Mercredi 21 février 2024, SMART PATRIMOINE reçoit Anne-Catherine Husson-Traore (Directrice générale, Novethic) , Cédric Marc (Président, Patrimonio Finance) , Claire Castanet (Directrice des relations avec les épargnants, Autorité des Marchés Financiers (AMF)) et Thomas Montcourrier (Analyste, OCDE)
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00:08 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Patrimoine.
00:11 Smart Patrimoine, l'émission qui vous accompagne dans la gestion de vos finances personnelles
00:16 et l'émission qui décrypte également avec vous les enjeux et les actualités du secteur de la gestion de patrimoine.
00:23 Une émission tous les jours sur Bsmart.
00:25 Au sommaire de cette édition, nous commencerons avec Investir Responsable,
00:30 notre rendez-vous dédié à l'investissement durable, responsable ou à impact.
00:34 Novetic et l'ADEME ont réalisé une étude annuelle sur les fonds durables,
00:39 sur l'analyse de la transition écologique.
00:42 Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novetic, sera sur le plateau de Smart Patrimoine
00:47 pour venir nous en parler dans un instant.
00:50 Qui sont les nouveaux investisseurs français ?
00:53 C'est la question qui va nous animer dans Enjeux Patrimoines.
00:56 L'AMF et l'OCDE ont publié une étude qui dresse le portrait des nouveaux investisseurs français.
01:02 Décryptage avec Claire Castanet, directrice des Relations avec les épargnants et de leur protection chez l'AMF
01:08 et avec Thomas Moncourrier, analyste au sein de l'OCDE.
01:12 Enfin, dans l'œil du CGP, nous nous pencherons sur les valeurs liées à la défense
01:17 avec Cédric Marc, président de Patrimonio Finance.
01:21 Bienvenue à vous tous qui nous rejoignez.
01:23 Smart Patrimoine, c'est parti !
01:25 Et c'est parti pour Investir Responsable,
01:32 notre séquence dédiée à l'investissement durable, responsable ou à impact dans Smart Patrimoine.
01:37 Novetic et l'ADEME ont réalisé leur étude annuelle sur les fonds durables
01:42 sur l'analyse de la transition écologique, telle que la définissaient les fonds les plus engagés.
01:47 L'étude a porté sur 183 fonds, dont 161 classés article 9,
01:52 ce qui représente un encours de près de 100 milliards d'euros.
01:56 Pour nous en parler, nous sommes ravis de recevoir sur notre plateau Anne-Catherine Husson-Traoré.
02:00 Bonjour.
02:01 Bonjour, Pauline.
02:02 Vous êtes directrice générale de Novetic.
02:04 Alors, pour commencer, Anne-Catherine Husson-Traoré, quels sont les grands enseignements de cette étude ?
02:09 Eh bien, écoutez, comme nous l'avons mis en couverture de cette étude,
02:14 la transition, c'est normalement le cap que devraient avoir tous ces fonds durables,
02:18 puisqu'on sait que l'économie actuelle n'est pas très durable,
02:21 que donc il y a une toute petite partie qui est assez verte aujourd'hui,
02:24 et que l'objectif, normalement, de la finance durable, c'est bien de faire passer toute cette partie marron,
02:29 très importante, par toutes les nuances qui lui permettent de finir le plus dans le vert possible
02:34 et le plus soutenable possible.
02:35 C'est pour ça qu'on s'est intéressés avec l'ADEME à cette question de transition.
02:38 L'ADEME, il travaille à travers des méthodologies, secteur par secteur,
02:42 pour définir ce qu'est une transition solide.
02:44 Et donc là, on a voulu regarder ce que la partie la plus avancée des fonds durables,
02:48 c'est-à-dire ceux qui, en tout cas, promettent à leurs clients qu'ils vont financer la transition,
02:54 finalement, comment ils organisent la sélection des entreprises sur ces types de critères.
02:59 Est-ce que le volume de documentation, il peut permettre d'informer convenablement
03:05 l'épargnant, selon vous, sur l'usage de ces fonds ?
03:08 Alors, on a un premier problème, finalement, c'est que toute la réglementation SFDR,
03:12 qui est donc la réglementation qui encale la finance durable en Europe,
03:16 qui est pour l'instant sur pause, d'ailleurs, parce qu'il s'est avéré qu'elle était quand même trop complexe.
03:20 Pourquoi ? Parce que finalement, on a fait la même réglementation pour les superviseurs
03:24 que pour l'épargnant de base.
03:26 Alors, le superviseur, il peut avoir droit à une documentation ultra-technique
03:29 auquel personne ne comprend rien.
03:31 Oui, mais pas l'épargnant.
03:32 En revanche, pas l'épargnant.
03:33 Alors, le mot "transition", il peut y comprendre quelque chose,
03:36 mais il faut qu'il puisse comprendre ce qu'on met derrière.
03:38 Et donc, c'est l'intérêt de notre étude, c'est qu'on est allé vraiment regarder,
03:42 alors d'abord, on a lu ces centaines de pages de documentation technique,
03:46 donc hommage à Nicolas Redon, qui est l'auteur de cette étude,
03:50 qui les a vraiment lues, et donc ça montre bien qu'il y a un problème.
03:54 C'est-à-dire qu'on ne peut pas demander à l'épargnant...
03:56 De comprendre.
03:57 De lire, ensuite de les comprendre.
03:59 Bien sûr.
04:00 Et enfin, de savoir si finalement, toute cette démarche de transition est crédible ou pas.
04:03 Et donc, c'est vraiment là où on en est aujourd'hui.
04:05 Ce qui est intéressant, c'est qu'en même temps,
04:07 ça permet de regarder un peu comment les investisseurs ont commencé à travailler,
04:11 en sachant qu'ils ont un premier problème,
04:13 c'est que la notion de transition,
04:15 elle est tout aussi floue que la notion de développement durable aujourd'hui,
04:18 et que surtout, les entreprises vont petit à petit être obligées
04:21 de faire des plans de transition,
04:23 en particulier dans le cadre de la nouvelle loi européenne
04:25 pour les entreprises qui s'appelle CSRD,
04:27 mais aussi d'une future loi européenne qui devrait arriver
04:30 sur le devoir de vigilance, qui elle, s'appelle CS3D.
04:33 À ne pas confondre.
04:35 On va aller deux moments ensemble.
04:36 Donc, on va probablement, allez, 2027-2028,
04:39 être obligés, pour les plus grandes entreprises, mais aussi les plus petites,
04:42 d'avoir des vrais plans de transition crédibles, opposables,
04:45 alignés si possible sur l'objectif de l'accord de Paris
04:48 en termes de réduction climatique, etc.
04:50 Donc, on a un cadre aujourd'hui,
04:52 mais en revanche, tout le monde fait comme il veut.
04:55 Chaque gérant d'actifs peut définir la transition comme il veut,
04:57 puisque finalement, il n'y a pas vraiment de données.
04:59 Alors, on ne peut avoir dans les fonds de transition, par exemple, que de la tech.
05:02 Parce que la tech, a priori, ce n'est pas en soi un problème.
05:06 Enfin, c'était souvent une solution.
05:08 On est en train de s'apercevoir que ça peut potentiellement être aussi un problème,
05:11 parce que l'IA, en particulier, est très, très énergivore.
05:14 Et donc, pour information, les GAFAM ont arrêté de publier
05:18 leurs données de consommation d'énergie depuis quelques mois,
05:21 parce qu'elles étaient en train d'exploser à cause de l'IA.
05:23 Et donc, ça, ce n'est pas très bon pour le climat.
05:25 Donc, on voit bien qu'on est dans cette période d'incertitude.
05:28 Et en fait, ce qu'on a montré dans notre étude,
05:30 c'est que ce panel de fonds produisait de la documentation,
05:34 une espèce d'inflation de documentation à laquelle on ne comprenait pas grand-chose,
05:37 que personne n'avait les mêmes repères,
05:39 et que finalement, au milieu de tout ça,
05:41 n'émergeaient pas vraiment les indicateurs qui devraient être là.
05:44 C'est-à-dire que, par exemple, la taxonomie des activités vertes,
05:47 elle est employée, on l'a trouvé, dans 14 fonds.
05:49 C'est-à-dire, pour être sûr qu'on flèche du vert,
05:51 on n'utilise pas l'index vert, quelque part, de l'Union européenne.
05:57 De la même façon, la question de "c'est quoi une entreprise à transition ?
06:01 Comment la mesure ? Sur quel type d'indicateur ?"
06:04 On sait aujourd'hui que, par exemple, la plupart des entreprises
06:06 qui communiquent des données CO2,
06:08 elles le communiquent à tout casser sur leur scope 1,
06:11 c'est-à-dire leurs émissions directes,
06:13 leur scope 2, c'est-à-dire l'énergie qu'elles consomment,
06:15 mais leur scope 3, qui la plupart du temps est le plus important,
06:17 alors là, on n'a pas de données.
06:19 Donc, on est vraiment un peu dans une jungle,
06:22 où le mot "transition" est séduisant,
06:24 mais il va falloir mettre un peu d'ordre dans la jungle.
06:27 - Ce que vous nous disiez sur les fonds,
06:29 est-ce qu'ils peuvent au moins garantir quand même
06:32 la démarche de transition des entreprises ?
06:35 - Alors, ils peuvent, par exemple, demander...
06:39 Mais aujourd'hui, il y a très peu d'entreprises
06:41 qui ont vraiment des plans de transition,
06:43 et même sur la question climatique,
06:45 il y a des grosses tensions autour de ce qu'on appelle
06:47 les "certain climates", c'est-à-dire un plan climat
06:50 soumis à ses actionnaires.
06:51 Donc, déjà, là, on n'a pas des choses solides.
06:53 Et si on parle plus globalement de plans de transition
06:57 alignés sur les limites planétaires,
07:00 c'est-à-dire parce qu'en fait, on parle de sujets très concrets,
07:02 par exemple, une entreprise qui a besoin de beaucoup d'eau,
07:05 prenons les semi-conducteurs,
07:07 ils ont besoin de beaucoup d'eau, les verres de lunettes, tout ça.
07:10 Si aujourd'hui, l'usine qui réalise une partie X du chiffre d'affaires,
07:15 elle a un problème d'approvisionnement en eau,
07:17 très clairement, ça fait partie des données dont on a besoin
07:20 pour savoir comment elle organise sa transition,
07:22 et ça, on ne les a pas aujourd'hui, très rarement.
07:24 Donc, ça, c'est des points cruciaux.
07:26 Alors, qu'est-ce qu'on a aujourd'hui ?
07:28 On a finalement un indicateur qui est celui qui est le plus souvent utilisé.
07:32 - Oui, je voulais vous demander,
07:33 quels sont les indicateurs suivis, du coup ?
07:35 - Alors, on a fait un tableau dans cette étude
07:37 qui permet de comparer ce qu'on a trouvé dans les fonds.
07:40 Alors, déjà, effectivement, on peut s'adresser à une partie
07:43 relativement... comment dire ? relativement...
07:47 aguerrie sur les sujets de transition.
07:49 Ce qui nous a intéressés, c'était de montrer
07:51 quels étaient les indicateurs utilisés,
07:53 et que finalement, ça ne pouvait pas forcément dire
07:55 que l'entreprise était en transition.
07:57 Alors, concrètement, vous avez une initiative qui s'appelle
08:00 "SBTI", Science Based Target Initiative.
08:03 Ça veut dire quoi ?
08:04 Ça veut dire que l'entreprise a pris des objectifs
08:07 de réduction au carbone, et qu'elle les a fait certifiés
08:10 par une organisation qui valide l'alignement
08:14 de ces objectifs sur la trajectoire de l'Accord de Paris.
08:18 Donc, ça, c'est bien, mais c'est de l'intention.
08:20 Est-ce qu'elle le fait pour de vrai ?
08:22 Personne ne va vérifier sur le terrain.
08:24 Est-ce qu'effectivement, on vérifie que l'intention est bonne ?
08:26 C'est déjà pas mal, parce qu'il y a plein de déclarations
08:28 qui ne sont pas vérifiées.
08:30 Là-dessus, nous, on a regardé, et c'est ça qui est
08:32 surtout intéressant, il y a ce qu'on appelle par ailleurs
08:34 les alliances dites "net zero".
08:36 Net zero, ça veut dire neutralité carbone.
08:39 C'est-à-dire que quand on s'engage dans la neutralité carbone,
08:41 on est censé regarder, non seulement d'où on part,
08:44 mais surtout quels sont ses investissements.
08:46 Et là, ce n'est pas joli joli, c'est-à-dire que
08:48 tout en tout, les entreprises les plus sélectionnées,
08:50 dont des noms connus comme Air Liquide
08:52 ou Saint-Gobain, si on ne regarde que le sujet SBTI,
08:56 finalement, elles ont l'air très en ligne et très engagées.
08:59 Si on regarde le sujet, est-ce que leurs investissements
09:03 sont cohérents avec cet engagement neutralité carbone ?
09:05 Alors là, c'est beaucoup plus dans le rouge.
09:07 Et finalement, on n'a quasiment pas d'entreprises
09:09 qui sont vraiment ouvertes dans leur transition,
09:11 à une exception près, qui est Hyberdrola.
09:13 Donc, ce qui est effectivement très compliqué
09:16 aujourd'hui pour un investisseur, c'est à lui tout seul
09:18 de faire l'étude que nous avons faite,
09:21 qui a pris, un, la lecture de centaines de pages
09:24 de documentation, deux, l'expertise de Nicolas Redon,
09:27 qui est notre expert finance verte à Noviti.
09:30 Ça, ça ne va pas. Et c'est vrai que je discutais
09:32 avec des régulateurs ce matin, qui disent très bien
09:35 que ça, ils vont aujourd'hui prendre de plus en plus
09:37 de mesures pour que les gérants d'actifs aient
09:40 une communication claire, lisible et transparente
09:43 pour le client final. Et ça, il y a encore
09:46 beaucoup, beaucoup de travail à faire.
09:48 Pour l'instant, les gérants ont tendance à se faufiler
09:51 dans les trous dans la raquette de la réglementation,
09:53 en disant "bon, ben c'est trop compliqué, nous on coche
09:55 les cases pour le superviseur, et puis l'épargnant,
09:57 il se débrouillera bien".
09:58 Donc, encore un peu besoin de pédagogie, quand même,
10:01 avec l'épargnant final. Merci beaucoup, Anne-Catherine Husson-Traoré,
10:05 vous êtes directrice générale de Novetic.
10:08 Et quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu patrimoine.
10:11 [Générique]
10:15 Et c'est parti pour Enjeu patrimoine. Nous allons revenir
10:18 ensemble sur une étude menée par l'OCDE
10:21 pour le compte de l'AMF, qui dresse le portrait
10:24 des nouveaux investisseurs français, avec Claire Castanet,
10:27 directrice des Relations avec les Épargnants et de leur Protection
10:31 chez l'AMF. Bonjour. - Bonjour.
10:33 - Et avec Thomas Moncourrier, analyste au sein de l'OCDE.
10:36 Bonjour. - Bonjour.
10:38 - Alors, tout d'abord, pour commencer, Claire Castanet,
10:40 pourquoi avoir commandé cette étude ?
10:43 - Nous avons observé à l'Autorité des marchés financiers
10:46 que depuis 2020, il y a plus d'un million de nouveaux investisseurs
10:51 qui sont arrivés en bourse. Donc, c'est un chiffre très significatif,
10:54 bien sûr, avec un pic majeur en 2020-2021.
10:57 - Pendant le Covid, donc ? - Pendant le Covid,
10:59 ça s'est stabilisé, mais ça reste toujours là,
11:02 avec un vrai renouvellement de génération.
11:05 Il nous paraissait très important, dans notre rôle de protection
11:08 de l'épargne, d'accompagnement d'éducation financière,
11:11 d'avoir des éléments très tangibles, très factuels,
11:14 pour mieux connaître ces investisseurs,
11:17 la façon dont ils se renseignent, comment ils investissent,
11:20 leurs attitudes, leurs comportements.
11:22 Et c'est pour cela que nous avons demandé un financement
11:25 à la Commission européenne pour mener cette étude
11:29 et surtout avoir des recommandations en matière de stratégie
11:32 d'éducation financière. - Donc, une étude inédite,
11:35 je rappelle, c'est la première fois qu'on fait une étude
11:38 de cette sorte. Thomas Moncourrier, quelle méthodologie
11:42 vous avez utilisée pour dresser ce portrait des nouveaux
11:45 investisseurs français ? - Alors, tout d'abord,
11:48 on a procédé en deux temps. On a fait une phase,
11:51 qu'on va dire, plus quantitative, et qui a été suivie
11:54 par une phase qualitative. Donc, sur la phase quantitative,
11:57 on a essayé d'analyser qui étaient ces nouveaux investisseurs.
12:00 On est partis sur un panel de plus de 8 000 personnes
12:03 et on leur a demandé tout simplement quand avaient-ils investi
12:06 pour la première fois. Et il en est sorti que 24%
12:10 étaient des investisseurs, donc en produits boursiers,
12:13 en cryptoactifs, en financement participatif, en ETF, etc.
12:17 Et la moitié d'entre eux, donc 12%, étaient des investisseurs
12:21 qui avaient commencé pendant le Covid à partir du début 2020.
12:25 Et donc, sur cette base, sur cet échantillon
12:29 de un petit peu plus de 1 000 nouveaux investisseurs,
12:32 nous leur avons posé des questions très précises,
12:35 donc sur leurs attitudes, leurs connaissances financières,
12:38 le type de placement financier qu'ils avaient réalisé, etc.
12:41 Et ensuite, une fois que cette phase a été réalisée,
12:44 on a conduit une phase de 40 entretiens qualitatifs,
12:47 donc qui ont duré à peu près une heure environ,
12:51 en ligne, avec différents profils de nouveaux investisseurs
12:55 qu'on avait repérés pendant la phase quantitative.
12:59 Donc voilà, des investisseurs, certains qui étaient plus jeunes,
13:03 certains qui étaient plus diversifiés, d'autres plus dynamiques
13:07 ou consciencieux dans leur recherche d'informations, notamment.
13:10 Et on a conduit ces études qualitatives dans un second temps
13:14 pour avoir de plus en plus d'informations que la phase quantitative,
13:17 qui était vraiment un questionnaire en ligne, ne pouvait pas répondre.
13:20 Donc voilà pour la méthodologie de manière générale.
13:23 - C'est comme ça que vous avez pu dresser un portrait global
13:26 des nouveaux investisseurs français.
13:29 Quels sont, Thomas Moncourrier, pour commencer, ensuite Claire Castanet,
13:32 quels sont les grands enseignements de cette étude selon vous, Thomas ?
13:36 - Alors, je pense, vu le caractère novateur de l'étude,
13:40 je pense qu'on a eu pas mal d'enseignements très intéressants
13:42 sur lesquels on est en train de travailler actuellement,
13:44 mais si je pouvais dire quelques grands axes,
13:47 notamment au niveau du profil sociodémographique,
13:51 il y a vraiment cette variable de l'âge qui est comparée
13:54 aux anciens investisseurs qui investissaient avant le Covid.
13:57 On a vraiment une prépondérance des jeunes,
14:02 notamment des 18 à 25 ans.
14:04 Je crois que de mémoire, plus de 50% de nos investisseurs ont moins de 35 ans.
14:09 - Et donc, en comparaison, avant Covid,
14:11 quelle était la tranche d'âge à peu près des investisseurs ?
14:15 - Je n'ai plus les chiffres exacts en tête, mais de manière générale,
14:18 c'était quand même très prégnant que les anciens investisseurs
14:21 avaient en moyenne beaucoup plus âgé,
14:24 et sur la classe notamment des plus de 65 ans,
14:26 ils étaient beaucoup plus présents que les nouveaux investisseurs.
14:29 Là, on a vraiment une prépondérance des 18 à 25 ans,
14:31 et de manière générale, moins de 35 ans.
14:33 Donc ça, c'est pour le côté plus sociodémographique.
14:37 Après, au niveau de l'investissement en tant que tel,
14:40 c'est vrai qu'on a une forte préférence pour les cryptoactifs.
14:44 Donc là encore, comparé aux anciens investisseurs, c'est assez patent.
14:49 Je crois que c'est plus de 50% des nouveaux investisseurs qui investissent en cryptoactifs.
14:53 Et quand on regarde par classe d'âge, 18 à 25 ans par exemple,
14:56 je crois que ça va plus de 65%.
14:58 Donc c'est quand même des chiffres qui sont assez importants.
15:02 Ensuite, un autre élément qui était quand même assez clairant de notre côté,
15:08 c'était sur la recherche des sources d'informations.
15:10 Quelles sont les sources d'informations utilisées par ces nouveaux investisseurs
15:14 lorsqu'ils réalisent des investissements ?
15:16 Donc, premier point assez positif, ils recherchent de l'information
15:19 selon différentes sources.
15:21 Donc de manière générale, la grande majorité cherche de l'information,
15:25 même s'il y a une petite partie qui n'en cherche pas et sur laquelle on va se focaliser.
15:28 Mais une grande partie cherche de l'information via plusieurs sources.
15:31 Cependant, la majorité de ces sources sont souvent non réglementaires, informelles.
15:36 On peut penser aux réseaux sociaux par exemple, aux influenceurs sur les réseaux sociaux,
15:40 notamment pour la tranche d'âge la plus jeune.
15:42 Donc là, c'était vraiment un élément intéressant.
15:45 Si je peux en dire un quatrième, notamment au niveau des comportements,
15:48 des attitudes, des motivations d'investissement,
15:52 c'est vrai qu'on retrouve un profil de joueur en ligne.
15:56 Il joue beaucoup aux jeux vidéo en ligne, une grande majorité.
15:59 Une grande majorité paris, en ligne ou hors ligne.
16:04 Mais donc un profil de gamer, joueur.
16:07 Et ça se reflète dans les motivations qu'ils expriment pour commencer à investir.
16:12 Il y a vraiment cette notion de plaisir, de curiosité, quelque chose de sérieux aussi.
16:17 Mais c'est ces notions qu'on trouverait beaucoup moins pour les profils plus traditionnels d'investisseurs.
16:24 Claire Castaner, tous ces enseignements évoqués par Thomas Moncourrier,
16:30 en quoi sont-ils importants pour l'AMF ?
16:34 Comment vous regardez ces enseignements au sein de l'AMF ?
16:37 Ces enseignements sont précieux parce qu'on est face à un renouvellement de génération,
16:42 qui est marqué par son temps aussi.
16:45 L'aspect jeu est sans doute générationnel.
16:47 Ça veut dire peut-être aussi un peu d'adrénaline, avec des motivations quand même.
16:51 Quelques fois, qui peuvent nous apparaître paradoxales,
16:54 une des motivations premières, c'est gagner beaucoup d'argent.
16:58 Et en même temps, ils souhaitent avoir un profil risque-rendement assez modéré.
17:03 Ça veut dire qu'ils n'ont pas en tête que pour gagner beaucoup d'argent, il faut prendre beaucoup de risques par exemple ?
17:08 Pas suffisamment.
17:09 Et c'est un autre constat de l'étude également, c'est qu'ils pensent avoir de très bonnes connaissances financières.
17:15 Et lorsqu'on les confronte aux fameuses questions au CDE,
17:19 qui sont utilisées universellement pour rendre factuel un petit peu, objectiver cette connaissance,
17:25 il y a un décalage.
17:26 Donc ça signifie que l'on a des personnes qui sont attirées par le monde des actions,
17:30 qui sont effectivement plutôt curieux, moi je dirais reliées,
17:35 avec des sources d'informations variées, comme on le disait avec les réseaux sociaux,
17:40 mais ils ont envie de connaître.
17:41 Donc cette curiosité, c'est un point d'appui également.
17:44 Mais du coup, cette curiosité, ils ont envie de connaître,
17:47 ça fait qu'il faut quand même que vous, AMF, vous devez adapter votre discours à ces jeunes générations ?
17:53 Et c'est vraiment notre objectif.
17:54 C'est-à-dire que nous attendons beaucoup des suites de cette étude,
17:57 parce qu'il y aura d'autres étapes, notamment des recommandations de la part de l'OCDE,
18:01 pour avoir une stratégie d'éducation financière ciblée,
18:05 savoir comment on s'appuie sur, finalement, les éléments qui les caractérisent et qui sont intéressants,
18:12 comment on les fait progresser en matière de connaissances,
18:15 sur quels canaux doit-on s'adresser à eux.
18:18 Alors bien sûr, les réseaux sociaux, l'AMF est déjà sur les réseaux sociaux,
18:21 il fait déjà beaucoup de choses, mais on souhaite avoir un peu de nouveautés.
18:25 Comment on prend en compte ce profil aussi de joueurs qui n'est pas un jugement ?
18:29 Comment on s'appuie sur leur envie d'investir ?
18:32 Et on arrive à ce qu'ils arrivent à mieux situer leurs besoins, leurs projets,
18:38 et faire correspondre finalement ces besoins, ces projets,
18:41 à la façon dont ils vont investir en ayant pris suffisamment d'informations.
18:45 Et un point qui me paraît important, c'est que parmi leur panoplie de sources d'informations,
18:51 il ne faut pas qu'ils oublient, s'ils se considèrent comme investisseurs,
18:55 que l'AMF est vraiment leur GPS, et c'est là qu'ils vont trouver de l'information solide.
19:00 J'allais dire, en fait, en ce moment, depuis quelques années maintenant,
19:06 il y a beaucoup d'arnaques sur le web, sur les réseaux sociaux.
19:09 Est-ce que ces nouveaux investisseurs, ils arrivent quand même à voir,
19:14 quand c'est une arnaque, est-ce qu'ils ont encore besoin de pédagogie sur ces sujets-là ?
19:19 Claire Castaner ?
19:20 Là aussi, il y a un certain paradoxe, parce qu'ils disent être conscients qu'il y a beaucoup d'arnaques.
19:24 Ils ont l'air assez confiants, et puis quand on leur demande "mais vous, ça vous est arrivé ?"
19:28 on a quand même 35%, et ça c'est le baromètre AMF de l'épargne et de l'investissement qui nous le dit,
19:34 35% des moins de 35 ans déclarent avoir déjà subi une arnaque financière.
19:40 C'est énorme, nous avons, pourtant on connaît le sujet,
19:44 mais nous avons été très impressionnés par ces chiffres-là,
19:47 et ça fait partie aussi, dans cette éducation financière,
19:51 des plans qu'il va falloir mettre en place pour leur apprendre à se protéger
19:57 et à avoir les bons réflexes, de telle sorte à reconnaître les arnaques,
20:02 ne pas tomber dedans, vérifier sur AMF Protect Epargne,
20:05 qui est le service que propose l'AMF pour faire des autodiagnostics, etc.
20:09 - Et à votre avis, quels sont les bons réflexes en matière d'investissement pour les jeunes, pour les moins jeunes ?
20:15 Quels sont les bons réflexes à avoir en tête ?
20:17 Et surtout, on est en début d'année 2024, à quoi il faut faire attention Claire Castaner cette année ?
20:22 - Alors d'ores et déjà, bien sûr, ne pas croire que la martingale existe sur les marchés financiers
20:28 et se méfier des offres trop alléchantes, avoir bien une notion du risque-rendement,
20:33 et que bien évidemment, plus on souhaite un rendement élevé, plus on prend de risques.
20:38 D'autre part, avoir toujours en tête de diversifier, ça c'est extrêmement important,
20:43 et on s'aperçoit que pour ces nouveaux investisseurs, l'univers de placement est plus large
20:48 que ce qui existait pour les investisseurs traditionnels, et je pense notamment aux cryptos.
20:53 Vérifier sur les arnaques, il y a beaucoup, beaucoup d'usurpations,
20:57 vérifier les listes noires de l'AMF, même si elles ne sont jamais exhaustives,
21:01 et puis si ce n'est pas régulé, ne pas y aller.
21:04 - Thomas Moncourrier, quelque chose à ajouter sur les bons réflexes à avoir sur les marchés financiers cette année ?
21:10 - Je pourrais peut-être repartir sur un point positif de l'étude,
21:15 parce qu'il y a quelques points positifs de l'étude, et notamment sur les bons réflexes sur les marchés financiers.
21:20 On s'aperçoit qu'une grande partie d'entre eux, en fait, a des techniques en ligne assez sécurisées,
21:28 en termes de ce qu'on appelle une culture financière digitale, on va dire,
21:34 tout ce qui est protection des données ou protection des appareils,
21:40 ou protection lorsqu'ils établissent des transactions en ligne, par exemple.
21:48 On s'aperçoit qu'ils appliquent toutes ces techniques de manière assez satisfaisante,
21:53 donc je pense que c'est quelque chose sur lequel on peut s'appuyer.
21:57 Et puis leur envie de connaître et surtout leur connaissance de l'AMF,
22:03 beaucoup connaissent l'AMF avec une réputation, une respectabilité,
22:10 un message, une notion de sérieux qui émane de l'AMF pour ses nouveaux investisseurs.
22:14 Donc ce sont des éléments sur lesquels on peut travailler, je pense, par la suite,
22:18 et sur lesquels on va bâtir pour cette année 2024.
22:22 - Merci beaucoup Thomas Moncourrier, vous êtes analyste au sein de l'OCDE.
22:26 Merci Claire Castaner, directrice des Relations avec les épargnants et de leur protection à l'AMF.
22:32 Merci à tous les deux d'avoir dressé un petit peu ce portrait des nouveaux investisseurs en France.
22:37 Et merci à vous d'avoir suivi Enjeu Patrimoine. On se retrouve tout de suite dans l'Œil du CGP.
22:42 Et on se retrouve dans l'Œil du CGP avec Cédric Marc, gérant chez Patrimonio Finance.
22:52 Bonjour Cédric Marc. - Bonjour Pauline.
22:55 Aujourd'hui vous souhaitez nous parler des valeurs liées à la défense.
22:58 Pourriez-vous déjà nous en dire un petit peu plus sur ces valeurs ?
23:01 - Oui tout à fait. Alors pourquoi j'ai voulu vous proposer ce thème-là ?
23:04 Parce que vous le savez, malheureusement, ces valeurs sont influencées par le nombre de guerres
23:08 et les conflits dans le monde, et force est de constater que malheureusement,
23:12 il y en a de plus en plus à travers le monde.
23:15 La deuxième idée, c'est que notre ministre des Armées, jeudi dernier, a annoncé qu'à partir de 2024,
23:22 nous allons dépasser les 2% des dépenses militaires, 2% dans le PIB national,
23:33 ce qui représente 47 milliards d'euros cette année.
23:36 Et l'autre idée, c'est qu'à la lecture de la loi de programmation militaire de 2024-2030,
23:43 qui a été votée au Sénat et à l'Assemblée l'été dernier,
23:47 par rapport à la loi précédente, il y a eu une augmentation de 40% de dépenses,
23:52 avec quasiment 413 milliards d'euros qui vont être dépassés entre 2024 et 2030.
23:59 Alors, ce tropisme français, il n'est pas limité à la France,
24:03 parce qu'on le voit bien qu'en Europe, entre les dépenses 2023 et 2024,
24:09 il va y avoir à peu près 13% d'augmentation de dépenses,
24:14 ce qui représente à peu près 380 milliards d'euros.
24:17 Et donc, pour toutes ces raisons, je trouve, c'est ma conviction,
24:21 que ces sociétés vont profiter de ces investissements réguliers.
24:25 Alors, quels sont les avantages et les inconvénients lorsqu'on investit dans les valeurs liées à la défense ?
24:32 Les avantages, tout d'abord, c'est que ce sont des sociétés qui résistent bien au ralentissement économique.
24:40 Pourquoi ? Parce qu'elles ont signé avec les États des contrats à long terme.
24:44 Et de l'autre côté, les États continuent à entretenir leurs armées,
24:49 même lorsque les budgets sont plus serrés.
24:52 La deuxième idée, c'est qu'après l'explosion en 2022 de ces valeurs-là liées à la crise entre la Russie et l'Ukraine,
25:04 on peut même l'appeler la guerre, et non pas une crise,
25:07 les sociétés en 2023 spécialisées dans l'armement ont eu un parcours boursier très diversifié.
25:15 Les sociétés européennes ont fait un peu mieux que le CAC,
25:19 et les sociétés nord-américaines ont eu des performances qui étaient parfois très négatives.
25:26 Je vous donne un titre d'exemple.
25:28 Sur 12 mois, le CAC fait à peu près 5%, Dassault Aviation ça fait +13%, Airbus ça fait +16%,
25:34 Lafranc était un événement exceptionnel puisqu'on a fait +37%,
25:37 mais vous avez d'autres valeurs comme Raytheon -31%, Boeing -4%, Lockheed Martin -11%, et Norsen Grumman -4%.
25:44 Donc pour toutes ces raisons, je pense que ça a du sens d'investir dans ces valeurs-là.
25:50 L'inconvénient, c'est ce que j'allais dire, avantages, inconvénients.
25:54 Inconvénients, j'en vois deux.
25:55 Le premier, je vais vous parler de la durabilité et on essaiera de terminer sur l'éthique.
26:00 La durabilité, c'est vrai que les valeurs liées à la défense, généralement, ne sont pas extraordinairement ouvertes.
26:06 Néanmoins, je souhaitais souligner que l'État et les entreprises, elles ont mis en place des plans d'investissement
26:16 pour, un, essayer d'optimiser les dépenses énergétiques avec un vrai acte sur la sobriété,
26:25 et deuxièmement, avec une transition écologique.
26:30 Enfin, en mot de la fin...
26:33 Oui, est-ce que c'est éthique tout ça ? Est-ce que c'est éthique ?
26:36 Bon, je dirais que ce qui est important, ce qui me paraît intéressant pour répondre à cette question,
26:42 c'est que la force de dissuasion, et clairement en France, on a une force de dissuasion qui est importante,
26:47 et pour maintenir cette force de dissuasion et tout particulièrement sa crédibilité,
26:51 je pense que c'est le seul moyen pour nous protéger, du moins je l'espère, pour nous protéger d'une entrée en guerre un jour.
26:59 Merci beaucoup Cédric Marc, vous êtes gérant chez Patrimonio Finance.
27:04 Merci à vous tous de nous avoir suivis et d'avoir suivi Smart Patrimoine sur Bsmart,
27:09 et on se retrouve très vite pour un nouveau numéro. À très vite.
27:12 [Musique]