• il y a 8 mois
Philippe de Villiers passe en revue l'actualité de la semaine dans #FaceAPhilippedeVilliers. Présenté par Eliot Deval

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Transcription
00:00 Quasiment 19 heures sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Philippe Devilliers.
00:04 Philippe Devilliers, bonsoir.
00:05 Bonsoir, Yacine.
00:06 Bonsoir, Geoffroy.
00:07 Geoffroy Lejeune est avec nous, directeur de la rédaction du JDD.
00:11 Est-ce que vous allez bien, tous les deux ?
00:14 Mieux que le pays.
00:15 Oh, le pays va mal, Philippe Devilliers.
00:18 Oui, donc je vais mal.
00:19 Ah.
00:21 Vous avancez au rythme du pays, c'est ça ?
00:22 Oui.
00:23 Vous avez le même battement de cœur ?
00:25 J'arrive à un moment de ma vie où les malheurs publics deviennent des malheurs privés.
00:34 C'est bien, ça donne un ton positif de l'émission.
00:36 Non, on va en parler.
00:39 Bon, un peu de sourire quand même, parce qu'effectivement l'actualité est lourde.
00:42 Philippe Devilliers, cette semaine, le président de la République, Emmanuel Macron,
00:46 a pris la parole en marge d'une conférence de soutien à l'Ukraine.
00:49 Et ce sera notre premier sujet réunissant 21 chefs d'État.
00:53 Et il a pris tout le monde de court en affirmant que l'envoi de troupes occidentales à l'avenir
00:57 ne pouvait être exclu.
00:59 On écoute attentivement le président de la République et on en parle juste après.
01:04 Il n'y a pas de consensus aujourd'hui pour envoyer de manière officielle,
01:08 assumer et endosser des troupes de sol.
01:12 Mais en dynamique, rien ne doit être exclu.
01:17 Nous ferons tout ce qu'il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre.
01:21 Et nous avons la conviction en effet que la défaite de la Russie est indispensable
01:25 à la sécurité et la stabilité en Europe.
01:29 Geoffroy Lejeune.
01:30 Philippe, Emmanuel Macron a dit avoir pensé, pesé et mesuré les mots qu'on vient d'entendre.
01:35 Selon vous, à quoi joue-t-il le président de la République ?
01:38 Il joue avec le feu.
01:41 Avec le feu nucléaire.
01:46 Et je suis prêt à expliquer pourquoi.
01:50 En pesant chaque mot, moi aussi.
01:56 Envoyer des troupes au sol, dans le droit de la guerre,
02:01 ça a une signification qui s'appelle la co-belligérance.
02:09 Donc on change de statut.
02:11 On passe de statut de soutien au statut de parti, parti à la guerre.
02:16 La co-belligérance, ça veut dire que la géographie de la guerre s'étend à ceux qui sont co-belligérants.
02:26 Donc à la France.
02:27 Le territoire français entre en guerre.
02:29 Et le peuple français entre en guerre.
02:35 Conséquence, il ne peut pas y avoir de guerre conventionnelle entre deux États nucléaires.
02:44 La France est un État nucléaire.
02:46 La Russie est un État nucléaire.
02:48 Si on passe, on bascule dans la co-belligérance.
02:53 On est face à la Russie.
02:55 On devient l'ennemi de la Russie.
02:58 Et donc la Russie nous traite comme un État nucléaire.
03:01 Et là, on retrouve ce que moi j'ai vécu.
03:03 J'étais trop jeune.
03:04 Enfin, vous n'étiez pas né, d'ailleurs.
03:07 L'affaire des missiles de Cuba.
03:10 En octobre 1962, j'avais 13 ans.
03:14 Et pendant plusieurs jours, nos professeurs nous disaient
03:16 "on ne sait pas si on va avoir la guerre nucléaire".
03:19 Il a fallu tout le sang-froid de Kennedy et de Khrushchev
03:24 pour désamorcer la crise.
03:27 Mais on était au bord de la guerre nucléaire.
03:31 Donc, vous voyez, quand on a la force atomique pour se protéger,
03:38 il y a une doctrine stratégique qui a été définie par le général de Gaulle.
03:42 C'est qu'on protège des intérêts vitaux.
03:47 Pierre Lelouch, brillamment, et Jean-Pierre Chévenement, avec sa maestria,
03:53 ont dit tous les deux en deux jours l'essentiel.
03:57 À savoir, on n'a pas élu monsieur Zelensky comme président de la République.
04:02 On a élu Emmanuel Macron.
04:04 Ça, c'est Jean-Pierre Chévenement qui dit ça.
04:06 Et il ajoute, il s'agit de défendre le territoire français, l'Ukraine.
04:11 Même si on a de l'amitié pour les Ukrainiens, ce n'est pas le territoire français.
04:15 Et donc, l'atome, la force atomique, la dissuasion,
04:19 c'est pour protéger les intérêts vitaux de la France qui s'arrêtent au territoire français.
04:26 Et si jamais on décide de passer à une autre phase, alors il y a un vrai danger.
04:35 Peut-être on va en parler.
04:36 Bien sûr.
04:37 Un vrai danger.
04:38 Philippe de Villiers, comment vous expliquez donc cette déclaration ?
04:41 N'a-t-on rien appris, puisque vous parliez de l'histoire de la guerre de missiles de Cuba ?
04:48 N'a-t-on rien appris de l'histoire, tout simplement ?
04:52 Moi, je pense qu'Emmanuel Macron ne sait pas, ou ne sait plus, ou n'a jamais su,
04:59 comment deux guerres qui nous ont fait très mal ont commencé.
05:04 Celle de 1870 et celle de 1914.
05:11 Quand vous regardez de près ce qu'a été l'enchaînement,
05:15 vous comprenez qu'en fait, les guerres depuis la guerre de Troie,
05:21 souvent sont déclenchées par l'inconséquence, la légèreté, la forfanterie, la glorieule, la vanité.
05:34 Il suffit d'un mot malheureux.
05:36 Donc quand on est chef d'État, il faut faire attention à ce qu'on dit.
05:38 On n'improvise pas, comme dit Pierre Lelouch.
05:40 Jamais, jamais.
05:42 Et alors, en 1870, en juillet 1870, il a suffi d'une dépêche.
05:50 Tout le monde a oublié, personne ne sait plus aujourd'hui ce qu'était la dépêche d'Ems.
05:55 C'est le ton rogue d'un empereur.
05:58 Et après, c'est l'engrenage des alliances.
06:04 Et on va à la guerre.
06:05 Et on a eu la guerre, 1870.
06:07 1914, c'est l'assassinat de l'archiduc héritier d'Autriche qui nous amène à la guerre.
06:16 Pourquoi ? Parce qu'il y a l'engrenage des alliances et à chaque fois, le gars qui dit "tartage à la recrée".
06:23 Pourquoi ? Parce qu'en fait, dans l'histoire, depuis les Grecs et les Romains, il y a toujours le parti de la guerre.
06:31 Il y a deux sortes de paix. Il y a la paix municoise, la paix de la lâcheté, mais aussi la paix westphalienne, la paix de la victoire.
06:40 En d'autres termes, ce n'est pas parce qu'on est dans un esprit de paix qu'on est un pacifiste et un défaitiste.
06:49 Il faut faire attention à ce qu'on fait, à ce qu'on dit quand on est chef d'État, parce qu'on est chef de guerre.
06:54 Vous avez dit il y a un instant, Emmanuel Macron joue avec le feu, le feu nucléaire.
06:58 Il s'avère que jeudi, lors d'une longue conférence, Vladimir Poutine a répondu indirectement au président français,
07:04 expliquant que les menaces occidentales créent un réel risque de conflit nucléaire. Écoutons Vladimir Poutine.
07:11 Ils évoquent la possibilité d'envoyer des soldats de l'OTAN en Ukraine.
07:17 Nous, nous nous souvenons quel a été le sort de ceux qui ont envoyé des soldats sur notre sol.
07:24 Les conséquences pour tous ceux qui voudront intervenir seront des plus tragiques.
07:30 Nous avons des armes qui peuvent atteindre des cibles sur leur territoire.
07:36 Ils inventent des schémas pour nous faire peur et faire peur au monde entier.
07:40 Mais ces plans peuvent amener à un conflit à grande échelle et l'utilisation de l'arme atomique.
07:50 Je me demande si ces gens-là se rendent vraiment compte de ce qu'ils proposent.
07:58 Ils n'ont jamais réellement connu la guerre. Nous, en Russie, on connaît la guerre.
08:08 Geoffroy Lejeune, vous avez une question pour Philippe Devilliers.
08:10 Il y a eu une escalade verbale cette semaine, comme on n'a pas connu depuis longtemps dans ce conflit,
08:14 qui a commencé il y a deux ans. Est-ce que vous craignez, vous, réellement aujourd'hui le risque d'une troisième guerre mondiale ?
08:20 Oui. Parce qu'on a un président Matamor, et la preuve qu'il n'a pas réfléchi,
08:36 c'est qu'il a été désavoué par le monde entier de ceux qui étaient ses soutiens.
08:44 Et donc il a, vis-à-vis de la Russie, montré sa grande faiblesse.
08:50 Je dis oui, mais j'ai mis du temps à répondre oui, parce qu'on peut sortir de cette phase compliquée.
08:59 Il y avait une expression prononcée par François Mitterrand, c'était « sortir de la logique de guerre », c'était au Koweït, je crois,
09:10 pour imposer une logique de paix. C'est ce que tous les esprits sensés devraient proposer.
09:17 Mais aujourd'hui, on n'entend personne dire ça. Pourquoi ? Parce que, comme le disait un militaire de Haut-Rend,
09:24 il dit « Ah, mais on ne peut pas dire ça, parce que si on est accusé d'être pro-Poutine, c'est incroyable ! »
09:30 Si on dit qu'on est pour la paix. « Ah oui, alors vous êtes muni quoi ? » Non, je suis Westphalien.
09:34 La paix de Mazarin, c'est pas mal. Alors soyons concrets, vous avez parlé d'escalade.
09:41 Effectivement, il y a une logique de l'escalade. Il peut y avoir une logique de la désescalade.
09:48 Je vous vais expliquer pourquoi. La logique de l'escalade, on est en plein dedans. Pourquoi ?
09:55 Parce que la logique de l'escalade, d'abord, c'est l'irrésolution. L'irrésolution, c'est quand le président Macron
10:06 donne l'impression, en tout cas il me la donne à moi, que l'Ukraine est pour lui devenue un concept idéologique.
10:15 Il s'est éloigné du réel. Un concept idéologique. Et donc il faut se battre, comme il fallait partir en Espagne avant la guerre,
10:24 il faut se battre pour l'Ukraine. C'est idéologique. La détestation de la Russie, de tout ce qu'elle représente, ça sent l'idéologie.
10:36 Mais quand on est chef d'État, on fait attention, on revient au réel. Et ils tournent comme une toupie.
10:42 Deuxièmement, il y a toutes les erreurs d'appréciation. J'en citerai trois qui sont spectaculaires.
10:54 C'est les tartarinades. Première tartarinade, les sanctions vont mettre à genoux la Russie. C'est Bruno Le Maire.
11:05 Il faut citer les grands auteurs. Et finalement les sanctions, elles n'ont pas mis à genoux la Russie, elles nous ont mis à genoux, nous.
11:13 Elles ont profité aux États-Unis, qui nous vendent son gaz, les kiffés. C'est un travail de professionnel.
11:19 Et nous, ça nous a considérablement affaibli. En plus, on paye, on paye, on paye. Deuxièmement, deuxième tartarinade, la Russie est isolée.
11:29 On a vu, isolée avec tous les BRICS, isolée avec le Brésil, avec la Chine, avec l'Inde, avec le Moyen-Orient, avec l'Afrique.
11:39 Par contre, qui est isolé ? C'est nous, c'est nous, l'Europe, puisque les États-Unis s'en vont sur la pointe des pieds,
11:45 retrouvant l'esprit de la doctrine Monroe, c'est-à-dire l'isolationnisme.
11:53 Troisième tartarinade, la contre-offensive a commencé. Il y avait une chaîne de télé qui est spécialisée dans l'affaire de l'Ukraine,
12:04 qui a dit pendant des mois, des mois, des mois, des mois, la contre-offensive est en train de réussir.
12:10 Et tous les Français l'ont cru. Alors que sur le terrain, on voyait bien que ce n'était pas vrai. Il y avait simplement un front à la coréenne.
12:19 Et maintenant, on ne peut plus cacher que la contre-offensive a échoué, puisque c'est le chef d'état-major des armées de l'Ukraine qui l'a dit.
12:28 Donc quand vous accumulez les tartarinades et que vous dites, vous allez voir, je vais vous faire la guerre, moi je suis plus fort que vous, etc.,
12:36 on se dit "Oh la nouvelle tartarinade". Et même Scholz, qui est quand même plus inanime, s'en est aperçu.
12:45 Troisièmement, et c'est peut-être le plus grave, Emmanuel Macron n'a pas du tout la sensibilité qu'avait quelqu'un comme Chirac par rapport à la Russie ou de Gaulle.
13:02 Il y a une phrase de Talleyrand qu'il faut avoir présente à l'esprit. Talleyrand dit "Je connais mille façons de faire sortir l'ours de sa tanière,
13:11 je n'en connais aucune pour l'y faire rentrer". Et il y a un proverbe russe qui dit, qui est très parlant, "Quand la force est là, l'intelligence est inutile".
13:24 En d'autres termes, les Russes sont les Russes, ils ont un tempérament et il faut connaître le tempérament des peuples.
13:31 Et les Russes, ils sont au premier degré. Et quand vous dites à un Russe "Je vais te foutre sur la gueule", le Russe dit "Ok, d'accord".
13:41 Alors qu'en fait, Emmanuel Macron, c'est le jeune acteur du touquet, d'Amiens, avec la souffleuse dans la trappe.
13:56 Et il est dans le verbe. Et Guillaume Bigot disait une chose extraordinaire l'antierre. Il dit "En Ukraine, on a inventé un verbe, macroner".
14:10 Ça veut dire croire que le verbe, c'est l'action. Et en Chine, il paraît qu'il y a un autre verbe dit Guillaume Bigot, c'est quelqu'un de scientifique,
14:19 donc il ne l'a pas inventé. Il dit "macaroner", parce que le macaron, il est dur au-dessus et mou à l'intérieur.
14:28 Alors comment on peut sortir de l'escalade ? Par un processus de paix. On substitue à la logique de guerre la logique de paix.
14:40 La France est la mieux placée pour ça. Alors pourquoi entrer dans ce processus de paix ? Pour plusieurs raisons.
14:50 La première, c'est qu'il vaut mieux trop tôt que trop tard. C'est-à-dire qu'il vaut mieux imposer la paix maintenant, une paix négociée maintenant,
15:03 que quand l'armée russe sera à Kiev. Ce sera beaucoup plus compliqué. Ensuite, ça nous coûte très cher.
15:12 Tiens, puisque il y a des commissaires qui jouent les fouquettes un ville, qui aiment bien les commissions d'enquête, je suggère une commission d'enquête.
15:21 C'est savoir combien ça nous coûte la guerre en Ukraine. Les coûts directs, les coûts indirects, l'agriculture, l'inflation, l'énergie, etc.
15:31 Donc on peut peut-être arrêter les frais.
15:34 – Mais si je me permets de reprendre votre distinction entre paix municoise et paix westphalienne,
15:39 et ce que vous avez dit tout à l'heure sur l'idéologie et le réel, il y a malgré tout, on dirait un problème.
15:44 Ce qui est vrai, c'est qu'il est impossible de cautionner une solution, pour l'Occident en tout cas,
15:48 qui consisterait à valider le fait que la frontière ukrainienne ne soit plus la même qu'avant le conflit.
15:53 Et ça, je crois, c'est sur quoi, pour l'instant, on est en train de bloquer.
15:56 Quelle solution, vous voyez, quand vous parlez de solution négociée, quelle est-ce que ça pourrait être ?
15:59 – Alors précisément, j'y arrive. Vous avez raison, c'est la difficulté.
16:05 Mais à chaque fois qu'on fait la paix, et à chaque fois qu'on est en guerre dans l'histoire de l'humanité,
16:10 et l'histoire de France regorge d'exemples, on affronte ce problème-là.
16:14 Le traité de Münster, il a fallu négocier.
16:21 Et il y en a qui cèdent, et ce n'est pas forcément les premiers qui cèdent.
16:26 Il y a ceux qui gagnent, il y a ceux qui perdent.
16:29 Mais on est tous un peu perdants, tous un peu gagnants. Il faut faire des efforts.
16:34 Et alors, je vais être très précis, il faut entrer dans une logique de paix.
16:40 Déjà, on fera une paix, la coréenne, ce sera mieux que rien.
16:44 On peut faire un cessez-le-feu.
16:46 Et ensuite, un long processus au cours duquel on essaye de s'entendre.
16:50 On l'avait fait, avec les accords de Minsk.
16:53 Les accords de Minsk n'ont pas été respectés, n'ont pas été appliqués.
16:56 Il faudra un jour se demander, d'ailleurs.
16:58 Je me souviens d'un article de Lux Ferry, très intelligent, dans le Figaro,
17:01 qui a dit "il faudra se demander un jour pourquoi les accords de Minsk n'ont pas été exécutés".
17:06 Et donc, en fait, il faut une architecture de sécurité en Europe.
17:12 Pour moi, il est impensable que l'Europe fasse rentrer l'Ukraine dans l'Europe,
17:19 sinon c'est la fin de l'Europe, la fin de notre agriculture, etc.
17:22 Il y a 700 milliards de dégâts.
17:25 Et d'ailleurs, Biden a déjà dit que c'était impensable que l'Ukraine rentre dans l'OTAN.
17:32 Donc, il faut trouver une solution.
17:34 Je ne suis pas là pour donner les solutions.
17:37 J'ai quelques idées en tête, comme tout le monde.
17:39 Mais je suis persuadé que si on arrive dans un esprit pacifique,
17:44 en fait, Poutine acceptera.
17:48 Il veut, en fait, autant que nous, la paix,
17:52 parce qu'il sait que la guerre longue use tout le monde, des deux côtés.
17:58 Mais ce que je voudrais dire pour terminer, qui est très important.
18:03 Quand vous faites la guerre, il faut un but de guerre.
18:08 Si vous n'avez pas de but de guerre, vous faites n'importe quoi.
18:11 Or là, on a ce sentiment qu'il n'y a pas de but de guerre.
18:14 Et si le but de guerre, c'est la défaite de la Russie,
18:19 alors qu'on voit bien qu'elle s'éloigne, alors là, on prend des risques.
18:23 Non, le seul but de guerre, c'est d'aider l'Ukraine
18:27 pour faire en sorte qu'elle aborde la négociation dans les bonnes conditions,
18:32 pour une paix équilibrée.
18:34 C'est ça, être intelligent quand on connaît l'histoire des guerres
18:39 et quand on connaît la mentalité des peuples.
18:42 Voilà ce qu'on pouvait dire sur le risque de conflit mondial
18:47 et ces déclarations de Vladimir Poutine et d'Emmanuel Macron
18:50 et du conflit ukrainien.
18:52 Je le dis aux téléspectateurs, parce que quand je vous écoutais,
18:54 c'était absolument passionnant.
18:56 Vous êtes sans fiches sur le plateau.
18:58 Il n'y a pas une feuille.
19:00 Il n'y a rien.
19:01 Mais c'est pour ça que je le dis.
19:03 - Oui, mais il y a des gens qui disent qu'on ne voit pas du tout qu'il y a un prompteur.
19:08 - Voilà, exactement.
19:09 Je le dis aux téléspectateurs, Philippe de Villiers, vos fiches, elles sont là.
19:12 Les miennes, en revanche, j'en ai quelques-unes ici.
19:15 J'en ai besoin.
19:16 - Mais je suis fiché par l'Arkom.
19:18 - Ah ben non, justement.
19:20 - Non, non, non.
19:21 - Ben non, ben non.
19:22 - Parlez de filles, parlez de filles.
19:24 - Un peu plus, j'imagine.
19:26 Dans l'actualité cette semaine, Philippe de Villiers,
19:28 le Sénat a donc majoritairement voté pour la constitutionnalisation
19:33 de l'interruption volontaire de grossesse.
19:35 Tous les parlementaires seront d'ailleurs convoqués lundi à Versailles
19:38 lors d'un congrès pour adopter définitivement cette mesure.
19:42 C'est une décision souhaitée par une majorité de Français.
19:45 Huit Français sur dix sont favorables à ce que l'IVG entre dans la constitution.
19:49 On va écouter le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti.
19:53 Ce soir, le Sénat a écrit une nouvelle page du droit des femmes.
19:59 Ce vote est historique.
20:02 Nous serons le premier pays au monde à inscrire dans la constitution
20:08 cette liberté pour les femmes de disposer de leur corps.
20:15 Philippe de Villiers, personne ne remet en cause le droit des femmes
20:18 à disposer de leur corps, personne ne remet en cause le droit à l'IVG.
20:21 En revanche, certains, dont le président Gérard Larcher,
20:24 doutaient de l'intérêt de l'intégrer dans la constitution.
20:27 Il avait dit, je le cite, "la constitution n'est pas un catalogue
20:30 de droits sociaux et sociétaux".
20:32 Philippe de Villiers, que pensez-vous de la constitutionnalisation de l'IVG ?
20:37 Il y a eu un communiqué hier des évêques de France,
20:47 la conférence des évêques de France,
20:50 qui se résume à un mot, qui est le titre, "la tristesse".
20:58 Ce mot convient, la tristesse.
21:02 Et je vais essayer d'expliquer pourquoi.
21:06 Le garde des Sceaux, on vient de le voir, annonce que la France
21:11 est le premier pays du monde à inscrire dans sa loi fondamentale,
21:16 parmi les valeurs suprêmes, le droit à l'avortement.
21:19 Les conséquences sont vertigineuses.
21:26 Première conséquence, la clause de conscience.
21:30 C'est fini.
21:33 La clause de conscience pour les médecins et les personnels de santé.
21:40 C'est un viol de conviction intime.
21:46 C'est la fin du serment d'Hippocrate.
21:49 Tu ne tueras pas.
21:53 Deuxièmement, c'est la fin de la liberté d'expression.
21:57 On sera passé en 50 ans de la dépénalisation de l'avortement
22:04 à la pénalisation de la parole de vie.
22:08 C'est-à-dire qu'à partir de mardi matin, au lendemain du Congrès,
22:13 toute parole, toute action pour défendre la liberté d'expression
22:21 pour défendre la vie, l'enfant à naître
22:24 ou pour contrarier, contredire la Constitution,
22:30 c'est-à-dire l'avortement, sera passible de la justice
22:37 et on aura un risque pénal.
22:40 Troisièmement, c'est la porte ouverte à la dérive eugéniste.
22:48 On élimine le plus faible en fonction du génome.
22:52 C'est le passeport de toutes les transgressions.
22:58 La vie n'est plus un absolu.
23:02 Et c'est la Constitution.
23:06 Et surtout, je terminerai par là,
23:13 c'est une course à l'abîme d'une civilisation en perdition.
23:18 C'est la déshumanisation progressive du monde
23:24 par l'effacement programmé du visage de l'homme.
23:31 L'histoire est intraitable.
23:33 Lorsque Rome a décidé de pratiquer l'avortement
23:42 et l'exposition des enfants,
23:45 la Romagna a été balayée par la Gauthia, la furore de vivre.
23:52 Et donc, c'est une manière de sortir de l'histoire
23:58 que de confier à d'autres le soin de faire des enfants.
24:03 Le slogan, le mot d'ordre des sociétés expirantes,
24:07 c'est mourir en s'amusant. Nous en sommes là.
24:10 Je précise que toute cette réflexion que vous avez,
24:15 c'est sur la constitutionnalisation de l'IVG,
24:18 des conséquences qu'elle pourrait avoir sur les décennies à venir
24:22 et non sur la remise en cause du droit des femmes à disposer de leur corps.
24:28 Vous avez connu Philippe Devilliers, Simone Veil ?
24:31 Vous l'avez bien connu ?
24:32 Oui. Justement, je vais répondre à votre question.
24:37 Simone Veil, j'ai eu de nombreuses conversations avec elle
24:46 puisqu'on était à l'UDF ensemble, on était voisins
24:50 et on avait des relations à la fois amicales et franches,
24:56 comme on dit en diplomatie.
24:59 Simone Veil, en fait, si elle était là, elle ne serait pas d'accord.
25:05 Je vais vous dire pourquoi.
25:08 Je vais sans doute étonner beaucoup de téléspectateurs.
25:15 Elle m'a dit deux choses, Simone Veil, pour me répondre,
25:19 puisque moi je suis hostile à l'avortement,
25:22 parce que je suis pour le droit à naître de tous les enfants.
25:28 Elle m'a dit premièrement, lisez, relisez ma loi, Philippe.
25:33 Cette loi, je la connais par cœur.
25:35 Article 1, écoutez bien.
25:38 La loi garantit le respect de tout être humain
25:43 dès le commencement de la vie.
25:46 Il ne peut être porté atteint à ce principe qu'en cas de nécessité.
25:52 Qu'est-ce que ça veut dire cet article 1 ?
25:55 Ça veut dire que l'enfant à naître est un enfant, l'embryon est un enfant.
26:01 Le respect de tout être humain dès le commencement de la vie.
26:05 Et deuxièmement, elle m'a dit, ne vous inquiétez pas,
26:07 le cadre est conditionnel et définitif, immuable.
26:10 C'est 10 semaines, il y a un délai de réflexion, en cas de détresse, etc.
26:16 Tout ça, ça a sauté.
26:18 Tout ça, ça a sauté.
26:19 Aujourd'hui, il faut savoir qu'à 14 semaines,
26:21 William Goldenallel le rappelait récemment,
26:24 il est nécessaire d'écraser la boîte crânienne de l'enfant à naître.
26:29 Donc, il faut qu'il y ait, y compris sur cette chaîne,
26:35 au nom de la liberté d'expression qui fait beaucoup parler,
26:39 une voix qui dise, comme les évêques l'ont dit,
26:45 parce que tout ce que je viens de vous dire,
26:46 les évêques l'ont dit dans leur communiqué, qui est remarquable.
26:49 Précis, laconique, remarquable.
26:52 Oui, c'est la tristesse.
26:55 C'est la tristesse et comme souvent, hélas, je suis en avance sur l'humeur publique.
27:03 Mais j'ai le devoir de dire ce que je viens de vous dire,
27:08 parce que c'est notre avenir qui est en jeu.
27:11 Il faut défendre la vie.
27:14 Il y a la parole, votre parole, votre conviction.
27:17 Il y a, comme vous l'avez dit, la parole des évêques de France.
27:20 Et puis, il y a aussi la volonté des Français.
27:22 Et je rappelais ce chiffre qui, là aussi, était intéressant,
27:25 peut-être aussi important, à savoir que plus de 8 Français sur 10
27:29 étaient favorables à la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse.
27:35 On revient dans un instant, c'est la publicité.
27:37 On a encore beaucoup de choses à traiter ensemble.
27:41 On replongera dans l'histoire.
27:43 Toujours sans fiche, Philippe de Villiers.
27:45 A tout de suite.
27:50 Un peu plus de 19 heures sur CNews, la suite de Face à Philippe de Villiers.
27:53 Toujours avec Philippe de Villiers, bien sûr, et Geoffroy Lejeune.
27:56 Parlons de l'agriculture à présent, de la colère agricole.
27:59 La coordination rurale a organisé ce vendredi deux actions.
28:04 D'abord au pied de l'Arc de Triomphe, et ensuite devant le château de Versailles,
28:09 avec ce dépôt de gerbes de fleurs et ces tracteurs présents
28:13 sur l'Arc de Triomphe, au pied de l'Arc de Triomphe, je le disais,
28:17 entraînant quelques tensions, avec même des interpellations.
28:20 Je crois qu'il y a eu une soixantaine d'agriculteurs, de manifestants,
28:24 placés en garde à vue. Écoutez leur colère.
28:27 Petite opération commando, avant que Paris se réveille,
28:31 pour ne pas gêner non plus, et sans aucune idée d'affrontement.
28:37 Mais simplement pour faire voir qu'on est encore là,
28:41 qu'on en a marre d'être pris pour des ânes.
28:43 Déjà ce qui serait bien c'est qu'on se batte à armes égales.
28:47 C'est-à-dire que là bientôt il va y avoir les JO en France,
28:50 il n'y en a pas un qui démarre la course dix mètres avant les autres.
28:53 Simplement nous au Céralier on est concurrencés vis-à-vis des céréales ukrainiennes.
28:58 Là-bas c'est bon, normes, on apporte sans droite douane,
29:01 et surtout que l'Ukraine, à ce que je sache, elle ne fait pas partie de l'Europe française.
29:05 Geoffroy Lejeune.
29:07 Les images de cette colère qu'on a cru à un moment donné arrêter
29:10 quand ils sont rentrés chez eux, puis qu'on voit ressurgir à l'occasion du Salon de l'agriculteur,
29:14 et ces arrestations auxquelles vous interpellent Philippe.
29:16 Oui, pour plusieurs raisons.
29:18 D'abord, ils vont à l'arc de triomphe, il faut comprendre pourquoi,
29:22 parce qu'ils sont allés déposer une gerbe pour tous les paysans qui se sont donné la mort.
29:29 Mais moi ça me touche d'autant plus que le soldat inconnu c'est un paysan français.
29:35 Ce sont les paysans français qui ont donné leur sang pour défendre la France.
29:41 Donc ce n'est pas les Black Blocs, et on les a traités là comme les Black Blocs.
29:46 On les met en garde à vue, etc.
29:48 Donc c'est très choquant.
29:51 Et puis surtout, si on prend un peu de hauteur,
29:54 on s'aperçoit de plus en plus qu'il y a trois Frances.
30:00 Il y a la France globaliste, qui veut sauver l'Ukraine, qui veut sauver l'Europe,
30:09 qui veut sauver la planète.
30:11 Sonia Mabrouk a reçu le ministre de la Transition écologique.
30:16 J'ai écouté deux fois parce que je voulais être sûr de ce qu'il avait dit.
30:21 Il a dit "je suis le ministre de la planète".
30:25 La deuxième France, c'est la France diversitaire.
30:28 La première France veut sauver la planète.
30:30 La deuxième France veut sauver l'Ouma, la seule patrie de la communauté islamique.
30:35 Et il y a une troisième France, celle-là, la France de l'arc de triomphe,
30:40 la France enracinée, qui veut sauver la France.
30:43 Et celle-là, on n'en veut plus.
30:45 Autre séquence, Philippe Devilliers.
30:48 Et on revient sur ce chaos au moment de l'inauguration du Salon de l'agriculture.
30:54 Ces tensions en marge de la présence du président de la République.
30:58 Il y avait samedi dernier plus de 700 CRS.
31:01 A chaque fois que le président devait déambuler dans un hall,
31:04 il fallait évacuer le hall.
31:07 Impossible pour les visiteurs d'y pénétrer.
31:10 A tel point qu'à un moment, il y a eu un mouvement de foule,
31:14 jusqu'à ce qu'une barrière cède au milieu des bêtes.
31:18 Regardez cette séquence.
31:20 -Allez !
31:22 (Cris de la foule)
31:25 -Allez !
31:27 (Cris de la foule)
31:40 -Sortez-là ! Sortez-là !
31:43 (Cris de la foule)
32:02 -Comment avez-vous vécu cette séquence, Philippe Devilliers ?
32:06 -C'est une image forte.
32:08 J'ai l'impression de voir les gendarmes fils de paysans
32:13 qui tombent sur leur noeud.
32:15 Ces crayons qui tombent sur Antigone.
32:18 C'est une image inouïe, inédite.
32:21 On n'a jamais vu ça.
32:23 Et puis il y a eu surtout deux scènes.
32:30 Une scène néronienne et une scène macronienne.
32:34 La scène néronienne, c'est le matamor,
32:39 le jour qu'arrive le président,
32:43 qui en fait se retrouve dans une salle frigorifique,
32:49 frigorifique, entourée de quelques paysans,
32:53 pour ne pas écouter les huées.
32:55 Vincent Trémoli-Villers qui citait "La guerre de Troyes n'aura pas lieu".
32:59 Il y a Hector qui dit à Ulysse,
33:01 "Le privilège des grands, c'est qu'on peut voir les catastrophes depuis une terrasse."
33:07 Et donc voir le président enfermé dans une salle de stockage de choux-fleurs,
33:12 pour tenter d'apaiser la colère.
33:15 Et on a une paysanne qui lui dit "On va crever"
33:20 et il répond "Prix blanchi", le verbe.
33:26 Et puis la deuxième image,
33:29 alors je dis néronienne parce que c'est honteux,
33:33 parce qu'il peut chanter pendant que Rome brûle,
33:35 sauf s'il a la voix et la lire de Néron.
33:37 Néron met le feu partout et puis après on le voit,
33:40 il se sauve dans Rome, il cherche un abri,
33:42 il finit par trouver une petite salle comme ça.
33:46 Et la deuxième scène allégorique, c'est la scène vraiment macronienne,
33:51 c'est l'invitation fantôme.
33:53 Pourquoi ? Parce qu'elle signifie quelque chose.
33:55 Elle signifie en fait, non seulement le "en même temps",
33:59 mais "je veux transformer la France, moi président Macron".
34:04 Je veux la transformer et la France n'a plus besoin des paysans.
34:08 En fait, la décarbonation des campagnes,
34:10 la vidange de synthèse fera l'affaire,
34:12 les produits de synthèse, ils l'ont dit.
34:15 Bruno Le Maire a dit que la vidange de synthèse était très bonne,
34:19 des steaks de synthèse.
34:21 Donc la décarbonation c'est la fin des paysans,
34:24 ils n'ont pas bougé là-dessus,
34:25 parce que ce n'est pas eux qui commandent ce pacte vert.
34:28 Et deuxièmement, la consommation mondialisée,
34:30 ils n'ont pas bougé là-dessus, c'est de pire en pire,
34:32 on prépare des nouveaux accords et de toute façon,
34:34 le Mercosur est en train de vivre sa vie.
34:36 La consommation mondialisée, ça veut dire qu'on n'a plus besoin
34:38 de paysans qui produisent chez nous.
34:40 Et donc les paysans, ils sont désespérés en cette fin du salon,
34:45 parce qu'ils ont compris que la Macronie n'a plus besoin
34:53 d'une France paysanne.
34:55 La Macronie, c'est une société mondialisée,
34:59 qui se fournit au prix du monde,
35:02 et qui n'a plus besoin des prairies françaises,
35:07 autrement que pour une redéfinition de l'agriculture.
35:13 La terre, c'est quand on la travaille,
35:15 la campagne, c'est quand on regarde travailler les autres.
35:18 Philippe Devilliers, vous avez employé une expression
35:20 qu'on peut employer assez souvent dans cette émission,
35:22 c'est d'ailleurs le propre de cette émission,
35:24 c'est de tenter de prendre un peu de hauteur.
35:26 Pour l'autre sujet, on va essayer de faire de même,
35:29 puisqu'on va parler de l'école, à travers plusieurs faits
35:32 qui ont marqué l'actualité, avec le même dénominateur commun,
35:35 c'est l'école.
35:36 Lundi, on apprenait par exemple le canime,
35:38 les enseignants d'une école se mettaient en arrêt maladie
35:41 pour la quasi-totalité d'entre eux, dans un quartier rongé
35:44 par le trafic de stupéfiants.
35:45 Lundi, encore à Drancy, un instituteur du groupe scolaire
35:48 Thimbault de Verpe n'était pas présent pour la rentrée,
35:51 incarcéré pendant les vacances, accusé de chanter à la gloire du djihad.
35:55 Enfin, dans le Doubs, l'école élémentaire de Daniel Janet
35:57 a été mise à sac, c'était samedi dernier, par des très jeunes enfants,
36:01 estimation des dégâts plus de 30 000 euros.
36:04 Vous aviez envie, à travers ces faits d'actualité,
36:07 de nous parler de cette école de la République,
36:09 qui selon vous, est en danger, Philippe de Villiers ?
36:11 Oui, parce que tous ces faits, ils ont une signification
36:14 et nous invitent à tirer une conclusion,
36:19 qui est la suivante.
36:20 Il est impossible de concevoir une école
36:28 qui recivilise avec une société qui décivilise,
36:36 pour reprendre les expressions du président de la République.
36:38 Pourquoi ? Parce qu'une société violente
36:43 produit une école violente.
36:45 Une société déculturée produit une école déculturée.
36:49 Une société décoloniale produit une école décoloniale.
36:53 La société de la honte et de la peur,
36:55 elle produit une école de la honte et de la peur.
36:58 Et les deux mots qui ont été repérés par l'inspecteur général Aubin,
37:04 dans son rapport sur l'école, c'est la peur et la honte.
37:10 La peur d'enseigner, la peur de transmettre.
37:14 Quand on fait le lien entre l'école de Peggy,
37:18 les hussards noirs de la République et le professeur Aubin,
37:21 on se dit "ah, quelle dégringolade".
37:23 Parce que les hussards noirs,
37:26 il les décrit comme des gens sveltes, sanglés, sérieux,
37:32 qui sont conscients de leur précoce
37:38 et très grande omnipotence.
37:43 Le professeur de Peggy, il est souverain de sa classe.
37:48 Or, les profs sont tombés de leur chair, de leur estrade.
37:52 Aujourd'hui, ils ont peur.
37:53 Le prof de Peggy, il est conscient de sa mission.
37:57 Et sa mission, c'est l'identification.
38:01 Assimiler, c'est identifier.
38:04 Ils veulent faire des têtes épiques, comme dirait Victor Hugo.
38:07 Ils veulent proposer des modèles.
38:09 Ils proposent des modèles auxquels on peut s'identifier.
38:13 L'éducation, la transmission, c'est les modèles.
38:17 Mettre à la disposition des jeunes des modèles.
38:21 Alors, aujourd'hui, les profs ont peur,
38:24 c'est-à-dire qu'ils n'osent plus enseigner à l'ancienne.
38:31 Ou plutôt, comme dit M. Aubin,
38:34 il y a un enseignement halal et un enseignement haram.
38:38 Je cite.
38:39 Un enseignement autorisé, un enseignement interdit.
38:42 L'assimilation, c'est faire de l'autre un autre soi.
38:47 Et si vous me permettez une métaphore,
38:52 de Gaulle a défini l'assimilation à sa manière
38:56 avec une phrase qui m'a toujours paru mystérieuse
39:00 et qui est très significative.
39:02 Il dit, dans toutes les victoires d'Alexandre,
39:06 on retrouve Aristote.
39:09 Ça veut dire qu'en fait, il donne le fil de la mémoire grecque.
39:15 Et moi, je dirais, dans toutes les victoires de Leclerc ou de Delattre,
39:19 on retrouve le tronçon de l'épée et la pensée française.
39:23 Et si jamais on ne donne plus à l'école
39:27 le tronçon de l'épée de Schilderic
39:31 et la pensée française avec le pupitre de Robert Sorbon
39:37 et Saint-Thomas d'Aquin,
39:39 alors la chaîne sera coupée et elle est en voie d'être coupée.
39:43 Et puis la honte, c'est la honte de ce que nous sommes.
39:47 On n'a plus la fierté de transmettre
39:51 parce qu'on ne sait plus très bien qui on est.
39:53 Vous savez la lettre aux djihadistes,
39:55 chers djihadistes, chevauchant vos éléphants de fer et de feu,
40:03 vous êtes entrés dans le magasin de porcelaine,
40:05 mais dans le magasin de porcelaine, il n'y a plus rien.
40:08 - Il nous reste quelques minutes, Philippe Devilliers.
40:11 Chauffroy, Lejeune avait une question pour vous,
40:14 mais c'est vrai que le temps défile.
40:16 Cette émission n'est pas face à Philippe Devilliers,
40:20 si face à vous, il n'y a pas l'histoire.
40:22 L'histoire encore est toujours l'histoire.
40:24 Nous sommes en février 1916, Philippe Devilliers.
40:27 Voilà neuf jours que la bataille de Verdun a commencé.
40:31 Et dans l'enfer de Verdun, plus de 700 000 soldats
40:34 vont mourir au front, allemands comme français.
40:37 Que peut signifier la bataille de Verdun
40:39 pour les jeunes français d'aujourd'hui ?
40:41 - Quand je suis allé à Verdun pour la première fois,
40:46 j'avais 10 ans.
40:48 J'ai compris au premier coup d'œil
40:50 ce qu'avait pu être
40:53 la grande ordalie de tout un peuple.
40:56 On est comme pris à la gorge
41:00 par le silence infini de la plaine calcinée.
41:04 La vie s'est absentée.
41:09 L'histoire est muette.
41:13 On dirait que la mémoire est trop lourde à porter.
41:19 Il n'y a plus d'arbres.
41:21 Les arbres ne repoussent plus.
41:23 Il n'y a plus d'oiseaux qui chantent.
41:25 Ils ne sont jamais revenus.
41:28 Il y a juste là-bas une plainte lointaine
41:32 d'un rescapé de la tranchée des Bayonnettes
41:36 où ont été ensevelis vivants des milliers de poilufs,
41:40 fusils à la main,
41:42 saisis, statufiés pour toujours.
41:47 Où sont les familles ?
41:49 Où sont les hommages ?
41:51 Où est passé le souvenir ?
41:53 C'est fini,
41:55 chantant la voix lointaine,
41:59 vibrante, de ce rescapé d'Orgelès,
42:02 en 1919,
42:04 qui s'adresse à ses frères d'âme.
42:06 Chers camarades,
42:08 les temps qui viennent vont périmer vos visages
42:11 et jusqu'à vous croire insignifiantes.
42:14 On oubliera.
42:17 Oh, je sais bien, c'est odieux, c'est cruel,
42:21 mais comment imaginer ?
42:25 C'est ainsi, c'est humain.
42:28 C'est humain parce que,
42:33 tout pareil à ces étangs transparents
42:38 dont l'eau liquide dort sur un lit de bourbe
42:41 le cœur de l'homme filtre les souvenirs
42:45 et ne garde que ceux des beaux jours.
42:49 Les plaintes, la douleur, les haines,
42:53 les regrets éternels, tout cela tombe au fond.
42:57 Tout cela est trop lourd.
43:00 On oubliera.
43:02 Les voiles de deuil,
43:04 comme des feuilles mortes, tomberont
43:06 et l'image du soldat disparu
43:09 s'effacera lentement
43:12 dans le cœur consolé de ceux qu'il aimait tant.
43:16 Oui, mes camarades,
43:19 oui, mes morts, mes pauvres morts,
43:22 c'est maintenant que vous allez souffrir.
43:25 Son croix, pour vous garder,
43:28 son cœur vous blottir, je vous vois
43:32 qui, vagabondés, avec des yeux
43:38 qui se fondent, avec des gestes qui tâtonnent,
43:41 cherchant dans la nuit éternelle
43:44 tous ces vivants ingrats
43:47 qui vous ont oubliés.
43:49 On oubliera.
43:51 Ainsi va la mémoire d'un peuple.
43:54 Quand j'étais enfant au Monument aux Morts,
43:56 le 11 novembre, mon père était maire,
43:59 il égrenait le nom des soldats.
44:01 Il y avait encore des rescapés,
44:03 les derniers, Raymond, Martin, de Boulogne.
44:07 Il s'est approché de moi,
44:09 on a trinqué, j'étais tout petit,
44:11 et il m'a dit
44:14 "toi aussi, tu oublieras".
44:16 Je dis "non, je t'oublierai jamais,
44:18 je vous oublierai jamais".
44:20 Il dit "Philippe, j'y étais,
44:24 j'y étais,
44:28 ils y étaient, on n'a pas le droit de les oublier".
44:34 - Merci Philippe Devilliers pour cet hommage
44:38 et vous avoir replongé dans l'histoire
44:41 de la bataille de Verdun.
44:43 Merci à vous Geoffroy Lejeune.
44:45 On se retrouve la semaine prochaine.
44:47 C'est l'heure des proies.
44:49 [SILENCE]

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