• il y a 10 mois
Un chercheur toulousain a découvert que l'usage des pesticides et plus largement de produits polluants a un lourd impact sur la santé des abeilles. Parfois, certaines d'entre elles développent même des cas d'Alzheimer. Mathieu Lihoreau, chercheur au CNRS et responsable de cette découverte, est l'invité de RTL Petit Matin.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin du 21 février 2024 avec Jérôme Florin et Marina Giraudeau.

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Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL
00:06 Les trois questions du petit matin.
00:08 C'était l'une des pistes mises sur la table par le gouvernement pour calmer la colère des agriculteurs.
00:12 La mise en pause du plan EcoFito.
00:15 C'est un plan qui prévoit, je le rappelle, de réduire considérablement l'usage des pesticides.
00:19 Colère des défenseurs de l'environnement et notamment des apiculteurs.
00:23 Les pesticides sont à l'origine de la disparition de 20 à 30 % des abeilles d'après la profession.
00:29 Et ce qu'on apprend grâce à vous, bonjour Mathieu Liorot.
00:32 Bonjour.
00:34 Vous êtes directeur de recherche au CNRS.
00:36 On apprend que si les abeilles disparaissent, c'est parce que les pesticides leur font perdre progressivement la mémoire.
00:42 Vous avez mené l'expérience.
00:44 Elles sont atteintes d'une forme d'Alzheimer, c'est ça ?
00:47 Alors, c'est pas exactement ça, mais dans les grandes lignes, on va dire que c'est ça.
00:53 C'est-à-dire que ça fait maintenant une quinzaine d'années qu'on sait que certains pesticides,
00:57 notamment les néonicotinoïdes dont on a beaucoup parlé ces dernières années...
01:00 Qui sont interdits aujourd'hui.
01:02 Qui sont aujourd'hui interdits, normalement quand les pays ne demandent pas de dérogation.
01:08 Ces molécules, même à très très très très faible dose, à des doses qui ne tuent pas directement les insectes,
01:14 vont avoir des effets sublétaux qui vont agir sur leur capacité d'apprentissage,
01:18 leur capacité de mémoire qui sont essentielles pour que ces insectes naviguent dans l'environnement
01:25 et localisent les fleurs abutinées.
01:27 Donc elles ne savent plus se nourrir, elles perdent leur sens de l'orientation, c'est ça ?
01:34 Exactement. Et donc on a des insectes qui survivent, mais qui survivent très mal.
01:40 Et les colonies peuvent dépérir en fait par effet boule de neige à moyen terme.
01:45 Donc c'est ça qui décime les ruches au fur et à mesure.
01:50 Exactement. Donc ces pesticides-là, disons qu'on a fait le focus dessus et c'était la cause majeure.
01:56 Mais en fait on est en train de se rendre compte avec toute une série d'expériences un peu similaires sur d'autres molécules,
02:01 qu'en fait il y a toute une diversité de facteurs de stress environnementaux qui est beaucoup plus large.
02:07 Et notamment récemment on s'est intéressé aux pollutions au métaux lourds, aux pollutions à l'ozone,
02:12 aux pollutions au microplastique qui ont des effets très similaires.
02:15 Mais les agriculteurs, vous les entendez ? Ils le disent, entre sauver notre agriculture et sauver les abeilles, c'est vite vu.
02:22 Ils disent qu'ils ont besoin de ces produits chimiques.
02:25 Alors à très court terme, ils en ont certainement besoin, mais ce ne sont pas des solutions qui sont durables à long terme.
02:32 Si on perd les abeilles, si on perd la diversité des pollinisateurs, les mouches, les papillons, etc.,
02:40 eh bien il n'y aura plus d'agriculture possible dans quelques années.
02:44 Concrètement, c'est quoi ce qui se passe ?
02:46 Si on perd des abeilles, s'il y a moins d'abeilles, qu'est-ce qui se passe ?
02:49 Quelles conséquences sur la biodiversité, concrètement ?
02:52 Ces animaux, et principalement les abeilles, assurent la reproduction des plantes à fleurs,
02:59 c'est-à-dire la quasi-totalité des plantes sur terre.
03:01 Elles font ça en allant butiner, en allant chercher du pollen ou du nectar sur les fleurs.
03:06 Elles vont déposer passivement du pollen sur les fleurs, ce qui va assurer leur reproduction.
03:11 Ces fleurs vont pouvoir produire des fruits, des légumes.
03:15 Les animaux qui mangent les plantes vont pouvoir se nourrir,
03:18 et les animaux qui mangent des plantes vont également pouvoir se nourrir.
03:23 En fait, les abeilles assurent un service écosystémique qui est à la base de la chaîne alimentaire terrestre.
03:29 Et nous faisons partie de cette chaîne alimentaire.
03:31 Mais ces pesticides sont employés à fond au Brésil, par exemple, un grand pays agricole
03:36 qui n'a pas les précautions que nous prenons ici en Europe.
03:42 Il y a peut-être moins d'abeilles là-bas, mais il y a toujours la biodiversité, il y a toujours des fleurs.
03:47 La biodiversité est en déclin dramatique là-bas, et à plein d'endroits sur la planète.
03:55 Donc, ce que je voulais dire, c'est que les pesticides, ok, c'est une solution à très court terme,
04:00 mais ce n'est pas du long terme.
04:02 Et si on arrête toute la recherche et les financements pour trouver des solutions alternatives,
04:07 eh bien, on n'avancera jamais, et un jour, il sera trop tard.
04:12 Alors, quelle est l'alternative aux insecticides ?
04:16 Eh bien, exactement, l'alternative, on ne l'a pas exactement encore.
04:20 Donc, ce qu'il faut, c'est faire de la recherche pour comprendre comment on pourrait arrêter d'utiliser ces molécules
04:26 tout en augmentant les rendements pour compenser la perte potentielle des agriculteurs.
04:31 Et donc, ça, ça peut passer par, par exemple, une meilleure compréhension du comportement des abeilles.
04:36 Combien il faut mettre d'abeilles dans un champ exactement, où il faut mettre ces abeilles pour augmenter le rendement.
04:43 Ce genre de choses. La permaculture, par exemple, les cultures beaucoup plus écologiques, l'agroécologie, tout ça...
04:52 La permaculture, expliquez-nous concrètement, c'est quoi comme alternative ?
04:56 Donc, ce sont des cultures qui permettent une rotation saine de l'environnement,
05:03 où on va permettre certaines cultures de nourrir les cultures d'après.
05:08 Donc, en fait, ce sont des pratiques très, très anciennes qu'on a perdues et que l'on pourrait améliorer avec la science.
05:15 Mais ce que vous nous dites ce matin sur RTL, c'est qu'effectivement, aujourd'hui, les alternatives efficaces aux pesticides n'existent pas.
05:25 A l'heure actuelle, non. Et c'est pour ça qu'il faut financer de la recherche et des actions, des essais, pour pouvoir trouver des solutions dans le futur.
05:33 Si on arrête le plan éco-phyto, eh bien, il n'y a plus du tout de recherche dans ce sens-là.
05:38 Merci beaucoup Mathieu Liorot. Je rappelle que vous êtes directeur de recherche au CNRS.
05:43 Merci beaucoup d'avoir été en direct avec nous ce matin sur RTL. Bonne journée.
05:47 Merci.
05:49 !

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