Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Stravros naît à Chypre en 1920 dans une famille de paysans grecs. Il est élevé avec ses frères et sœurs par sa mère, Hélène. Une femme aux yeux et aux cheveux noirs, qui possède tout ce qu’une femme grecque peut avoir de noble, de dur et de dominateur. À l’âge adulte, Stravros décide de partir vivre à Londres. Il y rencontre celle qui sera très vite sa future femme, une jeune et belle Allemande du nom de Greta. Ensemble, le couple a trois enfants et ils forment la famille parfaite. Mais cette romance à l’eau de rose, ne va pas tarder à se transformer en une sordide tragédie grecque… Un jour de juillet 1953, le facteur apporte une lettre provenant de Chypre dans laquelle Hélène, la mère de Stravros, annonce sa venue. Cela fait 17 ans que le jeune père de famille n’a plus revu sa mère. Dans ce petit deux pièces de la banlieue de Londres vivent dorénavant cinq personnes. Les tensions ne tardent pas à se faire sentir entre les deux femmes, d’autant plus qu’elles ne parlent pas la même langue. L’affrontement entre Hélène et Greta devient chaque jour plus violent. Le 28 juillet 1954 au soir, et comme chaque soir, Stravros part travailler. Les enfants sont couchés et les deux femmes se partagent comme à leur habitude le tout petit appartement. Mais cette soirée-là, à travers la fenêtre, les voisins d’en face peuvent apercevoir des flammes dans la cuisine. Par terre, un corps brûle, comme un mannequin de cire, et derrière lui, dans l’embrasure de la porte, un visage de femme admire avec fascination, le corps s’embraser. Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Stravros naît à Chypre en 1920 dans une famille de paysans grecs. Il est élevé avec ses frères et sœurs par sa mère, Hélène. Une femme aux yeux et aux cheveux noirs, qui possède tout ce qu’une femme grecque peut avoir de noble, de dur et de dominateur. À l’âge adulte, Stravros décide de partir vivre à Londres. Il y rencontre celle qui sera très vite sa future femme, une jeune et belle Allemande du nom de Greta. Ensemble, le couple a trois enfants et ils forment la famille parfaite. Mais cette romance à l’eau de rose, ne va pas tarder à se transformer en une sordide tragédie grecque… Un jour de juillet 1953, le facteur apporte une lettre provenant de Chypre dans laquelle Hélène, la mère de Stravros, annonce sa venue. Cela fait 17 ans que le jeune père de famille n’a plus revu sa mère. Dans ce petit deux pièces de la banlieue de Londres vivent dorénavant cinq personnes. Les tensions ne tardent pas à se faire sentir entre les deux femmes, d’autant plus qu’elles ne parlent pas la même langue. L’affrontement entre Hélène et Greta devient chaque jour plus violent. Le 28 juillet 1954 au soir, et comme chaque soir, Stravros part travailler. Les enfants sont couchés et les deux femmes se partagent comme à leur habitude le tout petit appartement. Mais cette soirée-là, à travers la fenêtre, les voisins d’en face peuvent apercevoir des flammes dans la cuisine. Par terre, un corps brûle, comme un mannequin de cire, et derrière lui, dans l’embrasure de la porte, un visage de femme admire avec fascination, le corps s’embraser. Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
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00:00 Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11 Les faits qui constituent notre dossier se sont passés à Londres il y a une vingtaine d'années.
00:16 Mais ne vous attendez pas mes chers amis, à ce qu'il y soit question des brumes de l'Angleterre ou de la civilisation de cette seconde moitié du XXe siècle, non.
00:26 Tout cela aurait pu se passer ailleurs et à une toute autre époque, exactement 2500 ans plus tôt, au pied de l'acropole à Athènes, au moment où naissait la tragédie grecque.
00:39 Car notre dossier d'aujourd'hui ressemble trait pour trait à une tragédie grecque. Non pas tant parce que ce sont des grecs qui sont en cause,
00:47 mais parce qu'il en a toutes les caractéristiques et qu'il en respecte toutes les règles.
00:52 Comme dans la tragédie grecque, il a pour cadre la famille, le lieu sans doute où les êtres s'affrontent avec le plus de violence et de férocité.
01:00 Comme dans la tragédie grecque, il a pour base des passions toutes simples, mais poussées à leur point extrême, l'amour, la jalousie, la haine.
01:09 Comme dans la tragédie grecque, l'issue fatale est prévisible dès le début, on la redoute, on s'y attend.
01:15 Les protagonistes s'y attendent sans doute eux aussi et tentent de s'y opposer, mais en vain, on sent de bout en bout planer quelque chose qui ressemble au destin.
01:25 Comme dans la tragédie grecque, enfin, la catastrophe finale est totale.
01:32 Et pourtant, tout cela s'est bien passé il y a juste 22 ans, à Londres, en plein XXe siècle.
01:39 [Musique]
01:58 Stavros Ianidis est né à Chypre en 1920 dans une famille de paysans grecs qui cultivent depuis toujours, depuis l'Antiquité peut-être, la vigne et l'oranger.
02:10 Le domaine des Ianidis n'est pas bien grand, le travail est rude et rapporte peu, mais le pays est beau et le climat toujours doux.
02:17 Stavros n'a pas connu son père qui est mort tout de suite après sa naissance. C'est donc sa mère Hélène qui l'a élevé ainsi que ses frères et sa soeur aînés.
02:26 Hélène Ianidis, qui va devenir le personnage central de notre dossier, est véritablement un être hors du commun.
02:33 C'est la femme grecque dans tout ce qu'elle peut avoir de noble, de dominateur et même de dur.
02:39 Elle est faite pour commander et on peut penser que même si le père avait vécu, c'est elle qui aurait dirigé la famille.
02:47 Pour l'imaginer physiquement, il n'y a pas de meilleure comparaison que l'actrice Irene Patas que beaucoup d'entre vous ont vu dans Z ou dans d'autres films.
02:57 Une haute taille, une démarche fière rendue plus imposante encore par les habits de veuve, des cheveux très noirs, très longs, coiffés en chignon, des yeux noirs eux aussi, toujours cernés, ce qui leur donne un éclat fiévreux des lèvres minces.
03:12 La seule passion d'Hélène est sa famille, son seul souci le petit domaine. Elle veille sur l'une et sur l'autre avec un soin jaloux.
03:21 Quelques années passent, heureuse. Le petit Stavros grandit.
03:27 Quand il a cinq ans, il comprend vaguement qu'il se passe quelque chose à propos de sa maman.
03:32 On parle d'elle à voix basse et pendant quelques temps même, il ne la voit plus.
03:37 Mais et tout cela a-t-il de l'importance pour un garçon de cet âge qui ne pense qu'à courir parmi les orangés, à jouer avec les animaux, à se baigner dans la mer ?
03:46 Hélène revient. On ne parle plus jamais de ce qui s'est passé et Stavros n'y pense plus.
03:54 En 1937, Stavros a 17 ans et comme beaucoup de jeunes Cypriotes de l'époque, il voudrait émigrer en Angleterre. N'oublions pas qu'à ce moment-là, Chypre est une colonie anglaise.
04:07 Pourquoi sa mère ne s'y oppose pas, elle qui tient avant tout à avoir sa famille réunie autour d'elle sous son autorité, nous ne le savons pas. Sans doute des raisons d'argent.
04:17 Il y avait déjà assez de bras pour cultiver le petit domaine des Yanidis et après tout, Stavros pouvait tenter sa chance en Angleterre.
04:25 Stavros débarque donc à Londres. Il se met à travailler dur et se fait une petite situation.
04:30 Agent d'assurance dans la journée et le soir, pour arrondir un peu ses revenus, somme lié dans un restaurant grec.
04:37 En 1942, il rencontre une jeune Allemande, Greta Bauer. Elle est intelligente et jolie. C'est le coup de foudre.
04:46 Ils se marient, s'installent dans un petit deux-pièces de la banlieue de Londres. Ils ont trois enfants, deux garçons et une fille.
04:54 Pour tous leurs voisins, les Yanidis sont un couple modèle, très uni, jamais de dispute.
05:00 Les enfants, bien sûr, ne sont pas riches loin de là, mais ils ont de beaux enfants, ils s'aiment et n'est-ce pas déjà beaucoup.
05:08 Voilà, tout commence un peu comme une histoire à l'eau de rose.
05:12 Et pourtant, ce bonheur tout simple, un peu banal même, ne semble fait que pour souligner par contraste le drame qui va suivre.
05:21 Tout va donc pour le mieux dans le petit appartement des Yanidis à Londres, jusqu'au jour, un jour de juillet 1953, où le facteur apporte une lettre.
05:32 C'est une lettre qui vient de Chypre, dans laquelle Hélène Yanidis annonce à son fils sa venue.
05:39 Elle a mis un peu d'argent de côté et elle va passer quelques semaines à Londres.
05:45 Hélène arrive donc en Angleterre et s'installe dans le petit appartement.
05:50 Au début, tout va pour le mieux, Stavros est ravi, cela fait dix-sept ans qu'il n'a pas vu sa mère.
05:56 Il lui demande des nouvelles du pays, comment vont ses frères, sa sœur, ses anciens amis.
06:01 Greta, de son côté, fait tous ses efforts pour être aimable et souriante.
06:05 Elle tient à se faire une amie de sa belle-mère, à laquelle son fils semble si attaché.
06:09 Mais les apparences ne doivent pas tromper.
06:12 La tragédie est déjà commencée, le mécanisme est en place et il ira jusqu'au bout.
06:19 Hélène est déjà là depuis un mois dans la maison quand elle déclare à Stavros.
06:34 « Mon fils, cela fait dix-sept ans que nous étions séparés.
06:38 Je vais rester un peu pour profiter de ta présence.
06:42 D'ailleurs, je vais travailler, on gagne bien en Angleterre.
06:45 Je vais mettre un peu d'argent de côté et au retour, j'achèterai un petit terrain à Chypre. »
06:51 Hélène, Iannidis reste donc.
06:55 Les semaines succèdent aux semaines, les mois succèdent aux mois.
06:59 Elle est toujours là.
07:01 Et peu à peu, les choses changent.
07:04 La gaieté des retrouvailles pour Stavros, le charme de la découverte pour Greta disparaissent
07:10 pour faire place à une tension qui va bientôt devenir intolérable.
07:14 Et dans tout cela, deux éléments qui pourraient paraître secondaires vont jouer un rôle essentiel.
07:19 Le cadre et la langue.
07:22 Le cadre, ce sont les deux pièces de l'appartement de Londres
07:27 où depuis maintenant des mois, cinq personnes vivent côte à côte.
07:31 Hélène, Iannidis couche dans la salle à manger avec sa petite fille.
07:35 Le couple a pris dans sa chambre les deux garçons.
07:38 Et tous ce petit monde vit ensemble.
07:40 Plus d'intimité, plus de repos.
07:42 Il n'y a pas de salle de bain, bien entendu.
07:45 Alors tous se retrouvent à la même heure dans la cuisine pour la toilette du matin.
07:49 Inconsciemment, car c'est encore dans l'inconscient que tout se passe,
07:54 Stavros, Hélène et Greta se rendent compte qu'il y a quelqu'un entre eux.
08:00 Et ce n'est pas la même personne qu'ils pensent.
08:04 Ensuite, et surtout, il y a la langue.
08:07 Hélène ne parle que le grec.
08:10 Elle ne prononcera quelques mots d'anglais qu'après des semaines et des semaines.
08:14 Greta parle anglais, bien sûr, ne connaît pas le grec.
08:17 Stavros, lui, parle grec et anglais.
08:20 Du coup, il est l'objet d'une rivalité supplémentaire entre les deux femmes.
08:24 Pour communiquer entre elles, elles doivent obligatoirement passer par lui.
08:28 Quand ils descendent à table, tous les trois,
08:31 chacune d'elles essaye d'amener la conversation dans sa langue à elle.
08:34 Et c'est chaque jour des dialogues de ce genre.
08:37 Greta en anglais.
08:39 « Comment s'est passée ta journée, mon chéri ? Tu as fait de bonnes affaires ? »
08:42 Hélène en grec.
08:44 « Qu'est-ce qu'elle te dit ? Elle te parle de moi ? »
08:46 Stavros en grec.
08:48 « Mais non, maman. » Greta me demandait si j'avais fait de bonnes affaires.
08:51 Greta en anglais.
08:53 « Qu'est-ce que dit ta mère ? Elle me critique, n'est-ce pas ? »
08:56 Et quand les deux femmes se retrouvent seules pour faire la cuisine ou la vaisselle, par exemple,
09:01 elles ne peuvent qu'échanger des regards et on devine quel regard.
09:06 L'affrontement entre Hélène et Greta devient chaque jour plus ouvert, plus violent.
09:11 Hélène reproche à son fils de s'être mariée avec une étrangère,
09:15 une fille de la ville, qui ne vaut pas une seule des paysannes de chez nous,
09:19 qui passe son temps à acheter des robes, des chaussures.
09:22 Greta, de son côté, fait des scènes de plus en plus vives à son mari.
09:26 « Enfin, tu n'es plus un enfant ! Tu n'as qu'à dire à ta mère de rentrer chez elle ! »
09:32 Stavros fait ce qu'il peut, c'est peut-être un faible,
09:34 mais c'est surtout un être partagé entre deux amours contradictoires.
09:38 Il va trouver sa mère.
09:40 Il lui demande de s'éloigner un peu, pour quelque temps au moins.
09:44 Et sa mère s'en va. Oh, pas loin, quelques rues plus loin.
09:49 Elle prend une chambre à l'hôtel. Et deux ou trois semaines après, elle revient.
09:53 Et elle se remet à critiquer sa belle-fille, sa façon de s'habiller, d'élever ses enfants.
09:57 Nouvelle scène de Greta. Stavros cède. Hélène repart à l'hôtel, puis revient encore.
10:04 Cela dure exactement un an.
10:07 Au mois de juillet 1954, Greta n'en peut plus.
10:11 Stavros sent bien lui aussi qu'il doit se décider.
10:16 Et tous trois, Hélène, Greta et lui, se mettent d'accord sur l'arrangement suivant.
10:22 Greta va partir pour l'Allemagne avec les enfants.
10:26 Elle y passera tout le mois d'août.
10:29 Pendant ce temps, Stavros restera seul avec sa mère.
10:33 Quand Greta et les enfants rentreront, Hélène s'en ira définitivement à Chypre.
10:43 Nous sommes le 28 juillet 1954 et c'est le soir.
10:48 Stavros, qui, comme nous l'avons dit, étant en plus de son travail de la journée sommelier dans un restaurant, s'apprête à partir.
10:56 Il embrasse sa femme et ses enfants sur le pas de la porte.
11:00 Hélène contemple la scène.
11:04 C'est vrai qu'elle est belle, cette Almorde.
11:08 Quelle idée son fils a-t-il d'épouser une jolie fille ?
11:14 Et ses petits-enfants ?
11:17 Elle ne les reverra plus.
11:20 Ils vont partir dans trois jours.
11:23 Et son fils ?
11:26 Oh bien sûr, elle va passer un mois seule avec lui, mais après, tout sera fini.
11:33 C'est bien qu'elle n'aura jamais assez d'argent pour retourner un jour en Angleterre.
11:38 Elle va donc tout perdre.
11:41 Par la faute de cette femme.
11:45 Hélène regarde sa belle-fille.
11:49 D'un regard qui ne laisse aucun doute.
11:55 Stavros est parti.
11:57 Les enfants sont couchés.
11:59 Greta et Hélène sont seules, toutes les deux.
12:03 Elles font la vaisselle.
12:07 Plusieurs amis du couple passeront au cours de cette soirée du 28 juillet 1954.
12:13 Mais aucun d'eux ne s'attardera.
12:16 Sans doute ont-ils senti qu'il y avait entre les deux femmes quelque chose de tendu et même d'inquiétant.
12:24 À onze heures du soir, Greta va se coucher.
12:28 Elle dit bonsoir en anglais.
12:30 Hélène répond bonsoir en grec.
12:33 Et toutes deux se retirent, l'une dans la chambre du couple, l'autre dans la salle à manger.
12:41 Greta est revenue dans la cuisine pour se déshabiller et faire un peu de toilette.
12:48 Alors Hélène se glisse sans bruit derrière elle.
12:52 Elle tient à la main un tisonnier.
12:56 Elle frappe d'un seul coup et de toutes ses forces à la tête.
13:02 Greta s'écroule.
13:04 Elle ne bouge plus, elle est sans doute déjà morte.
13:07 Mais qu'importe pour sa belle-mère, ce n'est pas terminé.
13:11 Elle prend un bas pour l'étrangler et elle sert pendant des secondes, des minutes peut-être.
13:20 Hélène se redresse haletante.
13:23 Elle achève de déshabiller Greta.
13:26 Quand elle la voit nue, elle prend un petit bidon d'alcool sous l'évier et met le feu au corps inanimé.
13:36 Ce beau corps si jeune qui avait fasciné son fils, ce corps qu'elle est de toute son art.
13:44 Hélène regarde monter les flammes, pour elle c'est un feu de joie.
13:50 Vers minuit, comme on l'apprendra plus tard, un voisin a vu des flammes dans la cuisine.
13:55 Il a regardé à la fenêtre et ce qu'il a vu lui a semblé incroyable.
14:00 Un tableau à la fois terrible et irréel.
14:02 Par terre il y avait une forme qu'il a prise pour un mannequin de cire en train de brûler.
14:06 Et derrière, dans l'embrasure de la porte, un visage de femme, une femme très brune,
14:10 qui regardait sans rien faire comme fascinée.
14:15 Prévenu par le voisin, la police et les pompiers arrivent sans tarder.
14:21 Il n'y a plus rien à faire.
14:24 Ils trouvent Hélène Yanidis faisant de grands gestes, s'arrachant les cheveux et criant
14:30 « Moi sentir l'odeur de brûler, moi venir, moi jeter de l'eau, mais elle morte ! »
14:37 Quand les policiers demandent à Hélène qui est la victime,
14:41 elle fait cette déclaration insolite qui, dans son pauvre anglais,
14:45 est le résumé exact des raisons de son crime.
14:48 « C'est l'Allemande mariée avec mon fils. Mon fils l'aimait beaucoup.
14:52 Elle, pleine de vêtements et de chaussures.
14:55 Les enfants partirent bientôt en Allemagne et moi partir à Chypre. »
15:01 Les policiers fouillent la maison sans attendre.
15:05 Sous l'oreiller de Mme Yanidis, ils trouvent l'alliance de Greta soigneusement enveloppée dans un mouchoir.
15:16 Oui, en définitive, c'était bien ce vol qui était le mobile du crime.
15:20 Ce crime sauvage était avant tout un crime rituel.
15:25 C'était pour voler l'alliance de Greta qu'Hélène avait tuée,
15:28 pour arracher de son doigt le symbole qui la liait à son fils.
15:34 Quand Stavros rentra au petit matin,
15:37 il découvrit en même temps le corps de sa femme et les policiers qui emmenaient sa mère.
15:43 Stavros, qui n'avait pas pu faire un choix entre les deux femmes qu'il aimait,
15:47 les avait perdues toutes les deux en une nuit.
15:50 Il avait laissé des passions dangereuses naître, se développer, s'exacerber.
15:54 Il n'avait pas compris à temps que sa faiblesse, elle aussi, était d'une certaine manière criminelle.
16:00 Avec la même faiblesse, ou une sorte de courage comme on voudra,
16:04 Stavros ne put se résoudre à abandonner sa mère,
16:07 même si elle était maintenant la meurtrière de sa femme.
16:11 Comme elle ne pouvait se débrouiller toute seule,
16:13 il lui servit d'interprète tout au long de l'instruction.
16:17 Stavros faisait ce qu'il pouvait.
16:19 Il essayait d'endiguer son malheur.
16:21 Il essayait de sauver la femme qui lui restait.
16:24 C'était un effort à la fois désespéré et dérisoire,
16:27 car le destin, qui s'était déjà manifesté, ne pouvait aller que jusqu'au bout.
16:32 Le procès s'ouvrit sans tarder.
16:35 Hélène Iannidis dut être assistée en permanence d'un traducteur.
16:40 Elle était assise, bien droite à son bord, fière, figée, hautaine,
16:44 avec un bel orgueil, et malgré l'avis de ses avocats consternés, elle plaida non coupable.
16:50 Le jury était très scrupuleux.
16:52 Il tint à examiner lui-même l'appartement d'Iannidis.
16:56 Après sa visite, il acquit la certitude qu'Hélène était bien coupable.
16:59 En effet, d'après la disposition des lieux, aucun étranger n'aurait pu entrer
17:03 sans éveiller les enfants qui étaient restés endormis pendant tout le drame.
17:07 Dans ces conditions, l'issue du procès ne faisait plus de doute.
17:12 Le 28 octobre 1954, Hélène Iannidis fut condamnée à mort.
17:18 Son fils Stavros n'entendit pas la sentence.
17:22 Il n'avait pas voulu être dans la salle. Le jour du verdict.
17:28 Stavros n'était pas là non plus en 1925, au cours du procès pour meurtre
17:35 où sa mère avait été accusée d'avoir assassiné sa belle-mère
17:38 en lui enfonçant une torche allumée dans la gorge.
17:42 Il faut dire que le petit Stavros avait cinq ans.
17:45 Faute de preuve, Hélène Iannidis avait été acquittée.
17:50 C'était ça le fameux secret qu'on avait caché à l'enfant.
17:55 Le 28 décembre 1954.
18:02 Un interprète vient dire à Hélène Iannidis que son pourvoi est rejeté
18:07 et qu'elle va mourir.
18:10 Alors Hélène se met à écrire à son fils des lettres à la fois féroces et poétiques,
18:15 dans un style très simple, avec des mots de tous les jours,
18:18 mais qui ne manquent pas d'une certaine grandeur.
18:21 Une grandeur venue du fond des âges, celle de la tragédie grecque.
18:28 Elle y déclare dans ses lettres à la fois son amour et sa haine, avec la même passion.
18:34 Elle évoque les moments heureux où toute la famille était réunie
18:37 dans le petit domaine de Chypre, sous son autorité,
18:40 où elle faisait le pain pour tout le monde.
18:43 Le matin, les enfants partaient travailler au champ,
18:45 et le soir, avec la récolte d'oranges et de raisins.
18:49 Elle, si elle s'était rendue en Angleterre, c'est parce qu'elle aimait son fils Tavros,
18:54 qu'elle ne l'avait pas vu depuis 17 ans, et qu'elle ne supportait pas d'être séparée de lui.
19:01 Et oui, tout cela a été indiscutablement vrai.
19:09 Et pourtant, le lendemain du jour où elle écrivait ses lignes,
19:15 Hélène Iannidis était pendue.
19:21 Quelles furent les pensées de Stavros quand on pendit sa mère pour le meurtre de sa femme ?
19:27 Nous ne pouvons que l'imaginer.
19:30 Car pour lui, ce n'était pas une réparation, ce n'était pas une justice qu'on lui rendait,
19:35 c'était une catastrophe qui s'ajoutait à la première, c'était l'achèvement définitif de son malheur.
19:43 Que devint Stavros Iannidis ?
19:46 Nous ne le savons pas, peut-être comme Orestes, devint-il fou de douleur ?
19:52 Peut-être comme d'autres héros de la tragédie grecque, parvint-il à surmonter son drame ?
19:58 Peut-être ? Stavros est-il retourné à Chypre ?
20:03 Et il y a trois ans, une balle turque a peut-être mis fin à sa destinée.
20:12 Les dieux ont des jeux tellement étranges.
20:16 [Musique]
20:34 Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
20:38 un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
20:43 Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
20:47 Production, Sébastien Guyot.
20:50 Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
20:55 Remerciements à Roselyne Belmar.
20:58 Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
21:03 Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.