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Nathan Smadja, président fondateur de l’Association Résiste, répond aux questions de Dimitri Pavlenko.
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00:00Il est 7h12 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le président fondateur de l'association de lutte contre le harcèlement scolaire
00:10résiste Nathan Smadja. Bonjour Nathan Smadja, bienvenue sur Europe 1. Demain jeudi, une marche blanche va avoir lieu à Poissy à la mémoire de
00:17Nicolas. Nicolas, on s'en souvient, c'était il y a un an juste après la rentrée. Ce lycéen de 15 ans s'était suicidé à cause des brimades
00:24des injures et des coups qu'il recevait de certains élèves de son lycée. Le harcèlement scolaire, c'est un fléau
00:30le ministère de l'éducation nous dit que plus d'un million de jeunes ont fait fond leur rentrée en ce moment, la boule au ventre.
00:36Vous avez connu cela dans votre chair, dans votre esprit Nathan. Est-ce que vous pouvez
00:40raconter votre histoire aux auditeurs d'Europe 1 ? C'est un peu passé maintenant, vous avez une vingtaine d'années, c'est ça ?
00:44Ouais, j'ai 20 ans aujourd'hui. Bon anniversaire. Merci.
00:48Non, c'était il y a dix ans, je rentrais tout juste des Etats-Unis et en sixième j'étais dans un collège public à Paris
00:54et très rapidement j'ai commencé à recevoir des insultes à caractère antisémite et homophobe
00:59sur ma présupposée sexualité, et puis ils sont devenus un peu plus agressifs en m'agressant jusqu'en bas de chez moi
01:04et ça s'est terminé à la piscine en m'agressant sexuellement pour vérifier que j'étais bien circoncis.
01:09Et alors vous vivez à l'époque, parce que ce qui est intéressant c'est le recul, vous dites c'était il y a dix ans,
01:14il y a beaucoup de choses ont changé, mais à l'époque vous subissez aussi l'inertie ahurissante de l'institution, de votre collège.
01:21Ah oui, j'étais plutôt le problème que l'inverse.
01:25Moi je me souviens d'une phrase qui me marquera à la vie, c'est l'infirmière scolaire qui quand je vais la voir me dit qu'est-ce que t'as encore fait.
01:31C'est vous le coupable, c'est vous qui provoquez vos agresseurs.
01:34Quoi qu'il arrivait c'était moi le coupable, et donc ça un, deux, trois mois on a déposé plainte, classé sans suite
01:41et la direction demanda à mes parents de moi me mettre en sourdine pour éviter de provoquer les autres élèves.
01:47Oui bah c'est dans la logique classique de l'éducation nationale où la victime c'est elle qu'on sort de l'établissement plutôt que
01:53les harcèleurs. En tout cas c'est en train de changer, c'était la logique de l'OMERTA il y a quelques années.
01:59Aujourd'hui la parole des victimes elle se libère et nous notre rôle, et puis le rôle de l'éducation nationale, c'est de la recueillir et d'agir en fonction.
02:06Alors est-ce que vous trouvez que ça bouge ces derniers temps Nathan Smadja ? Je vous pose cette question au moment où l'éducation nationale
02:12diffuse notamment sur les réseaux sociaux un clip en cette rentrée qui met en avant
02:17notamment dans les images que l'on peut voir que les parents souvent sous-estiment
02:20la violence verbale et physique dont sont capables leurs enfants.
02:23La campagne de sensibilisation qui a été lancée il y a quelques jours est essentielle
02:27parce que je le dis et je le répète quand un million d'élèves et d'enfants sont
02:32harcelés chaque année, ça veut dire qu'il y a 2-3 millions d'élèves qui harcèlent. Et donc pour ça et pour pallier à
02:41cette horreur
02:43il y a quelque chose de très simple ça s'appelle les parents et sensibiliser les parents et que les parents se rendent compte que leur
02:48enfant peut évidemment être harcelé mais aussi harceleur et c'est
02:52je dis souvent que le parent est le pilier de l'enfant
02:56dans le sens où c'est lui qui doit faire le lien entre l'école et ce qui se passe à la maison et je suis désolé
03:01mais il faut responsabiliser les parents notamment sur les questions de bien-être à l'école et de harcèlement scolaire.
03:06Mais qu'est ce qu'il faudrait faire très concrètement pour les parents qui nous écoutent ce matin sur Europe 1 Nathan Smadja
03:11et qui se demandent est-ce que mon fils, est-ce que ma fille est harcelée, est-ce que ma fille, est-ce que mon fils est harceleur ?
03:17Il ne faut pas rompre le lien avec son enfant, moi mon père me posait des questions
03:21et c'est parce qu'on a continué à dialoguer que j'ai réussi à libérer la parole et que je lui en ai parlé.
03:25Donc si on met l'enfant dans un climat de confiance où il se sent
03:29capable de se livrer sur ce qu'il peut vivre à l'école ou même s'il est témoin et qu'il veut parler de ce qui se
03:33passe dans la cour de création
03:35et bien il faut être là et prêt pour l'écouter et après l'accompagner en fonction.
03:39Il y a une histoire qui vous a beaucoup marqué c'était au tout début de l'année 2023 c'était d'ailleurs le point de bascule pour vous
03:45le déclencheur de votre engagement associatif
03:47ça a été la mort du jeune Lucas, on se rappelle c'est l'une des victimes, on a cité Nicolas, on pourra citer l'INSEE aussi
03:53qui elle aussi a mis fin à ses jours en juin 2023, Lucas c'était six mois plus tôt.
03:57Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là parce que pour vous ça réveille des vieux souvenirs ?
04:00Il se passe quelque chose que j'avais jamais vécu c'est-à-dire un trou noir
04:04où ma journée s'arrête quand j'apprends le décès de Lucas
04:08et c'est la première fois que je mets des mots sur ce que je ressentais
04:12où j'ai pris mon stylo et que j'ai commencé à rédiger quelque chose parce que j'en avais besoin
04:17et on a sorti dans le Figaro un plaidoyer contre le harcèlement scolaire
04:22et donc
04:23c'est à ce moment-là de par la réciprocité de ce que lui avait subi et de ce que moi j'avais subi il y a dix ans
04:27Vous vous êtes reconnu dans son histoire ?
04:29Je me suis reconnu dans son histoire et je me suis dit dix ans plus tard c'est pas possible
04:32et donc j'ai commencé à prendre la parole publiquement pour essayer de faire bouger les lignes
04:36et pour essayer de faire changer les choses.
04:38Pour parler de Lucas, alors il y en a ceux qui suivent un peu l'histoire ont été particulièrement choqués de voir que
04:45lorsque la maman a demandé justice il a fallu qu'elle aille jusqu'en cassation
04:49elle a dû se pourvoir en cassation pour tenter d'obtenir justice ou en tout cas que les harcèleurs
04:56de son fils soient punis parce que la justice avait considéré qu'il n'y avait pas de lien finalement entre la situation de harcèlement que vivait Lucas
05:04au collège et le fait qu'il mette fin à ses jours
05:08C'est le cas pratique de l'injustice et de l'impunité qu'ont un enfant victime et une famille victime
05:14pour ressentir quand il est victime d'un harcèlement scolaire
05:16aujourd'hui la justice elle est très lente et on a beau parler des sanctions et du côté répressif quand on parle de harcèlement scolaire
05:22en 2022 on a passé une loi qui fait du harcèlement scolaire un délit et pourtant aujourd'hui trop souvent
05:28les plaintes sont classées sans suite et donc il y a une justice à deux vitesses où il y a le temps de la sanction
05:34éducative obligatoire et il y a le temps de la sanction judiciaire qui est très très longue
05:38qu'est ce qu'on fait aussi des réseaux sociaux on en parle beaucoup aussi en cette rentrée Nathan Smadja
05:42on empêche les enfants vous voyez la pause numérique est en train d'être testée aujourd'hui
05:47je ne suis pas fan de l'interdiction de tout après moi je pense que typiquement l'interdiction des téléphones portables à l'école
05:53c'est une bonne mesure il faut aller plus loin après les plateformes ne jouent pas forcément le jeu parce qu'il y a un objectif monétaire
05:58qui est évident et donc tant qu'on ne les oblige pas à respecter les lois c'est un peu plus compliqué
06:03Merci beaucoup Nathan Smadja de votre témoignage d'être venu aussi nous aider à comprendre comment on fait face aujourd'hui au harcèlement scolaire jusque dans la famille
06:10parce que c'est là que ça se joue avant de se jouer en justice
06:13on peut se tourner vers votre association
06:15Résiste que vous avez donc fondé merci d'être venu nous en parler sur l'antenne d'Europe un bonne journée à vous