Grande dépression agricole en France : pourquoi toutes les filières s’effondrent ?

  • il y a 7 mois

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
Transcript
00:00 Emmanuel Ducroc, c'est à vous, avec vous ce matin.
00:05 Comment se porte la Ferme France ?
00:07 Vous y consacrez tout un dossier ce matin dans les pages de votre journal,
00:10 l'opinion dossier sur cette grande dépression agricole française.
00:15 - Notre Ferme France ne va pas très bien, docteur.
00:18 Elle a perdu 20% de ses effectifs en 10 ans.
00:20 Les agriculteurs sont aujourd'hui moins de 500 000.
00:23 La moitié d'entre eux partira à la retraite d'ici à 10 ans.
00:25 Notre balance commerciale reste positive.
00:27 Elle est tirée par les exportations de céréales, de vins et de spiritueux, de semences.
00:31 Mais pour tous les autres postes, c'est la dégringolade.
00:33 La France, qui fut le plus grand producteur de denrées en Europe,
00:36 est déficitaire dans ses échanges avec ses partenaires européens.
00:39 On a là tous les symptômes d'une dépression.
00:42 - Qu'est-ce que ça veut dire exactement, Emmanuel ?
00:45 - Le constat est douloureux.
00:46 Non seulement les produits français ont été remplacés
00:48 par ceux d'autres pays européens sur le marché de l'UE,
00:51 mais pour nombre de denrées du quotidien,
00:53 la France n'est plus autosuffisante pour elle-même.
00:56 Après des générations de travail agricole,
00:59 il y a un grand sentiment d'injustice.
01:02 - Est-ce que vous pouvez nous donner quelques exemples ?
01:04 - On en a à l'appel des exemples.
01:05 On importe aujourd'hui la moitié des poulets consommés en France.
01:08 La dégradation est allée très vite.
01:09 Plus de la moitié des fruits et légumes.
01:11 La baisse des surfaces de verger et de maraîchage est constante depuis 20 ans.
01:15 Le nombre des vaches a baissé d'un quart en 30 ans.
01:18 Celui des cochons, d'un quart en 25 ans.
01:20 La production de lait est menacée.
01:22 La France était le premier producteur d'œufs en Europe
01:25 il y a encore 5 ans.
01:26 Elle doit désormais en importer massivement.
01:29 Cette dépression est perverse, elle nous mine.
01:31 On produit par exemple des pommes de terre,
01:32 et bien figurez-vous qu'elles sont transformées ailleurs, en Belgique,
01:35 parce qu'on n'a plus l'outil industriel pour le faire.
01:37 - Voilà, nous on fait des patates, les Belges font des frites.
01:40 Mais il n'y en aura plus dans 3 jours.
01:41 - Et de la valeur ajoutée, hein, bien sûr.
01:43 - Grande dépression agricole, quand même l'expression est forte.
01:46 Comment est-ce que vous l'expliquez, Emmanuelle ?
01:48 - Nos coûts de production, déjà, nous font plonger.
01:51 Alors à quoi c'est dû ?
01:52 - Au coût de notre bureaucratie folle.
01:54 C'est bien d'avoir des normes, c'est très très bien.
01:56 Mais la France les a poussées à un tel niveau de tâtillonnage
01:58 qu'elle tue ses fermes.
02:00 Le coût de notre travail est une punition auto-infligée.
02:03 Il est par exemple la moitié du coût d'un fruit,
02:06 pour vous donner une impression.
02:08 La main-d'œuvre en France est 22% plus chère par rapport à l'Allemagne,
02:11 45% par rapport aux Pays-Bas.
02:13 On ne parle pas de pays du tiers-monde, on parle de nos voisins européens.
02:16 Résultat, nos fermes périclites.
02:18 Notre État obèse étouffe l'agriculture, de taxes, de prélèvements sociaux.
02:22 Et nos agriculteurs sont dans cette compétition avec des bottes de plomb.
02:26 - Alors, les agriculteurs accusent aussi les écologistes
02:28 de saboter notre agriculture. Est-ce qu'ils ont raison ?
02:31 - On ne peut pas leur donner totalement tort.
02:33 Les filières volailles et porcs, par exemple,
02:34 elles ont des élevages très petits au regard de la moyenne européenne.
02:37 Vraiment très petits.
02:39 Et bien c'est encore trop pour les activistes de l'écologie.
02:41 Dès qu'il y a un projet d'extension de Poulailler,
02:44 les normes environnementales sont si élevées,
02:46 il y a tant de recours de riverains, d'ONG,
02:48 que les agriculteurs renoncent.
02:50 Ils baissent les bras.
02:51 Tout ça, c'est chiffré dans le bilan de notre agriculture.
02:55 - C'est quoi les conséquences de cette grande dépression, Emmanuelle ?
02:58 - C'est cette crise morale profonde qui s'exprime en ce moment.
03:02 La France a vécu une désindustrialisation,
03:05 elle est déjà échaudée et là, elle vit une désagricolisation.
03:08 C'est une tragédie.
03:09 Et c'est un gâchis pour une grande nation agricole comme la nôtre.
03:12 On ne veut plus produire ici avec nos excellents standards environnementaux.
03:15 On importe ce qui détruit la nature ailleurs.
03:18 C'est une opération perdant-perdant.
03:19 On tomberait vraiment en dépression pour moins que ça.
03:22 - Signature européen, Emmanuel Ducrot.
03:24 Et donc, je renvoie les auditeurs que ça intéresse
03:27 au dossier spécial que vous consacrez à cette grande dépression agricole française
03:31 dans les pages de votre journal L'Opinion aujourd'hui.
03:34 Merci Emmanuel, à demain.

Recommandée