla, aujourd'hui, il y a ce mouvement terroriste, il y a une guerre, il y a une déclaration de Benjamin Netanyahou
20:49 qui souhaite en finir avec le Hamas, sans que l'on comprenne précisément d'ailleurs ce que ça signifie militairement.
20:55 Est-ce qu'on peut imaginer qu'à l'intérieur du Hamas, à l'extérieur du Hamas, il y ait une transformation de ce mouvement terroriste
21:04 en un mouvement politique plus tard ? Ou bien est-ce qu'il faut abandonner cette région à une scène désespérante
21:12 telle que celle à laquelle on assiste aujourd'hui ?
21:15 Écoutez, déjà, il y a plusieurs points. C'est-à-dire que vous rappelez les sondages, mais je ne pense pas qu'il y ait une hégémonie intellectuelle sur le Hamas.
21:23 Il y a sans doute un élan parce qu'il représente en tout cas la capacité à être justement un interlocuteur.
21:31 Et en fait, il semble que les politiques menées par l'État israélien, par les autorités israéliennes depuis au moins 20 ans
21:38 ont tendu tout d'abord à finalement le renforcer, c'est-à-dire en ne donnant aucun gain politique à l'autorité palestinienne
21:47 qui n'a cessé effectivement de vouloir négocier, de faire appel aux instances internationales, etc.
21:56 Il y a eu une volonté de maintenir le Hamas. Parce que maintenir le Hamas, c'était une possibilité de dire
22:03 d'une part les palestiniens sont divisés, on n'a pas d'interlocuteur avec qui faire la paix, et de discréditer l'autorité palestinienne.
22:13 Alors, quand bien même, ça n'a jamais été la politique israélienne depuis la seconde Netifada de vouloir régler ce conflit.
22:22 Depuis la seconde Netifada, il s'agit de gérer un conflit à basse intensité, on voit le résultat, échec,
22:29 avec un certain nombre de dispositifs qui ont été mis en place, et avec l'idée qui s'est affirmée petit à petit
22:37 avec les gouvernements Netanyahou d'annexer la Cisjordanie, et donc de gérer un espace dans lequel se trouve une population
22:46 qui n'est pas citoyenne d'Israël. Donc à partir de là, si vous voulez, moi je veux bien qu'on parle des sondages,
22:55 quand on regarde véritablement les sondages, c'est-à-dire au-delà de l'opinion, c'est-à-dire l'opinion qui va aller sur l'idée de
23:02 "oui, le Hamas est capable de rétablir un rapport de force". En fait, il y a beaucoup de gens qui disaient, moi j'y étais en juin,
23:08 qui disaient "mais en fait le droit international, ça ne sert à rien, parce que le droit international, sans la force,
23:13 personne n'est capable de l'opérationnaliser". Mais quand on regarde véritablement les sondages, on se rend compte...
23:18 - Mais aujourd'hui, vous voyez la situation, Stéphanie, la table d'Alain est...
23:20 - C'est juste un mot, c'est-à-dire que par exemple, si on regarde les sondages concernant l'élection présidentielle,
23:23 des sondages qui sont depuis 5 ans, c'est-à-dire avec une périodicité, on se rend compte que celui qui serait vainqueur de toute élection présidentielle,
23:31 quelle que soit la personne en face, et un membre du Hamas comme Ismail Haniye par exemple, c'est Marwan Barghouti qui est emprisonné,
23:39 et Marwan Barghouti qui est membre du FATA. Donc moi je pense qu'il faut relativiser cette idée, d'une part, et se poser la question de
23:46 pourquoi les gens aujourd'hui ont un enthousiasme vis-à-vis du Hamas, pourquoi ? Parce qu'il est seul capable de rétablir un rapport de force,
23:54 qui est le seul moyen qui... Aujourd'hui, en fait.
23:58 - Mais alors, dans ces conditions, il y a 100 bars, un rapport de force, pour quoi faire ? Puisque on voit bien que l'initiative du Hamas,
24:08 la manière dont celui-ci s'en est pris à des civils, la manière dont celui-ci a terrorisé des kiboutzniks, c'est-à-dire autrement dit,
24:18 la partie, j'allais dire, la plus favorable à la paix en Israël, ceux avec qui vous avez dialogué, vous avez cessé de dialoguer il y a 100 bars,
24:29 maintenant que cela a été fait, qu'est-ce que l'on peut encore espérer ?
24:34 - On peut toujours espérer, il faut continuer à espérer, sinon on démissionne et on rentre à la maison.
24:41 Bien sûr qu'il faut continuer à espérer, et à espérer non pas dans... Le terme de paix est un terme très beau, très sympathique,
24:48 mais moi je pense que ce à quoi il faut travailler, c'est à une réconciliation. C'est beaucoup plus solide qu'une paix conclue uniquement dans des traités
24:58 et qui peut ne pas tenir. Elle est nécessaire, c'est une étape par laquelle il faut passer, mais au bout du compte, le conflit ne sera réglé
25:05 que quand la réconciliation, c'est-à-dire la paix des cœurs, non pas la paix des institutions, sera là.
25:12 - Je pourrais vous dire que là on est sur... Je vous laisse continuer.
25:16 - Voilà, ça c'est l'espérance. Aujourd'hui on est face au second acte, si vous voulez, d'une pièce.
25:25 Il y a trois scènes dans la pièce. Nous allons être face, simultanément, à la scène israélienne avec, je pense, une crise jamais vue depuis qu'Israël existe.
25:35 Une crise interne qui va reposer toutes les questions et qui ne se soldera pas, comme ça s'est fait en 1973 par le départ de Golda Meir,
25:43 qui était Premier ministre à l'époque. Ça se soldera par des divisions beaucoup plus profondes dans la société.
25:51 Une deuxième scène dans laquelle se joue le nouveau leadership palestinien.
25:56 Une troisième scène, on n'en a pas beaucoup parlé, mais elle est omniprésente.
26:00 Que devient l'architecture américaine dans la réorganisation de toute cette région,
26:08 notamment qu'avec l'émergence du Hamas, vous pouvez être sûr que l'Iran s'est replacé de façon extrêmement avantageuse sur l'échiquier.
26:17 Les Iraniens sont aujourd'hui ceux qui ont poussé les Américains à envoyer les porte-avions.
26:22 Ce n'est pas la force militaire du Hamas, c'est le fait que l'Iran, à travers des groupes, notamment au Liban et en Syrie,
26:28 pouvait entrer dans la bataille et donc pousser les Américains non plus seulement à essayer de gérer,
26:35 mais à envoyer des troupes au sol, eux également. Et donc, il y a un risque d'embourbement dans la région, à l'Afghan.
26:44 Donc, nous sommes face à ces trois scènes et elles s'ouvrent. Nous sommes dans le deuxième acte.
26:49 Les bombardements vont probablement continuer parce que ceux qui bombardent ne veulent pas paraître comme ayant cédé ou ayant perdu un peu ce bras de fer.
26:58 Mais je pense qu'il y aura moins d'intensité. Je pense également que l'arrivée des vifres va beaucoup compliquer,
27:07 non seulement la question de la gestion de l'après-bombardement, cette dévastation terrifiante.
27:15 Et on oublie que nous avons depuis plusieurs jours, nous avons 100 enfants morts par jour. 100 par jour.
27:22 Je ne sais pas si ça signifie quelque chose pour ceux qui se contentent de parler terrorisme, pas terrorisme,
27:28 d'essayer de trouver des définitions adéquates, pas adéquates. Nous avons 100 enfants tués tous les jours,
27:33 sans parler des femmes, des vieux, ainsi de suite. Donc, il y a là une crise énorme. Elle va être gérée.
27:39 Ça va compliquer la tâche des bombardiers et des lanceurs de charge à partir du ciel.
27:47 Ça va compliquer et ça a déjà compliqué la possibilité d'une offensive terrestre.
27:51 Mais le problème est là. Le problème est là. Il va falloir le gérer. Et ça, ça ne peut pas être une chose facile.
27:57 Donc, nous sommes entrés dans une deuxième phase avec trois scènes. Trois scènes conjointes.
28:03 - On a entendu votre hypothèse d'une deuxième phase de la guerre, Stéphanie Latabdala. Dans ce contexte,
28:10 qu'est-ce que l'on peut imaginer ? Une deuxième phase, pourquoi faire ? Est-ce que l'on peut imaginer ?
28:16 Il y a des mots, donc paix, réconciliation, mais il y a aussi une géographie.
28:19 Et cette géographie, jusqu'à présent dans la région, c'est elle qui s'oppose à la paix.
28:24 - C'est-à-dire ? - C'est-à-dire qu'il y a deux territoires.
28:28 Ces deux territoires, pour la Cisjordanie, sont en proie à une colonisation.
28:33 Cette colonisation, rien n'indique qu'elle soit conduite à s'arrêter.
28:37 Au contraire, Gaza, c'est un territoire qui est aujourd'hui en partie détruit, surpeuplé,
28:43 avec une situation humanitaire qui s'aggrave.
28:46 Qu'est-ce que l'on peut imaginer dans ce contexte-là, qui puisse donc permettre
28:51 ou bien une sortie de crise ou bien une évolution ?
28:54 - Là, tout de suite, c'est difficile d'imaginer.
28:57 La question qu'on peut se poser, c'est effectivement, quels sont les buts poursuivis aujourd'hui par Israël
29:04 en bombardant les civils ?
29:06 En fait, l'applique ce qui a été appelé la doctrine d'Ahiye, qui vient de la banlieue sud de Beyrouth,
29:12 qui est de pylonner sciemment les infrastructures civiles.
29:16 On voit qu'il y a un million de déplacés, plus de 3 000 morts,
29:19 des civils et beaucoup d'enfants, comme le rappelait Elias Sambar.
29:22 Donc, en fait, il faut s'imaginer que pour la population gazaouie,
29:25 les mots qui sont employés, c'est une nouvelle Nakba,
29:28 avec ce déplacement de plus d'un million de personnes, donc vers le sud,
29:31 et les gens craignent de devoir aller plus loin, en Égypte.
29:34 Et les gens parlent de nettoyage ethnique, ils parlent de génocide.
29:37 Je vous dis bien ce que les gens parlent, ils ont vraiment l'impression qu'ils sont visés
29:40 en tant que population civile, en tant que peuple.
29:43 Donc, en fait, on se demande effectivement quels sont les objectifs israéliens dans ce contexte.
29:49 Et c'est vrai que la politique de Netanyahou, depuis des années,
29:53 a toujours été une politique tacticienne et sans profondeur politique.
29:58 C'est-à-dire qu'il ne veut pas régler les questions politiques,
30:01 il ne veut que régler des affaires tactiques au moment.
30:04 Donc là, il s'agissait de rétablir la peur, en fait, de rétablir cette idée.
30:09 Parce que finalement, la manière dont ces combattants se sont infiltrés en Israël, sont sortis,
30:15 il y a eu cette idée que finalement, tout cet enfermement gazaoui
30:19 et cette puissance militaire israélienne était mise en échec.
30:22 Donc en fait, l'enjeu, là, il est immédiat, et c'est ça.
30:27 Après, ce qu'on peut imaginer, comme le disait Elia Sambar,
30:31 je pense qu'effectivement, tout le monde est là, on ne parle pas avec des terroristes, etc.
30:37 Le Hamas est l'interlocuteur d'Israël depuis des années déjà.
30:40 Pourquoi ? Parce que...
30:42 - Il pourrait cesser de l'être aussi, dès lors qu'il y a eu le 7 octobre, cela pourrait signifier une fin...
30:47 - Oui, mais il y a des otages, ça aussi, ça gêne l'opération terrestre, en fait.
30:53 Que faire de ces otages ?
30:55 Je veux dire, en Israël, il y a une population civile qui veut voir revenir les siens,
31:00 qui veut que ces gens rentrent.
31:02 Donc, comment vous faites ?
31:04 Il y a des négociations en cours, là, aujourd'hui, par rapport à pouvoir faire sortir ces otages,
31:09 en les échangeant contre des femmes emprisonnées en Israël,
31:11 contre des enfants, des mineurs emprisonnés en Israël.
31:13 Et ça, ça accourt.
31:15 Donc, de toute façon, pour l'instant, il y a une dimension transactionnelle avec le Hamas, déjà.
31:22 - Elia Sambar, j'ai entendu tout à l'heure vos mots sur les enfants qui meurent à Gaza,
31:28 sur le fait qu'ils étaient sans objet de s'interroger ou de qualifier de tel ou tel mot,
31:35 d'utiliser le mot terrorisme, quand de l'autre côté, il y avait des enfants qui mouraient.
31:39 Mais j'ai quand même une question à vous poser.
31:42 Dans quelle mesure, ce qui a été fait par le Hamas peut aider le peuple palestinien ?
31:47 Quelle est cette stratégie ? Cette stratégie qui n'est pas, vous évoquiez la guerre du Kippour,
31:52 où il n'y a pas eu de mort civile en Israël.
31:55 Il y a eu des morts militaires, mais on n'a pas touché aux femmes, aux enfants.
31:59 Comment imaginer cette inflexion dans les actes perpétrés par certains ?
32:05 Et surtout, quelle utilité pour les Palestiniens ?
32:08 - Ma seule envie, c'est de vous renvoyer la question en changeant deux mots dans votre question.
32:16 Dans quelle mesure une politique aveugle et imbécile menée par le pouvoir israélien depuis quelques décennies
32:24 a-t-elle aidé les Israéliens ? C'est la même question.
32:28 Il faut poser les deux questions en même temps.
32:30 Et l'une a provoqué la possibilité de l'autre.
32:33 - Il ne faut pas que la symétrie empêche de penser.
32:36 C'est-à-dire que j'entends bien ce que vous dites.
32:39 - Je ne fais aucune symétrie. Je compare deux politiques. Je ne fais pas de symétrie.
32:44 L'occupé est occupé, l'occupant est occupant et ça change tout.
32:47 Je ne fais pas de symétrie. Nous sommes face à face. Nous ne sommes pas dos à dos.
32:51 - Laissez-moi continuer. Il est très important aujourd'hui de se poser la question.
32:57 Je ne méprise pas les qualificatifs juridiques. Je pense que le droit de la guerre est le droit de la guerre.
33:03 Je pense que les conventions de Genève doivent être appliquées.
33:06 Je pense que quand il y a crime de guerre, c'est crime de guerre. Ce n'est pas futile pour moi.
33:11 Je vous dis aujourd'hui, l'urgence n'est pas là, n'est pas dans ce débat.
33:15 Ce débat est essentiel, il faut qu'il soit là.
33:17 Mais l'urgence aujourd'hui, c'est que vous êtes face à trois scènes en crise.
33:21 Une scène régionale extrêmement volatile, une scène palestinienne nouvelle, une scène israélienne en crise.
33:29 C'est à cela que nous devons penser. Et je pense qu'il y a une voie sortie.
33:32 Vous me disiez, je parlais d'espérance tout à l'heure, mais mon propos tout à l'heure sur la réconciliation peut sembler un peu idyllique.
33:39 C'est possible. Mais moi je parle aujourd'hui, je vous réponds aujourd'hui, ce matin à l'antenne.
33:44 Il y a une solution qui pourrait être quasiment miraculeuse.
33:49 Il suffit que les États-Unis n'utilisent pas leur droit de veto à la demande des Palestiniens de devenir membre à part entière de l'ONU.
34:03 Il ne faudrait pas qu'ils votent. Il suffit qu'ils n'utilisent pas le droit de veto au sein du Conseil de sécurité.
34:10 La reconnaissance de la Palestine viendrait et ferait que désormais il y a un interlocuteur de plein droit qui est membre de l'organisation des États-Unis.
34:19 Donc ça c'est l'option que vous donnez.
34:22 Et Elia Sanbar, j'aimerais juste vous poser une question parce que malheureusement le temps tourne.
34:27 Vous êtes une grande voix palestinienne. Vous avez participé à de nombreuses négociations de paix avec Israël.
34:34 Est-ce qu'aujourd'hui un homme comme vous a la possibilité de parler avec le Hamas et de jouer un rôle politique puisque les acteurs raisonnables sont disqualifiés ?
34:43 Abou Mazen est très marginalisé.
34:46 Je vais vous répondre très simplement.
34:48 Moi, je suis un enfant de 48 qui a été embarqué dans un camion avec sa mère pour être rejeté à la frontière libanaise.
34:55 Et c'est comme ça que j'ai grandi, moi, en exil.
34:58 Et est-ce que vous vous êtes posé la question de ce que je ressentais le jour où j'étais à Madrid et où je me retrouvais à la table des négociations face aux artisans de mon malheur ?
35:09 Vous pensiez à vos parents probablement.
35:11 Non, je me suis fait violence.
35:14 Et parce que je voulais qu'il y ait une solution.
35:17 Et aujourd'hui il va falloir se faire violence.
35:20 Qu'on aime ou qu'on n'aime pas le Hamas, ça n'est plus la question.
35:23 Vous avez une scène avec des acteurs sur le terrain.
35:27 Mais ce n'était pas la question que je vous posais.
35:29 Est-ce que vous, Elias Sambar, pouvez appeler Ismaël Hanieh ?
35:33 Est-ce que vous pouvez parler avec le Hamas ?
35:35 J'avais mis la morale entre parenthèses pour ne vous poser qu'une question politique, Elias Sambar.
35:42 Mais est-ce que vous croyez que les officiers israéliens qui étaient face à nous à la table des négociations à Washington…
35:47 Oubliez Israël à l'instant. Répondez-moi sur la Palestine.
35:51 En tout cas, il y a des membres du FATA qui peuvent le faire.
35:55 Je n'ai pas le choix. Ce n'est pas une question de sympathie ou de bien-être.
36:00 Je n'ai pas le choix. Je peux rentrer à la maison en disant « voilà, ça ne me colle pas du tout avec ce que je ressens. »
36:07 Je me fais violence, mais je peux me poser la question.
36:10 Je pense que si je suis vraiment sincère, pour qu'il y ait une solution, que la peine, la souffrance s'arrêtent,
36:16 il va falloir que j'avale… Personne ne me l'a proposé, bien sûr.
36:20 Mais si on me le propose, il va falloir que j'avale cette couleuvre.
36:24 J'ai avalé cette couleuvre pendant toutes les années des négociations, tous les jours.
36:28 Et j'en suis… Bon, ça n'est pas le lieu pour le dire. J'en suis revenu physiquement malade.
36:33 C'est le problème. La paix, c'est une entreprise qui consiste à vous faire vous-même violence.
36:41 Dans la guerre, vous faites violence au camp qui est en face de vous. Dans la paix, vous faites violence.
36:45 C'est infiniment moins doux la paix qu'on ne pense. C'est tout aussi violent que la guerre.
36:51 On comprend ce que vous dites. Un mot de conclusion, s'il vous plaît.
36:55 Juste deux points. Si vous voulez qu'il y ait un avenir, il y a deux choses.
36:58 Il faut incesser le feu, il faut que la communauté internationale joue son rôle.
37:01 Sinon, elle portera aussi la responsabilité de ce qu'il se passe.
37:06 Et la question que vous posez à Elias Samba, en tout cas, ça lui dit répondre,
37:11 mais moi je peux vous dire qu'il y a des membres du FATA qui peuvent tout à fait parler au Hamas.
37:15 Qui, en dehors de Bargouti, est-ce que Bargouti est en prison et malade ?
37:18 Oui, enfin en prison, vous savez, il y a des membres du Hamas et ils discutent aussi ensemble.
37:22 C'est une possibilité. Oui, Marmone Bargouti et d'autres.
37:26 On me dit qu'il est très malade.
37:28 Oui, mais peu importe. Il n'est pas seul, en fait. Il y a d'autres gens qui partagent son point de vue.
37:32 C'est pour ça que je vous demande des noms, ces familles Latab Dalla.
37:34 Mais l'enjeu, lui, c'est la mouvance qu'il porte, par exemple.
37:40 Mais voilà, en même temps, si la communauté internationale ne s'engage pas sur un cesser le feu,
37:45 l'avenir, effectivement, est très très sombre. Et ça doit être immédiat, ce cesser le feu.
37:50 Stéphanie Latab Dalla, historienne et politiste, spécialiste des territoires palestiniens au CNRS.
37:56 Elias Sambar, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l'UNESCO.
38:00 Et homme de lettre, merci de nous avoir accompagnés ce matin.

Recommandations