Attaque du Hamas : l’onde de choc chez les Juifs de France

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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 12 Octobre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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00:00 * Extrait *
00:06 C'est probablement l'un des acronymes qui fait le plus fantasmé en France.
00:09 Le CRIF, Conseil représentatif des institutions juives de France, un sigle.
00:14 Une organisation qui est devenue ces derniers temps un enjeu au sein du débat politique.
00:18 Accusée par exemple de faire le jeu de l'extrême droite, de diviser les français parmi d'autres critiques.
00:23 Alors, pour sortir de ces fantasmes, par les temps qui courent, avec l'onde de choc du conflit proche oriental sur la communauté juive,
00:32 je me suis dit que le mieux, le plus judicieux, était de vous inviter.
00:35 Yannatan Arfi, bonjour.
00:37 Bonjour.
00:37 Vous êtes le président du CRIF, vous avez été nouvellement élu, puisque vous l'avez été en 2022.
00:43 Et j'aimerais tout d'abord votre réaction à ces prénoms qui sont par exemple en une du parisien,
00:51 Dan, Valentin, Céline, Etan, autrement dit les 11 français qui ont été tués en Israël.
00:58 Et puis, semble-t-il, on parle de 18 otages.
01:02 Aujourd'hui, votre réaction ?
01:05 Ma réaction, c'est d'abord d'avoir une boule au ventre depuis qu'on a appris qu'il y avait des otages.
01:11 Il faut comprendre que pour le monde juif, il y a toujours une vocation à cultiver le nom, le destin, le visage des victimes.
01:21 Et vous verrez que dans les jours et les semaines à venir, le nom et les visages des victimes seront inlassablement partagés, diffusés,
01:28 parce que c'est au cœur de la manière dont le judaïsme, philosophiquement, regarde ces questions-là.
01:35 Alors pour moi, bien sûr, en voyant ces prénoms, en voyant ces visages de français otages du Hamas ou morts dans ces attaques,
01:42 il y a une identification qui joue à plein, je l'assume, mais en fait, je pense qu'elle peut jouer à plein pour l'ensemble des français,
01:49 parce qu'ils ont été victimes du terrorisme comme nous l'avons été en France avec le 13 novembre.
01:53 Est-ce que vous avez des informations sur les otages, Yonatan Arfi ?
01:58 J'ai eu hier un échange extrêmement difficile avec la famille du petit Ettan, 12 ans, qui a été enlevée seule par le Hamas,
02:10 et qui m'a dit combien elle attendait que la France puisse se mobiliser,
02:14 elle attendait que la France joue son rôle pleinement, comme elle l'a toujours fait pour l'ensemble des otages français dans le monde.
02:21 Ce sont des moments et des conversations extrêmement difficiles, évidemment, pour ses familles, et pour nous, bien sûr, aussi.
02:29 Je n'ai pas d'informations sur l'ensemble, évidemment, des franco-israéliens qui sont aujourd'hui retenus par le Hamas.
02:36 Les informations arrivent au compte-gouttes. Il y a une vraie confusion encore aujourd'hui en Israël,
02:40 mais j'imagine que dans les jours à venir, nous en saurons plus.
02:43 Cela montre aussi qu'Israël est une mosaïque constituée de personnes issues de différentes nationalités, Yonatan Arfi.
02:51 Oui, Israël, c'est un peu un pays-monde.
02:54 Il y a dans l'histoire d'Israël, vous le savez en filigrane, l'histoire du peuple juif et donc l'histoire de la diaspora, de la dispersion des juifs dans le monde.
03:04 A la création de l'État d'Israël en 1948, et d'ailleurs déjà bien avant, a commencé une vague d'alias, de retour en Israël pour des juifs du monde entier.
03:15 Et se retrouve aujourd'hui dans la société israélienne, au fond, le reflet de ces mouvements-là.
03:21 Donc, vous avez des Israéliens de toute origine, dont un certain nombre ont la nationalité aussi des pays d'origine.
03:26 Il y a en Israël, on l'estime aujourd'hui, à peu près 200 000 Français.
03:30 Mais alors, l'une des critiques adressées aux Juifs, aux Juifs de France, mais aux Juifs du monde entier depuis la création d'Israël, Yonatan Arfi, c'est la double allégeance.
03:40 Pour vous, qu'est-ce que ça signifie ? Comment pouvez-vous conjuguer, par exemple, un attachement à Israël et le fait d'être Français ?
03:48 D'abord, je m'étonne toujours que ce soit une question qu'on adresse que sur la double nationalité franco-israélienne, pour ceux qui sont franco-israéliens,
03:56 ou aux Juifs français, pour ceux qui n'ont pas la nationalité israélienne simplement.
04:00 Ça a été fait avec d'autres nationalités, assyriennes par exemple.
04:04 Oui, ça peut arriver, mais c'est une constante historique.
04:07 L'accusation de double allégeance, c'est une manière de renvoyer le Juif à une forme d'inaltérable altérité,
04:17 qui voudrait dire qu'au fond, nous serions toujours étrangers, fondamentalement.
04:22 C'est, dans l'histoire de l'antisémitisme, une accusation au bout de laquelle on n'est jamais arrivé.
04:28 Très concrètement, je vais vous dire comment moi je vis les choses.
04:33 J'ai toujours vécu mon identité juive et française de manière extrêmement harmonieuse.
04:37 Je n'ai jamais vu de contradiction entre les aspirations profondes portées par mon identité juive et celles liées à ma citoyenneté française.
04:49 Et il en est même pour l'attachement à l'État d'Israël, qui aujourd'hui est une des composantes de l'identité juive.
04:55 C'est quelque chose qui n'est pas forcément évident à saisir, mais Israël est aujourd'hui un point central dans le monde juif.
05:03 Il y a des communautés juives importantes aux États-Unis aussi.
05:07 La France est la deuxième communauté mondiale après les États-Unis, donc en dehors de l'État d'Israël.
05:12 Donc il y a une place particulière pour Israël dans l'identité juive.
05:16 Et nous nous construisons aussi avec cet attachement là.
05:18 Jonathan Arfi, dans l'actualité tragique de ces jours-ci, il y a bien sûr les massacres
05:24 perpétrés par les terroristes en Israël.
05:26 Et puis, il y a aussi aujourd'hui les morts de Gaza.
05:31 Comment le CRIF que vous présidez se situe-t-il par rapport à ces morts-là ?
05:36 Sachant, j'imagine, qu'un mort, qu'une vie en vaut un autre.
05:41 Bien sûr, une vie vaut toujours une vie, quelle que soit la personne, quels que soient les lieux,
05:46 quelles que soient évidemment les circonstances.
05:50 Ça, c'est quelque chose qu'il est évidemment important de toujours rappeler.
05:57 Ce qui est important aussi, c'est d'inscrire peut-être cette question-là dans le contexte
06:01 dans lequel elle est posée, qui est celle de la réponse à une attaque terroriste sans précédent,
06:07 qui pour le monde juif a une résonance particulière compte tenu des images
06:11 et des scènes qui ont été rappelées de massacres.
06:13 Et de se dire, au fond, quelle est la manière morale de répondre pour une armée
06:19 à une attaque de ce type-là ?
06:21 C'est une question qui n'est pas nouvelle dans l'histoire.
06:23 Elle s'est posée pour toutes les démocraties confrontées à ce type de situation.
06:26 Elle s'est posée, au fond, pour la France après le 13 novembre,
06:30 pour les États-Unis après le 11 septembre.
06:31 Elle se pose aujourd'hui pour Israël.
06:33 Je n'ai pas de raison de penser que les Israéliens répondent différemment
06:37 de la manière dont la France ou les États-Unis ont répondu,
06:40 parce que ce sont des démocraties, donc elles portent en elles à la fois
06:44 la volonté et le besoin de réponse, mais en même temps la question qui va avec, nécessairement.
06:48 Mais alors le blocus de Gaza, par exemple, le fait de priver de nourriture, d'électricité, d'eau,
06:54 une population civile, c'est quelque chose de condamné par l'ONU,
06:58 et c'est pourtant quelque chose qui est aujourd'hui en cours à Gaza.
07:02 Votre point de vue là-dessus, Yannick Tanarfi ?
07:05 Si votre question, c'est de savoir est-ce que je condamne les blocus de population en général,
07:09 par principe ? - C'est ma question.
07:11 Bien sûr que les blocus, par principe, sont toujours condamnables
07:14 et qu'on est toujours du côté des populations civiles.
07:17 Ça va de soi.
07:19 Là encore, la question qui se pose, c'est
07:22 est-il légitime pour éradiquer une organisation terroriste
07:27 de devoir, à un moment donné,
07:31 pratiquer telle ou telle opération ? - Pourquoi frapper les civils ?
07:35 Vous présupposez, dans votre question, qu'il y aurait une volonté de frapper les civils ?
07:39 Dans un blocus, il y a en tout cas une volonté de frapper indistinctement une population.
07:45 Alors, je ne suis pas expert militaire, j'imagine que les Israéliens se posent la question de
07:50 la nécessité de chacun des gestes qu'ils décident de faire, bien sûr.
07:54 Je ne peux pas répondre à leur place, mais dans une circonstance comme celle-là,
07:59 sans doute est-il nécessaire, à un moment donné, de circonstruire la zone
08:03 pour éviter d'abord les infiltrations de terroristes du Hamas qui se poursuivent
08:07 et pour permettre demain de libérer aussi la bande de Gaza du Hamas.
08:12 - Mais est-ce que vous pourriez par exemple demander un corridor humanitaire
08:15 qui permettrait de distinguer les civils des belligérants ?
08:20 - Vous savez, j'ai entendu hier soir que se discutait en ce moment entre l'Égypte,
08:26 Israël et les États-Unis l'idée que des civils puissent se réfugier côté égyptien.
08:31 Je rappelle toujours que la bande de Gaza a deux frontières, une avec Israël,
08:34 mais une avec l'Égypte, et que la question du blocus, bizarrement,
08:36 on ne l'adresse qu'à Israël, mais pas à l'Égypte.
08:39 Cela étant dit, je suis soulagé, évidemment, que des solutions puissent être trouvées
08:43 pour les civils, pour qu'ils puissent se réfugier dans les écoles de l'ONU,
08:46 demain peut-être en territoire égyptien à côté,
08:49 pour qu'il y ait le minimum de victimes civiles, bien sûr.
08:53 Je crois qu'il n'y a rien qui permette de présupposer qu'Israël réagirait différemment
08:59 d'une autre démocratie sur cette question.
09:00 - Au-delà de cet épisode terrible, on ne sait pas combien de temps il va durer,
09:05 mais votre idée, votre rêve pour la région, quel serait-il, Yonatan Arfi ?
09:10 Est-ce que vous imaginez qu'il y ait la possibilité pour les Juifs et les Palestiniens de coexister ?
09:18 Est-ce qu'il faut un seul État, deux États ?
09:19 Bref, quel est votre plan ?
09:22 Et au-delà de votre voix, l'idée du CRIF par rapport à ça ?
09:25 - Monsieur, alors, je suis...
09:28 Ce n'est pas que j'espère, c'est que je sais que ça ne finira pas arriver.
09:31 Il y aura un moment où viendra...
09:33 - Vous vous optimisez car tout semble démentir aujourd'hui cette espérance.
09:36 - Bien sûr.
09:38 Les temps que nous voyons aujourd'hui ne permettent pas de le voir survenir à court terme,
09:42 mais cela finira par arriver.
09:45 Il me semble que, d'une certaine manière, c'est aussi le sens de l'histoire.
09:49 Il y a des accords de normalisation d'Israël avec beaucoup de pays arabes
09:52 qui nous paraissaient inimaginables il y a un certain nombre d'années.
09:56 Avec les Palestiniens, les choses aussi finiront un jour par s'apaiser,
10:00 et j'en serai évidemment heureux.
10:03 La question que vous posez, c'est quelle est la solution qui sera trouvée ?
10:07 C'est une question "technique" qui appartient aux parties prenantes.
10:11 Nous avons soutenu en tant que CRIF tous les processus de paix,
10:16 quelles que soient les modalités de discussion, quel que soit le choix des parties prenantes.
10:19 - Mais est-ce que vous pensez par exemple qu'il faut un pays aux Palestiniens,
10:22 qu'il faut un État palestinien ?
10:25 - Aux Israéliens, aux Palestiniens, de décider des modalités.
10:27 Quand ils étaient sur l'option de deux États,
10:28 évidemment, on a soutenu l'option des deux États, ça va de soi très explicitement.
10:33 J'ai déjà eu l'occasion de me rendre à Ramallah, il y a un certain nombre d'années,
10:37 de voir aussi, d'échanger avec des Palestiniens.
10:40 Il faut qu'une solution soit trouvée.
10:42 Ce sera nécessairement une solution qui sera négociée le moment venu
10:46 entre les acteurs israéliens et palestiniens.
10:48 Mais pour ça, il faut que tout le monde autour de la table le veuille.
10:52 L'attaque du Hamas, pour l'instant, repousse s'y nédier cette possibilité.
10:56 - Mais au-delà de ça, est-ce que vous ne pensez pas
11:00 que la paix serait préférable à cet engrenage,
11:04 que cette manière de répondre à la provocation du Hamas à ses actes terroristes
11:10 et une manière, justement, de faire s'éloigner ce processus de paix ?
11:14 Je ne vous dis pas que le processus de paix était très vivant il y a quelque temps.
11:20 - Évidemment que je préfère la paix à toute situation de conflit armé
11:26 qui conduit à la mort de civils.
11:28 La question, c'est s'il y a le choix.
11:30 Qu'aurait répondu Albert Camus à une question comme celle-là, réellement ?
11:33 Il n'y a pas de nuance possible, malheureusement, dans ces moments-là.
11:37 Il va falloir éradiquer le Hamas et ça se fera malheureusement aussi avec des victimes.
11:44 - Jonathan Arfi, président du CRIF, on se retrouve dans une vingtaine de minutes.
11:47 Vous serez en compagnie d'une historienne, Sylviane Golberg.
11:50 Elle publie une somme "Histoire juive de la France" aux éditions Albin Michel.
11:54 On va voir quel est le statut, la place des Juifs en France
11:58 et comment ce qui est en train de se dérouler au Proche-Orient
12:01 est en train de bouleverser cette communauté.
12:04 7h56 sur France Culture.
12:06 6h39, les matins de France Culture.
12:12 Guillaume Erner.
12:13 - Eh oui, les Juifs, le CRIF, Israël, Israël et la Palestine
12:18 sont au cœur du débat politique aujourd'hui.
12:21 Suite évidemment aux conséquences, aux propagations de l'onde de choc
12:26 du conflit au Proche-Orient.
12:27 Nous sommes en compagnie de Jonathan Arfi,
12:30 qui est aujourd'hui président du CRIF, nouvellement élu,
12:34 puisque vous avez été élu en 2022.
12:36 Et nous recevons pour avoir également la dimension historique de cette vie juive en France,
12:42 Sylviane Golberg.
12:43 Bonjour, vous êtes historienne et vous venez de publier
12:46 une "Histoire juive de la France" monumentale aux éditions Albin Michel.
12:50 Mais avant d'évoquer l'histoire, une page de politique avec mon camarade Jean Lémari.
12:56 Jonathan Arfi, Jean-Luc Mélenchon, a publié un tweet en expliquant,
13:02 en substance, je cite Jean-Luc Mélenchon,
13:04 "en obligeant tout le monde à s'aligner sur la position du gouvernement d'extrême droite israélien,
13:09 en acceptant de manifester avec le Rassemblement national,
13:12 en insultant les élus futiles du PS, le CRIF, autrement dit l'organisation que vous présidez,
13:18 a isolé et empêché la solidarité des Français avec la volonté de paix
13:22 et la demande de cesser le feu immédiat."
13:24 Votre réaction à ce tweet ?
13:27 Ma réaction est assez simple, c'est que ce qui a empêché l'expression de la solidarité
13:32 d'une partie des Français sont les positions de la France insoumise,
13:35 incapables de dénoncer le caractère terroriste des attaques commises par le Hamas.
13:39 Nous étions à ce moment-là dans un temps d'émotion
13:45 qui aurait dû être partagé de manière unanime par la société française,
13:48 et Jean-Luc Mélenchon choisit à ce moment-là de venir faire de la politique.
13:51 Son accusation d'extrême droatisation des Juifs de France,
13:55 c'est ça qu'il porte depuis un certain nombre de mois,
13:59 traduit une obsession qu'il a vis-à-vis des Juifs, dont il a choisi de faire ses meilleurs ennemis,
14:04 et le CRIF évidemment est un objet dont il se saisit dans sa construction politique clientéliste.
14:10 Jean Lemarie, comment expliquez-vous cette position de la France insoumise ?
14:15 Je crois qu'il y a d'abord une stratégie assumée qui est clientéliste.
14:20 Ils viennent flatter un électorat dont ils supposent, à mes yeux à tort,
14:26 qu'ils seraient alignés sur les positions du Hamas.
14:28 Non, l'électorat issu de quartiers populaires, issu de l'immigration notamment d'Afrique du Nord,
14:34 n'est pas aligné sur les positions du Hamas, j'en suis convaincu.
14:38 C'est stigmatisant de la part de la France insoumise de considérer qu'il le serait,
14:42 et cette attitude clientéliste doit être dénoncée.
14:45 Mais Jonathan Arfi, hier par exemple, Manuel Bompard de la France insoumise,
14:48 a plusieurs fois répété qu'il n'avait bien sûr aucune accointance avec le Hamas,
14:52 et que ce qu'il condamnait c'était des crimes de guerre, crimes de guerre commis des deux côtés,
14:58 et que le qualificatif de crime de guerre était beaucoup plus engageant
15:01 du point de vue du droit international que le qualificatif de terroriste,
15:04 qui, au fond, disait-il en substance, n'était qu'une question morale,
15:08 qu'un regard moral sur ces événements.
15:11 D'abord, ce qui s'est passé en Israël, commis par le Hamas,
15:16 relève sans doute plus de la définition du crime contre l'humanité que du crime de guerre.
15:20 Mais la stratégie de la France insoumise, c'est de tout faire
15:24 pour faire une mise en équivalence morale entre Israël et le Hamas.
15:27 Mais c'est profondément abject.
15:30 On ne vient pas, au lendemain d'une attaque terroriste,
15:33 alors que les corps ne sont pas enterrés, et qu'on a les images qui viennent
15:37 avec ces histoires atroces, macabres, de massacres,
15:40 faire une mise en équivalence de cette nature.
15:42 - Jean Lemarie, face à la France insoumise, le Rassemblement National, lui,
15:46 se présente aujourd'hui comme le meilleur bouclier pour les Juifs en France.
15:51 Qu'en pensez-vous ?
15:53 - Je dénonce toute récupération qui pourrait être faite
15:57 de la question de l'antisémitisme par le Rassemblement National.
15:59 Ce n'est pas nouveau.
16:00 Ils cherchent, par le biais de la question de l'antisémitisme,
16:04 à retrouver une forme d'honorabilité.
16:08 C'est scandaleux compte tenu de ce qu'est l'histoire du Rassemblement National.
16:11 Et puis c'est scandaleux sur la question de la sincérité du combat contre l'antisémitisme.
16:16 - Pourquoi pas ? Vous pensez qu'au Rassemblement National,
16:19 il y a des antisémites, Yonatan Harfi ?
16:21 - Il y a d'abord une surreprésentation des préjugés antisémites
16:25 chez les électeurs qui votent Rassemblement National, c'est une réalité.
16:29 Il y a tout le courant identitaire en France qui se porte et supporte le Rassemblement National.
16:37 Et surtout, il y a une incapacité au Rassemblement National
16:39 à dénoncer l'antisémitisme qui vient de l'extrême droite.
16:42 Chacun doit être capable de dénoncer l'antisémitisme qui vient de son propre camp.
16:45 Sinon, la démarche ne peut être pas considérée comme sincère et authentique.
16:48 - Jean-Les-Marie, sous votre présidence, le CRIF accueillera-t-il Marine Le Pen ?
16:53 - Non, je peux vous le dire, c'est une position établie depuis longtemps au CRIF.
16:59 Il n'y a pas de raison qu'elle change.
17:00 - Et Éric Zemmour, puisque Éric Zemmour est juif,
17:03 il est en un sens plus à droite que le Rassemblement National.
17:08 Est-il possible de considérer que le CRIF n'accueillerait pas un co-religionnaire ?
17:15 - Vous savez, nous situons sur le plan la représentation politique de la communauté.
17:21 Ce qui m'importe, c'est ce que Éric Zemmour dit et porte comme message.
17:25 Les messages qu'il porte sont des messages d'exclusion qui ne sont pas partagés par le CRIF,
17:29 qui ne sont pas l'ADN de notre institution, qui ne sont pas les valeurs du judaïsme.
17:34 - Mais l'idée qu'une partie de la communauté juive se droitiserait,
17:39 c'est une idée qui a été portée notamment par Gérard Miller,
17:42 qu'on a entendue il y a quelques instants dans les actualités.
17:45 Qu'en pensez-vous ?
17:46 - Moi, j'invite à ne pas se laisser piéger par le narratif commun de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon.
17:53 Les deux ont intérêt à dire ça.
17:54 Jean-Luc Mélenchon, parce qu'en disant ça, il fait des juifs ses ennemis publics légitimes.
18:00 Marine Le Pen, parce qu'on vient de le dire,
18:02 elle viendrait trouver une forme de tampon "cachère"
18:06 qui d'un coup lui ouvrirait les portes de la respectabilité dans la société française.
18:10 Ils ont tous les deux intérêt à dire ça.
18:12 Mais je peux vous dire que l'immense majorité des Français juifs sont tout simplement républicains,
18:17 comme les Juifs de France l'ont toujours été.
18:20 Cela sera sans doute rappelé.
18:21 Et que de ce point de vue-là, ils font rempart aux extrêmes de chaque côté.
18:27 - Ça va être rappelé immédiatement par l'historienne Cynthia N'Golbert,
18:30 qui est avec nous, qui publie un ouvrage collectif "Histoire juive de la France".
18:35 "Histoire juive de la France", ce n'est pas une histoire des Juifs de France,
18:38 c'est une manière d'inscrire les Juifs dans l'histoire de France, Cynthia N'Golbert.
18:43 - Oui, tout à fait.
18:45 Mais d'abord, je voudrais dire en introduction que c'est probablement le pire moment,
18:50 au vu des circonstances, qui nous amène à présenter ce travail.
18:56 Parce que justement, dans cette somme, on a voulu éviter l'écueil d'une histoire
19:02 qui ne serait établie que sur le recueil des dates de persécution.
19:08 Et ce qu'on a voulu montrer, c'est tout à fait autre chose,
19:11 c'est deux millénaires de vie en synchronisation avec l'histoire de France.
19:16 Et donc, vous l'avez bien remarqué, ce n'est pas une histoire des Juifs,
19:19 ni de France, ni en France,
19:21 mais c'est une histoire de France vécue, vue, perçue par les Juifs.
19:27 Et c'est tout à fait autre chose.
19:28 - Mais c'est quand même particulièrement passionnant de relire ou de lire cette histoire-là,
19:33 maintenant, Cynthia N'Golbert, parce qu'on remarque à quel point les Juifs sont inscrits
19:37 dans l'histoire de France, pas seulement dans l'histoire récente, mais dans l'histoire très ancienne.
19:41 Il y a notamment une carte de France qui témoigne de l'importance,
19:45 de la vivacité des communautés juives en France, non seulement à Paris, non seulement à Marseille,
19:50 parce que ça, on le sait, mais aussi à Châlons-sur-Saône, à Valence,
19:54 également à Rouen, à Périgueux.
19:56 Et on voit à quel point l'histoire de France est indissociable de l'histoire des Juifs.
20:02 - Complètement.
20:03 En fait, l'histoire des Juifs de France, là, vous avez mentionné quelques noms de localités.
20:09 - Il y en a beaucoup d'autres.
20:10 - Il y en a énormément.
20:11 Si vous voyez les cartes, parfois, c'est vraiment sidérant.
20:14 Mais en fait, il faut bien se rappeler que la France est construite très lentement
20:18 au fil des siècles et que le royaume, en fait, c'était tout petit.
20:22 C'était ce qui recouvre aujourd'hui une île de France un peu élargie.
20:27 Et donc, les Juifs ont vraiment suivi le cheminement de l'édification du royaume et des frontières
20:34 parce qu'ils sont arrivés avant les Francs.
20:37 Ils sont arrivés avec les Romains, en fait.
20:40 Et donc, ça fait une très, très longue histoire.
20:42 Et les Français n'étaient pas encore Français, ils étaient Gaulois.
20:44 - Et on découvre qu'il y a eu des communautés juives, par exemple, dans le sud de la France.
20:49 On le découvre par le biais de cimetières qui sont encore en cours de fouille, d'ailleurs,
20:54 par le biais de miguets, autrement dit, des bains rituels qui sont aujourd'hui mis en
20:59 évidence, par exemple, dans l'Indrome, par exemple, dans le Vaucluse.
21:02 Ça, c'est quelque chose de nouveau, Sylviane Golbert.
21:05 - C'est nouveau parce que l'archéologie ne s'était pas du tout initiée au repérage
21:12 des vestiges de la vie juive et que ces vestiges de la vie juive avaient été volontairement
21:19 effacés à partir du moment où les Juifs ont quitté les localités.
21:23 C'est-à-dire que jusqu'à leur dernière expulsion, il y avait partout où se trouvaient
21:29 des communautés, des lieux de vie juive, de la même manière que les villes se sont
21:32 créées elles-mêmes avec la construction d'églises, de cathédrales, de bains publics,
21:38 héritage des Romains.
21:40 Les Juifs, en même temps et de manière complètement synchronie, ont établi des synagogues, des
21:46 écoles et des cimetières.
21:48 Seulement, les archéologues n'étaient pas du tout formés à cette identification.
21:53 Je me rappelle très bien que lorsque j'étais étudiante, j'avais été envoyée chez Jean-Marie
22:00 Peset, qui était le plus grand archéologue à l'époque, auquel j'avais posé la question
22:06 des cimetières juives et qui m'avait dit "mais ce n'est pas la peine de chercher,
22:09 il n'y a rien, il n'y a aucune trace de la vie des Juifs en France au Moyen-Âge".
22:13 Or c'est faux, parce qu'aujourd'hui, que les archéologues ont été un peu plus
22:18 formés, on commence à retrouver quantité d'objets et de traces de cette vie, dont
22:25 le plus emblématique est probablement la Maison Sublime que l'on a très récemment
22:30 à Rouen, que l'on a redonné en quelque sorte à son passé juif.
22:37 Oui, parce que c'est ça qui est particulièrement frappant, Yonatan Arfi.
22:41 On parle de fouilles archéologiques, mais ce sont aujourd'hui aussi des communautés
22:45 vivantes à Cherbourg, à Rennes, à Nantes.
22:48 Vous qui êtes président du Conseil représentatif des institutions juives de France, ce sont
22:53 des communautés que vous voyez vivantes.
22:55 Oui, il y a un judaïsme français qui est pluriel, qui est à l'image de la France.
23:00 Moi, je trouve précisément que c'est important que ce livre sorte maintenant, précisément
23:06 pour ça, parce qu'il vient réancrer les Juifs de France qu'on assigne à la question
23:11 d'Israël ces jours-ci, parce que l'actualité l'impose.
23:13 Ça vient nous réancrer dans notre profondeur historique et géographique à travers tout
23:19 le territoire de Bayonne à Strasbourg.
23:21 Dites-nous d'ailleurs ce qu'est le CRIF, parce qu'en dehors de l'objet de fantasme
23:26 qu'il est devenu, à l'origine et aujourd'hui, qu'est-ce que c'est ?
23:30 Le CRIF a été fondé en 1943, dans la clandestinité de l'occupation, par des Juifs de toute conviction
23:40 politique, de tout niveau de pratique, qui se sont réunis autour de la même table pour
23:45 penser le judaïsme français d'après-guerre.
23:47 C'est au fond un équivalent juif du Conseil national de la résistance.
23:50 C'est la table ronde autour de laquelle l'ensemble de la communauté s'est assise pour se projeter
23:57 dans l'avenir post-choas, alors que l'occupation était encore présente.
24:01 Aujourd'hui, la communauté juive Sylviane Goldberg, elle est complexe, c'est une mosaïque.
24:09 Il y a les Juifs originaires de l'Est, les Ashkénazes, les Juifs originaires du Maghreb,
24:16 notamment les Séfarades.
24:17 Comment présenter cette communauté juive qui n'est pas du tout monolithique ?
24:21 D'abord, c'est difficile de parler des Juifs aujourd'hui en tant qu'une communauté,
24:27 parce qu'il y a des Juifs absolument de toutes couleurs, physiques et politiques.
24:31 Et puis, il y a des Juifs qui sont insérés dans des communautés, ce qui est loin d'être
24:36 la majorité.
24:37 Vous avez des Juifs à gauche, des Juifs au centre, des Juifs à droite aussi.
24:41 Zemmour en est un bel exemple.
24:43 Très à droite.
24:44 Très à droite, mais vous en avez absolument partout, à l'image de tous les Français.
24:48 On ne peut pas dire qu'en France, il n'y aurait qu'une communauté française.
24:53 Or, les Juifs sont exactement faits sur le même modèle.
24:58 Beaucoup n'aimeraient pas d'ailleurs dire qu'ils sont représentés par le CRIF.
25:03 C'est leur droit ?
25:04 Personnellement, c'est tout à fait leur droit.
25:06 Mais si on devait donner quelques chiffres sur l'importance de la communauté aujourd'hui,
25:10 son évolution démographique, la distinction qui semble importante pour les Juifs entre
25:16 Ashkénazes et Séfarades ?
25:17 De moins en moins quand même.
25:18 La distinction entre Ashkénazes et Séfarades, c'est une distinction qui est un peu arbitraire
25:26 parce que moi je préfère dire orientaux et occidentaux parce que Séfarades, ça veut
25:31 dire essentiellement espagnol et Ashkénazes, ça veut dire allemand.
25:33 Or, si on regarde qui sont les Juifs Ashkénazes, ce sont des Juifs français d'abord, originaire
25:41 des régions d'Alsace et de Lorraine, mais c'est aussi beaucoup de Juifs qui viennent
25:45 de l'Empire tsariste, de l'ancienne zone de résidence, de Pologne, de Hongrie, de
25:50 Roumanie aussi.
25:51 Et puis vous avez ceux qui se disent Séfarades et qui viennent des Balkans ou des grandes
25:58 communautés qui se sont fondées après l'expulsion des Juifs d'Espagne, mais vous avez aussi
26:04 des Juifs qui viennent de pays orientaux qui n'ont rien à voir avec l'Espagne.
26:09 C'est un découpage un peu facile, mais en même temps c'est quelque chose qui s'arrase
26:15 de plus en plus.
26:16 Les Juifs se marient entre eux et cette distinction a de moins en moins d'importance.
26:23 - Combien de Juifs en France aujourd'hui ?
26:26 - Difficile à dire parce que les chiffres bougent.
26:28 C'est quand même la plus grande communauté européenne démographiquement.
26:36 Vous avez ensuite les Etats-Unis et Israël, mais en Europe c'est là où on trouve le
26:42 plus grand nombre de Juifs, qu'ils soient inscrits dans des communautés ou pas.
26:47 - Si je vous dis 500 000 ?
26:48 - Alors ça peut être une évaluation, mais combien ne sont pas répertoriés ?
26:53 - Qu'est-ce que vous en pensez Yann Tanarfi ?
26:55 - Je pense que d'abord la question que ça pose c'est "qu'est-ce qu'un Juif ?"
26:59 Et à cette question-là, il n'y a pas de réponse fixe, il y a une réponse des textes
27:02 religieux, mais il y a une réponse culturelle, historique, sociétale, sociologique, qui
27:08 peut être beaucoup plus large.
27:09 Il n'y a pas en France de statistiques ethniques et je m'en réjouis.
27:13 Le modèle républicain permet qu'il y ait cette zone de flou.
27:16 Et cette zone de flou, c'est tout le lieu justement de la porosité entre ce que le
27:20 judaïsme peut apporter à la France et le reste de la société.
27:23 Et je trouve que ne pas savoir combien nous sommes exactement, au fond, c'est plutôt
27:28 quelque chose qui nous renforce plutôt que quelque chose qui nous affaiblit.
27:31 - Il y avait environ 300 000 Juifs au moment de la Seconde Guerre Mondiale.
27:35 Le quart a péri en déportation, Sylviane Goldberg.
27:38 L'évolution démographique qui est restituée dans cet ouvrage collectif que vous publiez
27:44 "Histoire juive de la France" aux éditions Albain Michel, témoigne d'une vivacité
27:49 de cette vie juive d'après-guerre, si je puis m'exprimer ainsi.
27:52 - Oui, c'était une vie juive très intense, à tout point de vue, au point de vue intellectuel,
27:59 au point de vue scientifique et puis au point de vue vie culturelle.
28:02 Cette vie intense culturelle a commencé dans l'entre-deux-guerres d'ailleurs, puisque
28:09 c'était en France et surtout à Paris, mais aussi dans les autres grandes villes,
28:14 que l'on parlait les langues juives le plus.
28:19 C'est là aussi qu'il y avait une intensité de production culturelle avec la publication
28:25 de presse.
28:26 Il y avait une grande presse juive, il y avait plein de journaux dans toutes les langues
28:30 juives.
28:31 Il y avait de la chanson, du théâtre, tous les arts étaient représentés.
28:38 Puis si on pense, mais alors ça c'est vraiment pour revenir sur le projet qui nous a guidés,
28:46 je pense à l'école de Paris.
28:48 L'école de Paris qui est représentative à la fois d'un grand moment de la peinture
28:53 française, elle a été fondée par des Juifs émigrés des pays d'Europe orientale.
29:02 Leur grande majorité venait d'ailleurs, mais ils ont quand même fondé l'école
29:06 de Paris.
29:07 Et si on pense aussi au terme d'école de Paris, là j'aimerais rebondir un peu sur
29:12 ce que Jonathan Arfit a dit.
29:14 Il s'est produit juste après la seconde guerre mondiale quelque chose d'extrêmement
29:19 important et complètement spécifique à la France, c'est-à-dire qu'il y a eu la
29:24 formation d'une reconsidération, d'une revisitation des valeurs du judaïsme à la
29:31 lumière des valeurs de la France républicaine.
29:35 Et on a appelé ça aussi, enfin on commence à l'appeler l'école juive de pensée
29:39 de Paris.
29:40 Jonathan Arfit, là-dessus justement sur la conciliation des Juifs et de la République.
29:46 Alors on a évoqué la question du lien avec Israël, pour le reste, la conciliation d'une
29:52 loi religieuse et d'une loi civile.
29:54 Vous savez, je suis très souvent interrogé par des journalistes anglo-saxons qui viennent
29:59 chercher au crif une voix, pensent-ils, critique de la laïcité.
30:03 Ils sont à chaque fois surpris de voir que la représentation organisée de la communauté
30:09 juive de France défend l'inscription des Juifs dans la laïcité, défend la laïcité
30:14 par exemple comme une loi de protection et de liberté, et s'inscrit complètement
30:17 dans l'universalisme républicain qui à leurs yeux est perçu comme forme d'oppression
30:21 des minorités.
30:22 Enfin on connaît ce discours-là.
30:23 Il y a un attachement pour les Juifs à la République qui date évidemment de 1791
30:29 parce qu'elle les a, c'est pas encore la République, mais enfin c'est l'idéal
30:33 républicain qui les a émancipés.
30:34 Mais plus largement, on sait que notre destin est lié quand la République faiblit, l'affaire
30:39 Dreyfus, évidemment Vichy, la condition des Juifs elle-même est en danger.
30:42 La République a été bonne avec les Juifs, Sylviane Golbert ?
30:46 La République d'abord ne savait pas quoi faire des Juifs, puisqu'on a vraiment attendu
30:51 la veille de la clôture de la Constituante pour décider d'accorder à la pleine citoyenneté
30:57 aux Juifs, mais pas seulement aux Juifs.
30:59 C'est le moment où on s'est dit bon, les bourreaux, les comédiens, tous ces gens-là
31:03 sont quand même des êtres humains, et même les Juifs sont des êtres humains.
31:06 Donc c'était un grand pas qui a été franchi.
31:08 Mais les Juifs qui ont vécu ce moment-là et leurs descendants ont vraiment engagé
31:17 une relation très particulière avec la République, au point d'intégrer les valeurs de la République
31:23 dans une certaine forme de judaïsme.
31:25 Cette histoire juive de la France, on l'a compris, n'est pas une histoire lacrymale.
31:29 Néanmoins, dans la période que nous traversons, Yonatan Arfi, et c'est d'ailleurs la une
31:33 du point, les Juifs attaqués en Israël menacés en France, depuis le début des événements,
31:40 depuis le 7 octobre, y a-t-il une recrudescence des actes antisémites en France ?
31:45 Oui, ça a été annoncé par le ministère de l'Intérieur, une cinquantaine d'actes
31:50 antisémites recensés depuis samedi dernier.
31:52 C'est beaucoup plus que le rythme habituel, bien sûr.
31:54 Et surtout, nous voyons poindre une violence aujourd'hui décomplexée, qui prend prétexte
32:02 du conflit israélo-palestinien, une identification dévoyée à la cause palestinienne, qui se
32:06 traduit par des agressions vis-à-vis de la communauté juive de France.
32:11 Rappelons 2014, conflit entre Israël et le Hamas, et en France, mécaniquement, dans
32:15 les jours qui ont suivi, en marge de manifestations pro-palestiniennes, des attaques de synagogues
32:18 à Sarcelles, à Paris.
32:20 Rappelons aussi qu'à Toulouse, ou à l'Hypercacher, les terroristes ont justifié leurs actes,
32:25 parmi leurs différents "arguments", aussi par l'évocation du sort des Palestiniens.
32:31 L'anti-sionisme, l'haine d'Israël, est aujourd'hui un des carburants incontournables,
32:36 malheureusement, de l'antisémitisme en France.
32:37 Mais aujourd'hui, est-ce que vous avez la sensation d'être entendu par les pouvoirs
32:41 publics ? Les mesures qui sont prises vous paraissent-elles suffisantes ?
32:44 Je pense qu'il y a une compréhension par les pouvoirs publics, depuis une vingtaine
32:50 d'années, que cet antisémitisme nouveau dit quelque chose de la société française,
32:54 et qu'il faut le traiter, parce que c'est une menace pour les juifs, mais au fond, c'est
32:57 une menace pour l'ordre républicain, tout court.
32:59 Je crains qu'en revanche, une partie de nos concitoyens ne saisissent pas cette dimension-là.
33:04 Ils ne saisissent pas que la haine d'Israël, quand elle s'exprime dans cette radicalité,
33:11 est une forme d'antisémitisme, et ils ont tendance à considérer que c'est un conflit
33:15 étranger, et non pas un problème français.
33:16 Une nouveauté quand même, que les juifs aient peur en France depuis la seconde guerre mondiale.
33:22 Vous racontez dans votre histoire juive de la France à quel point la période de l'après-guerre
33:28 a été une période de reconstruction.
33:29 Est-ce qu'aujourd'hui, on arrive à une période de dissolution, avec par exemple
33:33 beaucoup de juifs, Sylvia N'Golbert, qui sont tentés de faire leur alia, comme on
33:38 dit, d'aller vivre en Israël ?
33:39 On touche là à l'idée ou à l'image que se sont construits les juifs depuis la création
33:48 de l'État d'Israël, qui repose en fait sur la première conception du sionisme, c'est-à-dire
33:54 d'ouvrir un endroit sur Terre où il y aurait un refuge pour tous les juifs opprimés.
33:59 C'était la première vision de Hertzel, c'est la vision qu'ont défendu les juifs
34:06 français, qui pensaient que le sionisme n'était pas pour eux.
34:09 Depuis la guerre de 1967, le rapport à l'État d'Israël...
34:12 La guerre de 1967 ?
34:14 Oui.
34:15 Autrement dit, la guerre des six jours.
34:16 Que je n'aime pas utiliser.
34:18 Enfin, le terme que je n'aime pas utiliser, je préfère garder...
34:20 C'est le terme qu'on utilise généralement, mais vous avez fait les choses autrement.
34:24 Il y a une connotation messianique que je n'aime pas introduire, mais qui justement
34:28 est extrêmement importante dans la relation que les juifs ont construite avec l'État
34:32 d'Israël.
34:33 Et l'idée que c'est un refuge pour les juifs est quelque part battue en brèche lorsque
34:41 l'État, refuge lui-même, se trouve en danger.
34:43 Ce qu'on a pu constater d'ailleurs, c'est qu'on en a beaucoup parlé, à partir de la
34:50 période des attentats, un grand nombre de juifs de France sont partis vers Israël.
34:54 Mais si vous écoutez les informations récentes, beaucoup veulent rentrer maintenant.
34:58 C'est-à-dire que l'État, refuge, n'est plus tout à fait un refuge.
35:02 On trouve cette histoire des juifs de France en librairie.
35:05 Histoire juive de la France aux éditions Albain Michel, avec beaucoup de choses sur
35:09 l'archéologie des juifs en France, avec des trésors qui ont été découverts, notamment
35:16 la stèle de Narbonne par exemple.
35:19 Merci Sylviane Golbert, merci Jonathan Arfi, président du CRIF, de nous avoir accompagnés.

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