• il y a 8 mois
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Philippe Fontana, avocat au barreau de Paris et auteur de "La vérité sur le Droit d’Asile" disponible aux éditions de l’Observatoire, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils s'intéressent à la suppression annoncée du Droit du sol à Mayotte.
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Transcription
00:00 - Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'avocat Philippe Fontana.
00:03 - Bonjour Philippe Fontana.
00:05 - Bonjour Dimitri Pavlenko.
00:07 - Bienvenue sur Europe 1. Philippe, vous êtes spécialiste entre autres du droit des étrangers.
00:10 Vous êtes l'auteur de "La vérité sur le droit d'asile", livre paru l'an dernier aux éditions de l'Observatoire.
00:16 Nous vous avions reçu sur Europe 1 à l'époque.
00:19 Alors, question très directe ce matin, Philippe Fontana.
00:22 La suppression du droit du sol va-t-elle vraiment alléger le fardeau migratoire qui écrase Mayotte ?
00:29 Est-ce qu'on peut vraiment supprimer ce droit du sol à Mayotte ?
00:32 Et même au-delà, pour tout le territoire national ?
00:35 Parce que c'est ce que souhaiterait une majorité de Français, 65% selon notre sondage du jour, CSA pour Europe 1, CNews et le JDD.
00:43 On va en parler, Philippe Fontana, mais vous avez planché, vous, sur ces questions qui sont juridiquement complexes.
00:50 Commençons par Mayotte.
00:51 C'est quoi d'abord la règle du droit du sol là-bas, puisqu'elle déroge à la règle nationale ?
00:56 Comment d'ailleurs c'est possible d'avoir une exception maoraise aux droits français qui ait moins de droits là-bas qu'ici ?
01:03 Alors, c'est très récent.
01:05 C'est une initiative d'un député et d'un sénateur maorais.
01:11 Et donc, la règle du droit du sol a été changée par la loi de 2018.
01:16 Mais ça a été changé à la marge, puisque la personne n'acquiert la nationalité française à sa naissance à Mayotte
01:23 que si l'un de ses deux parents était en situation régulière sur l'île seulement depuis trois mois.
01:29 Pendant les travaux, pendant les débats parlementaires sur la loi immigration,
01:34 Mme Boyer, sénatrice LR, avait présenté un ameulement, l'article 81 de la loi, qui était devenu donc cet article,
01:42 qui prévoyait un minimum d'un an de séjour régulier pour les deux parents.
01:46 Mais malheureusement, cet article a été retoqué par le Conseil constitutionnel,
01:50 non pas sur le fond, mais pour des raisons de procédure, car il résultait d'un amendement
01:56 qui était considéré comme un cavalier législatif.
01:59 Donc, si l'on regarde les chiffres à Mayotte, indubitablement, il faudrait modifier le droit du sol,
02:05 parce que vous avez 10 000 naissances par an à Mayotte,
02:09 et c'est seulement un quart qui sont des naissances provenant de mer française.
02:15 - Mais on a un droit du sol à Mayotte qui est donc déjà conditionnel,
02:21 à cette présence d'au moins trois mois d'un des parents au moment de la naissance de l'enfant.
02:25 Est-ce que la suppression totale du droit du sol aura un impact significatif sur l'immigration irrégulière ?
02:33 Est-ce que ça peut la réduire considérablement ou pas ?
02:36 - La réduire, je ne sais pas, mais en tout cas, ça peut réduire le nombre d'acquisitions automatiques de la nationalité.
02:44 Quand vous savez qu'à Mayotte, il y a 350 000 personnes qui y vivent,
02:48 mais la moitié de la population est étrangère,
02:50 vous imaginez qu'il y a des conséquences sur l'acquisition de la nationalité.
02:54 Donc oui, indubitablement, pour moi, il y aurait un vrai allégement du fardeau de l'immigration irrégulière à Mayotte.
03:04 - Mais dans la communication du gouvernement, il y a cette impression d'un effet un petit peu magique,
03:08 on va supprimer le droit du sol et comme par magie, ça va freiner également l'autre apport considérable à la population mahoraise,
03:16 que sont les demandes d'asile.
03:17 Vous avez des gens qui sont étrangers, qui arrivent à Mayotte,
03:20 n'ont pas forcément l'ambition de devenir français, mais en revanche, ils réclament l'asile.
03:24 Est-ce que supprimer le droit du sol changerait quelque chose à cela ?
03:28 - Non, ça, ça n'a rien à voir.
03:30 Alors, il est vrai que la question du droit d'asile a surgi très récemment à Mayotte,
03:35 et c'est d'ailleurs l'étincelle qui a mis le feu aux poudres,
03:39 puisque les Mahorais ne supportaient plus la présence de, soit de demandeurs d'asile, soit de réfugiés,
03:45 c'est-à-dire ceux qui ont obtenu l'asile de la part des autorités françaises au stade de Cavani.
03:50 Et c'est pour ça que le ministre, d'ailleurs, a rapatrié une petite centaine de personnes qui ont obtenu le droit d'asile,
03:56 donc des réfugiés, sur le territoire métropolitain.
03:59 Mais cette question du droit d'asile est assez fluctuante, parce que je vais vous donner un chiffre qui m'a moi-même surpris.
04:06 En 2023, le nombre, le chiffre de premières demandes en matière d'asile a chuté de 26 %
04:16 alors qu'il était en augmentation continue à Mayotte ces dernières années.
04:19 - Et pourquoi ?
04:19 - Par contre, ça, j'en sais rien.
04:22 La question, c'est qu'on est passé d'une demande d'asile de la part des Comoriens, qui étaient voués à un échec total,
04:29 puisqu'ils sont plus une immigration économique, à une provenance d'Africains des pays du Grand Lac ou de Somalie,
04:37 qui, eux, avaient beaucoup plus de chances d'obtenir l'asile, puisqu'on est arrivé à des taux similaires à ceux de la métropole.
04:44 - Oui, ils viennent d'un pays en guerre, quand on vient d'un pays en guerre ou en prend une guerre civile,
04:49 ce qui est le cas des Congolais, ce qui est le cas des Somaliens,
04:52 évidemment, on accède beaucoup plus facilement à l'asile en France et surtout, on ne vous renvoie pas,
04:56 parce que la France ne renvoie personne dans un pays en guerre.
05:00 - Exactement, donc ils avaient même la protection subsidiaire et non pas l'asile,
05:03 puisque toute personne qui provient d'un pays avec un état de guerre de haute intensité peut obtenir une protection internationale en France.
05:11 - Philippe Fontana, je voudrais qu'on revienne un instant sur le droit du sol.
05:14 Il y a cette question de la suppression qui a été promise par Gérald Darmanin.
05:18 Je vais rappeler juste un petit point de droit.
05:20 Il y a des textes en droit qui sont plus importants que d'autres.
05:22 Vous avez ce qu'on appelle la hiérarchie des normes.
05:24 Tout en haut, vous avez les traités internationaux.
05:27 En dessous, vous avez la Constitution.
05:29 Et encore en dessous, vous avez la loi.
05:31 Or, il se trouve que le droit du sol, il n'est inscrit que dans le code civil, c'est-à-dire la loi,
05:35 donc pratiquement l'un des plus bas échelons de la hiérarchie juridique.
05:38 Donc en théorie, supprimer le droit du sol, c'est assez facile, non ?
05:42 - Ah, ce n'est pas seulement en théorie.
05:44 Il suffit de se référer à la décision du Conseil constitutionnel du 20 juillet 1993.
05:50 À l'époque, Charles Pascua et Édouard Balladur avaient changé ce qu'on appelait le code de la nationalité.
05:56 Et le Conseil constitutionnel, présidé à l'époque par Robert Balladur,
05:59 donc pas quelqu'un de droite, s'était incliné devant la volonté du peuple exprimée par le législateur.
06:06 Et Charles Pascua avait supprimé l'automaticité de l'acquisition de la nationalité à 18 ans
06:11 et avait permis que les délinquants mineurs, étrangers, ne pouvaient pas obtenir la nationalité française.
06:17 Donc moi, je ne crois pas qu'il y ait un véritable obstacle constitutionnel.
06:20 Je ne crois pas que le changement du droit du sol soit un principe fondamental reconnu par la loi de la République,
06:27 c'est-à-dire qu'il ferait partie du bloc de constitution.
06:29 - Oui, c'est plus des obstacles politiques, en fait.
06:32 - Ah, mais ça, c'est le choix du gouvernement.
06:34 Moi, je me souviens que Gérald Darmanin, pendant les débats parlementaires,
06:37 avait expliqué aux sénateurs que le changement du droit du sol, y compris à Mayotte,
06:41 on en avait discuté au début de cette interview, était contraire à la constitution.
06:46 Et donc, il fallait une modification de la constitution.
06:48 Moi, je n'y crois absolument pas.
06:50 Donc, je pense que le gouvernement, s'il veut vraiment aller vite, il peut déposer un projet de loi.
06:56 D'ailleurs, c'est dans l'article 34 de la constitution qui prévoit que le Parlement est compétent pour modifier les règles de la nationalité.
07:05 Donc, je ne vois pas qu'est-ce qui pourrait imposer au gouvernement de présenter un projet de loi constitutionnel.
07:11 D'ailleurs, ça serait un instant de vérité.
07:13 Si le Conseil constitutionnel censure, sait-on jamais,
07:16 eh bien, dans ces cas-là, le gouvernement pourrait demander une modification de la constitution.
07:21 Mais commençons par une méthode simple et adoptons-la en fonction de la position du Conseil constitutionnel.
07:27 - Merci, Philippe Fontana.
07:29 Intéressant, vous nous dites ce matin, il n'y a pas forcément besoin de modifier la constitution pour supprimer le droit du sol.
07:34 On n'avait pas entendu ça jusque-là.
07:35 Merci de l'avoir dit ce matin sur Europe 1.
07:38 Philippe Fontana, je rappelle le titre de votre livre, "La vérité sur le droit d'asile".
07:42 C'est paru aux éditions de l'Observatoire.
07:44 Bonne journée à vous.

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