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Les agriculteurs attendent des mesures directes et concrètes de la part du gouvernement. Au risque de rogner sur les normes environnementales ? La députée Ecologiste du Bas-Rhin Sandra Regol est invitée de France Bleu Alsace ce vendredi 26 janvier 2024

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Transcription
00:00 - 7h46, Théo Bauchet, Sandra Arregol, députée écologiste NUPES du Barin et l'invité de France Bleu Alsace ce matin.
00:07 - Bonjour Sandra Arregol. - Bonjour.
00:09 - Les agriculteurs vont-ils obtenir gain de cause ? C'est la question qu'on se pose aujourd'hui.
00:13 Ce mouvement, il dure depuis quelques jours, mais les écologistes n'ont pas été les plus vocaux quant à ce mouvement.
00:18 Et même les agriculteurs n'ont pas été les plus tendres avec les écologistes non plus.
00:22 Est-ce que ce mouvement vous dérange ?
00:24 - Alors non, parce que ça fait 20 ans environ que les écologistes annoncent que si on continue comme ça,
00:29 eh bien c'est l'agriculture qu'on finit d'achever. Pourquoi je dis finir d'achever ?
00:34 Parce que depuis la grande révolution agricole des années 60,
00:38 vous savez cette période où le ministre en charge, Monsieur Pizani, a expliqué que s'il fallait du lait rouge ou des pommes carrées,
00:44 eh bien la France avait le devoir de le faire. On a continué à envoyer les agriculteurs droit dans le mur.
00:50 Et effectivement, quand on préfère payer la taille des exploitations plutôt que le travail fait,
00:56 on finit par financer uniquement les industriels et jamais, jamais les agriculteurs.
01:01 Et c'est la situation dans laquelle on est aujourd'hui.
01:04 Une situation dans laquelle l'industrie arrive à des taux records de 48% de marge,
01:10 avec des agriculteurs qui sont payés 9% de moins et des consommateurs qui payent 8% de plus.
01:17 Ça, c'est les chiffres de l'année écoulée.
01:19 - Il y a le sujet en effet de la rémunération, mais on entend aussi beaucoup de critiques
01:23 quant aux normes qui sont imposées aux agriculteurs et des normes environnementales.
01:27 On imagine que vous n'êtes pas tout à fait sur la même ligne avec eux par rapport à ça.
01:30 - Alors, ce n'est pas du tout leur revendication première.
01:32 Leur revendication première, c'est de pouvoir vivre dignement de leur métier et d'être respecté dans ce qu'ils font.
01:37 Et ça paraît plutôt logique. Et les écologistes sont en soutien.
01:41 Vous disiez qu'on était assez peu visible.
01:44 Je n'ai pas l'impression. Vous savez, hier, vos confrères de BFM ont fait une émission entière sur écologie et agriculture,
01:50 où il y avait de nombreux écologistes militants, politiques ou pas politiques, et de nombreux agriculteurs.
01:56 Après, il y a un truc qui énerve beaucoup la fille de paysan que je suis.
02:00 C'est quand on dit "les agriculteurs", et vous voyez, moi-même, je le fais,
02:03 parce qu'il n'y a pas un type d'agriculteur, il y a plein de types de paysans et d'agriculteurs différents.
02:09 Et on oublie un peu que ceux qui souffrent aujourd'hui, ce sont les petites exploitations,
02:13 ceux qui se sont lancés par passion, ceux qui ont des dettes à n'en plus finir
02:18 parce qu'acheter des entrants, des engrais, des machines, ça coûte excessivement cher.
02:23 Ça fait que vous êtes enchaînés à vie à des emprunts bancaires qui sont à des taux parfois usuriers, trop souvent usuriers.
02:30 Et de fait, on oublie un peu que quand on a des représentants agricoles qui sont sortis de l'agro-industrie,
02:37 ça peut dire beaucoup sur ce que souffrent réellement tous les autres au quotidien.
02:40 La FNSEA porte plusieurs revendications par rapport à ça.
02:44 L'une des principales est celle que le gouvernement pourrait lâcher, porte sur le gasoil non routier,
02:49 qui permet aux agriculteurs, ils ont une niche fiscale sur ce carburant, elle devrait se réduire au fur et à mesure.
02:55 Il y a des chances que le gouvernement fasse une concession là-dessus, est-ce que c'est une ligne rouge pour vous ?
02:58 Oui, il y a des chances que le gouvernement fasse des concessions là-dessus parce que ça ne lui coûtera pas cher.
03:03 La réalité, c'est que ça c'est une miette et que ça n'améliorera pas le niveau de vie des paysans.
03:08 Il y a quelque chose de très simple à faire, c'est réduire les marges de la grande consommation
03:13 pour que les consommateurs continuent à payer le même prix, mais que les paysans soient correctement payés.
03:18 Vous savez qu'ils vendent pour beaucoup à perte leur production, donc non, ils ne peuvent pas vivre
03:22 juste parce qu'on diminue le prix du carburant.
03:27 Ce dont on a besoin, c'est que la grande distribution arrête de se faire des milliards sur le dos de nos agriculteurs.
03:33 Mais Sandra Arrigol, il y a quand même des lois qui existent normalement pour garantir un certain revenu,
03:38 les lois Egalim, et on me dit qu'elles ne sont pas appliquées aujourd'hui, ça vous fait sourire, pourquoi ça ?
03:43 Ça me fait sourire parce que je vous disais que les grands distributeurs, les grands industriels faisaient des marges record,
03:50 je ne vous ai pas dit à combien ça se chiffrait en milliards.
03:52 Ça veut dire que là, sur 2022-2023, ils passent d'un bénéfice brut de 3 milliards à un bénéfice brut de 7 milliards.
04:00 Ces milliards-là, ils existent, il faudrait peut-être les redistribuer, je ne sais pas,
04:04 aux agriculteurs qui sont dans la rue aujourd'hui, à ceux qui n'ont pas la possibilité d'être dans la rue
04:09 et qui sont solidaires de ceux qui y sont, et en fait, il y a juste Bruno Le Maire qui a besoin d'agir au lieu de se contenter de demander.
04:16 Il a les moyens, il a tous les outils à disposition, et encore une fois,
04:20 on s'attend à ce que ce gouvernement offre quelques miettes aux paysans au lieu de les aider à vivre durablement de ça.
04:27 C'est ce que proposent les écologistes, on peut mettre en place des prix planchers d'achat,
04:31 on peut les aider dans la transition écologique, vous savez que le climat, le réchauffement climatique,
04:37 que ce soit par les grands froids, les inondations, les sécheresses terribles, fait comme première victime les paysans.
04:44 Oui, c'est ce qu'ils disent, mais ils disent aussi que justement, par rapport à ça, on aimerait qu'on les laisse faire,
04:47 parce qu'ils sont confrontés à tellement de contraintes qu'on les aimerait être laissés tranquilles.
04:52 Ou qu'on les accompagne, on avait fait voter 600 millions d'euros d'aide pour la transition, pour les paysans,
04:57 pour aller vers des cultures plus durables, ils le font déjà les paysans français.
05:01 Ils emploient le moins de pesticides possibles, mais ils continuent à en utiliser,
05:06 parce que le système leur impose de continuer à le faire pour pouvoir exporter.
05:11 Nous on aimerait qu'ils puissent juste dépenser moins, avoir ces 600 millions.
05:15 Bon, c'est un peu bête, parce que le 49.3 a rayé d'un trait de crayon les millions qu'on avait arrachés pour eux.
05:22 Vous voyez pourquoi je vous dis que le gouvernement va leur filer des miettes,
05:25 là où on a besoin de donner un revenu durable à toute notre agriculture.
05:30 Juste une dernière chose, l'agriculture en France, avant ces grandes transitions agricoles, c'était 5 millions de personnes.
05:37 Aujourd'hui c'est moins de 400 000 paysans. C'est le plus grand plan social de France.
05:42 Il s'est fait dans l'indifférence générale.
05:44 Il n'y a vraiment que les premiers concernés qui ont vu nos campagnes complètement se vider de leur substance,
05:50 et chacun devoir arrêter. On n'est pas heureux quand on arrête son exploitation.
05:55 On est triste quand ça arrive. Et c'est ça qu'on n'arrête pas de dénoncer.
05:59 Aujourd'hui on est dans le mur. Peut-être qu'il serait temps que le gouvernement agisse sérieusement, et pas juste dans sa com'.
06:05 Est-ce que vous redoutez un retour en arrière sur des mesures environnementales ?
06:09 On pense aussi aux pesticides par rapport à ce que le gouvernement pourrait annoncer dans les prochaines heures.
06:14 Bien sûr qu'on le craint.
06:16 Mais c'est possible de garder le niveau, en tout cas de respecter ce que l'Europe demande par rapport au niveau des pesticides ?
06:22 Si on aide les paysans, bien sûr qu'ils peuvent en sortir des pesticides.
06:25 Aujourd'hui, les premières victimes des cancers dus aux pesticides, ce sont eux.
06:29 Ce sont eux parce qu'ils sont au contact direct de ces produits.
06:32 Il y a un taux de mortalité très élevé, et je ne parle même pas du taux de suicide qui crève les plafonds dans la profession,
06:38 parce que c'est dur, et qu'à un moment donné, c'est moins compliqué d'en finir que de continuer à vivre dans ces conditions-là.
06:46 Je suis désolée de faire du pathos de bon matin, mais je pense que tout le monde n'a pas conscience de ce que c'est être paysan aujourd'hui.
06:53 On va écouter le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, puisqu'il répondait notamment à des critiques formulées par des élus écologistes
06:59 sur l'encadrement, le maintien de l'ordre lié aux manifestations des agriculteurs.
07:04 C'était Gérald Darmanin hier au journal d'ETF.
07:06 Est-ce que les agriculteurs s'en prennent aux policiers ou aux gendarmes ?
07:09 Est-ce qu'ils s'en prennent aux bâtiments publics ? Est-ce qu'ils mettent le feu aux bâtiments publics ? Ce n'est pas le cas.
07:13 Donc j'ai rappelé, non, ce n'est pas le cas.
07:15 Vous avez vu les images à Bordeaux devant la préfecture ? Ils n'ont pas défoncé la grille d'entrée ?
07:19 Moi je suis élu d'un territoire où il y a aussi des agriculteurs. Je suis habitué au coup de sang et légitime de ceux qui souffrent et qui ne gagnent pas beaucoup d'argent.
07:27 Il y a le sens de ma question, c'est le deux poids, deux mesures.
07:29 Non, il n'y a pas deux poids, deux mesures. On ne peut pas comparer les choses.
07:31 Les agriculteurs travaillent et lorsqu'ils ont envie de démontrer qu'ils ont des revendications, il faut les entendre.
07:37 On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS.
07:39 Est-ce que vous trouvez qu'il y a deux poids, deux mesures justement sur le maintien de l'ordre de ces manifestations par rapport aux manifestations écologistes ?
07:46 Je pense que les écologistes, mais aussi les gilets jaunes, mais aussi les personnes qui ont protesté pour garder une retraite à un âge décent,
07:55 que toutes les personnes qui ont défilé dans la rue pour le pouvoir d'achat doivent avoir un petit peu mal au ventre.
08:01 Entendre le ministre de l'Intérieur expliquer que leur colère était illégitime, qu'ils étaient des casseurs qui ont tout brisé.
08:07 Le présentateur Gilles Boulot a très justement répondu dans votre extrait. Enfin, ils viennent de détruire le portail d'entrée d'une préfecture.
08:18 Il n'en cite qu'une, il y en a peut-être d'autres, je ne le souhaite pas.
08:21 Mais oui, il y a un deux poids, deux mesures. Il est assumé par le ministre de l'Intérieur et en faisant ça, il dit à tous les autres "Vous n'existez pas.
08:29 J'en ai rien à faire de votre colère, de votre désespoir, de vos frustrations. Mais dans quelle démocratie on a un ministre de l'Intérieur qui dit "Moi je choisis qui je défends
08:39 et tous les autres continuez à mourir dans l'indifférence, ça ne me regarde pas." C'est extrêmement choquant, c'est extrêmement violent.
08:46 Et le fait qu'il le fasse sans sourciller rajoute encore plus au cynisme.
08:49 Une dernière question concernant la loi immigration qui a été largement censurée par le Conseil constitutionnel.
08:54 Hier, vous saluez une victoire de votre côté contre Sandra Wégold.
08:58 On ne peut pas parler d'une victoire quand et le président de la République et le ministre de l'Intérieur et les républicains se sont assis sur la Constitution sciemment.
09:06 Quand les sénateurs ont décidé de voter ces amendements qui sont devenus des articles, on savait qu'ils étaient inconstitutionnels.
09:13 Personne ne leur a dit d'arrêter. Si les députés avaient fait ça, qu'est-ce qu'on n'aurait pas entendu à la une de toute la presse sur ces députés incapables de faire correctement leur travail ?
09:23 Il est scandaleux que les gens qui sont censés être les garants du droit soient les premiers à le bafouer.
09:30 Quel message on donne à la nation ? Quel message on donne aux gens quand on leur dit de respecter la loi ?
09:34 Quand ceux qui en sont les garants sont les premiers à dire "on s'en fout, le Conseil constitutionnel censurera à la fin".
09:40 Ce n'est pas possible. Par ailleurs, ce n'est pas une victoire. Ce qui reste dans cette loi, ce n'est pas forcément glorieux.
09:46 Il reste des mesures très dures. Je vais peut-être un peu exagérer dans ma métaphore, mais je pense que si la loi immigration était appliquée aujourd'hui,
09:56 peut-être que la France ne serait pas en capacité d'accueillir les JO parce qu'il a fallu faire venir beaucoup de main d'oeuvre pour arriver à tenir les délais.
10:03 Et ça, j'ai l'impression qu'on l'oublie un peu rapidement.
10:06 Merci beaucoup Sandra Regol d'avoir été avec nous ce matin, députée écologiste du Barin, et d'avoir participé et d'avoir répondu à nos questions.

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