Têtes à Clash n°141 - Guerre Russie/Ukraine : l'impasse meurtrière ?

  • il y a 7 mois
Franck Tanguy reçoit Anne-Laure Bonnel, François Martin, Cyril Bennasar et Laurent Artur du Plessis.

Au programme des débats :
1) Deux ans de guerre Russie/Ukraine : comment en sort-on ?
2) Crise agricole : et l'Europe dans tout ça ?
3) Campagne présidentielle américaine : le retour du match Trump/Biden ?

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Transcription
00:00:00 [Générique]
00:00:11 Bonjour, nouvelle émission de Tête à Clash, 4 invités, 3 sujets.
00:00:14 Alors on va commencer par les invités.
00:00:17 Cyril Benassar, bonjour.
00:00:18 Bonjour.
00:00:19 Anne-Laure Bonnel, bonjour.
00:00:20 Bonjour.
00:00:21 François Martin.
00:00:22 Bonjour Franck.
00:00:23 Bonjour.
00:00:23 Et Laurent-Arthur Duplessis.
00:00:24 Bonjour.
00:00:25 Et Laurent-Arthur Duplessis, c'est un homme qui a écrit pas mal de livres, une petite dizaine, on est d'accord.
00:00:33 Et qui vient, alors il est vraiment tout frais celui-ci, je ne suis pas encore certain qu'il soit distribué,
00:00:37 mais ça ne va pas tarder.
00:00:38 Il est en voie de lettre.
00:00:39 Il est en voie de lettre, ok.
00:00:40 Donc nouveau livre de Laurent-Arthur Duplessis qui s'appelle "Au cœur de la troisième guerre mondiale".
00:00:45 En deux mots, vous pouvez nous donner le sujet ?
00:00:48 Le sujet c'est que l'Empire américain étant de plus en plus assailli et menacé,
00:00:54 et notamment de perdre à terme son privilège monétaire, le dollar,
00:00:59 il fera à peu près comme tous les empires, en naufrageant, il fera la guerre.
00:01:05 Ok.
00:01:05 Et la guerre à grande échelle, car dans l'histoire de l'humanité,
00:01:11 on n'a jamais vu un empire abdiquer ses prétentions sans faire la guerre.
00:01:17 Sans résister autrement dit.
00:01:18 Il ouvre l'Empire soviétique, cher ami ?
00:01:20 Oui, mais il y a un ricochet maintenant.
00:01:23 Et puis il s'est effondré sur lui-même.
00:01:26 Et puis il y a un effet dérivé maintenant.
00:01:30 Oui, mais en fait, il n'y a pas eu de surenchère de l'Empire.
00:01:34 Ok, alors vous avez compris, le débat commence.
00:01:37 Néanmoins, je n'ai pas donné les sujets, donc je les donne tout de suite.
00:01:40 Il y en a trois.
00:01:41 Le premier c'est, on est à deux ans du début de la guerre Russie-Ukraine.
00:01:45 L'idée c'est de faire une photo.
00:01:48 Sans doute de parler également de la situation en Russie.
00:01:51 Deuxième sujet, la crise de la paysannerie en France.
00:01:54 Et on va voir le rôle de l'Europe dans cette crise.
00:01:56 Et troisième sujet, c'est, on est en gros à huit mois de la désélection américaine.
00:02:01 On va regarder un petit peu ce qui se passe entre Trump et Biden,
00:02:04 parce que ça a un peu bougé.
00:02:06 Voilà, rendez-vous dans quelques secondes pour le premier sujet.
00:02:08 A tout de suite.
00:02:09 [Générique]
00:02:29 [Sonnerie de cloche]
00:02:32 Deux ans, à quelques jours près, depuis le début de la guerre Russie
00:02:37 et de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
00:02:40 La première question, c'est quel bilan on peut en tirer ?
00:02:44 Et puis surtout, est-ce qu'on peut en tirer des perspectives ?
00:02:47 Perspective de paix, perspective d'invasion complète, voilà.
00:02:52 Place de l'OTAN, place des US, le sujet est très vaste.
00:02:55 Et je cède la parole à François Martin.
00:02:58 Merci.
00:02:58 Alors, il faut replacer ça dans le contexte en deux phrases.
00:03:02 J'ai dit à Alice Blaise, il y a deux semaines, sur le samedi politique,
00:03:08 qu'en fait, il existe une rivalité fondamentale entre les États-Unis et la Russie,
00:03:14 parce qu'il y a, par rapport à l'Europe qui est au milieu,
00:03:17 dans le sens où les États-Unis considèrent que l'Europe leur appartient,
00:03:23 et la Russie considère qu'eux, ils appartiennent à l'Europe,
00:03:26 ils font partie de la civilisation européenne.
00:03:28 Mais cette rivalité fondamentale ne peut pas s'arrêter.
00:03:32 Donc, la conséquence, on peut en tirer cette conclusion,
00:03:35 et dessiner des perspectives vers la fin de la guerre,
00:03:39 puisqu'on voit qu'aujourd'hui, la moyenne d'âge de l'armée ukrainienne est de l'ordre de 45 ans.
00:03:45 Donc, je ne vois pas comment l'Ukraine peut gagner cette guerre.
00:03:49 Sachant que...
00:03:50 Même avec des appuis occidentaux.
00:03:52 L'âge de recrutement commence à 27 ans,
00:03:56 et qu'il y a actuellement au Parlement ukrainien,
00:03:58 la discussion pour l'abaisser, parce que 27 ans, c'est assez âgé en fait.
00:04:01 D'où la moyenne à élever.
00:04:03 Elle n'est déjà pas respectée, puisqu'on voit des photos de soldats ukrainiens
00:04:06 qui ont visiblement 17-18 ans.
00:04:09 Il y a des plus jeunes.
00:04:10 Mais bon, disons que...
00:04:11 Il y a peut-être des volontaires.
00:04:12 Si on ne rentre pas dans le cadre de ce débat,
00:04:14 ça, ça permet d'expliquer les perspectives aujourd'hui de sortie de crise.
00:04:20 Le principal, c'est que l'objectif de la Russie dans ce cadre-là,
00:04:25 c'est de se raccrocher à l'Europe.
00:04:28 Et l'objectif de les États-Unis,
00:04:29 c'est que la Russie ne se rapproche pas de l'Europe.
00:04:32 De maintenir sous une certaine forme,
00:04:35 une nouvelle forme de rideau de fer.
00:04:38 Parce que la Russie plus l'Europe,
00:04:40 ça peut faire pièce aux États-Unis.
00:04:43 Donc l'objectif des États-Unis a toujours été
00:04:45 d'empêcher que la Russie et l'Europe se rejoignent.
00:04:48 Donc ça veut dire que,
00:04:50 premièrement, il y a quatre scénarios.
00:04:55 L'un, c'est la guerre nucléaire.
00:04:57 Je ne pense pas que ce soit le cas,
00:04:58 parce que les deux principaux belligères en Russie,
00:05:01 États-Unis font très attention à maintenir le conflit
00:05:04 à l'intérieur du territoire ukrainien,
00:05:07 justement parce qu'ils cairent de la guerre mondiale.
00:05:09 – Parce que pourquoi le maintenir au niveau du territoire ukrainien ?
00:05:12 On va en parler.
00:05:13 – Le deuxième, c'est la paix.
00:05:17 Je pense qu'il n'est pas plus possible que le premier,
00:05:20 parce que ce ne sont pas les Russes qui veulent faire la paix,
00:05:22 mais ce sont les Américains qui ne veulent pas qu'il y ait la paix.
00:05:25 Parce que s'il y a la paix, le lendemain,
00:05:27 Scholz et Macron vont en Russie en disant
00:05:30 "puisqu'il y a la paix, redonne-nous du gaz pas cher,
00:05:32 redonne-nous ton marché, etc."
00:05:34 – Les États-Unis ne veulent pas de la paix non plus.
00:05:36 Donc pour faire la paix, il faut être d'eux.
00:05:39 – À supposer qu'il y ait à la place en Ukraine
00:05:42 un dirigeant qui veuille bien faire la paix.
00:05:44 Je pense qu'il n'y aura pas de paix parce que les Américains ne veulent pas.
00:05:47 Ensuite, il reste la non-belligérance,
00:05:50 c'est-à-dire un système à la coréenne, pas de paix,
00:05:54 mais une non-belligérance.
00:05:56 – Une glaciation.
00:05:57 – Et là, il y a deux formes, il y a la douce et la dure.
00:06:01 La douce, c'est à la coréenne, on ne se tire pas dessus, on se met d'accord.
00:06:05 Mais si on fait ça, la question qui va se poser immédiatement,
00:06:09 c'est à quoi sert l'OTAN ?
00:06:12 Et le risque pour les Américains, c'est que l'OTAN,
00:06:15 dont le principal objectif c'est d'asservir l'Europe,
00:06:18 soit remise en cause par un certain nombre de pays.
00:06:21 Donc, à mon avis, le scénario le plus promis, et je m'arrête,
00:06:26 c'est la transition dure, c'est-à-dire d'hystériliser l'Europe
00:06:30 pour qu'on reste dans une situation de non-belligérance,
00:06:33 mais qu'on dise "attention, Poutine, Poutine, Poutine, Poutine".
00:06:36 C'est ça la situation dans laquelle on est aujourd'hui.
00:06:38 – Ok, Cyril Benassar, vous êtes d'accord que faire la guerre pour la Russie,
00:06:42 c'est le meilleur moyen de rentrer dans l'Europe ?
00:06:44 Parce que c'est une partie du raisonnement de François Martin ?
00:06:47 – Non, moi je n'ai pas le sentiment que la Russie ait envie d'entrer de l'Europe,
00:06:51 même le sentiment d'en faire partie.
00:06:53 On a un discours de Poutine sur l'Europe qui est très sévère.
00:06:56 Pour nous, on fait partie de l'Occident décadent, féminisé, du pays des LGBT.
00:07:01 Ce n'est vraiment pas un modèle pour lui.
00:07:03 Il nous prend pour des faibles qu'il faut intimider,
00:07:06 et puis si l'occasion se présente et si les besoins s'en font sentir, peut-être écraser.
00:07:11 Donc je n'ai pas du tout l'impression qu'il y ait ce mouvement-là, cet élan-là.
00:07:15 Pour les États-Unis, c'est un peu la même chose.
00:07:18 Pour eux, la vieille Europe, ils en ont marre, ils en ont assez.
00:07:21 Ils sont intervenus trois ou quatre fois au XXe siècle pour nous voler à notre secours,
00:07:26 et maintenant ils nous font savoir, ça a été le propos de Trump,
00:07:29 on pourrait peut-être y revenir, je pense qu'il y a beaucoup de bluffs là-dedans.
00:07:32 Je ne crois pas qu'ils veuillent abandonner l'OTAN en réalité.
00:07:34 Mais pour nous faire savoir qu'il était temps qu'on se débrouille nous-mêmes,
00:07:39 parce qu'ils en avaient assez, que ça leur coûte en milliards de dollars,
00:07:43 et en vie humaine, dans des interventions.
00:07:45 – Ils ont dépensé au minimum 2% du PNB en armement.
00:07:49 – Alors ça, ça a été cette histoire de Trump avec l'OTAN,
00:07:52 je trouve que ça ressemble plus à un emballement médiatique
00:07:55 qu'à la réalité des choses.
00:07:57 C'est-à-dire qu'en fait, il a mis en sketch dans un meeting
00:08:01 une conversation qu'il avait eue avec des dirigeants européens
00:08:03 déjà lors de son premier mandat, en disant "il faut augmenter vos cotisations".
00:08:08 Il n'a pas du tout dit "je ne viendrai pas en aide à l'un d'entre eux si vous êtes attaqués".
00:08:12 Ça, ça a été rajouté dans son meeting.
00:08:14 Je parle de la première fois où il a évoqué cette histoire.
00:08:15 Et ça a marché parce que les Européens ont augmenté leur budget.
00:08:19 On n'est pas tous à 2%, ce qui est ce qu'il exige.
00:08:23 Et ensuite, dans son meeting, il a mis en scène,
00:08:25 comme il le fait toujours en homme d'affaires,
00:08:27 "regardez comme je suis dur dans les négociations,
00:08:29 je les menace de les abandonner en cas de problème
00:08:32 si ils ne sont pas à jour de leurs cotisations".
00:08:34 Comme une compagnie d'assurance, si on n'est pas à jour,
00:08:36 on peut ne pas être assuré.
00:08:38 C'est vraiment un deal commercial dans son esprit.
00:08:41 Mais j'ai lu une interview de Boris Johnson qui était très intéressante,
00:08:44 où il disait qu'il ne croyait pas une seule seconde
00:08:46 que Trump allait abandonner l'OTAN.
00:08:47 Que c'était du bluff, que c'était une espèce d'ambiguïté stratégique
00:08:51 de faire croire que si on ne payait pas, il abandonnerait.
00:08:54 Je pense que c'est totalement faux.
00:08:55 – Sauf que le message de Trump vis-à-vis de Poutine,
00:08:59 c'est en gros, c'est open bar, vous pouvez y aller.
00:09:02 Tous les pays faibles qui ne cotisent pas comme il faut,
00:09:04 vous pouvez les envahir.
00:09:05 C'est un peu comme ça que ça a été reçu en Europe quand même.
00:09:07 – Ça a été reçu parce qu'on s'est accroché à ce truc
00:09:09 qui est absolument choquant, comme il le fait toujours.
00:09:13 Mais je crois que ça ne repose sur aucune réalité.
00:09:15 D'autant que son… oui c'est des propos de campagne,
00:09:18 mais personne ne prend ça vraiment au sérieux,
00:09:20 à part les médias occidentaux qui en font une mayonnaise.
00:09:24 Et d'autant plus que dans son électorat,
00:09:26 il y a quand même des républicains conservateurs pour qui la Russie,
00:09:29 c'est plus que le rival, c'est l'ennemi héréditaire,
00:09:32 c'est l'ennemi de toujours.
00:09:33 Et l'idée qu'on va abandonner un pays d'Europe,
00:09:36 ou même l'Ukraine, la Russie, ou même n'importe quel pays,
00:09:38 je veux dire, même l'Afghanistan,
00:09:40 l'idée qu'on abandonnerait à la Russie,
00:09:43 qu'on la laisserait avancer ses pions sur l'échiquier mondial,
00:09:46 c'est totalement irréaliste.
00:09:48 – Alors Laura Arthur du PSI, alors, vous faites la part.
00:09:51 – Merci, de tout ce qui se passe là depuis quelques semaines,
00:09:56 j'ai plutôt le sentiment,
00:09:58 et je pense que certains vont être très étonnés,
00:10:00 qu'on entre dans une nouvelle phase plutôt d'apaisement paradoxalement,
00:10:04 avec des négociations qui ne sauraient tarder,
00:10:07 qui sont en cours.
00:10:08 C'est ça où le scénario que je rejoins d'Arthur
00:10:11 et auquel je ne m'accroche pas,
00:10:12 on avait déjà vu ça le mois dernier, sur la Troisième Guerre mondiale.
00:10:17 Pourquoi la Troisième Guerre mondiale ?
00:10:18 On entend ça sur tous les plateaux.
00:10:20 Nous sommes en période électorale, pré-électorale,
00:10:23 dans le monde entier, pour tous les pays qui aujourd'hui font l'appui à le BOTAN.
00:10:28 Les européennes arrivent, les médias s'ennuient,
00:10:31 donc il faut effrayer l'opinion publique, etc.
00:10:35 C'est classique, ça existe depuis la nuit des temps.
00:10:38 Or, on a quand même des dirigeants,
00:10:40 personne n'est fou, ni Poutine, ni Macron,
00:10:42 je fais référence à la déclaration qu'il a faite hier.
00:10:47 Sur le fait de pouvoir envoyer des soldats au sol.
00:10:49 Évidemment qu'ils ne le pensent pas, ça choque tout le monde,
00:10:53 ça fait le chou des plateaux, ça fait de l'audimat très bien,
00:10:55 mais il faudrait qu'on revienne sur l'analyse,
00:10:57 pourquoi il a dit, il a certainement une raison.
00:10:58 C'est d'autant qu'il ne l'a pas dit.
00:11:00 Ce qui est intéressant, c'est où est-ce qu'on va aujourd'hui ?
00:11:03 Un, je pense que tout le monde est d'accord pour tirer le bilan suivant,
00:11:06 ça se passe très mal en Ukraine, c'est le moment de se calmer.
00:11:11 Je pense que tout le monde est très fatigué.
00:11:13 Il faut arriver à le faire avaler à l'opinion publique,
00:11:16 ça, ça va être très difficile, pardonnez-moi, j'emploie des mots crus.
00:11:20 Les opinions publiques de tous bords sont révoltées
00:11:23 parce qu'il y a énormément de pertes,
00:11:26 beaucoup plus de pertes du côté ukrainien,
00:11:29 même si on a du mal à le dire, on le sait,
00:11:31 l'artillerie c'est ce qui tue à 80% les hommes,
00:11:36 il y a plus d'artillerie côté russe,
00:11:38 donc mathématiquement, il y a plus de morts côté ukrainien,
00:11:41 pas besoin de faire les nards.
00:11:42 – Pourtant le narratif, c'est…
00:11:43 – Oui c'est le narratif, mais enfin réfléchissez,
00:11:45 puis vous sortez du narratif.
00:11:48 Tout ça, il faut parler à des militaires, ils vous le diront,
00:11:51 voilà, à un moment donné, il faut se mettre à réfléchir,
00:11:54 que tout le monde se calme, que tout le monde souffre un bon coup,
00:11:58 et alors la négociation, ben…
00:12:00 – Mais qui pour négocier ?
00:12:02 – On n'a pas le choix, déjà les russes vont vouloir négocier aussi
00:12:05 à un moment ou à un autre, ça négocie déjà en coulisses,
00:12:08 ils n'ont pas attendu les plateaux télé pour négocier, évidemment.
00:12:11 – Parce que tout le monde dit qu'en fait, négociation il n'y aura pas,
00:12:13 – Il y a négociation.
00:12:14 – Tant que les élections américaines n'auront pas eu lieu.
00:12:17 – Mais c'est bientôt, c'est demain les élections américaines,
00:12:19 donc déjà là on commence à discuter,
00:12:22 les démocrates et les républicains, c'est à peu près la même chose,
00:12:26 on a beau dire ce qu'on veut, c'est pas eux qui font la politique,
00:12:29 ça changera pas énormément, ça se regarde un peu comme chien de faïence,
00:12:33 mais c'est le Pentagone qui va décider,
00:12:35 le Pentagone ça fait longtemps qu'il a pris sa décision,
00:12:37 il avait bien dit qu'il ne mettrait personne sur le terrain, il n'a mis personne,
00:12:41 bon, là on arrive à un état de fait, ça n'avance plus, c'est bloqué,
00:12:45 il fallait tout arrêter en mars 2022, nous avions une opportunité,
00:12:50 nous ne l'avons pas…
00:12:52 – C'était quoi cette opportunité ?
00:12:53 – De signer des accords de paix.
00:12:55 – Vous voulez dire avant la guerre ?
00:12:57 – Mars 2022.
00:12:58 – Juste un mois après la guerre.
00:13:01 – Un mois après, les Russes et les Ukrainiens sont autour d'une table,
00:13:05 bien entourés, à Istanbul, ils se mettent plus ou moins d'accord
00:13:10 sur les deux oblastes, Donetsk et Lugansk et la Crimée,
00:13:14 Zelensky est d'accord, a priori, et là, je ne citerai pas de nom
00:13:18 pour ne pas mettre le bazar, on leur dit "non, non, non, on continue la guerre",
00:13:22 et donc ensuite on en arrive à quatre oblastes, à des annexions,
00:13:26 et à 500 000 pertes en gros.
00:13:29 – Vous pensez qu'il y a eu une occasion de perdu ?
00:13:31 – Enfin, je ne pense pas, tout le monde le sait.
00:13:32 – D'accord, Laurent Arthur Duplessis, merci.
00:13:34 – Je voudrais préciser une chose, quand je parle de 3ème guerre mondiale,
00:13:38 je tiens l'attention sur le fait qu'il y a un globe terrestre
00:13:44 où il y a des sources de tensions grandissantes de l'autre côté
00:13:47 par rapport à nous, dans l'Indo-Pacifique,
00:13:50 et je crois que l'épicentre d'une 3ème guerre mondiale à venir
00:13:54 sera dans l'Indo-Pacifique, dans la rivalité économique et structurelle
00:13:59 entre la Chine et les États-Unis.
00:14:01 Et je dirais que ce qui se passe de ce côté-ci du globe terrestre
00:14:06 est secondaire relativement, et je pense que la mèche,
00:14:11 elle est surtout dans l'Indo-Pacifique, et le conflit là-bas est structurel.
00:14:17 – Même si le feu couvre finalement relativement faiblement,
00:14:21 parce que, sauf à ce que ça s'embrase avec Taïwan,
00:14:26 autrement il y a des querelles entre certains pays,
00:14:29 l'Indonésie et la Chine par exemple, ou le Japon et la Chine,
00:14:33 mais globalement c'est quand même assez à bas bruit, non ?
00:14:36 – C'était à bas bruit la guerre d'Espagne, 36-39 aussi.
00:14:41 – Mais ça c'est une très bonne question.
00:14:42 Est-ce qu'on est en 1936 ? Est-ce qu'on est un petit peu avant ?
00:14:45 Est-ce qu'on est un peu plus tard ?
00:14:46 – C'est très juste que vous dites Arthur, j'ai eu des infos de Chine,
00:14:52 depuis la Chine, et énormément de Chinois haut placés sont persuadés que…
00:14:59 – Taïwan c'est ici.
00:14:59 – De quoi ? Pardon ?
00:15:00 – Que c'est le prochain brasier.
00:15:02 – Le prochain brasier ?
00:15:04 Dans ce côté-là du monde ?
00:15:05 – Oui.
00:15:05 – Mais en disant que ça va débuter où ? Parce que Taïwan…
00:15:08 – Et que tout va se calmer rapidement côté Ukraine, je pense, François.
00:15:11 – Et que les Chinois regardent ce qui se passe ici,
00:15:14 mais les Chinois ont l'œil fixé, pas seulement sur Taïwan,
00:15:17 Taïwan c'est une pierre d'achoppement,
00:15:19 mais le vrai conflit entre la Chine et les États-Unis, on le voit bien,
00:15:23 c'est que les États-Unis, ça correspond à ce que je disais tout à l'heure,
00:15:26 ne veulent pas céder la place numéro un mondial,
00:15:29 au point de vue monétaire, financier et économique,
00:15:33 à les Chinois qui veulent ravir cette première place mondiale.
00:15:38 – Oui mais qu'ils ne soient pas en condition pour leur ravir.
00:15:41 – Ils n'arrêtent pas de progresser,
00:15:43 ils organisent un nouveau système monétaire international,
00:15:46 avec comme clé de boute le Yuen.
00:15:48 – Ça veut dire qu'ils veulent créer un système alternatif.
00:15:51 – C'est-à-dire qu'ils sont en train de faire un travail de sape
00:15:54 sur le privilège monétaire américain,
00:15:56 et quand on enlève le privilège monétaire américain,
00:15:59 l'Empire américain s'écroule.
00:16:00 – Oui parce qu'il est basé sur la dette,
00:16:02 et sur l'émission de dollars à volonté en fait.
00:16:04 – Il a deux piliers l'Empire américain,
00:16:07 le privilège monétaire du dollar,
00:16:09 et une puissance militaire énorme, gigantesque.
00:16:12 – Vous avez raison, mais est-ce que le Yuen est passé
00:16:14 deuxième devise mondiale, là, après a supplanter l'euro,
00:16:18 il n'y a qu'un jour où c'est moi qui a fait checker.
00:16:20 – Alors là il commence à échapper.
00:16:22 – Je crois que c'est la deuxième.
00:16:24 – Il commence, voilà exactement, et il y a un tournant,
00:16:28 c'est que les pétro-monarchies du Golfe, notamment l'Arabie saoudite,
00:16:31 maintenant négocient leur pétrole vendu à la Chine en Yuen,
00:16:36 est convertible en or métal.
00:16:38 – C'est énorme.
00:16:40 – Et donc le Yuen s'adose de plus en plus, notamment à l'or métal,
00:16:44 et les Chinois ont fait d'énormes réserves d'or depuis plusieurs décennies,
00:16:49 et ils préparent un nouveau système monétaire international.
00:16:51 Ce n'est pas encore fait, il y a encore du chemin à faire,
00:16:55 mais à Washington on regarde ça à la loupe, et on n'aime pas ça du tout.
00:16:59 Et donc, aussi bien à West Point que dans les académies militaires chinoises,
00:17:05 on ne travaille que sur une chose, c'est le futur conflit Etats-Unis-Chine,
00:17:09 on ne travaille que là-dessus.
00:17:12 Et quand on voit que la marine chinoise s'enrichit chaque année
00:17:17 d'un volume équivalent à celui de la marine française, chaque année.
00:17:20 – Bien sûr, c'est gigantesque.
00:17:22 – Et quand on voit que les percées technologiques chinoises s'améliorent,
00:17:27 quand on voit qu'il y a des transferts maintenant de technologies
00:17:29 entre les Russes et les Chinois sur la miscillerie etc.,
00:17:33 il y a de quoi s'inquiéter, et aux États-Unis on s'inquiète.
00:17:37 Et pour les Américains, l'objectif c'est la Chine.
00:17:41 Ce qui se passe ici, effectivement, est secondaire.
00:17:43 – Dites ça aux Ukrainiens, pardon, Cyril Benassar.
00:17:49 – Il est évident, il apparaît évident que le prochain conflit
00:17:52 ce sera ces deux géants qui sont les États-Unis et la Chine,
00:17:55 ça se passera là-bas, mais je ne crois pas que ce soit de nature
00:17:56 à éteindre le conflit en Ukraine, parce que, ni même à le ralentir,
00:18:02 je ne suis pas convaincu par votre analyse sur l'idée que…
00:18:04 – C'est pas l'éteindre, c'est le figer, c'est-à-dire qu'il va devenir secondaire à terme.
00:18:08 – Alors secondaire à l'échelle mondiale et pour les États-Unis,
00:18:11 mais il va quand même devenir crucial pour la Russie et pour l'Europe.
00:18:15 Et je ne suis pas sûr du tout que l'Ukraine soit à bout de souffle,
00:18:18 il y a un passage à vide qui lie uniquement au manque de livraison d'obus et d'armement
00:18:23 qui était promis, qui était attendu, et qui fait qu'aujourd'hui
00:18:25 ils se battent à un obus ukrainien contre 10 ou 12 obus russes.
00:18:29 Quand ils en étaient à un obus ukrainien contre 3 obus russes,
00:18:33 ils leur taillaient des croupières, parce que les canons César sont beaucoup plus précis,
00:18:36 beaucoup plus rapides.
00:18:37 – Combien il y a de canons César ?
00:18:39 – Qu'est-ce qui se passe là-bas ? On est un carnage, les Ukrainiens se font dégommer.
00:18:43 – C'est ce que je vous dis, parce qu'ils n'ont plus assez d'armement pour tenir le front.
00:18:46 – On n'a pas tenu nos promesses, c'est ça ?
00:18:47 – Ils reculent, on n'a pas tenu nos promesses.
00:18:49 – On a libéré 30% de ce qu'on a promis.
00:18:51 – Ça peut changer très vite, je rappelle qu'aux États-Unis,
00:18:53 les 60 milliards qui sont attendus ne sont bloqués que par le leader,
00:18:57 le speaker de la Chambre des représentants qui refuse de mettre ça à l'ordre du jour.
00:19:01 Ça peut se débloquer très vite.
00:19:03 La pression de l'opinion, la pression des Républicains, la campagne électorale,
00:19:07 le sentiment qu'il faut bouger là-dessus peut faire qu'ils le mettent à l'ordre du jour
00:19:10 et que ce soit voté rapidement parce que l'ensemble des Républicains
00:19:15 serait plutôt favorable à l'envoi de… je veux dire que ça passerait,
00:19:19 il est évident que ce serait voté, que ça passerait, ça changerait la donne.
00:19:21 Par ailleurs en Europe, le discours de Macron hier et ce conseil de guerre
00:19:25 qui a été réuni avec 21 pays européens prouvent quand même que l'Europe prend conscience,
00:19:33 il y a un sursaut, elle prend conscience de la gravité et des enjeux qui sont en cours.
00:19:37 Ça n'est pas juste un petit pays anecdotique qui se fait bouffer par un gros,
00:19:40 c'est que ça créerait un précédent évidemment qui ferait qu'on ne serait pas à l'abri
00:19:45 par les pays baltes parce que les Russes utiliseraient le même prétexte qu'en Ukraine
00:19:49 avec des minorités russophones, opprimées, il y a la même chose dans les pays baltes
00:19:53 puis ça pourrait continuer par la Pologne et il pourrait y avoir un embrasement comme ça.
00:19:57 Et je pense que le discours de Macron qui est beaucoup critiqué
00:20:00 et sur lequel les autres États européens se sont désolidarisés
00:20:06 parce qu'on sent qu'ils ont peur d'un embrasement, il est très intéressant.
00:20:10 D'abord ça ne portait pas uniquement là-dessus.
00:20:12 – Le discours c'est "envoyez des soldats au sol" mais pas que.
00:20:16 – Ça n'est pas ça si on écoute bien.
00:20:18 Il n'y a pas de consensus sur le fait d'envoyer des troupes au sol
00:20:21 donc comme c'est une coalition, c'est une espèce de guerre à l'échelle européenne
00:20:26 qui est en train de se mettre en place, ça ne se fera pas.
00:20:28 Tant que les gens ne seront pas d'accord, ça ne se fera pas.
00:20:30 Par contre ce qu'il a fait c'est qu'il a dit que rien n'était interdit,
00:20:34 il ne s'interdisait rien.
00:20:36 En fait c'est de l'ambiguïté stratégique, il parle exactement comme Trump et comme Poutine.
00:20:42 C'est-à-dire qu'entre Macron et la Russie on est passé de pour parler,
00:20:46 au début de la guerre, 16h passées au téléphone, à un affrontement.
00:20:50 Ça s'oriente vers un affrontement.
00:20:52 On voit bien que la Russie nous a désignés comme son ennemi,
00:20:55 ce n'est pas le contraire, il y a des attaques dans tous les sens,
00:20:58 et que Macron a compris qu'il fallait maintenant prendre la hauteur
00:21:02 et la mesure de cet affrontement et répondre de la même façon.
00:21:04 Et quand on… juste un mot pour finir, c'est évident, tout le monde connaît ça,
00:21:10 les joueurs de poker comme les commerciaux, quand on engage un rapport de force,
00:21:15 c'est absolument suicidaire de mettre une limite d'emblée,
00:21:18 de dire au-delà d'où on n'ira pas, de fixer une ligne rouge.
00:21:22 Il faut absolument laisser planer l'ambiguïté sur le fait qu'on fera tout ce qui est nécessaire,
00:21:26 et c'est précisément ce qu'il a dit, tout ce qui sera nécessaire
00:21:29 pour ne pas laisser l'Ukraine perdre la guerre.
00:21:31 – Alors j'entends bien ça, il y a eu un sujet que j'aimerais amener,
00:21:36 c'est est-ce que maintenant le conflit doit aller sur le territoire russe ?
00:21:40 Est-ce qu'on doit fournir à l'Ukraine des missiles longue portée,
00:21:44 histoire d'aller taper dans l'Arctique ?
00:21:46 – Je voudrais attirer l'attention justement sur les risques de dérapage
00:21:50 liés à l'évolution technologique moderne.
00:21:53 Je prends la notion de non co-belligérance, qui est une notion agitée tous les jours.
00:22:00 Cette notion a besoin d'être réactualisée, car en effet,
00:22:05 quand vous avez un AWACS, un avion d'observation,
00:22:08 qui peut regarder le décollage d'une mouche jusqu'à 400 km de rayon,
00:22:14 quand vous avez des satellites qui repèrent une balle de golf dans un territoire,
00:22:20 quand vous avez des repérages de cibles et des désignations de cibles
00:22:25 et des guidages de tirs qui sont faits par ces fameux AWACS,
00:22:29 qui volent dans une zone internationale en mer Noire,
00:22:34 qui théoriquement sont censés surveiller que les Russes n'empiètent pas
00:22:39 sur le territoire otanien, Roumanie, Pays Baltes, etc.
00:22:44 mais qui en réalité tiennent la main des artilleurs ukrainiens
00:22:50 et des tireurs de missiles ukrainiens.
00:22:52 – Vous dites qu'on est déjà co-belligérant, c'est ça ?
00:22:54 – Cette notion de co-belligérance doit être visitée,
00:22:57 parce qu'en effet, ces systèmes de détection et de guidage otanien
00:23:03 sont partie prenante très directement au conflit.
00:23:06 – Oui mais ça veut dire que Poutine décide de fermer les yeux sur cette co-belligérance.
00:23:10 – Jusqu'au moment où il ne les fermera plus.
00:23:12 Je vous signale que les Russes ont illuminé un avion radar AWACS français,
00:23:19 ils l'ont illuminé, c'est-à-dire qu'ils ont fait comme les Turcs
00:23:22 avec le Courbet en Méditerranée en 2020, c'est-à-dire que…
00:23:27 – Le Courbet c'était un navire.
00:23:28 – Un navire. Quand on illumine une cible,
00:23:30 ça veut dire que normalement dans la seconde qui vient,
00:23:32 il y a un missile qui arrive sur la cible.
00:23:33 – Donc ils ont illuminé l'AWACS français en leur disant "on n'allait pas plus loin", c'est ça ?
00:23:38 – Voilà, et l'AWACS a fait quand même demi-tour,
00:23:40 parce que l'étape suivante c'est le missile.
00:23:43 Les Russes ne l'ont pas envoyé le missile,
00:23:45 mais enfin l'AWACS a compris le message et il a fait demi-tour.
00:23:47 – Cela dit, si la Russie descend un avion français, c'est une déclaration de guerre.
00:23:52 – C'est pour ça que c'est là où je veux en venir,
00:23:53 c'est qu'avec les technologies modernes,
00:23:56 l'hyper-rapidité des avions, des missiles et des systèmes de tir,
00:24:02 avec l'instantanéité de cette technologie-là,
00:24:06 on est à la merci d'un dérapage très facilement.
00:24:09 Il y a un autre exemple, un avion russe avait déclenché un tir
00:24:14 sur un AWACS britannique cette fois-ci,
00:24:18 et fort heureusement ça n'a pas bien fonctionné,
00:24:21 le missile n'a pas atteint l'AWACS britannique.
00:24:24 Alors après, il a été question d'une erreur de transmission d'ordre du sol à l'avion russe.
00:24:31 Alors quelle que soit l'explication,
00:24:33 erreur de transmission de l'ordre ou quoi que ce soit…
00:24:35 – On n'est pas passé loin.
00:24:36 – On n'est pas passé loin.
00:24:37 Il y avait 30, à peu près 30 personnes dans cet avion d'observation britannique,
00:24:42 imaginez qu'ils soient allés…
00:24:44 – Sur le tapis.
00:24:44 – Est-ce que, Anne-Laure, pardon, Anne-Laure et François,
00:24:48 est-ce que la Russie c'est notre ennemi ?
00:24:50 Parce que Cyril dit en gros que Poutine nous a désignés comme son ennemi.
00:24:55 Est-ce que nous on doit le considérer comme notre ennemi ?
00:24:57 – Ecoutez, moi je pense que les États ce sont des monstres froids.
00:24:59 On n'a pas d'amis, on n'a que des intérêts, voilà, ni plus ni moins.
00:25:04 Aujourd'hui on peut considérer qu'on est en très mauvais terme,
00:25:07 c'est une réalité,
00:25:08 je ne pense pas que la Russie nous ait désignés comme son ennemi,
00:25:11 c'est un enchaînement depuis 1991 de maladresses diplomatiques
00:25:15 qui font qu'aujourd'hui on se regarde comme des chiens de faïence,
00:25:17 et c'est dommage.
00:25:19 Il est évident qu'ils ne nous portent pas dans leur cœur,
00:25:22 c'est une évidence, mais on n'était pas destinés à être leur ennemi.
00:25:25 – Oui mais quand on voit la désinformation des Russes,
00:25:28 quand on voit ce qu'ils font…
00:25:29 – Alors pardonnez-moi de vous couper, mais c'est très bien la désinformation,
00:25:32 mais c'est dans tous les pays, partout, dans tous les coins du globe.
00:25:36 Vous allumez la télé, c'est de la désinformation,
00:25:39 voilà, à plus grande échelle.
00:25:41 Désinformation, il m'a pas remise.
00:25:43 – Mais la toxe russe est quand même grosse, non ?
00:25:44 – Mais elle est grosse partout, nous sommes en guerre,
00:25:46 réellement nous sommes en guerre.
00:25:48 – Il y a une ex-nordstream, bon…
00:25:51 – Nordstream est un très bon agro.
00:25:53 – Tout le monde le sait dans les services de renseignement
00:25:55 qui a fait les sabotages nordstream,
00:25:57 c'est les américains, et un peu des norvégiens, tout le monde le sait.
00:26:01 Personne ne dit ça, personne ne parle actuellement
00:26:04 de ce que le procureur suédois a clôt son enquête,
00:26:07 en disant "ah, on ne sait pas,
00:26:09 on sait simplement que la Suède n'était pas visée",
00:26:11 vous parlez d'une conclusion.
00:26:13 Et donc c'est le black-out sur Nordstream,
00:26:17 alors qu'il y a très peu de pays qui peuvent réussir une opération pareille.
00:26:22 – Qui ont les moyens humains d'intelligence.
00:26:24 – Il y a les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie.
00:26:27 – Merci Arthur, alors ça c'est de l'information,
00:26:29 de la désinformation nordstream ?
00:26:31 – C'est une bonne question.
00:26:33 – Oui mais je pense que c'est un secret de positionnel,
00:26:35 tout le monde convient que…
00:26:37 – Personne ne le dit.
00:26:39 – Non, personne ne le dit officiellement,
00:26:41 mais on convient qu'à la limite c'est de bonne guerre,
00:26:43 c'est-à-dire que les américains étaient très fâchés
00:26:45 de la construction de ce Nordstream,
00:26:47 Crème s'était mis très en colère.
00:26:49 – C'est de l'information ou de la désinformation ?
00:26:51 – Oui, pas tout ensemble.
00:26:53 – Non mais dites-moi, pendant la guerre.
00:26:55 – C'est de la désinformation, c'était du mensonge.
00:26:57 – Alors pendant la guerre on fait quoi ? On désinforme.
00:26:59 – Non mais d'accord, mais là,
00:27:01 je ne crois pas que ce soit juste une question de sentiments
00:27:03 entre la Russie et nous,
00:27:05 il y a des cyberattaques massives.
00:27:07 – C'est pas pour eux ça ?
00:27:09 – Non, je sais bien, je ne vous dis pas.
00:27:11 – Mais je regarde les faits, le jour où on a montré un pays en guerre
00:27:13 – Non mais je vous pose un problème,
00:27:15 il y a des assassinats ciblés sur le sol européen.
00:27:17 – Oui mais là on sort de la désinformation,
00:27:19 c'est un autre sujet.
00:27:21 – François Martin, je vous pose la même question qu'aux autres,
00:27:23 est-ce que la Russie est notre ennemi ?
00:27:25 – Je ne vois pas que Poutine ait déclaré en quoi que ce soit
00:27:29 qu'il était notre ennemi,
00:27:31 mais je pense que tout ce qu'il…
00:27:33 – Il ne fait que ça.
00:27:35 – Jamais, c'est nous qu'il désigne comme ennemi,
00:27:37 c'est nous qui sommes co-belgeurs.
00:27:39 – Non mais il faut faire la dénonciation.
00:27:41 – Non mais je voudrais avoir un peu la parole.
00:27:43 Poutine agite la menace nucléaire parce que nous l'agressons.
00:27:49 Il ne faut quand même pas dire que depuis 80 ans,
00:27:51 c'est une série de maladresses.
00:27:53 Il y a une stratégie américano-européenne
00:27:55 qui consiste à manger les marges de la Russie,
00:27:59 y compris en faisant rentrer l'Ukraine et la Géorgie,
00:28:01 sans arrêt et permanent.
00:28:03 C'est la Russie qui se sent l'agressée dans cette affaire,
00:28:07 ce n'est pas l'Europe.
00:28:09 – C'est une bonne décision.
00:28:11 On va faire sauter un des deux sujets qui suivent.
00:28:13 On va faire une petite pause et on va reprendre le même sujet,
00:28:17 parce que je crois que là on est en train d'aborder…
00:28:21 ça devient profond cette histoire, et on va en profiter.
00:28:25 On va utiliser les 40 minutes qui sont aux deux sujets ensemble.
00:28:29 Allez à tout de suite.
00:28:31 [Générique]
00:28:45 Il n'y a pas de sujet numéro 2 dans cette émission.
00:28:47 Le sujet numéro 2, ce sera le numéro 3.
00:28:49 Je vais vous expliquer ça.
00:28:51 Bref, François Martin, on était sur la Russie,
00:28:55 les rapports entre la Russie et l'Europe.
00:28:57 Moi je posais la question, un petit peu titillée
00:28:59 par Cyril Benhassar, pour savoir si finalement la Russie
00:29:03 est notre ennemi, parce qu'elle nous désigne comme son ennemi,
00:29:07 même si François Martin le conteste.
00:29:09 Et est-ce que maintenant on doit répondre à ça
00:29:11 en se positionnant très clairement ?
00:29:13 François Martin.
00:29:15 – Dire ça c'est retourner complètement l'histoire.
00:29:17 Je reviens sur ce que je disais au début.
00:29:19 La Russie se sent européenne.
00:29:21 Les Tsars étaient européens.
00:29:23 Ils ont fait partie des campagnes,
00:29:25 ils ont combattu Napoléon, etc.
00:29:27 dans des guerres européennes.
00:29:29 Aujourd'hui l'élite russe parle français.
00:29:31 Elle parle français, l'élite russe.
00:29:33 Sa langue internationale c'est le français.
00:29:35 Donc les Russes ne sont pas,
00:29:37 ils se considèrent comme des Européens.
00:29:39 Je vous rappelle la phrase du général de Gaulle,
00:29:41 "l'Europe de l'Atlantique à l'oral".
00:29:43 C'est ça la Russie.
00:29:45 La Russie ne nous désigne pas comme ennemi
00:29:47 et ce n'est pas son intérêt.
00:29:49 Aujourd'hui elle part à l'Est.
00:29:51 – Nous la France ou nous l'Europe ?
00:29:53 – L'Europe.
00:29:55 – C'est ça la Russie.
00:29:57 – La Russie, c'est la Russie.
00:29:59 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:01 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:03 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:05 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:07 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:09 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:11 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:13 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:15 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:17 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:19 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:21 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:23 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:25 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:27 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:29 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:31 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:33 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:35 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:37 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:39 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:41 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:43 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:45 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:47 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:49 – La Russie, c'est la Russie.
00:30:51 – En 2022, c'est une attaque.
00:30:53 – Les parachutés sont sautés sur Kiev pour tuer le gouvernement.
00:30:57 – C'est une contre-attaque.
00:30:59 – François Martin.
00:31:01 – Il y a 8 ans de guerre civile auparavant, on n'en parle pas, dites-le.
00:31:03 Il y a une prise de pouvoir des États-Unis en 2004, dites-le.
00:31:07 – Il y a une démocratie qui est arrivée au pouvoir.
00:31:09 – Encore une fois, la ministre des Finances qui est arrivée au pouvoir,
00:31:11 c'était la chargée du poste économique de l'ambassade des États-Unis à Kiev,
00:31:15 à qui on a donné la nationalité ukrainienne le jour de son investiture.
00:31:21 Si ça s'était passé en France, qu'est-ce qu'on aurait dit ?
00:31:23 On aurait dit "on est colonisés par les États-Unis".
00:31:25 – Oui mais, pardon, est-ce que la Russie…
00:31:27 – Donc il ne faut pas retourner le truc.
00:31:29 – La Russie en 2022 est l'agresseur.
00:31:31 – Alors, alors.
00:31:33 – Je suis d'accord avec ce que vous avez dit.
00:31:35 – La Russie est l'agressée.
00:31:37 – Pour moi, elle est l'agresseur. En revanche, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit.
00:31:39 Depuis 91, rien n'a été géré et je souscris à tout ce que vous venez de dire.
00:31:45 Ça ne légitime pas ce qui s'est passé en 2022.
00:31:49 Et je suis navrée que ça se soit passé.
00:31:51 – En revanche, comme message d'amour vis-à-vis de l'Europe,
00:31:55 attaquer l'Ukraine, c'est quand même un message paradoxal.
00:31:57 – Attendez, attendez, déjà, pour moi l'Ukraine, c'est pas l'Europe.
00:31:59 Enfin, c'est, voilà, c'était d'abord, avant tout, un pays…
00:32:03 – Mais c'est aussi considérable comme Ukraine, comme européenne.
00:32:05 – Non, non, mais enfin, pardonnez-moi, parce qu'aujourd'hui,
00:32:07 je vais vous faire rentrer dans l'URL, patati patata.
00:32:09 – Les Américains ont attaqué l'Ukraine. – Les gars, peut-être moins que ça.
00:32:11 – Mais, n'oubliez jamais son taux de corruption.
00:32:15 On était les premiers à le citer.
00:32:17 Ce n'était pas un pays montré en exemple.
00:32:19 Donc, je veux bien que ce soit devenu un ange, tout à coup.
00:32:21 – Mais personne ne dit ça, et c'est un vrai problème.
00:32:23 – Alors, en revanche, qu'elle soit agressée depuis 2022, c'est évident, oui, oui, oui.
00:32:31 Mais, encore une fois, pourquoi et comment on en est arrivé là ?
00:32:35 C'est très bien le présentisme, mais ça ne mène nulle part.
00:32:37 Vous faites tous du présentisme, ça a commencé le 24 février.
00:32:41 Eh bien, voyez où on en est ? Aujourd'hui, en 2024, on en est au point mort.
00:32:45 Ça a commencé dans le Donbass en 2014, mais bien avant, en 91.
00:32:49 Et vous avez raison, nous sommes en 2024, ça terminera au Donbass.
00:32:53 Donc, stop le présentisme.
00:32:55 Si on avait des politiques qui sont capables d'un peu plus de densité,
00:32:59 et des journalistes également, de prendre de la hauteur, de la distance,
00:33:01 un peu de rester calme, et de penser les événements sur le très long terme,
00:33:07 mais également avec un retour sur le passé,
00:33:09 on arriverait peut-être à prendre un peu plus de décisions adéquates
00:33:13 sur ce qui se passe aujourd'hui.
00:33:15 Et revenir aux accords de Minsk ne serait pas une mauvaise chose.
00:33:17 – Ok, Cyril Benassar.
00:33:19 – Je voudrais revenir sur l'idée de François Martin,
00:33:21 selon laquelle on retourne les choses.
00:33:23 J'ai envie de vous retourner le compliment.
00:33:25 En réalité, non, ça ne se passe pas comme ça.
00:33:27 Évidemment que la CIA est présente depuis longtemps,
00:33:29 les États-Unis jouent leur jeu en Ukraine, mais pourquoi ?
00:33:31 Parce que l'Ukraine les a appelés au secours,
00:33:33 pour se protéger du géant russe qui les menaçait.
00:33:35 – Oh là là !
00:33:37 – Ah, mais bien évidemment, évidemment !
00:33:39 – La moitié des Ukrainiens sont russes.
00:33:41 – Écoutez, c'est exactement comme le Mali qui nous appelle au secours
00:33:45 pour se protéger d'une avancée islamiste, on y va pour leur sauver la mise.
00:33:49 Et on a aussi des intérêts là-dedans qui sont qu'il faut arrêter l'islamisme.
00:33:53 – Reprenons le grand échiquier de Brzezinski,
00:33:55 je pense que beaucoup de choses y étaient écrites.
00:33:57 – Non, non, c'est pas de la réinterprétation de l'histoire,
00:33:59 c'est pas de la vérité.
00:34:01 – Non, non, c'est la vérité.
00:34:03 Et la vérité aussi, c'est que peut-être que l'Ukraine ne fait pas partie de l'Europe,
00:34:06 mais l'Ukraine se tourne vers l'Europe.
00:34:08 L'Ukraine a décidé de tourner le dos à la Russie,
00:34:10 elle ne veut pas vivre dans ce monde-là, avec ces valeurs-là,
00:34:13 avec cette culture-là, même avec cette civilisation-là,
00:34:16 elle se tourne vers le pays, vers l'Europe.
00:34:18 Et je crois qu'il y a une question qui est cruciale dans cette histoire,
00:34:21 et un sujet qui passe toujours à la trappe dans vos analyses géopolitiques
00:34:25 qui sont brillantes, je vous l'accorde, je le dis sans ironie,
00:34:28 c'est le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
00:34:31 Alors, dans la bouche de beaucoup de gens…
00:34:33 – Attention, ça c'est dangereux !
00:34:35 – Oui, ça fait un droit de l'homisme un peu ravi de la crèche,
00:34:38 mais c'est quand même une réalité.
00:34:41 Et la résistance farouche des Ukrainiens prouve que ça n'est pas une manipulation
00:34:46 de la CIA qui est allée voir un peuple qui ne demandait rien,
00:34:48 et qui les a manipulés à coup de propagande, pour qu'ils se tournent vers l'Europe.
00:34:52 – Vous voyez, vous ne prenez pas de nuance, vous parlez de manipulation,
00:34:54 et hop, encore une fois, vous gommez le présent.
00:34:56 – Non, non, non, je dis précisément…
00:34:58 – On parle des gens, on parle des gens qui adhèrent à…
00:35:00 – Les États-Unis, c'est un monstre froid,
00:35:02 – Attendez, pardonnez-moi, oui.
00:35:04 – Quoi, la Russie ? Ils pensent à leur intérêt, ils le font tellement,
00:35:06 je suis d'accord avec ce qu'ils font.
00:35:08 – Je dis précisément qu'il y a dans la résistance ukrainienne,
00:35:10 qui est déterminée, je veux dire, dont on ne peut pas mettre en doute,
00:35:14 autre chose que le résultat d'une propagande pro-occidentale.
00:35:18 Il y a une vérité d'indépendance qui n'est pas nouvelle d'ailleurs,
00:35:22 le début du XXème siècle, avec l'épisode d'Esther McNo,
00:35:26 il y a une volonté d'arracher une république indépendante
00:35:29 et qui se détache de la Russie.
00:35:31 Et ça continue, et ça ne s'arrêtera pas.
00:35:33 – Vous êtes en accord avec ce que dit Cyril Benassar ?
00:35:36 – Non, pas tout à fait, je crois qu'il faut repartir,
00:35:38 comme le disait New York tout à l'heure, de 1991.
00:35:42 James Baker, le secrétaire d'État américain, avait fait une promesse devant témoin,
00:35:48 il y a des documents diplomatiques, comme quoi l'OTAN ne s'élargirait pas à l'Est,
00:35:54 et donc Moscou a laissé faire la réunification allemande paisiblement, etc.
00:36:00 Bon, cette promesse a été violée en 1994, en 1987, en 2004, etc.
00:36:07 Pourquoi Washington a mené cette politique d'extension de l'OTAN,
00:36:13 qui est une alliance atlantique, alors là maintenant ça s'étendait à l'Est,
00:36:17 notamment à sa vocation défensive ?
00:36:20 Et alors que le pacte de Varsovie a été démantelé,
00:36:23 et donc la vocation défensive n'avait plus lieu d'être.
00:36:27 Donc ça devenait une vocation extensive, impériale, pour passer de l'offensive.
00:36:32 – Sauf que l'OTAN n'allait pas rentrer dans l'OTAN,
00:36:35 l'Ukraine n'allait pas rentrer dans l'OTAN.
00:36:37 – C'est sûr que ça n'existe plus dans sa constitution.
00:36:39 – Oui, ils aimeraient bien, mais on n'était pas fait.
00:36:41 – Non, dès 2019, 2019…
00:36:43 – Tout le monde a toujours dit que l'Ukraine ne rentrerait pas dans l'OTAN.
00:36:45 – Mais attendez, laissez-moi finir mon raisonnement.
00:36:48 – S'il vous plaît, on laisse Laurent.
00:36:50 – Pourquoi les États-Unis ont-ils fait ça ? Pour quelle raison ?
00:36:56 Les États-Unis ont toujours été préoccupés par l'idée,
00:37:00 et déjà incarnée par l'Allemagne du temps où elle avait ses accords gaziers,
00:37:06 justement avec la Russie, les États-Unis ont toujours été préoccupés,
00:37:10 comme ils le sont maintenant par la concurrence économique chinoise,
00:37:13 ils l'étaient par la potentielle concurrence économique européenne.
00:37:17 Vous avez 450 millions d'Européens à haut au pouvoir capitalistique
00:37:22 et d'éducation et de technicité,
00:37:25 et vous avez 17 millions de kilomètres carrés russes
00:37:28 bourrés de matières premières.
00:37:30 Vous assemblez les deux, vous avez une entité économique qui écrase les États-Unis.
00:37:35 Malgré leurs privilèges monétaires, ça les écrase.
00:37:38 – Si on dit que, je rejoins Anne-Laure, qui dit "les États sont des monstres froids".
00:37:43 – Oui, absolument.
00:37:44 – Donc la Russie n'a pas agi comme un monstre froid en attaquant l'Ukraine,
00:37:49 elle a agi comme un homme avec beaucoup de tempérament,
00:37:52 et sans doute de manière fautive.
00:37:54 – Franck, il n'est à l'heure pas de présentisme.
00:37:56 – Il n'a rien d'intéressant ce problème.
00:37:59 – Les avertissements lancés par Moscou aux États-Unis,
00:38:03 parce que c'est eux qui dirigent, les Européens sont délaqués,
00:38:06 les Américains sont délaqués.
00:38:08 – Au sommet du Carrefour.
00:38:09 – Elle leur a dit "arrêtez, arrêtez, arrêtez".
00:38:12 – Un Bucharest en 2008.
00:38:14 – Et les Américains ont continué parce que les Américains ne veulent pas de synergie,
00:38:18 et c'est pour ça qu'ils ont saboté Nord Stream.
00:38:20 Ils ont saboté Nord Stream pour obliger les Allemands à un sevrage gazier,
00:38:25 qui est aussi celui d'une grande partie de l'Europe.
00:38:27 Et vous voyez où en est l'industrie allemande maintenant ?
00:38:30 Elle tombe comme une pierre.
00:38:32 – C'est très compliqué.
00:38:33 – Et en fait, domino, ce sont d'autres économies européennes qui vont tomber comme des pierres,
00:38:37 puisque tout est imbriqué.
00:38:39 Et les Américains voulaient éliminer un concurrent économique très dangereux dans l'Europe.
00:38:45 Et ils ont un autre concurrent économique très dangereux chez la Chine,
00:38:48 et ils s'occupent aussi de la Chine.
00:38:50 Et c'est pour ça que j'accorde une importance énorme
00:38:53 à la manifestation de la vérité sur Nord Stream.
00:38:56 – Oui, mais ça veut dire que le combat d'une grande démocratie,
00:39:01 ou d'un ensemble démocratique qui serait l'Occident,
00:39:04 contre deux dictatures qui seraient la Russie et la Chine,
00:39:07 ça n'a pas de quoi penser.
00:39:09 – Mais c'est du pipo, vous êtes binaire là.
00:39:11 – Là je suis romantique.
00:39:13 – Oh, mon frère.
00:39:15 – C'est l'histoire racontée aux enfants, ça.
00:39:18 Quand on s'allie pendant la deuxième guerre mondiale avec Staline contre Hitler,
00:39:23 on choisit une dictature contre une autre.
00:39:25 – Parce que là on est pragmatique contre les sapos.
00:39:27 – Non, non, non, vraiment il s'agissait de morale et de dictature.
00:39:30 Pourquoi est-on si gentil encore avec les Chinois qui massacrent les Ouïghours,
00:39:35 et les Tibétains ?
00:39:37 Et pourquoi on est si gentil avec Mohamed Ben Salman
00:39:41 qui pilote une dictature impitoyable en Arabie Saoudite,
00:39:44 qui coupe un morceau un journaliste,
00:39:47 qui exécute chaque semaine des gens, etc.
00:39:51 C'est la conteste de Ségur, la lutte contre la dictature.
00:39:56 En réalité, ce sont des intérêts structurels, économiques, politiques.
00:40:00 Ce n'est pas du tout une lutte contre les dictatures.
00:40:03 Et en fait, évidemment on peut dire les Russes,
00:40:07 il y a une paranoïa, ils ont peur de l'encerclement.
00:40:10 C'est dans la culture russe, c'est comme ça, c'est une donnée.
00:40:13 C'est dans la culture russe, c'est une plaine immense.
00:40:15 Ils ont été parcourus par des invasions terribles.
00:40:18 250 ans de hordes d'or de Mongols islamisés
00:40:24 ont laissé un souvenir de terreur effroyable.
00:40:28 Et donc, effectivement...
00:40:30 - Comme les communistes ont laissé des souvenirs épouvantables.
00:40:32 - En sous-estime la mémoire des peuples, bravo Arturo.
00:40:34 Mais de partout, de partout.
00:40:36 - C'est très intéressant, vous avez raison.
00:40:38 Mais les communistes ont laissé des souvenirs épouvantables en Europe de l'Est.
00:40:41 - Mais on vous demande simplement de...
00:40:43 - Et tout le monde réagit de la même manière.
00:40:45 - Mais oui, mais...
00:40:47 - Vous allez parler à un Polonais, vous allez parler à un Tchèque,
00:40:51 ils sont épouvantés.
00:40:53 - C'est juste la façon dont ils ont été traités par les Polonais au Moyen-Âge.
00:40:57 - Ah mais bien sûr.
00:40:59 - Alors dites-le dans les deux sens.
00:41:01 - D'accord, bien sûr.
00:41:03 - On récrit l'histoire, mais on regarde que l'histoire est tournée.
00:41:05 - Mais bon, là c'est un autre sujet, pardonnez-moi, mais...
00:41:09 - La mémoire n'est pas si récente.
00:41:11 - C'est le rideau de fer et c'est l'impression soviétique.
00:41:13 C'est Budapest, c'est Prague, c'est Gdansk.
00:41:16 C'est ça la mémoire récente.
00:41:18 - J'appelle l'attention.
00:41:20 - Et s'ils se tournent vers l'Europe, c'est pas pour rien.
00:41:22 - Oui, mais repartons depuis 91, c'est déjà largement suffisant pour le public, je pense.
00:41:26 - Il y a une chose qu'on sait assez peu, c'est que Poutine,
00:41:30 dans les premiers moments, quand il arrive à la tête de la Russie en 2000,
00:41:34 dans les premiers moments, il propose même un partenariat de la Russie avec l'OTAN.
00:41:40 Poutine au départ croit qu'il va être possible d'organiser un système,
00:41:45 une architecture de sécurité en Europe, en s'alliant avec l'Union Européenne et avec...
00:41:51 - Vous pensez que c'était imaginable que l'Europe, avec des démocraties imparfaites,
00:41:56 s'allie avec une dictature imparfaite ?
00:41:58 - Comme l'Amérique s'allie avec Staline contre l'Allemagne nazie.
00:42:03 - En France, on a la Turquie dans l'OTAN qui n'est pas un modèle.
00:42:06 - Et Erdogan est le pire des dictateurs, il est toujours dans l'OTAN.
00:42:10 - Il est quand même soumis à des élections.
00:42:12 - Ah oui, elles sont bien truquées.
00:42:14 - Il a fini par...
00:42:15 - Elles sont bien truquées, il n'y a plus de liberté de presse,
00:42:17 il n'y a plus un journal indépendant en Turquie.
00:42:19 Toute l'opposition est en prison, en exil, alors parler d'élection...
00:42:22 - Comme en Russie.
00:42:23 - Oui, oui.
00:42:24 - En Russie, c'est au commerce.
00:42:26 - La Turquie est dans l'OTAN, la Turquie n'est absolument pas embêtée par les États-Unis.
00:42:29 - La Turquie a participé au massacre des Arméniens, personne n'en a parlé.
00:42:32 Je veux dire, c'est très bien, mais bon...
00:42:34 C'est un peu léger tout ça.
00:42:36 - Je sens, je sens, je sens qu'on pourrait...
00:42:39 On pourrait, absolument, faire de semaine en semaine un débat sur la guerre russo-ukrainienne.
00:42:45 En réalité, elle englobe énormément de sujets.
00:42:48 Je vous propose d'arrêter ce sujet en deux sujets.
00:42:52 Et on va aller basculer sur la situation des paysans en France vis-à-vis de l'Europe.
00:42:58 Allez, rendez-vous dans quelques secondes.
00:42:59 A tout de suite.
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00:43:18 Rebonjour.
00:43:19 Révolte paysanne en France, mais en réalité révolte en Allemagne, révolte aux Pays-Bas.
00:43:24 Donc on va essayer de regarder un petit peu quelle est la part de l'Europe
00:43:28 dans la situation que vivent les paysans français
00:43:31 avec des grandes revendications de simplification, entre autres choses.
00:43:35 Cyril, c'est vous qui commencez.
00:43:37 - Oui, moi je me souviens qu'au début de cette crise agricole,
00:43:39 quand les paysans ont commencé à bloquer,
00:43:42 on a essayé d'identifier plusieurs problèmes.
00:43:45 Et en réalité, il y a beaucoup de causes à ce qu'on appelle la crise agricole.
00:43:48 On pourrait même le mettre au pluriel, il y a des crises agricoles.
00:43:51 On a réussi à régler, enfin le gouvernement a réussi à régler
00:43:54 des problèmes conjoncturels assez faciles à régler.
00:43:57 La taxe sur le gasoil non routier a été enlevée.
00:44:01 Il y a eu des aides, il y a eu des allègements de charges,
00:44:04 il y a eu tout ce que l'État peut faire en faisant des chèques,
00:44:06 comme il fait souvent en cas de crise.
00:44:07 Et puis après, on est arrivé dans le dur, les problèmes structurels,
00:44:10 c'est-à-dire en gros, si on peut schématiser,
00:44:13 on leur impose des normes environnementales, sociales, de toutes sortes,
00:44:17 qui sont même, il y a même une sur... j'ai oublié le terme...
00:44:22 Surinterprétation des normes en France par rapport à l'Europe, d'un côté,
00:44:26 et puis on les expose à la concurrence européenne,
00:44:28 voire à la concurrence mondiale.
00:44:30 Et donc il y a quelque chose qui ne va pas, ça n'est pas un modèle viable.
00:44:34 Et on a réalisé à ce moment-là qu'on pouvait agir sur deux leviers,
00:44:38 soit sur les normes écologiques, soit sur le libre-échange.
00:44:41 Évidemment, ce qu'on a fait, c'est qu'on a agi sur les normes écologiques.
00:44:44 On a réduit, autant qu'on pouvait, les normes qui les contraignaient.
00:44:48 Alors ça, ça pose des tas de problèmes, parce que les normes écologiques,
00:44:51 ça met en rivalité, en concurrence, les agriculteurs eux-mêmes.
00:44:55 L'histoire des néonicotinoïdes, ça a été arrêté parce que ça a exterminé les abeilles.
00:45:00 Les apiculteurs ont tiré la cignale de l'arme depuis longtemps.
00:45:03 – Les abeilles, c'est la pollinisation, c'est tout ça.
00:45:07 – Oui, oui, ça a créé de gros problèmes, on les a enlevées.
00:45:09 Et du coup, les producteurs de betteraves se sont dit,
00:45:11 sans ce produit, on ne peut plus produire de betteraves,
00:45:13 ils ont arrêté de produire des betteraves.
00:45:15 Donc, il y a des contradictions comme ça, à l'intérieur de ça, qui sont assez insolubles.
00:45:20 Quant au libre-échange, l'Europe ne touche pas au libre-échange.
00:45:24 Le mercosur, Macron est le seul à vouloir y mettre fin en Europe.
00:45:28 – Alors que l'Espagne est ultra favorable, du fait de sa proximité.
00:45:31 – Oui, il y en a beaucoup, parce que chacun voit ses intérêts dans le libre-échange.
00:45:33 Et en fait, l'idée que, en revenant sur le libre-échange,
00:45:36 on va régler les problèmes, je pense que c'est un leurre, c'est une utopie.
00:45:39 C'est-à-dire qu'on va peut-être régler le problème de certains agriculteurs,
00:45:42 et peut-être même de tous, si on revient beaucoup sur le libre-échange,
00:45:46 mais on va mettre d'autres corporations dans la rue,
00:45:48 parce que ça va ruiner des secteurs entiers de l'activité qui vivent de l'exportation.
00:45:52 – Non mais surtout, l'agriculture, ce n'est pas une agriculture.
00:45:54 Entre le petit paysan et le grand céréalier, il y a un monde.
00:45:58 Entre celui qui produit de la viande et celui qui fait de la betterave sucrière,
00:46:02 c'est aussi un monde. Donc, c'est très compliqué.
00:46:05 – L'idée facile qui serait de dire que l'Europe est un problème,
00:46:08 c'est pas, pour les agriculteurs français en tout cas, ça n'est pas gagné.
00:46:13 D'ailleurs, la preuve, les agriculteurs qui sont réputés pour être plein de bon sens,
00:46:17 votent centre droit depuis la guerre.
00:46:19 Centre droit, c'est pour eux la garantie qu'on ne touchera pas à l'Europe,
00:46:22 parce que c'est le noyau politique le plus favorable à l'Europe.
00:46:26 C'est bien la preuve qu'ils comprennent bien que, dans une dérégulation
00:46:30 qu'entraînerait la fin de la Pâque et la fin de l'Europe, ils seraient perdants.
00:46:34 – François Martin.
00:46:36 – Je pense qu'il faut remonter au problème structurel de départ.
00:46:40 Au départ, lorsqu'on crée… moi j'ai passé ma vie dans le commerce international
00:46:44 de l'alimentaire, j'ai commencé, j'étais trader de sucre pendant 10 ans,
00:46:49 et après j'étais trader de lait pendant 10 ans.
00:46:52 – C'est vous qui étiez le salaud qui fixait les prix pour le pauvre paysan
00:46:56 qui n'arrivait pas à vendre son sac.
00:46:58 – Non, non, non, non, c'est pas ça.
00:47:00 Ce que je veux dire c'est que quand on a créé l'Europe au début,
00:47:04 c'était une rivalité franco-allemande, parce que l'Allemagne était essentiellement industrielle
00:47:09 et la France était industrielle et agricole.
00:47:12 Et je vous rappelle que la politique de la chaise vide du général de Gaulle,
00:47:16 c'était pour imposer la Pâque, c'est-à-dire un système où les agriculteurs
00:47:21 puissent être protégés à l'extérieur et exporter leurs marchandises.
00:47:26 – La Pâque c'est 9 milliards d'euros.
00:47:28 – Voilà, ce qu'on appelait la politique agricole commune à l'époque.
00:47:31 Et c'était basé sur un système qui s'appelait les prélèvements,
00:47:35 un prélèvement ou les restitutions, c'est-à-dire qu'on voulait exporter du sucre,
00:47:42 on allait à la commission, on allait aux enchères pour toucher les restitutions
00:47:47 qui nous permettaient de baisser les prix pour exporter à l'extérieur.
00:47:50 En 92, on a cassé ce système qui était donc un système de compensation automatique
00:47:56 en en faisant un système d'aide.
00:47:58 Et à ce moment-là, les paysans européens en général, et France en particulier,
00:48:03 se sont fait avoir parce qu'au lieu que la compensation soit automatique,
00:48:06 elle dépendait de la politique d'aide qui était faite par le gouvernement.
00:48:10 – François, ça c'est un cours d'histoire, on sent le présentisme.
00:48:14 – Non mais ce que je veux dire, c'est qu'aujourd'hui, on est exactement en plein dedans.
00:48:18 La raison pour laquelle les paysans français sont étranglés,
00:48:21 c'est parce que la politique agricole commune en fait n'existe plus
00:48:25 et à donnée de fait, elle compense l'importation de marchandises moins chères,
00:48:31 c'est-à-dire le libre-échange avec le Mercosur, la Nouvelle-Zélande, etc.
00:48:36 pour protéger l'industrie, l'exportation de l'industrie allemande.
00:48:39 Donc c'est un problème qui n'a pas de solution sauf à changer complètement
00:48:44 la nature de la PAC d'aujourd'hui et de revenir à un système de protection
00:48:48 comme d'ailleurs toutes les agricultures se sont faites,
00:48:51 l'agriculture européenne, l'agriculture américaine, etc.
00:48:55 – Laura, ce que vous précisez, un or ?
00:48:57 – Avant tout, le problème est là.
00:48:59 – Laurent, un or ?
00:49:00 – Non mais je suis d'accord avec chacun, nos viticulteurs,
00:49:04 je crois qu'ils sont assez contents de pouvoir exporter et d'avoir le libre-échange.
00:49:08 Donc c'est un problème qu'il faut revoir au cas par cas, si c'est encore possible.
00:49:12 C'est extrêmement compliqué, dire adieu au libre-échange,
00:49:16 ça mettrait énormément de gens dans un embarcadon.
00:49:19 – A 100 ans, c'est une évidence.
00:49:21 Donc comment, encore une fois, on sort du présentisme,
00:49:24 comment on en est arrivé là ?
00:49:26 Il est sûr que mettre en concurrence des agriculteurs français
00:49:29 avec des agriculteurs espagnols, il y a eu, à un moment donné,
00:49:32 peut-être des manquements de réflexion.
00:49:34 Il faut, si c'est encore possible, réécrire certains chapitres de cette histoire.
00:49:40 – Oui mais entre les coups de production en Pologne,
00:49:44 et je ne parle même pas de l'Ukraine, vous avez raison,
00:49:46 entre les coups de production de céréales en Pologne
00:49:49 et les coups de production en France, c'est gigantesquement différent.
00:49:52 – Ah oui mais vous avez vu que les poleurs, je rebondis sur la Pologne…
00:49:55 – Et les polonais eux-mêmes se révoltent contre les ukrainiens.
00:49:57 – Contre l'Ukraine, donc voilà.
00:49:59 Tout ce qui a été fait peut-être défait, comment on fait marche arrière ?
00:50:03 Comment on peut repenser ce qui a été mal réfléchi ?
00:50:06 Arthur, qu'en penses-tu ?
00:50:08 – Oui, oui, moi je cite cette année aussi.
00:50:10 Je crois que, comme l'a dit François tout à l'heure,
00:50:15 l'agriculture sert souvent de variable d'ajustement
00:50:19 pour des échanges internationaux
00:50:22 où l'on privilégie les exportations industrielles
00:50:26 et où on fait des concessions sur les produits agricoles.
00:50:30 Et c'est d'autant plus facile à faire
00:50:33 que les paysans en Europe sont de moins en moins nombreux proportionnellement.
00:50:38 – Oui c'est 2% de la population en France.
00:50:40 – Voilà, donc on peut leur passer dessus,
00:50:43 c'est pas très gênant électoralement.
00:50:45 Et on les sacrifie d'autant plus volontiers
00:50:49 qu'il y a dans nos élites, en France et en Europe,
00:50:53 une mentalité, je dirais, mondialiste dans tous les sens du terme
00:50:59 qui fait que de toute façon, l'idée de préserver
00:51:03 une petite paysannerie attachée à son terroir
00:51:07 et véhiculant de vieilles traditions millénaires,
00:51:12 c'est pas la priorité.
00:51:14 – Oui mais Laurent, pardon, mais ça fait longtemps que ça a cessé.
00:51:16 Les exploitations agricoles,
00:51:18 elles sont 4 ou 10 fois plus grandes que même il y a 20 ans.
00:51:22 Donc il n'y a plus de petite paysannerie, il y en a.
00:51:24 – Mais il y a quand même… – Très marginalement.
00:51:26 – C'est-à-dire qu'elles ont grandi dans le sens
00:51:29 que vous avez des tracteurs de 40 tonnes maintenant.
00:51:31 – Et qu'il y a plus de terre.
00:51:32 – Et que chaque paysan a un tracteur de 40 tonnes.
00:51:35 Donc effectivement, il a un lopin de terre plus vaste
00:51:37 par rapport à son ancêtre qui était avec la charrue et le cheval.
00:51:41 – Néanmoins, vous n'allez pas comparer cet agriculteur-là
00:51:46 avec des grands céréaliers qui ont des centaines d'hectares.
00:51:50 – Il y a des paysans qui partent de 1 000 hectares.
00:51:52 – Il y a deux sortes d'exploitants agricoles.
00:51:56 Il y a le petit paysan, même s'il est plus…
00:52:00 – Il a quelques dizaines d'hectares.
00:52:01 – Voilà, mais ça reste un petit paysan.
00:52:03 Il travaille un peu tout seul sur son tracteur.
00:52:06 Il emploie deux, trois ouvriers, il migreait de temps en temps, etc.
00:52:12 Tandis qu'un grand céréalier qui a des moissonneuses-batteuses
00:52:15 de 70 tonnes, qui les met en ligne sur 4 angers…
00:52:19 – Oui, et qui fonctionne avec un satellite.
00:52:21 – Et qui coupe des centaines d'hectares de blé,
00:52:23 il n'a pas la même vie que le gars sur son tracteur toute l'année.
00:52:28 – Je voulais quand même vous poser…
00:52:30 Pardon, il y a un truc, manifestement, de ce que je vous entends dire.
00:52:34 En gros, on est dans l'impasse.
00:52:36 Pourtant, il y a une révolte de paysans.
00:52:39 Et moi, je vais partager avec vous une intuition.
00:52:42 Je me demande si leur combat, ce n'est pas tant sur leur revenu,
00:52:46 parce qu'en fait, certains se sont habitués à avoir de très bas revenus,
00:52:49 mais surtout, et c'est horrible à dire, mais c'est comme ça,
00:52:53 mais est-ce que ce n'est pas surtout qu'ils perdent un temps dingue
00:52:56 à faire de la paperasse ?
00:52:58 Et qu'ils se disent, mais les deux heures ou les six heures
00:53:01 que j'ai passées à remplir tel papier, et finalement qu'il va m'être renvoyé
00:53:04 par l'administration, j'aurais pu les passer à faire autre chose
00:53:08 qui m'aurait augmenté mon revenu.
00:53:10 – En même temps, quand le gars touche 300 euros en bénéfice net
00:53:13 au bout d'un mois de boulot, ce n'est pas suffisant
00:53:16 pour qu'il puisse vivre, le pauvre.
00:53:18 Et si en plus, il doit gérer devant son ordinateur tous ses formulaires,
00:53:24 il devient maintenant un bureaucrate, et il devient un agent du capitalisme
00:53:32 en ce sens qu'il doit payer les traites de son tracteur de 50 tonnes
00:53:36 qui vaut une fortune, et des sangrets qui valent une fortune, etc.
00:53:41 Et le pauvre gars, il se retrouve avec 300 euros à la fin du mois,
00:53:44 comment voulez-vous qu'il ne se suicide pas ?
00:53:46 – C'est bien pire que ça, c'est bien pire que ça.
00:53:48 Il y a vraiment un sentiment de la perte de dignité de l'agriculture
00:53:52 par rapport à la façon dont, non pas les Français le perçoivent,
00:53:56 parce qu'ils sont extrêmement sensibles,
00:53:58 mais donc nos gouvernements, je dirais nos gouvernements modernes,
00:54:01 et ça, c'est depuis la Révolution française.
00:54:04 L'un des objectifs de la Révolution française a été de détruire la paysannerie.
00:54:10 Je vous donne un exemple.
00:54:11 – C'est la prise de pouvoir de la bourgeoisie.
00:54:13 – Voilà, exactement.
00:54:14 Lorsque la première grande réforme qui aurait dû être faite par la Révolution,
00:54:21 c'est une réforme agraire pour que les multiples petits paysans puissent avoir leurs terres.
00:54:25 Lorsqu'on a vendu les biens des émigrés et les biens de l'Église,
00:54:28 on a interdit aux paysans, on a interdit le morcellement des terres
00:54:34 pour qu'ils puissent acheter des terres à leur niveau.
00:54:38 Et on leur a interdit, ils ont demandé,
00:54:41 "bon, puisqu'on ne peut pas avoir des petits bouts de terre,
00:54:44 est-ce qu'on peut se syndiquer à 20, 30, à 50 pour… ?"
00:54:47 On leur a interdit aussi, c'est-à-dire,
00:54:49 on a sacrifié volontairement la paysannerie,
00:54:52 comme ça avait été le cas en Angleterre, etc.
00:54:55 Parce qu'on voyait déjà les perspectives industrielles
00:54:57 et qu'on avait besoin de main-d'œuvre et que la paysannerie était…
00:55:01 Donc c'est un très ancien combat
00:55:03 et la modernité quelque part ne reconnaît pas à la paysannerie
00:55:07 ce qu'on lui doit en termes de, je dirais, d'existence.
00:55:12 Le peuple le reconnaît, mais en fait les États, les gouvernements ne le reconnaissent pas.
00:55:17 – Oui, enfin, et peut-être aussi que les peuples le reconnaissent d'un côté,
00:55:20 mais d'un autre, ils achètent des produits espagnols,
00:55:22 des fraises gavées de pesticides,
00:55:25 et d'autres pays, d'autres produits qui viennent d'ailleurs.
00:55:27 – C'est absolument vrai.
00:55:28 – Donc en réalité, comme d'habitude,
00:55:30 ils sont clivés entre leur porte-monnaie et leur cœur ou leur racine.
00:55:34 Cyril Bénassar.
00:55:35 – Oui, moi je vois qu'on peut tout à fait étudier des mouvements historiques
00:55:39 qui font que la révolution industrielle
00:55:41 a transformé la plupart des paysans en proléctaires pour l'industrie.
00:55:44 Mais oui, mais j'ai du mal avec les formules,
00:55:47 comme vous venez de le faire, qui disent
00:55:50 "la révolution française a voulu détruire la paysannerie".
00:55:53 Non, c'est peut-être un effet d'une évolution hystérique,
00:55:57 mais je ne crois pas qu'il y ait une volonté, à un quelque moment que ce soit,
00:56:00 – Lisez l'histoire de la bourgeoisie, c'est…
00:56:02 – Non mais, de vouloir détruire la paysannerie, j'ai du mal avec ce genre de formules.
00:56:07 Maintenant pour en revenir, je suis d'accord avec ce que vous venez de dire,
00:56:10 je pense qu'il faut distinguer deux agricultures.
00:56:12 Effectivement, le céréalier, il a des champs immenses,
00:56:15 celui-là il n'est pas… – Il est même réaliste lui.
00:56:19 – Oui, et il ne rentre pas du tout dans la description qu'on fait
00:56:22 de l'agriculture qui a des difficultés.
00:56:24 Je connais un peu les paysans autour de chez nous,
00:56:27 de chez moi, dans le sud de l'Essonne, ils sont richissimes, vraiment.
00:56:31 Donc ça ne correspond pas à la description qu'on leur fait.
00:56:34 – Ce n'est pas des céréales, c'est des terres agricoles.
00:56:36 – Ce sont des grandes terres agricoles, ils font des céréales,
00:56:38 ils font du maïs, ils ont des propriétés immenses,
00:56:41 ils roulent sur l'or.
00:56:43 – Ce sont des éleveurs pour la plupart.
00:56:45 – Oui, ceux qui sont dans nos difficultés ce sont les autres.
00:56:47 – Et là, dans l'ESA, leur président est un représentant céréalier, bien sûr.
00:56:50 – Maintenant, vous évoquiez l'idée qu'on serait dans l'impasse.
00:56:53 Moi je pense que peut-être qu'une façon de sauver une partie de la paysannerie,
00:56:57 ce serait de faire l'idée qui a été avancée,
00:57:00 qui est d'étendre l'exception culturelle à une exception agriculturelle.
00:57:05 On a sauvé le cinéma français en sortant du marché mondial
00:57:08 de l'industrie cinématographique.
00:57:10 On pourrait peut-être sortir du marché mondial une partie de la paysannerie
00:57:14 parce qu'il y a d'autres intérêts qu'économiques au fait de garder nos paysans.
00:57:19 C'est eux qui entretiennent le paysage, c'est eux qui font vivre la prairie,
00:57:23 c'est eux qui manifestent…
00:57:24 – Et vous le voyez faire comment ? Je vais vous céder la parole à Norman.
00:57:27 – Peut-être un statut particulier pour certains paysans
00:57:29 qui voudraient rentrer dans ce système, ce fonctionnement,
00:57:33 dont seraient exclus ceux qui veulent exporter en grosse quantité leur production,
00:57:39 qui seraient aidés, protégés, subventionnés,
00:57:42 exactement comme le cinéma français fait qu'il a survécu,
00:57:45 grâce à des aides qui continuent de l'être.
00:57:47 – C'est une nouvelle loi Lang qui fait que les blockbusters américains
00:57:51 permettent de financer les 250 films français à petit jeu.
00:57:55 – Je ne suis pas sûr que ce soit très bon pour la…
00:57:57 – On ne les a pas sauvés, le cinéma français il est plutôt mort.
00:57:59 – Pardonnez-moi, on les a largement sauvés,
00:58:01 le cinéma français n'est pas mort du tout, c'est incroyable.
00:58:03 – Il est ultra subventionné et ultra nul, comme le montre un bouquin d'Eric Neuf
00:58:07 qui était très drôle sur la question, mais il survit, il survit.
00:58:11 – Non, non, il y a énormément d'équipes… – Il y a une industrie qui survit.
00:58:13 – Non, on ne peut pas dire que le cinéma français est mort,
00:58:16 alors je connais un peu le sujet…
00:58:18 – Si, si, il y a beaucoup de films, il y a une quantité incroyable de films
00:58:21 que personne ne voit parce qu'ils sont nuls, mais qu'ils existent.
00:58:24 – On est les seuls avec une distribution, etc.
00:58:26 – L'industrie italienne est quasiment morte, l'industrie anglaise est quasiment morte,
00:58:31 l'Allemagne fait 20 films à l'année, la France en produit entre 250 et 300.
00:58:36 On ne peut pas dire que c'est intéressant comme projet,
00:58:39 parce que ça a fonctionné pour le cinéma.
00:58:41 Mais je veux vous céder la parole, Adlor.
00:58:43 – Pour finir, je ne suis pas sûr que ce soit bon pour la dignité des agriculteurs
00:58:46 qui seraient subventionnés, qui entretiendraient une espèce d'agriculture patrimoniale,
00:58:52 presque musée, quoi.
00:58:54 Mais c'est peut-être la seule façon de les sauver,
00:58:58 et de sauver les paysages français, parce que c'est aussi ça qui est en danger.
00:59:02 – Adlor, ce sera le mot de la part.
00:59:04 – Je pense que vous dites, Cyril, et c'est sur quoi je voulais intervenir,
00:59:07 oui, il faut une exception.
00:59:09 Il n'y a rien d'honteux d'avoir une exception culturelle,
00:59:11 il n'y aura rien d'honteux d'avoir une exception agricole.
00:59:14 Ne serait-ce que pour une chose, c'est parce qu'on s'est rendu compte,
00:59:17 depuis la crise du Covid, de l'importance de la souveraineté.
00:59:20 Et la souveraineté alimentaire française doit être le pari de demain,
00:59:24 l'urgence de demain.
00:59:26 Donc on va y revenir, et moi pour le mot de la fin, je suis plutôt optimiste,
00:59:29 je pense qu'on commence à comprendre l'importance de la souveraineté,
00:59:33 quelle qu'elle soit, alimentaire, culturelle, mais alimentaire encore plus.
00:59:38 – Ok, très bien, écoutez, on s'arrête là, merci beaucoup.
00:59:41 Très belle synthèse.
00:59:43 On va se retrouver d'ici 15 jours pour une nouvelle émission.
00:59:47 Merci madame, merci messieurs.
00:59:50 Laurent, je rappelle votre nouveau livre,
00:59:53 "Au cœur de la Troisième Guerre mondiale".
00:59:55 Ce sera l'occasion de se revoir, Laurent.
00:59:58 À très bientôt, merci.
01:00:00 [Générique]

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