Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
[ARCHIVE EUROPE 1 - Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare] Dans une chambre d'hôtel d’une petite ville de Provence, deux corps gisent sur le sol. Adèle est gravement blessée à la tête et près d’elle, son petit ami, Frédéric, sain et sauf, le revolver à la main. Frédéric est un jeune homme au profil complexe. Sa mère meurt alors qu’il n’est qu’un enfant. Jamais il ne connaîtra l’amour et la tendresse maternelle. C’est lorsqu’il a vingt ans que son père se marie à nouveau, avec une très jeune femme cette fois, Anne. Anne a le même âge que Frédéric et très vite, le jeune homme ressent l’amour dont il a toujours rêvé. A travers elle, c’est sa mère que le jeune homme aime. Durant un an, Frédéric passe toutes ses journées au chevet d’Anne, malade de la tuberculose. Cette présence douce et féminine l’envoûte tellement que son père ne tarde pas à freiner cette relation, bien qu’elle soit entièrement platonique. Trois mois plus tard, la jeune belle-mère décède. Frédéric sombre dans le désespoir jusqu’au jour où il rencontre Adèle. C’est le coup de foudre. Leur liaison dure trois ans. Mais leur relation ne tarde pas à prendre un tournant tragique. Pourquoi Frédéric se sent-il si coupable d’avoir une relation avec cette femme ? Comment le couple s’est-il retrouvé en sang dans cet hôtel ? Il est vrai qu’Adèle ressemble étrangement trait pour trait à sa belle-mère disparue, Anne… Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
[ARCHIVE EUROPE 1 - Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare] Dans une chambre d'hôtel d’une petite ville de Provence, deux corps gisent sur le sol. Adèle est gravement blessée à la tête et près d’elle, son petit ami, Frédéric, sain et sauf, le revolver à la main. Frédéric est un jeune homme au profil complexe. Sa mère meurt alors qu’il n’est qu’un enfant. Jamais il ne connaîtra l’amour et la tendresse maternelle. C’est lorsqu’il a vingt ans que son père se marie à nouveau, avec une très jeune femme cette fois, Anne. Anne a le même âge que Frédéric et très vite, le jeune homme ressent l’amour dont il a toujours rêvé. A travers elle, c’est sa mère que le jeune homme aime. Durant un an, Frédéric passe toutes ses journées au chevet d’Anne, malade de la tuberculose. Cette présence douce et féminine l’envoûte tellement que son père ne tarde pas à freiner cette relation, bien qu’elle soit entièrement platonique. Trois mois plus tard, la jeune belle-mère décède. Frédéric sombre dans le désespoir jusqu’au jour où il rencontre Adèle. C’est le coup de foudre. Leur liaison dure trois ans. Mais leur relation ne tarde pas à prendre un tournant tragique. Pourquoi Frédéric se sent-il si coupable d’avoir une relation avec cette femme ? Comment le couple s’est-il retrouvé en sang dans cet hôtel ? Il est vrai qu’Adèle ressemble étrangement trait pour trait à sa belle-mère disparue, Anne… Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
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NewsTranscription
00:00 Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar.
00:07 Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11 Une petite chambre d'hôtel dans une petite ville de province que nous ne nommerons pas.
00:18 Nous sommes en décembre 1927 mais cela n'a aucune importance.
00:23 Aux murs, du papier à fleurs, de pauvres motifs toujours les mêmes que distinguent seulement les taches et les moisissures.
00:35 Dans la chambre, un lit défait, un mobilier sommaire et par terre, deux covres.
00:43 Près du lit, une femme qui porte à la tête une blessure d'où le sang s'échappe violemment.
00:51 À côté, un homme évanoui qui tient dans sa main un revolver.
00:56 Ils doivent avoir tous deux environ 25 ans.
01:02 La police, prévenue par les voisins, enfonce la porte.
01:07 On emmène la femme à l'hôpital.
01:10 Elle n'est que blessée.
01:13 On ranime l'homme qui, lui, n'a rien.
01:18 Nous avions décidé de mourir ensemble.
01:22 J'ai tiré sur elle et puis je ne me souviens plus.
01:28 Le jeune homme tremble, il est livide.
01:31 On l'emmène lui aussi, mais au commissariat.
01:35 Oh, pour les policiers, c'est un drame banal dans un cadre banal, la routine en quelque sorte.
01:42 Les policiers se trompent, car cette petite chambre, un peu sordide,
01:48 est le dernier tableau d'une tragédie qui met en jeu un des mécanismes psychologiques les plus complexes et les plus profonds.
01:54 Une tragédie qui fait penser à Sophocle, à Shakespeare, à Racine,
01:58 enfin à tous les grands écrivains qui ont évoqué les rapports parfois troubles qui existent entre une mère et un fils.
02:05 Oui, notre dossier d'aujourd'hui évoque un sujet délicat, compliqué, difficile peut-être.
02:13 Mais, je vous le demande, le cœur humain est-il si sain ?
02:19 [Musique]
02:38 Frédéric est né au début de ce siècle dans la même petite ville de province dont nous vous parlions à l'instant.
02:46 Sa naissance constitue le premier élément de son destin, sa mère meurt en lui donnant le jour.
02:54 Oh, il n'est pas question de tout expliquer par cette absence de mère. La vie n'est pas aussi schématique.
03:00 D'autres enfants ont grandi sans mère et n'ont pas arrivé au poil Frédéric, mais il est évident que tout cela va jouer un grand rôle.
03:09 L'enfance de Frédéric se passe dans les rêves et la solitude. C'est un garçon fermé, secret.
03:15 Il n'a même pas de frère ou de sœur avec qui partager ses jeux, il est fils unique.
03:19 Ah bien sûr, il a son père, beaucoup plus âgé que lui, 40 ans au moment de sa naissance.
03:25 C'est d'ailleurs un bon père. C'est un homme d'affaires aisés qui consacre tous ses efforts à son fils qui veut faire de lui son digne successeur, lui assurer une position sociale.
03:35 Mais vos Frédéric qui est brillante élève, ce n'est pas l'essentiel.
03:39 À qui confier ses rêves ? À qui confesser ses angoisses ?
03:43 Pas à son père, qu'il ne voit presque pas, qui rentre le soir fatigué et qui s'inquiète seulement de savoir s'il a bien fait ses devoirs, non.
03:51 Ce n'est pas à un père qu'on dit ces choses-là.
03:54 Ce n'est pas un père qu'on appelle la nuit quand on fait des cauchemars.
03:58 Ce n'est pas lui qui peut vous prendre la main.
04:02 Alors le soir, pour trouver le sommeil, Frédéric imagine une figure douce avec de longs cheveux qui se penche sur lui, l'embrasse et lui dit « Bonne nuit mon petit ».
04:13 Et c'est ainsi que chaque nuit Frédéric s'endort.
04:17 Frédéric a grandi.
04:20 1914, il a 12 ans, son père part à la guerre, papa est officier.
04:25 De temps en temps, dans son pensionnat, Frédéric reçoit des nouvelles du front.
04:30 Pas comme il aimerait avoir quelques années de plus pour pouvoir faire la guerre lui aussi.
04:35 Tuer ou se faire tuer, comme c'est simple, ce serait peut-être le moyen d'échapper à ce trouble qui le ronge et qu'il ne peut définir.
04:46 Mais la grande guerre passe à côté de Frédéric, il n'a que 16 ans quand elle se termine et il reste seul avec ses problèmes et ses contradictions d'adolescent.
04:56 Quelques années passent encore et un jour le père de Frédéric annonce à son fils une grande nouvelle.
05:03 « Frédéric, je vais me marier.
05:08 Tu es content d'avoir une belle maman ?
05:13 Elle s'appelle Anne.
05:17 Je suis sûr que tu l'aimeras bien.
05:20 Anne a juste un peu plus de 20 ans.
05:27 Large de Frédéric.
05:30 Anne est belle le jour de son mariage ou son voile blanc.
05:35 Frédéric qui est le témoin de son père lui sourit et Anne lui sourit aussi.
05:41 C'est un peu le visage qu'il entrevoyait enfin, un visage doux avec quelque chose d'émouvant et de fragile.
05:49 La vie a changé pour Frédéric maintenant.
05:52 Elle a un sens et un centre.
05:54 Anne.
05:56 Frédéric a terminé ses études, il cherche un travail mais sans grande conviction.
06:00 Il passe ses journées, des journées entières, à s'occuper de sa jeune belle-mère car Anne est malade, gravement même.
06:09 Les médecins qui se succèdent à son chevet parlent de tuberculose.
06:13 Toujours est-il qu'elle ne peut plus quitter son lit, elle a besoin de quelqu'un près d'elle en permanence.
06:20 Et son mari, toujours absent dans la journée, ne rentre que le soir.
06:24 Alors Frédéric se dévoue car pour lui il n'est question que de dévouement.
06:30 Il est là du matin au soir, attentionné, prévenant, inquiet.
06:33 Il lui prépare ses potions, lui fait prendre ses médicaments.
06:36 Il s'affaire autour du lit.
06:38 Les journées passent follement comme dans un rêve.
06:42 Et le soir, juste avant que son père ne rentre, Frédéric s'en va.
06:46 Il s'en va dans sa chambre de bonne, quelques rues plus loin.
06:51 Il ne s'est jamais interrogé sur son comportement curieux qui consiste à rester près de sa belle-mère toute la journée et à fuir son père le soir.
07:01 Pour lui tout cela est si normal, si naturel, si bien.
07:05 Ah oui, Frédéric est bien, c'est la vie qu'il avait rêvée.
07:11 Les journées s'écoulent paisibles, calmes.
07:14 Anne et Frédéric sont des camarades qui discutent ensemble de tout et de rien.
07:18 Anne apprécie la douceur, la gentillesse de son beau-fils.
07:21 S'il n'était pas là, que deviendrait-elle ?
07:25 Que faisais-tu avant d'épouser papa ?
07:28 Et Anne raconte son enfance et sa jeunesse.
07:30 Elle la raconte mille fois.
07:32 Oh, cela la fatigue un peu bien sûr, mais ça lui fait tellement de bien le parler à quelqu'un qui la comprend.
07:37 Elle raconte qu'elle voulait devenir pianiste.
07:41 Elle a fait le conservatoire, mais sa santé l'a empêchée de poursuivre.
07:46 « Quand tu iras mieux, » dit Frédéric, « je t'emmènerai au concert. Tu veux bien ? »
07:51 Oh, mon pauvre Frédéric, ça n'arrivera jamais.
07:57 Mais si, tu verras, très bientôt.
08:00 Tout est si simple.
08:03 Une sorte de charme trouble s'est établi entre deux.
08:08 Cela dure un an.
08:10 Un an pendant lequel Frédéric passe toutes ses journées auprès d'Anne.
08:14 Il a enfin trouvé la présence douce et féminine qu'il avait cherchée pendant toute son enfance.
08:19 Jusqu'ici, il n'avait connu qu'un père homme d'affaires, puis soldat.
08:23 Et on pensionnait des camarades des pions, des maîtres d'interne, des professeurs, enfin des garçons ou des hommes.
08:29 Les quelques femmes qu'il avait entrevues, il les méprisait.
08:33 C'étaient des filles de rencontre, prostituées ou non, dont il cherchait la compagnie parce qu'il fallait bien faire comme les autres.
08:38 Et voici que pour la première fois, une femme le comprend, lui parle, s'intéresse à lui, lui pose des questions, répond aux siennes.
08:44 Alors tout son besoin d'amour, qui avait été jusque-là enfoui, caché au plus profond de lui, déborde d'un seul coup.
08:51 Frédéric n'est pas amoureux au sens banal du terme.
08:54 C'est un amour pur, platonique, c'est sa mère qui l'aime au travers d'Âne.
08:59 Peut-être ressent-il quelque chose comme un interdit, mais il ne veut pas, il ne peut pas y penser.
09:06 Frédéric s'abandonne à une ivresse à la fois merveilleuse et dangereuse.
09:11 Seulement voilà, Âne a 21 ans maintenant et Frédéric a lui aussi 21 ans.
09:17 Et il faut bien compter avec l'opinion des gens.
09:21 Un jour, le père de Frédéric le prend à part.
09:26 « Écoute, je veux pas te dire quelque chose.
09:31 On remarque que ce n'est pas moi qui y vois un inconvénient.
09:35 Mais enfin, tu passes toutes tes journées avec Âne.
09:40 On a de notre bien que moi, ça me fait plaisir.
09:42 Je t'en suis reconnaissant, mais j'ai entendu certains bruits, certaines phrases.
09:49 Les gens se posent des questions.
09:53 Quoi?
09:54 Quelles questions?
09:56 Écoute, il faut que tu comprennes comment sont les gens.
10:00 C'est ta belle-mère, après tout.
10:03 Tu passes tout ton temps dans sa chambre à côté de son lit et vous avez le même âge.
10:10 Mais enfin, qu'est-ce que cela veut dire?
10:13 Mais qu'est-ce que tu oses supposer?
10:15 Mais rien, rien, rien, rien, rien du tout.
10:18 J'ai une totale confiance en toi et en elle, mais...
10:22 Ma réputation, tu comprends.
10:25 Tu sais ce que c'est qu'une ville de province.
10:29 Écoute, Frédéric, je te le demande pour moi.
10:34 Pashes de venir un peu moins souvent ou du moins, si tu viens, viens quand je suis là. »
10:42 Frédéric est brusquement devenu très pâle et il tremble.
10:47 « Ah, c'est comme ça.
10:51 Ah, c'est comme ça.
10:54 Eh bien, adieu.
10:57 Tu ne me reverras jamais, Anne, non plus.
11:02 Mais Anne, tu sais, elle en mourra. »
11:07 Et Frédéric s'en va.
11:11 Il ne quitte plus sa chambre de bonne que pour aller dans les bistrots.
11:17 Mais cette ivresse qu'il essaye de retrouver, ce n'est plus celle qu'il goûtait avec Anne.
11:21 Elle lui laisse un goût amer.
11:23 Avant, ils étaient deux à se perdre.
11:25 Maintenant, Frédéric est en train, peu à peu et délibérément, de se perdre tout seul.
11:30 Pourtant, Frédéric, voyez-vous, devait revoir son père.
11:34 Anne mourut trois mois après le départ de Frédéric.
11:39 Oui, il serait tentant d'imaginer qu'elle ait mort à cause de ce départ,
11:44 que sa vie, devenue vide, solitaire, ne lui semblait plus digne d'être vécue, qu'elle s'est laissée glisser.
11:50 Mais hélas, c'est sans doute plus simple et plus prosaïque.
11:54 La tuberculose ne pardonnait pas à cette époque.
11:57 Les médecins avaient condamné Anne depuis déjà des mois.
12:01 Frédéric revit son père pour la dernière fois à l'enterrement de sa belle-mère.
12:06 Il n'échangea pas un mot avec lui.
12:09 Il resta seul, la tête baissée, tout au bout du cortège.
12:12 Et quand la première pelletée de terre tomba sur le cercueil, il s'en alla.
12:18 Oh, Frédéric n'alla pas loin, car il ne quitta pas la ville, mais c'était quand même une coupure totale, définitive.
12:23 À partir de ce moment-là, il tira un trait, il rompit tous les ponts,
12:27 et personne, parmi sa famille et ses anciens amis, n'entendit plus jamais parler de lui.
12:31 Enfin, jamais jusqu'à ce jour de décembre 1927, quelques quatre ans plus tard,
12:37 où la police le découvrit évanoui à côté de sa maîtresse sur laquelle il venait de tirer.
12:43 Après la mort d'Anne, Frédéric s'enfonce, se jette délibérément dans une vie, comme on dit, dissolue.
12:59 Les femmes succèdent aux femmes, comme il est beau garçon, il n'a pas de mal à en trouver,
13:04 et quand il n'en trouve pas, il se contente des prostituées.
13:07 Il change de maîtresse dix, vingt fois par an, et change presque aussi souvent de métier, il fait un peu de tout.
13:13 Si on ne l'a pas chassé de sa place au bout de quelques semaines, c'est lui qui s'en va.
13:17 Frédéric a commencé un processus lent et inconscient d'auto-destruction.
13:23 Pourquoi ?
13:25 Pour échapper à quoi ?
13:28 Quelle image le tourmente ? Est-ce le sourire de sa belle-mère morte ?
13:32 Est-ce le visage de son père le jour de la fameuse scène où il est parti de la maison ?
13:36 Les deux sans doute.
13:38 Frédéric se sent doublement coupable.
13:41 Coupable d'avoir aimé Anne, de l'avoir disputé à son père, comme s'il s'était agi de sa propre mère,
13:49 mais coupable aussi de l'avoir abandonné, de l'avoir laissé mourir seul.
13:52 Frédéric a tout raté.
13:56 Il n'aurait jamais dû oser aimer sa belle-mère, même d'un amour pur et platonique,
14:00 mais à partir du moment où il l'aimait, il n'aurait pas dû la quitter.
14:04 Écrasé de remords, rongé de culpabilité, Frédéric sombre peu à peu.
14:09 Jusqu'au jour où apparaît Adèle.
14:14 Adèle qu'il rencontre dans un bal un samedi soir.
14:19 C'est une étudiante, gentille, jolie, intelligente.
14:23 Mais comme lui, elle semble avoir des problèmes.
14:25 Elle ne fait pas de difficultés pour lui céder.
14:28 Et leurs liaisons durent longtemps, trois ans exactement.
14:32 Frédéric a abandonné ses anciennes maîtresses.
14:34 Il a bien sûr encore des aventures de temps en temps, mais il revient toujours vers Adèle.
14:39 Il boit comme par le passé, il a souvent des colères violentes.
14:42 Il la quitte, mais il revient.
14:44 Il lui jure qu'il l'aime et Adèle le croit, car c'est sans doute vrai.
14:49 Que s'est-il donc passé ?
14:52 Qu'est-ce qui a fait que cet être instable, égaré, perdu, se soit fixé avec une femme ?
14:56 Qu'est-ce qu'il a trouvé en Adèle qui l'attire et le retient ?
14:59 Oh, une chose toute simple.
15:01 Adèle ressent le trait pour trait à sa belle-mère disparue.
15:07 Adèle est le vivant portrait d'âme.
15:11 D'ailleurs, plus tard au procès, les témoins qui ont connu Anne, son mari en particulier,
15:16 seront frappés par la ressemblance extraordinaire des deux femmes.
15:21 Ici, mes chers amis, nous pénétrons dans un domaine plus complexe, plus délicat, plus trouble aussi.
15:26 Frédéric s'aventure sur un terrain dangereux,
15:29 mais il est comme poussé par une force qui l'y contraint.
15:32 C'est une fuite en avant.
15:34 Anne était un substitut de sa mère avec lequel il avait des relations idéalisées et inconscientes.
15:39 Adèle est un substitut d'Anne, mais cette fois, leurs relations sont tout ce qu'il y a de plus concrète.
15:44 Frédéric est à la recherche de cette image qu'il a poursuivie toute sa vie,
15:48 via de faire un pas de plus en prenant Adèle pour maîtresse.
15:52 Oui, c'est bien une fuite en avant.
15:55 Car si Frédéric a retrouvé la paix vis-à-vis d'une des deux images qui le hantent, celle d'Anne,
16:01 maintenant l'autre image, celle du père, prend une force et une présence insupportables.
16:06 Les relations sexuelles qu'il a avec sa maîtresse, il les ressent d'une manière extrêmement coupable.
16:11 C'est un interdit qu'il viole à chaque fois, c'est un inceste.
16:14 Il va lui arriver quelque chose, ça ne peut pas durer comme ça.
16:18 Le châtiment est au-dessus de sa tête et va forcément s'abattre sur lui un jour.
16:23 Mais voilà, Frédéric ne peut pas faire autrement.
16:27 Il a besoin des bras d'Adèle, il y trouve la paix qu'il a toujours cherchée.
16:32 Adèle est très éprise de Frédéric.
16:34 Elle est fiancée avec un certain Bruno qui, ce n'est pas un détail sans signification, est dans les affaires.
16:40 Oui, oui, dans les affaires, tout comme le père de Frédéric.
16:44 Inconsciemment, car c'est dans l'inconscient que tout se passe, Frédéric recrée vis-à-vis d'Adèle des relations de mère à fils.
16:50 Il arrête totalement de travailler et se laisse entretenir par elle.
16:54 Il faut bien comprendre que ce n'est pas, de la part de Frédéric, un désir banal d'être entretenu.
16:58 C'est quelque chose de beaucoup plus profond.
17:00 Il a besoin de dépendre financièrement d'Adèle, tout comme l'enfant dépend de sa mère.
17:04 C'est un désir de soumission qu'il réalise de cette manière.
17:07 Frédéric a donc trouvé son équilibre.
17:11 Mais vous le sentez bien, tout cela ne peut pas aller très loin.
17:14 Il y a derrière, dans les profondeurs, une telle charge émotive, de tels problèmes, de telles tensions,
17:20 que Frédéric ne pourra pas longtemps maîtriser cette situation trop dangereuse pour lui.
17:24 Le drame doit avoir lieu, c'est inévitable, obligatoire.
17:27 Et le drame se produit en effet à la fin de l'année 1927.
17:31 Au bout de trois ans de relations entre Frédéric et Adèle, le problème du mariage finit bien par se poser.
17:39 Jusque-là, Adèle a reporté de mois en mois son mariage avec Bruno.
17:43 Mais Bruno s'est fait plus pressant.
17:45 Adèle doit prendre une décision, s'engager dans la vie.
17:48 Mais elle ne veut pas renoncer à Frédéric car malgré tous ses défauts, ses sautes d'humeur,
17:52 les femmes qu'il fréquente, son alcoolisme, elle l'aime.
17:55 Sans doute l'aime-t-elle un peu comme une mère,
17:58 sans doute ressent-elle le besoin de protéger cet être à qui la vie a fait tant de mal.
18:02 Alors un jour de décembre 1927, voici ce qu'elle propose à Frédéric.
18:09 Mon chéri, il faut que j'épouse Bruno.
18:12 Nous, ça ne peut pas durer comme ça.
18:16 Écoute, si tu restes avec mon mari et moi, tu seras l'ami de la famille.
18:23 Et entre nous, rien ne sera changé.
18:27 Oui, c'est cette incroyable solution qu'Adèle a imaginée pour résoudre le problème.
18:36 La réaction de Frédéric est si violente qu'elle laisse Adèle stupéfaite.
18:41 Adèle, veux-tu te suicider avec moi ?
18:47 Adèle met plusieurs jours à accepter, mais elle accepte.
18:53 Sans doute, elle aussi est telle une tourmentée, une inquiète.
18:57 Sans doute, pour elle aussi, la vie ne vaut pas grand-chose.
19:01 Mais c'est Adèle, bien entendu, qui achète le revolver,
19:04 car cette fois encore, Frédéric doit dépendre financièrement d'elle jusque dans la mort.
19:09 Mais pourquoi ?
19:12 Pourquoi cette brutale réaction de Frédéric quand Adèle lui a proposé cette solution,
19:17 bien entendu boiteuse, insensée ?
19:19 Pourquoi le mariage d'Adèle, le fait qu'il devenait l'ami du couple,
19:22 l'a-t-il décidé à mourir avec sa maîtresse ?
19:25 Eh bien, sans doute parce que c'était la répétition de la situation qu'il avait depuis toujours hantée.
19:32 Adèle allait se marier avec son homme d'affaires et lui, en tant qu'ami de la famille,
19:36 se retrouverait dans la position d'un fils vis-à-vis de ses parents,
19:39 et il aurait Adèle, c'est-à-dire sa mère, comme maîtresse.
19:42 Bien sûr, dans un certain sens, c'était cela qu'il avait rêvé.
19:46 Mais c'était devenu brusquement trop clair, trop évident.
19:52 Ce qui était jusque-là resté dans l'inconscient passait dans la conscience,
19:56 et avec ce passage ressurgissait brutalement tous ses sentiments de culpabilité et d'angoisse.
20:01 Brutalement, Frédéric se rendait compte que l'aventure dans laquelle il s'était engagé,
20:04 poussé par une image, était une aventure sans issue.
20:08 Ou plutôt s'il y avait une issue, bien sûr, la mort.
20:12 La mort qui permettait de concilier à la fois son amour et son sentiment de culpabilité.
20:17 La mort qui lui permettait de rejoindre sa mère tout en donnant satisfaction à son père.
20:22 Car cette union qu'il propose à Adèle sous la forme d'un suicide commun est un acte d'amour,
20:27 un acte charnel et passionnel à la fois.
20:30 Mais par cette double destruction de lui-même et de l'objet aimé,
20:33 il apaise l'image paternelle terrible qui n'a jamais cessé de le poursuivre,
20:38 il se punit tout en réalisant son désir.
20:41 En entrant dans la chambre d'hôtel,
20:45 la chambre sordide aux papiers à fleurs tachées,
20:49 Frédéric a trouvé la paix.
20:52 Il tient dans sa main le revolver.
20:57 Il a enfin résolu ses contradictions.
21:00 Il a devant lui deux visages qui lui sourient, comme pour lui souhaiter bonne chance dans l'éternité.
21:07 Une mère qui l'aime et un père qui lui pardonne.
21:14 [Musique]
21:31 Vous venez d'écouter "Les Récits Extraordinaires de Pierre Belmar",
21:36 un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
21:41 Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
21:45 Production, Sébastien Guyot.
21:48 Direction artistique, Xavier Joli.
21:50 Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
21:55 Remerciements à Roselyne Belmar.
21:58 Les Récits Extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
22:03 Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.