SMART TECH - Le rendez-vous du mardi 25 avril 2023

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Mardi 25 avril 2023, SMART TECH reçoit Carole Chartier-Djelaïbia (juriste, membre fondateur et secrétaire générale, Cercle de la donnée)

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Transcription
00:00 (Générique)
00:03 ---
00:05 -Vous voilà de retour sur le plateau de Smartech,
00:08 votre quotidienne sur l'innovation, le numérique, les technologies.
00:12 On va regarder d'un point de vue juridique
00:14 avec Carole Chartier, JLI-BIA.
00:16 Vous êtes juriste, membre fondatrice et secrétaire général
00:19 du Cercle de la Donnée.
00:21 Bonjour, Carole. -Bonjour.
00:23 -On va s'intéresser aux données de surveillance, de traçage.
00:26 Est-ce que, selon vous,
00:28 ces dérives intrusives des technologies
00:32 sont conciliables avec un certain niveau de protection
00:35 de notre vie privée ?
00:37 -D'un côté, on a ce principe fondamental
00:41 qui est la protection de nos vies privées,
00:43 qui a été érigé en droit dans la Déclaration des droits de l'homme,
00:48 qui est un principe qui permet la protection de l'individu,
00:52 de sa sécurité, de sa dignité,
00:54 de la liberté de penser, d'expression, de circulation.
00:58 C'est quelque chose qui est assez prégnant dans notre société.
01:01 Et puis, d'un autre côté, fort heureusement,
01:04 on vit dans une société où les technologies sont partout,
01:07 avec une forte innovation,
01:09 et qui permet de traiter de plus en plus de données.
01:12 On va se retrouver avec des technologies
01:14 qui sont parfois invasives, comme vous l'avez dit.
01:17 La difficulté, c'est toujours la mise en balance
01:19 de ces deux principes.
01:23 L'image qui me vient, c'est un peu comme un funambule
01:26 qui serait sur son fil avec son balancier.
01:29 Et quand il est question de données personnelles,
01:31 souvent, c'est la CNIL qui fait office de garant
01:35 pour mettre en balance et essayer de trouver l'équilibre nécessaire.
01:39 -On va s'intéresser,
01:40 parce qu'on en parle beaucoup avec l'arrivée des Jeux olympiques 2024
01:44 et un amendement qui a été pris récemment,
01:46 à ces caméras augmentées,
01:49 qu'on dit intelligentes.
01:52 Est-ce qu'on peut rappeler la différence
01:54 entre ces caméras augmentées
01:56 et la reconnaissance faciale ?
01:58 -La reconnaissance faciale, comme son nom l'indique,
02:00 vise à reconnaître une personne.
02:02 C'est un dispositif biométrique
02:05 qui a pour but de reconnaître une personne.
02:09 Une caméra augmentée, c'est un dispositif de surveillance
02:12 qui est couplé à un logiciel d'intelligence artificielle
02:16 qui a pour but de reconnaître des images,
02:19 mais pas forcément de chercher à reconnaître des individus.
02:21 Par exemple, une caméra augmentée pourra servir
02:25 à détecter des bagages abandonnés dans une gare,
02:29 alors qu'un dispositif de reconnaissance faciale,
02:32 lui, cherche vraiment à reconnaître, par exemple, un individu fiché.
02:37 -Et cette distinction juridique, elle est importante,
02:40 elle a des conséquences ? -Elle a des conséquences,
02:42 parce que quand il s'agit de traiter des données biométriques,
02:44 dans certains cas, c'est interdit, notamment par la loi informatique
02:47 et liberté, donc il va falloir des autorisations très spéciales
02:50 pour pouvoir le faire.
02:51 -Quelle est la position de la CNIL par rapport à ces caméras ?
02:55 -La CNIL avait eu l'occasion de se prononcer déjà
02:59 lors d'une position qu'elle avait prise en juillet 2022.
03:01 Et là, par rapport au projet de loi sur les Jeux olympiques,
03:04 qui ouvre cette possibilité de faire appel à des caméras augmentées
03:09 lors de cet événement des Jeux olympiques...
03:12 -Oui, c'est sur une période bien définie.
03:14 -Voilà. En fait, la CNIL a estimé que les principes
03:18 qu'elle avait énoncés dans sa position de juillet 2022
03:24 avaient bien été pris en compte,
03:26 puisque, comme vous l'avez dit, il s'agit d'un déploiement
03:29 limité dans le temps et dans l'espace,
03:31 qui sera simplement à titre expérimental
03:34 pour certaines finalités spécifiques,
03:36 qui correspondent à des risques graves pour les personnes,
03:39 c'est-à-dire certains types de manifestations
03:41 qui présenteraient des risques graves pour l'ordre public.
03:44 Elle a aussi souligné le fait
03:47 qu'il n'y avait pas de traitement de données biométriques,
03:49 pas de rapprochement avec d'autres fichiers,
03:51 elle est assez attentive au croisement de fichiers,
03:53 et aussi une absence de décision automatique,
03:56 c'est-à-dire que le dispositif est là pour signaler des situations,
04:00 mais après, il y a un humain derrière qui va prendre le relais
04:03 et qui va analyser la situation.
04:06 Et donc, en fait, la CNIL, ce qu'elle essaye de faire
04:08 à travers tout ça, c'est de tracer une ligne rouge
04:11 et de faire en sorte que ces caméras ne soient pas utilisées,
04:13 par exemple, à des fins de notation sociale,
04:17 comme c'est le cas, par exemple, en Chine.
04:19 -Alors, là, on parle d'acteurs publics.
04:22 Il y a aussi des dispositifs qui sont mis en place
04:24 par des acteurs privés ?
04:26 -Oui, tout à fait. Il y en a pas mal.
04:27 Et donc, si on se base à nouveau
04:30 sur des délibérations récentes de la CNIL,
04:32 il y a eu une délibération qui date de mars dernier,
04:35 qui était relative à un contrôle qu'elle a effectué
04:38 au sein de la société CityScoot.
04:40 Donc, c'est une société qui propose de l'allocation
04:43 de scooters en free floating, on appelle ça.
04:47 Et donc, à travers une application,
04:48 vous pouvez louer un scooter électrique,
04:50 et le service est facturé à la minute.
04:53 Et lors de son contrôle, la CNIL s'est aperçue
04:55 que cette société
04:57 relevait les points de géolocalisation
05:01 toutes les 30 secondes,
05:02 donc quand le scooter a été loué par une personne,
05:05 et qu'en plus, elle conservait trace de ses trajets.
05:10 Donc, en fait, elle a estimé que c'était intrusif,
05:13 parce que pour les finalités collectées
05:16 qu'étaient le traitement des infractions au code de la route,
05:19 le traitement des réclamations clients,
05:21 le support aux utilisateurs
05:23 ou la gestion des sinistres et des vols,
05:24 la CNIL a considéré qu'il n'y avait pas besoin
05:26 de faire un traçage aussi fin
05:28 et que le service pouvait tout à fait être rendu
05:31 sans avoir recours à ce type de dispositif.
05:34 Donc, en fait, elle a estimé qu'il y avait manquement
05:36 au principe de minimisation des données.
05:38 C'est un principe qui est dans le RGPD,
05:41 la loi informatique et liberté,
05:43 selon lequel les données collectées,
05:45 elles doivent être adéquates, pertinentes et non excessives
05:48 par rapport à la finalité visée.
05:51 Ce n'était pas le cas en l'espèce.
05:52 -Donc, la CNIL, vraiment, c'est son coeur de métier,
05:56 le centre de ses préoccupations.
05:58 Est-ce que vous pensez qu'on va avoir
05:59 de plus en plus de contrôles de ce type ?
06:02 -Alors, ce qui est sûr, c'est que la CNIL,
06:03 elle va assurer un suivi,
06:05 parce que pour les caméras augmentées,
06:08 comme on l'a dit, ça faisait déjà partie
06:10 de ses actes prioritaires en 2022, 2023,
06:14 puisqu'il y a eu cette position.
06:15 Et avant ça, elle avait fait une consultation publique.
06:20 Et puis, elle a annoncé qu'en 2023,
06:23 les caméras augmentées seraient un acte prioritaire de contrôle.
06:26 Donc là, on peut s'attendre,
06:27 parce qu'elle va contrôler que les pouvoirs publics,
06:29 que cet usage soit correctement encadré,
06:33 donc on peut s'attendre à ce qui est potentiellement des sanctions.
06:36 Et donc, pour ce qui est de la géolocalisation,
06:40 là, dans le cadre de son accompagnement sectoriel,
06:44 la CNIL a créé ce qu'elle appelle un club de conformité,
06:48 auquel elle a invité tous les acteurs de l'écosystème,
06:51 de mobilité, des véhicules connectés.
06:54 Mais alors là, le but, c'est pas forcément de sanctionner,
06:56 ce sera plutôt d'accompagner
06:58 vers une meilleure utilisation de la géolocalisation,
07:04 c'est pas un terme facile à dire, par tous ses acteurs.
07:08 -Alors, donc on a la CNIL qui veille au grain.
07:10 J'imagine que cette position, elle est saluée,
07:13 ou en tout cas dans la ligne de ce que vous faites
07:15 au cercle de la donnée.
07:16 -Oui, tout à fait.
07:17 C'est déjà très important d'avoir, il me semble,
07:20 un cadre technologique qui soit sûr et fiable pour tout un chacun.
07:26 Et puis, comme vous le savez,
07:27 nous, au cercle, on est très attachés à la souveraineté numérique.
07:30 Et cette souveraineté,
07:31 elle passe aussi par la souveraineté individuelle
07:34 et par le respect des valeurs,
07:35 c'est-à-dire que nos données,
07:36 c'est quand même le prolongement de nous-mêmes,
07:38 et donc il est vraiment très important de veiller
07:41 à ce que ces données, elles ne soient pas usurpées par des tiers,
07:44 non instrumentalisées,
07:46 au détriment de nos libertés individuelles.
07:48 -Donc vous êtes dans la même ligne.
07:50 -Tout à fait.
07:51 -Merci beaucoup, Carole Chartier-Jelaïbia,
07:54 du cercle de la donnée, pour votre analyse
07:56 sur cette manière dont on peut concilier, finalement,
08:00 l'évolution technologique et puis la protection de la vie privée.
08:04 Juste à suivre, c'est la dernière séquence de Smartech.
08:06 On va regarder où va le Web.

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