SMART TECH - Emission du mardi 27 février

  • il y a 7 mois
Mardi 27 février 2024, SMART TECH reçoit Claude Kirchner (directeur, CNPEN) , Stéphanie Schaer (directrice interministérielle du numérique, DINUM) et Hervé Le Jouan (fondateur, Advisory)

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00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à tous, aujourd'hui je reçois Stéphanie Scher, c'est la patronne de la DINUM,
00:12 c'est la Direction Interministérielle du Numérique, on va parler ensemble
00:15 de comment le numérique peut éventuellement nous aider à ce choc de simplification dans l'administration.
00:20 Ça va être l'un de nos sujets, on va voir aussi quelles sont ses priorités autour de l'attractivité de l'État
00:25 pour trouver les bonnes compétences en matière de technologie et de numérique,
00:29 sujet crucial s'il en est.
00:31 Et puis on aura rendez-vous avec un advisor qui nous parlera des défis du XXIe siècle,
00:36 selon lui l'énergie et le calcul, on ne peut pas ne pas être d'accord,
00:39 mais on va approfondir ce sujet ensemble.
00:41 Et d'abord je vous propose qu'on s'intéresse à la question de l'éthique,
00:45 on en parle régulièrement dans Smartech, cette fois focus sur la reconnaissance faciale.
00:50 C'est tout de suite 3 questions A.
00:52 [Musique]
00:55 Be smart.
00:56 Quels sont les enjeux éthiques des technologies de reconnaissance faciale, posturale, comportementale ?
01:02 Un avis a été rendu par le comité national pilote d'éthique du numérique.
01:06 Je suis en compagnie de Claude Kirchner, le directeur de recherche et mérites d'INRIA et directeur du CNPEN.
01:13 Bonjour, merci beaucoup d'être avec nous.
01:15 Cet avis que vous avez rendu, on va en parler bien évidemment,
01:20 mais je voulais déjà qu'on parle du comité national, donc pilote d'éthique du numérique.
01:24 Il a été créé en décembre 2019 à l'initiative du Premier ministre, à l'époque c'était Edouard Philippe.
01:31 Et il est placé sous l'égide du comité consultatif national d'éthique.
01:36 Première question que je me suis posée, c'est est-ce que le numérique méritait absolument d'être traité comme un sujet à part entière avec son comité ad hoc ?
01:46 Vous n'allez pas me dire le contraire, mais pourquoi alors ?
01:48 Pourquoi ? D'abord parce que le numérique aujourd'hui, et vous êtes bien placé à Bismarck pour le savoir,
01:55 le numérique il y en a absolument partout, que ce soit dans nos vies personnelles, dans nos vies professionnelles,
02:01 que ce soit dans la gestion de la société, que ce soit dans la gestion de l'environnement aujourd'hui.
02:05 Le numérique il est partout, dans nos relations, il est omniprésent.
02:10 Et en fait, on a jusqu'à maintenant peu réfléchi aux conséquences sur tout ce qui concerne l'humain,
02:21 notre façon de nous comporter par rapport au numérique par exemple,
02:25 qui a appris à se servir de son smartphone en tant que tel, d'accord ?
02:30 Si ce n'est le prendre dans la main et essayer sur la table.
02:33 Et consommer finalement les services.
02:35 Et être sujet à ne pas prendre suffisamment de recul, de réflexion,
02:40 pour arriver sur ces conduites humaines qui sont en train d'émerger,
02:46 qui sont conséquences de cette émergence du numérique, de cette conversion,
02:50 qui nous convertit profondément dans nos relations, dans notre façon de penser,
02:56 dans notre façon d'imaginer, de prévoir.
02:59 Dans ce contexte-là, il est important de pouvoir réfléchir aux conduites humaines et aux valeurs qui les font,
03:07 c'est-à-dire en fait à l'éthique du numérique.
03:10 Alors, mon autre question portée sur le sujet sur lequel vous avez rendu un avis, la reconnaissance faciale.
03:16 C'est un sujet qui fait peur, qui fait peur aux citoyens, mais qui fait peur aussi aux politiques,
03:21 qui trouvent que c'est un sujet un peu trop brûlant pour l'adresser directement.
03:27 Quelles sont vos recommandations ? Est-ce qu'il faut regarder le sujet en face, si je puis me permettre ?
03:33 Alors, oui, l'une de nos recommandations, c'est justement de se donner la capacité à regarder les choses en face.
03:39 Et ça veut dire quoi ?
03:41 Typiquement, ça veut dire déjà avoir le bon vocabulaire pour pouvoir nommer les choses de façon appropriée.
03:47 Je vais prendre un mauvais exemple, une caméra intelligente.
03:51 Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
03:54 Justement, l'idée, c'est d'avoir du vocabulaire qui nous permette de comprendre qu'on va avoir des capteurs,
03:59 qu'on va avoir du numérique pour traiter le signal qui sort de ces capteurs,
04:05 et qu'on va avoir des humains qui vont être d'une part devant les caméras,
04:11 mais aussi derrière les écrans pour pouvoir à un certain moment prendre des décisions.
04:15 Et comment l'ensemble de ce système-là va s'organiser ?
04:18 Quelles sont les valeurs qu'il faut arriver à défendre ?
04:21 Comme par exemple la sécurité ou la liberté, ou les libertés ?
04:26 La transparence, typiquement, est-ce qu'on est observé ou est-ce qu'on n'est pas observé ?
04:31 Et dans ce contexte-là, comment fait-on pour s'organiser, réfléchir ?
04:35 Et donc, notre avis fournit un certain nombre de...
04:39 Justement, d'abord de contexte, d'illustration de différentes situations,
04:44 de vocabulaire, et puis de recommandations qui permettent ensuite à tout un chacun,
04:49 à un individu, à une entreprise, à la société, typiquement les politiques,
04:56 à pouvoir se positionner, où on a vu un certain nombre d'utilisations qui sont positives,
05:02 un certain nombre d'utilisations qui questionnent.
05:05 Donc ne pas fuir le sujet, pas dire "non, ne vous inquiétez pas, de toute façon, on ne fera pas, on n'ira pas".
05:10 Il faut regarder vraiment ce sujet très sérieusement,
05:14 parce que demain ces applications vont arriver, c'est la condition.
05:17 - Elles sont déjà là. - Alors, il y en a déjà.
05:19 - Elles sont déjà là. Je vais prendre un premier exemple.
05:23 Typiquement, vous pouvez vous identifier sur votre smartphone,
05:27 à partir de la reconnaissance visuelle de votre visage,
05:30 ou vous pouvez passer les frontières avec le système Paraph,
05:33 qui peut permettre d'aller plus vite quand il fonctionne, ce n'est pas toujours complètement le cas.
05:38 Mais donc, il y a des situations très positives aussi, relativement à la médecine,
05:43 où on est capable de reconnaître des émotions comme la douleur
05:48 et d'arriver à catégoriser la profondeur de la douleur
05:53 et comment en fait permettre de mieux gérer, par des médicaments, par le dialogue, etc.,
06:00 ce type de situation.
06:03 Mais il y a aussi un certain nombre de situations dans lesquelles il y a des problèmes,
06:08 typiquement parce qu'on va rentrer davantage dans l'intimité des gens.
06:14 Ce qui est une caractéristique de la reconnaissance faciale, posturale ou comportementale,
06:20 c'est que les caméras, on ne les voit pas.
06:23 Et elles rentrent très facilement dans notre intimité.
06:27 L'une des premières qu'on a, par exemple, ce sont celles qui sont sur nos smartphones,
06:31 mais il y en a bien d'autres, à la fois dans un ascenseur, dans un centre commercial ou ailleurs.
06:38 Et donc, comprendre comment on va permettre l'utilisation, éventuellement,
06:43 de la reconnaissance faciale automatisée,
06:46 et comment est-ce que ça va être utilisé par les humains derrière,
06:49 c'est vraiment l'ensemble du sujet qu'il faut analyser.
06:52 - Est-ce que, juste très rapidement, comment on fait pour savoir en fait
06:57 qu'est-ce qui est éthique, qu'est-ce qui n'est pas éthique,
06:59 que vous avez décrété, voilà, cette utilisation n'est pas éthique ?
07:04 - Alors, encore une fois, l'éthique, c'est bien cette réflexion, d'accord ?
07:09 Et donc, l'idée, c'est qu'on réfléchit, on ne va pas statuer, on ne va pas prescrire,
07:14 mais on va réfléchir sur les conduites humaines et puis les valeurs qui les font.
07:18 Donc, quelles sont les valeurs qui vont être sous-jacentes ?
07:20 Typiquement, on s'identifie sur notre smartphone pour avoir accès à son compte bancaire.
07:27 Eh bien, ça veut dire que votre photo, il faut qu'elle soit reconnue
07:30 par le système derrière le téléphone, et donc, il faut avoir accepté de donner son visage, d'accord ?
07:37 Est-ce qu'on est d'accord ou pas d'accord ?
07:39 Donc, c'est une certaine sécurité, mais peut-être aussi une liberté qu'on va laisser partir
07:46 parce qu'effectivement, le jour où on a des bousons, on risque de ne plus être reconnu,
07:52 d'une part, et puis de l'autre part, on a fourni ces informations sur son visage
07:59 à une entité qu'on ne maîtrise pas nécessairement complètement.
08:04 Donc, cette dualité entre liberté et sécurité.
08:10 Bon, c'est un travail de réflexion.
08:12 Et c'est un travail de réflexion.
08:14 Merci beaucoup pour ça.
08:16 Merci, Claude Kirchner, directeur du Comité national pilote d'éthique du numérique.
08:20 Vous reviendrez parce que ces sujets, on les traite régulièrement.
08:22 Avec plaisir.
08:23 Dans Smartech.
08:24 Allez, c'est le moment de recevoir notre grande invitée aujourd'hui.
08:27 Elle s'appelle Stéphanie Scherr, elle va nous parler de la direction interministérielle du numérique.
08:30 Mon invitée s'appelle Stéphanie Scherr. Bonjour Stéphanie.
08:39 Bonjour Delphine.
08:40 Vous êtes la directrice de la DINUM, la direction interministérielle du numérique.
08:44 Qu'est-ce que c'est que cet organisme, cet organe, cette organisation ?
08:48 Alors, on en parle quand même depuis quelques temps dans Smartech.
08:51 On commence un peu à comprendre le rôle clé que vous jouez aujourd'hui dans tout l'espace numérique, on va dire, public.
09:00 Je voulais ensemble qu'on profite de ce grand entretien pour regarder quelles étaient les priorités de la DINUM.
09:07 Vous êtes en poste depuis 2022.
09:11 Oui.
09:12 J'imagine qu'il y a une nouvelle impulsion aussi qui est donnée avec ce remaniement gouvernemental.
09:19 On a entendu beaucoup de choses autour de la simplification de l'administration nécessaire.
09:25 Ça passe, j'imagine, par le numérique, ça fait partie des priorités de la DINUM ?
09:31 Oui, tout à fait.
09:32 Moi, je suis arrivée à la DINUM déjà avec une conviction.
09:35 C'est qu'aujourd'hui, dans toutes les politiques publiques, le numérique est un levier formidable pour les rendre plus efficaces, plus simples,
09:45 et tout en préservant la souveraineté de l'État.
09:47 Alors, je fais juste une petite pause parce qu'ici, dans Smartech, on est comme vous, on est enthousiaste, on a envie, on y croit.
09:55 Mais c'est vrai que dans la réalité, ce n'est pas forcément le ressenti.
10:00 Si vous allez interroger les usagers.
10:02 Sur la simplicité, avec des exemples, je pense.
10:05 Donc, quand on dit un État plus simple, plus efficace, plus souverain, si on passe quelque temps sur la simplification.
10:12 La simplification, c'est déjà de nouveaux services numériques qui permettent de simplifier les Français.
10:17 Je prends un exemple, la location des logements.
10:20 Pour beaucoup de citoyens, ça pouvait être compliqué d'avoir le bon dossier, de pouvoir faire ça facilement.
10:27 A été créé le dossier Facile, qui permet aujourd'hui à 500 000 citoyens qui ont utilisé le service,
10:37 d'avoir un dossier beaucoup plus facilement accepté par les loueurs.
10:42 Et donc, ça, c'est une vraie simplification dans la vie du quotidien.
10:46 Je prends un autre exemple, immersion Facilité.
10:49 Pour les demandeurs d'emploi, pour leur faire découvrir de nouveaux métiers.
10:52 C'est un service qui est mobilisé par France Travail aujourd'hui et avec des résultats assez prouvants,
10:58 puisque dans 7 cas sur 10, ça débouche ensuite sur une embauche, donc en découvrant de nouveaux horizons.
11:06 Un autre exemple, et là, je prends un exemple d'un produit opéré par la Dynium.
11:11 Il s'agit de France Connect.
11:13 Il y a beaucoup de services en ligne pour lesquels il faut, à un moment, s'identifier, donner un login et un mot de passe.
11:19 Aujourd'hui, grâce à France Connect, on a 1 800 services pour lesquels on a le bouton France Connect,
11:26 qui facilite la mise en relation, l'accessibilité de ces services en ligne.
11:31 Alors, on va y revenir sur France Connect, parce que moi, je trouve ce service vraiment génial.
11:35 Effectivement, c'est vraiment une simplification, mais j'ai l'impression que c'est en train de se complexifier, malheureusement,
11:40 parce qu'autour de l'identité numérique, là, il se passe beaucoup de choses.
11:43 Mais on va y revenir, si on reste.
11:45 On va y revenir pour expliquer les choses.
11:47 Exactement. Je compte sur vous.
11:49 Si on reste sur cette simplification, de quelle manière est-ce qu'on peut mieux exploiter les données à disposition de l'État,
11:58 aujourd'hui, sur les usagers français, pour que ce soit plus simple ?
12:02 Où est-ce qu'on a des progrès à faire ?
12:04 Alors, le progrès qu'on a à faire, c'est sur le "dites-le-nous une fois".
12:07 Notre cadre juridique est clair.
12:10 On ne doit pas être amené à redemander des pièges justificatifs quand l'administration les possède déjà.
12:16 C'est facile, finalement, à mettre en place.
12:18 Alors, quand on le dit, ça semble simple, mais pourquoi ça ne marche pas ?
12:20 Alors, c'est parce qu'il faut relier des administrations différentes, avec des données qui viennent d'une administration vers une autre.
12:27 C'est la raison pour laquelle on accompagne aujourd'hui l'ensemble des administrations.
12:32 On facilite aussi l'accès à ces données, à l'ensemble de ceux qui fournissent les services administratifs.
12:39 Et je vais prendre l'exemple des collectivités territoriales, par exemple, qui vont avoir besoin, par exemple, de donner de la CAF.
12:45 Et là, on a, par API, des tuyaux qui permettent d'apporter directement les informations,
12:52 qui permettent, par exemple, à une famille d'avoir la tarification adaptée pour l'école, pour la cantine.
12:58 Ça, c'est déjà une réalité.
13:00 Le défi qui est devant nous, c'est de le généraliser, en fait.
13:02 Et c'est une question de système d'information, de compatibilité entre les systèmes d'information ?
13:06 En fait, techniquement, il s'agit de le mettre en place et de faire en sorte que,
13:14 aujourd'hui, on a deux gros bouquets de données pour les particuliers et pour les entreprises.
13:20 Chaque jour, nous, on fait grossir ces bouquets de données mises à disposition de ceux qui proposent des services aux Français, aux entreprises.
13:29 Et c'est en allant dans cette direction-là, en rendant les choses très simples,
13:33 pour ceux qui mettent en ligne de nouveaux services, qu'on va arriver à passer à l'échelle.
13:39 L'autre façon de le faire aussi, c'est que, quand on met en place une nouvelle démarche en ligne,
13:44 il y a beaucoup de démarches qui sont finalement assez simples à mettre en œuvre.
13:49 On a mis en place un outil générique qui s'appelle "Démarches simplifiées"
13:53 et qui, par nature, par design, en fait, se grève sur toutes les API.
13:58 Donc, c'est comme ça qu'on a pu proposer, en trois semaines, un guichet unique pour les inondations dans le Pas-de-Calais.
14:04 Ça, c'était en janvier.
14:06 Le Premier ministre l'avait annoncé.
14:09 Et en trois semaines, ça a pu être mis en place.
14:11 Et on utilise à chaque fois les données qui arrivent.
14:14 Donc, il y a différentes façons de le mettre en place.
14:16 Après, il y a aussi tout l'accompagnement des administrations, la culturation, à cette circulation de données.
14:22 Et mes équipes s'y emploient chaque jour, pour trouver aussi les derniers directants qui pourraient exister, bien évidemment.
14:30 Alors, on y vient à ce sujet de France Connect, que je trouvais une super idée,
14:34 parce que ça évite, évidemment, de chaque fois avoir un nouvel identifiant, un nouveau mot de passe.
14:39 On choisit de rediriger vers notre identifiant, Amélie, ou les impôts.
14:44 Mais là, est arrivée une nouvelle identité numérique, du côté de la Poste.
14:50 Et puis, il y a l'identité numérique régalienne, qui se met en place.
14:54 Et d'un seul coup, pour se connecter à des services où on utilisait France Connect, ça ne fonctionne plus.
14:58 Il faut passer par d'autres outils.
15:00 Et là, je dois dire que moi-même, je suis perdue.
15:02 On va revenir au fondement de France Connect.
15:05 France Connect, c'est le choix français d'une fédération d'identités,
15:09 pour laisser la possibilité à chacun de choisir l'identité qu'il utilise,
15:13 mais bien sûr, avec un nombre restreint d'identités.
15:16 Alors, parmi les identités phares qu'on a aujourd'hui dans France Connect,
15:20 on a par exemple l'identité des impôts, l'identité Amélie.
15:24 On a, en effet, l'identité numérique de la Poste, que vous avez citée.
15:28 On a France Identité. On a aussi la MSA, on a Gris, on en a six au total,
15:32 aujourd'hui, qui sont acceptés dans le cadre de France Connect.
15:35 Elles ont toutes fait l'objet de vérification.
15:38 Donc France Connect, en fait, c'est une plateforme technologique qui accepte les différentes identités numériques.
15:44 Tout à fait. Et France Connect se fait l'intermédiaire, parce que tous les services en face,
15:48 dès l'instant où ils acceptent France Connect, ils acceptent ces six identités.
15:52 Donc aujourd'hui, il faut voir qu'il y a 1800 services qui utilisent cette fédération d'identités
15:58 et 43 millions de Français qui aussi ont leur compte France Connect.
16:04 Donc c'est quelque chose, aujourd'hui, qui crée de la confiance.
16:08 On a 74% des Français qui ont confiance en France Connect.
16:12 Ça croît tous les ans.
16:14 Donc je pense que France Connect a réussi à trouver sa cible
16:19 et apporte de la confiance et cette possibilité de choix qui est une autre voie plutôt qu'identité unique.
16:29 Il y a d'autres pays qui ont choisi un identifiant unique pour toutes les procédures.
16:33 Ce n'est pas le choix de la France. Je pense que ce n'était pas dans notre culture.
16:37 Et donc France Identité, c'est une identité qui vient parmi toutes les identités.
16:44 Pour les titres officiels d'identité.
16:46 En fait, France Identité, la vocation, c'est aussi d'avoir une identité plus sécurisée.
16:52 Et ça, ça se met en place petit à petit avec des tests qui sont en cours
16:56 pour pouvoir aussi, grâce à cette identité régalienne,
17:00 pouvoir faire des démarches plus sensibles avec davantage de risques de fraude
17:06 comme on commence à l'avoir aujourd'hui avec l'identité sécurisée de la poste
17:11 qui permet déjà d'accéder par exemple au paiement du compte personnel de formation
17:17 mais aussi plus récemment depuis janvier à ma primaire et navin.
17:21 Ça protège le citoyen mais ça protège aussi le service public en face pour limiter la fraude.
17:26 On sait qu'il y a des services qui génèrent plus de coûts financiers.
17:30 Oui parce que sur ce thème, on dit qu'on n'a pas forcément besoin d'avoir une identité ultra sécurisée.
17:32 On ne veut pas d'usurpation d'identité en fait.
17:35 Personne ne veut que son identité soit usurpée.
17:39 Et donc passer à un niveau d'identité supérieure quand le risque de fraude est accru
17:43 est très important tant pour le citoyen que pour le service public.
17:46 Mais ça, ça fait partie des défis, je pense, de réussir à bien uniformiser tout ça,
17:51 fluidifier ses expériences des utilisateurs avec l'arrivée de ces nouvelles identités.
17:55 Et bien accompagner la montée en puissance également, et main dans la main bien sûr avec le ministère de l'Intérieur,
18:00 de l'utilisation de cette nouvelle possibilité qu'est France Identité.
18:04 Mais France Identité, on peut déjà l'utiliser pour les 1800 services.
18:07 Rien que là, les deux sujets qu'on a abordés ensemble, la simplification du service public, les identités,
18:12 ça vous fait déjà deux missions quand même assez solides.
18:15 Il y en a une autre qui m'intéresse et qui n'est pas des moindres non plus, c'est la souveraineté.
18:19 Comment est-ce qu'on se crée nous en France nos propres briques technologiques
18:23 pour s'assurer une certaine indépendance ou résilience numérique ?
18:28 Alors la souveraineté, en effet, on l'a mis en priorité dans la nouvelle stratégie numérique de l'État.
18:33 C'est important d'avoir la maîtrise de son système d'information.
18:36 On est dans un environnement géopolitique qui fait que de plus en plus,
18:41 on considère très important de maîtriser ce qui fait le quotidien du fonctionnement d'État.
18:47 Du quotidien également du travail des agents publics.
18:51 Donc on en vient à l'environnement numérique de travail.
18:53 Et le choix qu'on fait et qu'on poursuit à l'adynume, c'est d'accompagner l'ensemble des ministères
18:59 sur des outils numériques bien maîtrisés qui permettent d'assurer le fonctionnement quotidien.
19:05 Donc c'est l'échange de fichiers, ça va être la messagerie, la messagerie instantanée.
19:09 Je m'arrête un instant sur ce sujet-là,
19:12 puisqu'il y a quelques années, on a fait le choix d'avoir une messagerie instantanée sécurisée.
19:17 On a pris en fait...
19:18 - CHAP.
19:19 - Voilà, ça s'appelle CHAP.
19:21 On a pris l'outil en open source à l'état de l'art, le protocole Matrix,
19:29 qui permet d'échanger des messages de façon chiffrée.
19:33 L'ensemble est opéré par l'état, donc ça amène aussi une sécurité supplémentaire.
19:38 Et c'est un service aujourd'hui très largement déployé,
19:41 puisqu'on est à 200 000 utilisateurs quotidiens, en particulier dans les ministères
19:46 qui ont le plus cette culture aussi de la sécurité et de besoin d'échanger de façon en pleine confiance.
19:55 - Confidentielle.
19:56 - Confidentielle, mais aussi en pleine maîtrise et en pleine confiance.
19:59 Et c'est en croissance, puisque sur le deuxième semestre 2023,
20:04 nous avons eu 20% de croissance du nombre d'utilisateurs sur CHAP.
20:08 C'est un outil qui est utilisé dans d'autres pays.
20:10 Par exemple, l'Allemagne, le Luxembourg ont fait les mêmes choix que la France.
20:13 Donc le même protocole libre, également opéré par leur soin.
20:17 Et d'ailleurs, cette stratégie de souveraineté, je la partage en particulier avec mon homologue allemand,
20:22 avec qui nous avons signé un accord de partenariat pour développer ensemble
20:27 ces environnements numériques de travail pour les agents publics.
20:30 - Au-delà de la messagerie, vous voulez dire sur d'autres outils ?
20:33 - Au-delà de la messagerie, sur les outils collaboratifs, sur l'intelligence artificielle également.
20:37 - Donc on aura des produits franco-allemands ?
20:40 - En tout cas, sur les mêmes souches libres.
20:42 Après, chacun opère aussi en pleine maîtrise.
20:45 Mais ça permet aux équipes également de travailler ensemble pour faire progresser cet état de l'art.
20:52 - Stéphanie, il faut élargir à toute l'Europe !
20:55 - C'est bien notre intention. Je participe aussi avec mon homologue allemand
20:59 aux réunions avec l'ensemble des Chief Information Officer qu'on retrouve dans chacun des États membres.
21:06 Et c'est bien sûr des sujets qu'on échange avec eux.
21:10 Mais c'est vrai qu'un partenariat, ça se crée pas à pas.
21:12 Donc on a une forte proximité de pensée sur ces sujets-là.
21:17 Donc le moteur sera franco-allemand.
21:19 - Rapidement, dans l'intelligence artificielle, vous avez un produit qui s'appelle Albert.
21:23 - Oui. - Quelle est sa prétention, enfin sa prétention en tout cas, son objectif ?
21:28 - Oui. Alors l'intelligence artificielle... - En tout cas, quel rôle ?
21:30 - Je voulais y revenir parce qu'on a parlé de l'État plus simple, de l'État plus souverain et l'État plus efficace.
21:37 En fait, le gros levier aujourd'hui, c'est en effet l'intelligence artificielle.
21:40 L'intelligence artificielle, on le pratiquait déjà au sein de l'État pour cibler les fraudes,
21:45 mais aussi cibler des accompagnements.
21:47 J'étais moi-même intrapreneuse d'une start-up d'État qui ciblait les accompagnements pour les entreprises en difficulté
21:54 en croisant des données et avec des algorithmes de détection de première...
21:58 - Des signaux faibles. - Des signaux faibles de défaillance.
22:01 Donc la détection, c'est déjà un volet très important pour un État plus efficace.
22:05 Et c'est vrai qu'il ne faut pas l'oublier parce que l'intelligence artificielle permet déjà ses premiers objectifs,
22:12 de bien cibler, être au bon endroit au bon moment, pour les agents publics par exemple.
22:16 Et ça, on continue à accompagner un certain nombre d'administrations sur ces sujets.
22:20 La révolution depuis un an, c'est l'intelligence artificielle générative.
22:24 Et très vite, on a vu tout le potentiel pour l'efficacité de l'État avec des tâches qui peuvent être chronophages,
22:32 voire rébarbatives, qui peuvent être faites très facilement par l'intelligence artificielle.
22:37 Et le pari qu'on a pris, c'est déjà de se dire, il faut maîtriser, d'où l'idée souveraine qu'on appelle Albert.
22:43 Et il faut pouvoir aussi utiliser cet outil avec toutes les précautions.
22:51 Donc c'est l'agent qui a le dernier mot. Dans tous nos cas d'usage...
22:54 L'agent humain.
22:55 L'agent humain, l'agent public.
22:56 Pas l'agent conversationnel.
22:57 Non, l'agent public. Et dans les applications, en fait, on est sur des agents conversationnels, en effet, du résumé de texte.
23:04 On teste actuellement dans les maisons France Service, pour aider les agents publics dans les maisons France Service à mieux répondre aux citoyens.
23:10 Je suis désolée Stéphanie, on n'a plus que 10 secondes pour parler des talents qu'il va falloir recruter, parce que j'imagine que ça aussi, c'est un énorme défi.
23:17 Tout à fait. Pour répondre à l'ensemble des enjeux qu'on a cités, on a mis comme priorité d'accompagner, avec une politique spécifique, l'ensemble de la filière numérique de l'État.
23:29 Avec des actes très concrets. En début d'année, par exemple, on a publié une grille de rémunération qui fait que je pense qu'on est aujourd'hui dans les standards du marché quand on recrute dans le numérique au sein de l'État.
23:39 Mais après, il ne s'agit pas de se limiter à ces questions de rémunération. Il faut pouvoir offrir des parcours intéressants à tous ceux qui font le choix de l'intérêt général et du numérique.
23:48 Et je peux dire à ceux qui nous écoutent aujourd'hui qu'il y a d'énormes défis à résoudre.
23:52 Tous les défis de la transition écologique, de France Travail, de l'égalité des chances, du régalien.
23:59 Et tout ça, le numérique peut apporter beaucoup. Donc, ça laisse beaucoup d'opportunités pour tous ceux qui aiment le numérique et qui ont envie de relever ces défis des politiques publiques.
24:12 Merci beaucoup Stéphane Nischer. Merci, c'était très intéressant. J'imagine qu'il y a plein de personnes qui vont vous appeler pour venir travailler à la DINU.
24:19 Maintenant, je rappelle, vous êtes la directrice interministérielle du numérique.
24:22 Merci beaucoup Delphine.
24:23 Merci.
24:24 Nous sommes connectés avec Hervé Lejouan pour son regard d'adviser. Bonjour Hervé.
24:34 Bonjour Delphine.
24:35 Alors, on va parler de ces défis du 21e siècle, énergie, calcul. Je suis d'accord, mais je voulais que vous précisiez quand même un peu votre pensée sur ces défis.
24:42 Depuis les années 2000 et surtout depuis 2010, nous avons vécu une explosion de la numérisation du monde, que ce soit d'un point de vue individuel ou professionnel.
24:52 Avec celle-ci, nous sommes entrés dans une nouvelle ère très consommatrice d'énergie et de ressources naturelles servant à fabriquer, alimenter et renouveler ses équipements.
25:01 Ainsi, selon une étude menée par Green IT, entre 2010 et 2025, il était estimé que le numérique passe de l'ordre de 2,5 de l'empreinte environnementale de l'humanité à près de 6%.
25:13 La plus forte progression étant celle des gaz à effet de serre qui passerait de 2,2 à 5,5%.
25:18 Et aujourd'hui, si le numérique était un pays, pour donner un exemple, il aurait plus de trois fois l'empreinte environnementale de la France.
25:24 Et selon cette même étude, entre 2010 et 2025, cette croissance de l'empreinte est principalement due aux objets connectés qui ont été multipliés par près de 50,
25:33 au doublement de la taille des écrans, à l'équipement des pays émergents dont le kilowattheure électrique n'est pas aussi bon que celui des pays occidentaux,
25:40 et à un tassement des gains en matière d'énergie, d'efficience de l'énergie.
25:44 Et je rajouterais que la blockchain et le succès du streaming vidéo ont impacté très significativement cette consommation ces dernières années.
25:51 Alors d'un point de vue sociétal et politique, ce qu'un duplement du poids du numérique en 15 ans ne peut qu'augmenter les tensions sur les matières premières et les minerais.
25:59 Mais tout cela, c'était avant l'IA.
26:02 Et donc avec l'IA, ça va empirer ?
26:04 Absolument, et avec une échelle qu'on ne peut pas imaginer aujourd'hui et qui va demander des investissements colossaux pour des déploiements à grande échelle,
26:12 et tout cela dans le respect de nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
26:15 Pour vous donner un ordre d'idée, il a été estimé par une étude de la division IA de Stanford que l'énergie nécessaire à l'entraînement de chaque GPT pourra alimenter un foyer américain pendant des centaines d'années.
26:26 Et on ne parle que d'un modèle, alors que des centaines, voire des milliers de large-language models, comme on les appelle, sont déjà déployés.
26:32 Et nous ne sommes qu'au début de cette histoire et cette course.
26:35 Et en effet, l'IA, elle est en train de s'immiscer dans tous les domaines de la société.
26:39 Et OpenAI travaille déjà, vous en avez sûrement entendu parler, sur la super-intelligence qui sera encore plus consommatrice.
26:45 Et puis à côté de l'énergie, vous avez les processeurs qui sont absolument nécessaires au bon déploiement de ces algorithmes.
26:51 Et je veux parler des GPU, les unités de graphique et de processeur graphique.
26:55 Et une des sociétés, TSMC, qui est l'un des principaux acteurs de la chaîne d'approvisionnement de ces composants de base,
27:01 fait déjà face à des difficultés significatives qui pourraient se prolonger jusqu'en 2025.
27:06 Dès lors, il ne faut pas s'étonner quand Sal Mahatman, le PDG d'OpenAI, a annoncé à Davos que sans une percée technologique significative dans l'énergie,
27:15 nous n'arriverons pas à faire fonctionner l'IA tel que nous l'envisageons.
27:19 Aussi plus récemment, il a annoncé vouloir lever entre 5 000 et 7 000 milliards de dollars pour répondre demain aux enjeux des processeurs.
27:27 Et même si c'est ça…
27:29 Vous pensez que nous, en Europe, on a un rôle à jouer là-dedans, dans ces défis-là ? On va pouvoir avoir une petite place ?
27:36 Pour l'énergie, je le pense. Mais pour moi, il y a une seule condition, que nous accélérions le développement de notre parc nucléaire,
27:42 qui pourrait être un atout majeur dans cette course.
27:44 Car avant que la fusion nucléaire ne fonctionne, il n'y a pas d'autre alternative propre pour soutenir cette demande, qui nécessite une énergie H24.
27:52 Le solaire pourrait être une autre voie, mais l'Europe n'est pas le continent le plus propice pour cette énergie et son déploiement à grande échelle.
27:58 Quant aux processeurs, durant la crise Covid, si vous vous souvenez, l'Union européenne a pris conscience de notre grande dépendance dans ce domaine,
28:05 et il a été décidé d'investir en 2021 plus de 145 milliards d'euros sur 2-3 ans, dans les processeurs et les semi-conducteurs.
28:11 Je ne sais pas où nous en sommes aujourd'hui, mais le temps s'accélère, et bien sûr, il va falloir que l'Europe se mette,
28:18 si on veut demain, à la fois du côté énergie et du côté processeur, à avoir, encore une fois, notre mot à dire.
28:26 Le temps s'accélère aussi dans Smartech, c'est déjà la fin de cette émission.
28:29 Merci beaucoup Hervé Lejouan, et merci à tous nos téléspectateurs, à tous ceux qui nous suivent également en podcast et en replay.
28:35 A très bientôt pour une nouvelle discussion sur la tech, c'était Smartech.
28:38 [Musique entraînante diminuant jusqu'au silence]