• il y a 10 mois
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Anne-Cécile Suzanne, agricultrice et consultante en stratégie pour les acteurs de l'alimentaire, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur la visite chaotique d'Emmanuel macron au Salon de l'Agriculture et de sa proposition de "prix planchers".

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Transcription
00:00 - Il est 7h12 sur Europe 1, ce matin Dimitri Pavlenko vous recevez l'agricultrice Anne-Cécile Suzanne.
00:06 - Et pas seulement agricultrice, bonjour Anne-Cécile Suzanne.
00:09 - Bonjour.
00:10 - Bienvenue sur Europe 1, vous avez plusieurs cornes à votre arc, vous avez 33 ans, diplômée de Sciences Po, l'université de Boston,
00:15 consultante en agroalimentaire pour le cabinet K.I.N. Partners,
00:19 administratrice du groupe Auchan, adjointe au maire de Mauve-sur-Wine, c'est dans l'orne,
00:24 et vous avez repris il y a 10 ans la ferme paternelle, vous publiez ces jours-ci un livre,
00:28 on peut dire que vous êtes dans l'air du temps, ce livre s'appelle "Les sillons que l'on trace",
00:32 ça paraît chez Fayard, livre dans lequel vous racontez votre parcours d'agricultrice,
00:36 comment le métier vous tombe dessus au décès de votre papa il y a une dizaine d'années.
00:40 Anne-Cécile Suzanne, on va se plonger dans l'actualité, on est en pleine crise agricole,
00:44 on l'a vu samedi avec la visite chaotique d'Emmanuel Macron au salon de l'agriculture,
00:49 il a fait des annonces le président, on va se plonger tout de suite dans la mesure qui fait le plus parler,
00:54 c'est la mise en place de ces fameux prix planchers pour les produits agricoles.
00:59 Vous êtes en éleveuse bovin, vous en pensez quoi, c'est une bonne idée ou pas, ces prix planchers,
01:04 est-ce que vous voyez comment on va faire d'abord ?
01:06 En tout cas sur le "bonne idée", oui c'est une bonne idée, il faut bien comprendre que les agriculteurs
01:11 ne font pas le poids dans les négociations de marché face aux industriels d'une part,
01:15 et face à la distribution d'autre part qui est très concentrée.
01:17 Oui, et puis qu'il y a le marché mondial à sa portée, et qui vous met en permanence en concurrence avec elle,
01:22 en disant "regardez, moi j'ai du bœuf produit dans des pays beaucoup moins chers,
01:25 j'ai des légumes produits dans des pays beaucoup moins chers, j'ai le choix".
01:29 Tout à fait, face à un consommateur qui veut consommer moins cher.
01:32 Donc cette idée de prix plancher pour préserver le revenu agricole, c'est une bonne idée.
01:38 La seule chose qui interpelle, c'est que le gouvernement il y a un mois disait
01:43 "c'est impossible de mettre en œuvre ces prix planchers parce que l'Europe le refusera",
01:48 donc c'est vraiment démagogique, donc on prend des notes, et maintenant il l'annonce.
01:53 Donc la question c'est comment va-t-on faire pour mettre en œuvre cela ?
01:57 Le gouvernement a-t-il trouvé la martingale ?
01:58 Exactement, parce qu'en fait il y a un sujet à la fois français, de faire appliquer ces prix planchers,
02:02 et un sujet européen, de convaincre les autres États de mettre en œuvre au niveau européen ces prix planchers
02:09 pour éviter toute distorsion de concurrence, le marché européen imposant de traiter
02:13 l'ensemble des agricultures européennes de la même façon.
02:15 Il y avait des prix planchers au niveau européen, les précédentes versions de la politique agricole commune,
02:20 on pense au lait par exemple, prévoyait des prix planchers, ils ont été supprimés par la PAC,
02:26 et donc la France aurait prétention, vous pensez, à réinstaurer ces prix planchers au niveau national
02:31 pour les réimposer au niveau européen ?
02:34 Elle ne pourra jamais les réimposer ces prix planchers, elle pourra travailler dessus.
02:38 En fait ça a été supprimé il y a quelque temps parce qu'on produisait trop en Europe,
02:42 donc là l'idée de réintroduire des prix planchers, ça peut après mener à trop de production,
02:48 mais là on est dans un état de déliquescence de l'agriculture, notamment française,
02:52 avec des pertes de filières entières, donc honnêtement ça peut paraître être une bonne mesure.
02:57 Mais vous n'y croyez pas vraiment ?
02:59 En fait moi j'ai du mal à croire à la mise en œuvre, donc la crainte que j'ai derrière,
03:03 c'est si on n'arrive pas à mettre en œuvre ces prix planchers là, on aura encore une fois des annonces politiques
03:09 qui en fait décevront les agriculteurs et créeront de la défiance à l'avenir.
03:13 Bon, imaginons que ça fonctionne, qu'on parvient à trouver le système,
03:16 même si vraiment on a du mal à l'imaginer, ça veut dire quoi ?
03:20 Ça veut dire que l'alimentation française, elle coûtera plus cher.
03:23 L'alimentation produite en France coûtera plus cher,
03:26 à un moment où le consommateur a comme préoccupation les prix justement.
03:31 C'est fondamentalement une des conséquences collatérales possibles.
03:38 Il y a aussi d'autres possibilités, parce que les prix agricoles ne pèsent pas non plus à 90% des prix alimentaires finaux.
03:45 Il y a les prix de production industrielle, il y a plein d'autres coûts.
03:49 Il y a beaucoup de marketing aussi dans les produits industriels.
03:52 Il n'est pas certain que ça impacte énormément le prix final,
03:55 parce qu'on parle souvent à la portion de quelques centimes pour le consommateur final.
03:59 Donc là-dessus je resterai quand même mesuré.
04:02 Mais il y a un autre point qui est absent beaucoup des mesures gouvernementales à date,
04:06 en tout cas des annonces, c'est la diminution des coûts,
04:09 notamment de la fiscalité qui pèse très fortement.
04:12 Donc tout cela est aussi un chantier à ouvrir pour à la fin permettre aux agriculteurs de mieux gagner leur vie.
04:18 Mais vous par exemple, vous avez plusieurs métiers,
04:21 vous vivez de votre exploitation agricole Anne-Cécile Suzanne,
04:25 ou c'est l'agriculture témoignage que vous faites ?
04:28 Moi je vis sur mon exploitation et je travaille dans mon exploitation plusieurs jours par semaine.
04:33 Mais vous vivez de votre exploitation ?
04:35 Non je ne me paye pas pour une raison,
04:37 c'est qu'en fait moi j'ai besoin de m'investir comme je le fais aujourd'hui avec vous à Paris,
04:43 pour travailler l'agriculture et de ce fait là,
04:45 je suis obligée de payer des personnes pour être sur mon exploitation,
04:48 et pour travailler quand je n'y suis pas.
04:50 Et donc ce sont plutôt ces personnes que je rémunère aujourd'hui, et pas moi.
04:54 Donc je me rémunère autrement.
04:56 Il y a quand même deux personnes qui vivent de votre exploitation, pas vous mais vos salariés.
05:00 Tout à fait, c'est pour ça que moi j'estime que c'est un succès.
05:02 C'est un succès mais c'est un combat quotidien pour arriver à dégager suffisamment de marge
05:07 pour payer convenablement deux personnes sur mon exploitation.
05:11 Et c'est honnêtement loin d'être évident.
05:14 Bon, de votre expertise, je ne sais pas si vous avez entendu,
05:16 les jeunes agriculteurs, donc syndicats alliés de la FNSEA,
05:20 premier syndicat agricole français,
05:22 les GIA veulent un diagnostic de fonds sur la Ferme France.
05:25 Ils disent en fait, il faut qu'on se pose les bonnes questions,
05:27 quels sont les marchés que l'on vise, pour nourrir qui,
05:29 est-ce qu'on est là pour nourrir 8 milliards d'êtres humains,
05:32 comme l'a dit encore Emmanuel Macron samedi,
05:34 ou bien pour nourrir les Français,
05:35 de combien d'agriculteurs avons-nous besoin, etc.
05:38 Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
05:40 Fondamentalement, en fait, je fais un pas en arrière,
05:44 à l'après-guerre, on a dit aux agriculteurs, il faut absolument produire.
05:47 C'était enthousiasmant de produire pour nourrir les gens,
05:50 pour nourrir à bas prix les gens aussi.
05:52 Aujourd'hui, on ne sait plus pourquoi on est agriculteur.
05:55 Est-ce que c'est pour nourrir les gens ?
05:56 Est-ce que c'est pour français ?
05:57 Est-ce que c'est pour nourrir le monde ?
05:58 Est-ce que c'est pour protéger l'environnement, l'entretenir ?
06:01 On ne nous dit pas clairement ce qu'on attend de nous.
06:03 - Est-ce que vous êtes les jardiniers de la nature,
06:06 ou les producteurs d'aliments ?
06:07 C'est ça un peu l'idée ?
06:08 Et on n'a pas tranché ce débat là ?
06:09 - On n'a absolument pas tranché ce débat,
06:11 et du coup on est à coup d'injonctions contradictoires,
06:14 à dire "il faut faire ci, il faut faire ça",
06:15 mais posons-nous, et dites-nous ce que vous voulez qu'on fasse.
06:19 - Est-ce que c'était un impair, vous pensez, politiquement ?
06:22 Ce sera ma dernière question, Anne Cécile Suzanne,
06:24 d'inviter les soulèvements de la terre, comme l'a fait l'Elysée.
06:27 Je dis l'Elysée, parce que visiblement tout ça n'est pas très clair.
06:30 Le président a démenti une invitation formelle aux soulèvements de la terre.
06:33 L'idée en tout cas a été clairement évoquée.
06:35 C'est ce qui a déclenché la colère de samedi matin,
06:38 des images très impressionnantes.
06:39 C'était une erreur, vous pensez, ou vous pensez qu'on compte
06:42 que ce débat devrait avoir lieu avec ceux qui aujourd'hui
06:45 s'en prennent aux agriculteurs, sur leurs pratiques, etc.
06:48 - C'était de toute évidence une erreur,
06:50 d'autant plus que la colère agricole est quand même très forte.
06:53 Cette annonce-là était la goutte d'eau, on va dire,
06:57 qui a fait en partie déborder le vase.
06:59 - Quand vous l'avez appris, vous êtes...
07:01 - C'était délirant, mais effectivement c'était sans doute une erreur du cabinet.
07:05 Mais le cabinet travaille quand même pour le président,
07:07 donc derrière ça montre une chose,
07:09 c'est la déconnexion entre la réalité d'un terrain
07:12 et les gens qui travaillent au quotidien
07:14 pour dresser les mesures agricoles.
07:17 Là on voit le fossé énorme.
07:19 C'est ça qui est un petit peu inquiétant.
07:22 Aujourd'hui il faut reconnecter les élites qui réfléchissent l'agriculture
07:26 au terrain, aux agriculteurs qui la font tous les jours.
07:28 - Merci beaucoup Anne-Cécile Suzanne d'être venue ce matin sur Europe 1.
07:31 On vous lira dans votre livre les sillons que l'on trace parus chez Fayard.
07:36 Bonne journée à vous.

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