• il y a 11 mois
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Le Professeur Samir Hamamah, chef du service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier et président de la Fédération française d'étude de la reproduction, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Il est l'auteur du rapport sur les causes d'infertilité rendu au président de la République il y a deux ans.

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Transcription
00:00 - Il est 7h12 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le professeur Samir Hammama.
00:05 - Bonjour professeur. - Bonjour.
00:07 - Bienvenue sur Europe 1, vous êtes gynécologue Samir Hammama, vous êtes chef du service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier,
00:14 co-auteur d'un rapport sur les causes de l'infertilité. Votre rapport a presque deux ans.
00:19 Il prenait la poussière sur une étagère quelque part dans l'un des bâtiments de l'appareil d'État jusqu'à mardi soir,
00:26 et l'annonce par Emmanuel Macron d'un plan de lutte nationale contre l'infertilité.
00:31 Est-ce que vous vous y attendiez Samir Hammama ? Avez-vous été mis dans la confidence de l'annonce de ce plan ?
00:36 - Non, pour être honnête avec vous, non, je n'ai pas été mis dans l'évidence, mais ceci dit, c'est vrai, ça fait deux ans que
00:43 je rendis le rapport au ministère, mais l'un des six axes prioritaires que nous avons identifiés avançait énormément,
00:51 c'est-à-dire le soutien à l'innovation et de la recherche, car le gouvernement nous a accordé 30 millions d'euros
00:57 sur deux thèmes majeurs, l'un la fertilité, l'autre l'endométriose, et que les abeldofs vont sortir à la fin de mois.
01:04 - Mais c'est quoi l'infertilité, peut-être pour commencer Samir Hammama, par rapport à la stérilité par exemple ?
01:10 C'est une gradation, si je puis dire, vers l'état d'incapacité de pouvoir faire des enfants ?
01:14 - L'infertilité, c'est l'incapacité de pouvoir concevoir à la maison, sans aide médicale.
01:20 La stérilité, ça veut dire que vous êtes condamné définitivement à être stérile,
01:26 en l'absence d'une préservation de votre propre fertilité.
01:30 - Et quelle est l'ampleur du phénomène de l'infertilité aujourd'hui, Samir Hammama ?
01:34 - C'est énorme, car aujourd'hui en France et dans le reste du monde,
01:38 un couple sur 600 âges des procréés a des soucis pour faire son bébé.
01:43 Premièrement, deuxièmement, si on indexe cela sur l'âge de la femme,
01:50 si la femme a 30 ans, il a une chance sur 4 de s'exposer à ses problèmes,
01:54 si l'homme a 35 ans, il a une chance sur 3, et si l'homme a 40 ans, il a une chance sur 2.
01:59 - On dit souvent les femmes, mais les hommes aussi, Samir Hammama ?
02:02 - Absolument, je pense qu'il y a deux choses à savoir.
02:05 Il suffit de regarder l'âge moyen aujourd'hui de premier accouchement en France,
02:09 qui est aux alentours de 31 ans et 2 mois.
02:12 Il y a 30 ans, on était aux alentours de 24 mois.
02:15 Ces reculs d'âge provoquent et créent ce que j'appelle une des causes de l'infertilité,
02:21 ce que l'on appelle la cause sociétale.
02:23 - Voilà, c'est ce que je voulais voir avec vous.
02:25 L'infertilité, on a beaucoup commenté les chiffres de la baisse de la natalité,
02:30 et on y voit effectivement des causes sociales, des causes sociétales.
02:34 Le fait que l'individualisme prenne le pas, on pense à sa vie à soi,
02:37 on n'a pas forcément envie de faire des enfants,
02:39 ou on attend tard dans la vie à un moment où l'horloge biologique, malheureusement,
02:43 c'est plus difficile d'avoir des enfants.
02:45 Mais il y a d'autres causes aussi, et celles-là, on peut normalement lutter contre, Samir.
02:49 Quelles sont les causes globales de l'infertilité ?
02:51 - Grosso modo, pour faire simple, il y a trois sortes de causes,
02:54 causes sociétales, on vient d'évoquer il y a quelques mois,
02:57 causes environnementales et causes médicales.
02:59 Donc savez-vous, par exemple, dans les causes sociétales,
03:02 30% des enfants nés actuellement en France,
03:06 sont nés d'une mère âgée de 35 ans et plus,
03:09 et d'un père de 38 ans et plus.
03:11 Ça c'est la première chose.
03:13 La deuxième chose, malgré la baisse de natalité,
03:18 que tout le monde en parle à juste titre,
03:20 eh bien, il y a une catégorie d'âge où la natalité ne cesse d'augmenter,
03:25 c'est la femme de 40 ans ou de plus.
03:27 - Mais à vous entendre, Samir Hamama, pour relancer la natalité,
03:31 en tout cas pour que ce soit plus facile de faire des enfants,
03:34 il suffirait en substance de s'y mettre plus tôt,
03:36 bon, plus facile à dire qu'à faire, bien évidemment.
03:38 Mais malgré tout, quand même, regardez, j'ai vu ce chiffre, j'étais assez étonné,
03:41 si on prend le spermogramme d'un grand-père d'aujourd'hui,
03:45 et qu'on le compare à celui de son petit-fils,
03:47 on constaterait qu'il y a moitié moins de spermatozoïdes aujourd'hui
03:51 dans le sperme d'un homme de 20 ans,
03:53 que dans celui d'un homme de 70, 75 ans, Samir Hamama.
03:57 - C'est exact.
03:58 - Comment ça ? Mais non, mais vous dites, c'est dû à quoi ça ?
03:59 - Ça montre bien qu'il y a un effet transgénérationnel.
04:03 Et aujourd'hui, on a des données assez, je dirais, robustes
04:09 sur la santé de la reproduction masculine.
04:13 - Mais c'est dû à quoi cet effondrement ?
04:14 - Je vais vous le dire, ça fait grosso modo deux facteurs,
04:17 soit cause environnementale, j'en parlerai quelques mots.
04:21 - C'est-à-dire environnementale ?
04:22 - Environnementale, par exemple, les perturbateurs endocriniens,
04:25 vous savez, ce sont des substances chimiques.
04:28 - Les phtalates ?
04:29 - Absolument, ce sont des substances qui parasitent.
04:32 - Les bisphénols A, dont on a beaucoup parlé.
04:33 - Absolument, ce sont des substances qui parasitent
04:35 notre système de régulation hormonale.
04:38 Elles se trouvent dans l'air, dans le sol et dans l'eau.
04:41 - Et vous dites que ça, vous avez parlé de facteurs transgénérationnels,
04:46 c'est-à-dire que le bisphénol A, qui amoindrirait la fertilité d'un homme,
04:51 eh bien, on transmet ça à ses enfants ?
04:53 - Absolument.
04:54 - C'est sans retour ?
04:55 - Au fait, on a un exemple qu'on n'a pas tiré toute la leçon,
04:57 le destilben.
04:58 Le destilben, le DOS, c'est une hormone de synthèse qu'on donnait aux femmes
05:02 après la Deuxième Guerre mondiale pour éviter la survenue de fausses couches.
05:06 Eh bien, on s'aperçoit aujourd'hui, la petite fille ou le petit-fils,
05:09 dont la grand-mère a pris cette hormone,
05:11 elle paye la note pour sa grand-mère.
05:13 Donc, c'est la raison pour laquelle il y a cela.
05:15 À cela s'ajoutent les gènes de vie, par exemple l'obésité,
05:19 par exemple le tabac, l'alcool, les substances psychoactives,
05:22 le mal de sommeil, l'espoir intense.
05:26 Et même si vous me dites aujourd'hui "je vais habiter dans tel endroit",
05:29 je vous dis, regardez dans un périmètre de 5 à 10 kilomètres
05:33 s'il n'y a pas de déchetterie, s'il n'y a pas d'usine d'hydrochimie,
05:37 s'il n'y a pas de culture, de l'agriculture intensive.
05:40 - Mais ces substances sont partout.
05:42 Est-ce que c'est réversible ?
05:44 Est-ce que cette fertilité perdue à cause de la chimie,
05:47 est-ce que vous pensez, Samir Hamama,
05:49 qu'on peut retrouver la fertilité perdue ?
05:52 Parce que moi j'ai lu des phrases terrifiantes dans les rapports,
05:54 je vais les donner parce que quand je lis
05:56 que ça peut menacer la survie de l'humanité,
05:59 on se dit "waouh, quand même, c'est assez terrifiant".
06:02 - Ce n'est pas exagéré.
06:04 Ce n'est pas exagéré parce qu'on a un index bien connu,
06:07 ça s'appelle l'index de fécondité,
06:09 étant défini par le nombre d'enfants par femme.
06:11 Le seuil de remplacement étant à 2,1,
06:14 et aujourd'hui l'Europe, ça moyenne aux alentours de 1,3.
06:17 La France, en l'espèce d'une quinzaine d'années,
06:19 on est passé de 2,3 à 1,68, la dernière donnée.
06:23 - Vous dites qu'il y a des pays qui pourraient disparaître.
06:25 - Oui, si vous prenez le Taïwan,
06:27 si vous prenez la Corée du Sud, si vous prenez le Japon,
06:30 si vous prenez même la Russie, la Russie aujourd'hui,
06:33 comme l'Ukraine, ils ont un index de fécondité extrêmement bas.
06:36 Donc c'est la raison pour laquelle je pense que la meilleure façon
06:39 de lutter et de ralentir, c'est une vraie stratégie de prévention.
06:44 - C'est-à-dire ?
06:46 - C'est-à-dire... - Sur les modes de vie, ce que vous nous disiez,
06:48 l'alcool, le sport, etc.
06:50 - Absolument, ça voudrait dire dans le cadre,
06:52 une stratégie de prévention, on ne commence pas à l'âge adulte,
06:54 une fois qu'on est au lycée ou à l'université,
06:56 il faut commencer dès l'adolescence.
06:59 Aujourd'hui, il y a presque deux heures de cours d'éducation sexuelle,
07:03 on vous parle de contraception, de l'IVG,
07:06 d'infection sexuellement transmissive...
07:08 - On vous parle de comment ne pas avoir d'enfant,
07:10 on parle de comment en avoir.
07:12 - Il faut en parler de ces sujets sans culpabiliser,
07:14 ni moraliser, ni faire porter le fardeau,
07:17 ni paraître pronataliste,
07:19 mais simplement, aujourd'hui, il faut informer
07:22 et éduquer à l'échelle collective
07:24 et à l'échelle individuelle.
07:26 - Un chiffre que vous m'avez donné,
07:28 hors antenne, Samir Hamama, vous m'avez dit,
07:30 vous savez que dans la ville de Moscou,
07:32 il y a pratiquement autant de centres de fécondation in vitro
07:34 que dans toute la France. - Exact.
07:36 - Et ça veut dire quoi, ça ?
07:37 Ça veut dire qu'en Russie, on a pris conscience du problème,
07:39 et en France, on n'a pas vraiment ?
07:41 - Absolument. Vu leur index de fécondité qui est assez bas,
07:44 eh bien, c'est la raison pour laquelle
07:46 la PMA, comme on dit dans notre jargon,
07:48 fournit de plus en plus d'enfants.
07:51 Regardez la Finlande, par exemple,
07:53 comme le Danemark, 10% des enfants nés
07:55 sont reçus de la PMA. Nous, en France,
07:57 on est aux alentours de 4%.
07:59 - Dernière question. Le professeur René Friedman,
08:01 le pionnier des bébés, prouvait de publier un livre
08:03 ces derniers jours dans lequel il dit,
08:05 la médecine, c'est vrai, repousse les limites
08:07 de techniques de reproduction, demain, il y aura des utérus
08:09 artificiels, par exemple, il raconte ça,
08:11 mais il dit, attention, il y a peut-être un hubris du corps médical,
08:13 comme s'il avait le pouvoir
08:15 de pallier tout ou partie de l'infertilité.
08:17 Qu'est-ce que vous, qui vous en pensez ?
08:19 - Je ne suis pas du tout d'accord
08:21 avec René, car je pense
08:23 qu'il faut rester humble et modeste,
08:25 on a un...
08:27 je dirais...
08:29 les résultats de PMA,
08:31 aujourd'hui, justement, il faut
08:33 cesser de croire que la PMA est une baguette
08:35 magique. Ça marche dans le 20-25%,
08:37 vous avez plus de 40%
08:39 de couples qui quittent le circuit
08:41 sans enfant. - Lui dit la même chose que vous.
08:43 - Ceci étant dit, je pense
08:45 qu'il y a deux choses que les Français doivent
08:47 savoir. La fertilité
08:49 diminue avec l'âge, que ce soit chez l'homme
08:51 ou chez la femme. Chez la femme, il est optimal
08:53 à l'âge de 25 ans, et donc
08:55 au-delà, ça décline,
08:57 et puis cette croyance
08:59 excessive en PMA n'a pas de raison d'être.
09:01 - Merci beaucoup, professeur
09:03 Samir Hammama, d'être venu au micro d'Europe 1
09:05 et le rapport que vous avez co-signé,
09:07 pardonnez-moi, je ne me rappelle plus le nom de votre co-auteur,
09:09 mais il est disponible,
09:11 on peut le trouver... - Salmé Berlio. - Voilà, il est
09:13 facile à trouver sur les réseaux sociaux, sur internet, ça circule beaucoup.
09:15 Merci d'être venu nous voir.

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