L’énergie nucléaire_ quelles perspectives
Category
✨
PersonnesTranscription
00:00 Nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de
00:11 réacteurs nucléaires dans notre pays.
00:13 Nous faisons de la science de haut niveau.
00:32 Nous avons une technologie extrêmement pointue que nous maîtrisons.
00:35 La France est contrainte de continuer à faire fonctionner son nucléaire comme si de rien
00:43 n'était.
00:44 Et donc plus on continue, plus on prend de risques.
00:47 Ça c'est clair.
00:48 Un approvisionnement énergétique sans nucléaire est possible.
00:56 En France, l'avenir du nucléaire rime avec EPR ou réacteur pressurisé européen.
01:24 C'est le troisième réacteur de la centrale de Flamanville dans la Manche.
01:29 Et il est censé fournir plus d'énergie tout en étant plus sûr que ses prédécesseurs.
01:34 Notre enjeu, il est de faire en sorte que ces nouveaux réacteurs portent les technologies
01:42 de demain.
01:43 L'état de la de la sûreté, c'est EPR aujourd'hui.
01:47 EPR a fait des améliorations de sûreté importantes pour, en cas d'accident, limiter
01:52 les rejets dans l'environnement.
01:53 Division par 10 des risques de fuite radioactive en cas de fusion du cœur du réacteur.
01:59 Résistance au séisme, double enceinte en béton, 4 systèmes de refroidissement d'urgence,
02:04 moins de déchets nucléaires, l'EPR fait figure de référence.
02:08 Avec 56 réacteurs en activité, la France exploite le deuxième plus grand parc nucléaire
02:17 après les États-Unis.
02:18 Depuis la fermeture en 2020 de Fessenheim, la doyenne des centrales françaises, il reste
02:24 32 anciens réacteurs d'une puissance de 900 mégawatts.
02:27 Dans l'Hexagone, les centrales nucléaires fournissent 67% de l'électricité, faisant
02:35 de la France la championne mondiale de l'atome.
02:37 Toujours en chantier, l'EPR de Flamanville a été conçu pour fonctionner 60 ans, bien
02:46 plus que les réacteurs actuels.
02:47 Trois premiers EPR sont déjà en service en Chine et en Finlande.
02:52 Deux autres sont en cours de construction en Grande-Bretagne.
02:55 "Nous pensons qu'il y a un avenir pour le nucléaire, un avenir d'ailleurs assez
03:02 souriant, à la fois dans notre pays, en France, mais peut-être aussi plus largement sur le
03:07 reste de la planète."
03:13 Tout le monde ne partage pas cet avis.
03:18 Dans le nord-est de l'Allemagne, on a tourné la page du nucléaire il y a déjà un moment.
03:23 Avec ses cinq réacteurs, la centrale de Greifswald était l'une des plus grandes d'Europe.
03:29 Elle a été fermée en 1990 en raison de problèmes de sécurité.
03:34 Son démantèlement a commencé en 1995.
03:37 Première étape, retirer le combustible et les principaux composants irradiés, comme
03:44 les cuves et les générateurs de vapeur.
03:46 Ensuite, vidanger, démonter et décontaminer autant que possible tous les circuits ayant
03:57 été en contact avec les matières radioactives.
04:00 860 personnes sont chargées d'éliminer le grand projet d'amitié et d'ingénierie
04:09 germano-soviétique.
04:10 La deuxième étape du démantèlement, la démolition des bâtiments, est tout aussi
04:18 contraignante.
04:19 Les bâtiments contiennent en effet eux aussi des éléments faiblement ou moyennement
04:23 radioactifs.
04:24 C'est le cas du bâtiment spécial numéro 2.
04:28 Les milliers de mètres carrés de murs, de sol et de plafonds peuvent contenir des
04:33 radionucléides, des atomes instables qui se désintègrent en émettant une radioactivité
04:39 dangereuse pour la santé.
04:41 Là où ils sont détectés, il faut décontaminer.
04:44 Dans de nombreux locaux, souvent exigus, c'est un travail pénible, soumis à des
04:49 mesures de sécurité drastiques.
04:51 Millimètres après millimètres, on enlève les peintures murales, les revêtements, puis
04:58 enfin le béton en veillant à ne retirer que le strict nécessaire, jusqu'à ce qu'il
05:03 n'y ait plus aucune trace de radioactivité.
05:06 On trouve aussi de la radioactivité là où elle ne devrait pas se trouver, comme dans
05:11 cette pièce autrefois recouverte à mi-hauteur de tôle.
05:14 On savait que la contamination avait pénétré dans la structure en béton, mais personne
05:21 ne savait en quelle quantité.
05:22 Et on n'avait pas pu la mesurer jusqu'à maintenant parce que la pièce contenait des
05:27 éléments irradiés.
05:28 Il a donc fallu d'abord tout évacuer pour pouvoir ensuite s'attaquer à la décontamination
05:34 des lieux.
05:35 Près de 30 ans après avoir commencé, le démantèlement de l'ancien fleuron nucléaire
05:43 Est-Allemand est loin d'être terminé.
05:45 Un autre chantier traîne en longueur, celui de la construction de l'EPR de Flamanville.
05:54 L'EPR, c'est une histoire extraordinaire.
05:56 D'abord, c'est un réacteur qui a été conçu de façon assez difficile par un accord
06:06 politique franco-allemand.
06:07 Et donc, les gens du nucléaire de chaque côté ont dit "formidable, on va faire un
06:16 réacteur franco-allemand qu'on a appelé européen".
06:20 Bernard Laponche a débuté sa carrière dans la recherche nucléaire.
06:24 Dans les années 1960, il participe en tant qu'ingénieur à l'élaboration des premières
06:30 centrales françaises.
06:31 Aujourd'hui militant associatif, il met en garde contre les problèmes inhérents
06:37 à l'énergie atomique.
06:38 Donc un réacteur plus puissant, beaucoup plus complexe, beaucoup plus protégé, donc
06:46 théoriquement beaucoup plus sûr, pratiquement tellement compliqué qu'en plus d'une taille
06:53 inhabituelle, mais on est les meilleurs en construit.
06:58 La construction de l'EPR débute fin 2007.
07:05 Durée estimée des travaux, 54 mois.
07:09 Mais le chantier s'enlise et accumule les déboires.
07:12 Des composants défectueux et surtout des problèmes d'étanchéité sur de nombreuses
07:18 soudures à des endroits jugés critiques pour la sécurité.
07:22 Dès le début, catastrophique.
07:26 Des fautes industrielles hallucinantes auxquelles personne, même les antinucléaires, n'avaient
07:34 jamais pensé qu'on était incapable de faire du béton.
07:37 La dalle de béton de l'EPR a dû être refaite.
07:41 Il a fallu quatre ans pour faire le béton.
07:44 Comment expliquer de telles erreurs et de tel retard ?
07:47 À le Co-Institut de Darmstadt, Christophe Pissner analyse la sécurité et la technique
07:54 des réacteurs nucléaires.
07:55 Il faut bien comprendre qu'un réacteur nucléaire est un système très complexe.
08:01 Nous avons des normes de qualité et des exigences de sécurité extrêmement élevées, qui doivent
08:09 être définies dès la conception, puis appliquées, contrôlées et respectées tout au long de
08:14 la mise en œuvre.
08:15 Donc le béton, les soudures, des soudures un peu partout.
08:19 Cela signifie que toutes les parties concernées doivent satisfaire des standards très élevés
08:24 qui ne sont pas toujours respectés pendant la réalisation du chantier, ce qui peut entraîner
08:28 des retards considérables.
08:29 C'était promis pour la France en 2012, puis on a promis en 2017, puis on a promis en 2018,
08:38 puis on a promis en 2020, puis on en est à 2022.
08:43 EDF doit refaire certaines soudures défectueuses et difficiles d'accès avec un robot téléopéré.
08:49 Un énième problème venu encore alourdir la facture finale.
08:54 La leçon est terrible.
08:57 Le coût est passé de 3 milliards à 19 avec les coûts financiers d'après l'accord des
09:04 comptes.
09:05 Vous vous rendez compte ? 16 milliards.
09:08 Le père de la France.
09:13 Étant donné les phases de planification particulièrement longues, l'explosion des délais de construction
09:20 et la dérive des coûts, on est obligé de dire que ce système est extrêmement peu compétitif.
09:26 Et on en est là.
09:30 Et donc le fleuron du nucléaire français est une catastrophe industrielle.
09:35 La France n'entend pas changer de cap et envisage la construction d'autres EPR sur
09:43 plusieurs sites.
09:44 Le démantèlement des centrales nucléaires n'est pas non plus épargné par la dérive
09:48 des coûts.
09:49 A Greifswald, ils étaient estimés initialement à un peu plus de 3 milliards d'euros avant
09:55 d'être réévalués à 6,6 milliards d'euros.
09:59 Comment démanteler plus efficacement et plus rapidement ?
10:02 Pour éliminer la radioactivité dans les murs en béton, une nouvelle fraiseuse est
10:08 à l'essai.
10:09 Un gain en qualité de travail pour les hommes, mais qui ne permettra pas de rattraper le
10:14 retard sur le calendrier initial.
10:16 En 1995, on pensait que nous aurions terminé aux alentours de 2009.
10:23 Nous avons déjà dépassé le délai de plusieurs années et il nous en faudra encore quelques
10:30 autres, la décontamination du béton, c'est-à-dire l'assainissement des bâtiments, prend
10:35 nettement plus de temps que ce qui était prévu.
10:37 Des dizaines d'années supplémentaires nécessaires pour une décontamination désormais
10:44 envisagée à l'horizon 2035.
10:46 Viendra ensuite la démolition.
10:49 La fin du démantèlement est prévue pour 2065, soit 70 ans de chantier.
11:04 Depuis la sortie du nucléaire annoncée par l'Allemagne en 2011, d'autres centrales
11:11 ont fermé outre-Rhin.
11:13 L'arrêt des trois dernières était d'abord prévu pour fin 2022.
11:17 Mais face à la nouvelle donne énergétique induite par l'invasion de l'Ukraine, ces
11:22 fermetures pourraient être reportées.
11:24 En 2020, le nucléaire représentait encore 12,5% de la production d'électricité en
11:32 Allemagne.
11:33 Son abandon doit être compensé par les énergies fossiles et les importations, puis par les
11:38 énergies renouvelables.
11:39 La France, elle, continue de miser sur l'énergie nucléaire.
11:44 Tous les 10 ans, l'Autorité de Sûreté Nucléaire inspecte les réacteurs, le préalable
11:50 à leur autorisation d'exploitation.
11:52 Les 32 réacteurs mis en service dans les années 1980 font toujours débat.
11:56 Ces réacteurs-là, les 900 mégawatts, ils étaient construits pour 30 ans.
12:01 À Pé, on a dit 40 ans, ça va.
12:06 Point.
12:07 Et la stratégie ? On arrêtera à 40 ans.
12:09 Et les EPR prennent le relais.
12:12 EPR ne prend pas le relais.
12:14 Zut alors.
12:18 Eh bien, il faut prolonger les 900 mégawatts.
12:22 Prolonger de 10 ans l'exploitation de 32 réacteurs dont les composants n'ont pas été conçus
12:29 pour une telle durée ? Une mauvaise idée, selon Yves Marignac.
12:36 Cet expert indépendant en énergie conseille notamment l'Autorité de Sûreté Nucléaire.
12:42 Malgré des exigences de sécurité accrues, il porte un regard critique sur la prolongation
12:47 de la durée de vie des anciens réacteurs.
12:49 Quand il s'agit de prolonger la durée de vie des réacteurs en France, il ne s'agit
12:56 pas seulement de les maintenir en état, il s'agit d'améliorer leur sûreté.
13:01 Objectivement, sur le papier, c'est un beau programme et un bel objectif, mais dans la
13:07 réalité, c'est extrêmement compliqué.
13:10 Depuis la catastrophe de Fukushima, les centrales nucléaires françaises doivent notamment
13:16 être équipées de générateurs diesel de secours et de réserves supplémentaires d'eau
13:20 de refroidissement.
13:21 C'est en fait l'équivalent, sur une dizaine ou une quinzaine d'années nécessaires pour
13:30 traiter tout le parc, d'un chantier de construction de plusieurs réacteurs en termes de volume
13:39 de travail.
13:40 Et quand on voit la difficulté que connaît EDF à maîtriser la construction de l'EPR,
13:46 on imagine bien comment ce volume de chantier pour la prolongation de la durée de vie pose
13:52 problème.
13:53 Les anciens réacteurs sont-ils capables de fonctionner dix ans de plus sans accident ?
13:58 À l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, à Cadarache, Igor
14:04 Lebar et son équipe sont chargés de répondre à cette question.
14:07 Ce sont eux qui fournissent les informations permettant à l'autorité de sûreté nucléaire
14:13 de décider de la prolongation ou non des réacteurs.
14:16 Au centre de leur attention, le dôme en béton.
14:19 Le fameux dôme que vous avez autour d'une centrale, il est là pour garder la matière
14:25 en cas d'accident.
14:26 Donc il va devoir résister, rester étanche et résister à la pression, aux conditions
14:31 accidentelles qui sont assez importantes.
14:34 Quand on est en pression, c'est chaud et donc le béton est très important parce que
14:38 c'est lui à ce moment-là qui va devoir garder la matière.
14:41 Le dôme du réacteur ne peut pas être remplacé.
14:43 De sa stabilité dépend en grande partie la décision de maintenir une centrale nucléaire
14:49 en service.
14:50 Dans le béton, par exemple, il va y avoir la formation des guillettes spécifiques qui
14:55 vont faire gonfler le béton.
14:57 On imagine bien que quand le béton gonfle, il va se fissurer.
15:00 Ça va endommager ses caractéristiques.
15:03 Mais comment reconnaître une pathologie du béton avant que les premières fissures n'apparaissent
15:09 à l'extérieur ?
15:10 L'IRSN doit fournir des prévisions fiables pour les dix prochaines années.
15:15 Les chercheurs surveillent notamment leurs blocs d'essai à l'aide de câbles en fibre
15:19 optique classés dans le béton.
15:21 Si je tire dessus, on voit la courbe qui monte, on voit une bosse.
15:26 Et quand je la comprime, j'appuie dans l'autre sens, on voit qu'elle se déforme vers le
15:33 bas.
15:34 Ça représente les contraintes que voit la fibre.
15:37 Le principe, c'est que dans le béton, la fibre va être complètement noyée.
15:41 Et quand le béton va se déformer, on va avoir un pic qui va correspondre à une déformation.
15:47 Même un peu plus, le béton, en se déformant, peut fissurer.
15:51 C'est un matériau qui n'est pas homogène.
15:53 Donc des fissures peuvent se créer.
15:54 Et une fibre permet de voir ça.
15:58 Cette méthode ne fonctionne pas telle qu'elle sur les dômes en béton existants.
16:04 Peut-on quand même surveiller l'intérieur des ouvrages ?
16:07 Si on vient coller une fibre sur un ouvrage qui existe déjà, on ne va pas dire de suite
16:11 que l'ouvrage a une pathologie.
16:14 Mais à partir du moment où on commence le suivi, c'est quelque chose qu'on peut mettre
16:20 en place, même sur un ouvrage existant.
16:22 L'Autorité de Sûreté nucléaire a commencé son inspection des anciens réacteurs de 900
16:27 MW.
16:28 L'opération s'étalera jusqu'en 2031.
16:31 La décision de prolonger leur durée de vie se fera au cas par cas.
16:35 A Greifswald aussi, le béton pose problème.
16:40 Mais ici, en tant que déchet faiblement radioactif.
16:43 Il s'entasse, en attendant de pouvoir rejoindre le puits Konrad, une ancienne mine de fer,
16:49 reconvertie en centre de stockage définitif pour déchets de faible et moyenne activité.
16:54 Le puits Konrad abritera à terme 24 000 tonnes de déchets.
16:59 Les prévisions précédentes tablaient sur 16 000 tonnes, mais elles ont été revues
17:07 à la hausse, car elles prennent en compte non seulement les déchets de ce bâtiment,
17:12 mais aussi de tous les autres.
17:13 Tous les déchets transitent par cet endroit.
17:17 Environ 70 caisses de ce type passent chaque jour sur une machine qui mesure les rayonnements
17:22 radioactifs.
17:23 L'objectif est de vérifier si la radioactivité des déchets après décontamination est descendue
17:45 sous le seuil critique.
17:47 "Tous les déchets de la centrale doivent passer par cette machine.
17:51 Ça va donc prendre un bon bout de temps."
17:55 La procédure est conforme à l'ordonnance allemande sur la radioprotection.
18:01 Les déchets considérés comme inoffensifs peuvent être réutilisés.
18:06 Les pièces métalliques sont fondues, les gravats réemployés dans des travaux devoiris.
18:11 Les déchets dépassant le seuil critique, eux, doivent être si possible de nouveau
18:16 décontaminés ou sinon conditionnés en fûts de 200 litres.
18:21 Les déchets sont compactés pour économiser de l'espace, placés dans les fûts, puis
18:26 entreposés sur les sites des centrales nucléaires avant de pouvoir à terme rejoindre le puits
18:31 Conrad.
18:32 De nombreux fûts restent là des dizaines d'années, ce qui ne va pas sans incertitude
18:37 ou risque.
18:38 À l'Institut de technologie de Karlsruhe, des chercheurs veulent rendre le stockage
18:46 temporaire plus sûr.
18:47 Tania Barreto et Eric Renschler travaillent sur un système capable de contrôler les
18:57 fûts avec plus de précision que l'œil humain et facilement transportable.
19:01 Un scanner laser balaie la surface tandis que des appareils photocouleurs multiplient
19:15 les clichés sous tous les angles.
19:17 Renflement, bosse, début de rouille… Le système détecte la moindre modification
19:25 et attire ainsi l'attention sur les zones non-étanches.
19:28 On peut alors reconditionner les déchets avant qu'une fuite radioactive n'ait
19:33 lieu.
19:34 Une sécurité que les contrôles actuels ne garantissent pas.
19:37 Dans la plupart des sites de stockage temporaire, des centres de collectes régionaux, les contrôles
19:43 sont encore réalisés par le personnel.
19:44 Un employé effectue un contrôle visuel à la surface du fût et note ses observations
19:50 dans son carnet de rapports.
19:52 Nous nous sommes fixés comme objectif d'étendre l'outil numérique dans ses procédures
19:59 de contrôle car il y a un énorme potentiel dans ce secteur.
20:02 Il n'existe pas encore de procédure standard pour vérifier la sécurité du stockage en
20:10 fût des déchets nucléaires.
20:11 Nous sommes très en avance en Allemagne sur le témentellement.
20:16 Mais d'autres pays vont finir par s'y intéresser de plus en plus.
20:22 D'autant que notre système mobile rendra l'opération plus rentable.
20:26 Le stockage temporaire exige de la sécurité, mais aussi beaucoup de place et revient cher.
20:38 Le centre de stockage temporaire Nord se situe juste à côté de la centrale de Greifswald.
20:44 Selon l'exploitant, sa construction a coûté 240 millions d'euros.
20:49 20 000 mètres carrés sur lesquels s'entassent des déchets de démantèlement radioactif.
20:54 Le centre de stockage est rempli à 70% de sa capacité.
21:00 Hormis la galerie qui abrite les gros composants et qu'on ne peut bien sûr pas remplir jusqu'au
21:12 plafond, les autres galeries sont déjà bien pleines.
21:15 Mais il reste quand même de la place pour d'autres déchets de démantèlement.
21:21 Plus pour très longtemps.
21:23 Et le puits Konrad ne devrait être opérationnel qu'en 2027.
21:27 Plus préoccupant encore, le sort des déchets hautement radioactifs.
21:32 Plus de 5000 éléments de combustible usé issus de l'exploitation de la centrale sont
21:37 stockés dans 74 conteneurs K-Store.
21:40 La galerie ne répond plus aux normes de sécurité en vigueur.
21:43 Une nouvelle construction s'impose.
21:45 Nous souhaitons transférer ces conteneurs dans une nouvelle galerie d'ici 2027.
21:51 Mais nous en sommes encore en phase d'autorisation.
21:54 Loin d'être un long fleuve tranquille, la sortie du nucléaire décidé par l'Allemagne
22:00 est rendue encore plus compliquée par le casse-tête des déchets radioactifs.
22:04 À La Hague, dans la Manche, on mise sur leur valorisation.
22:09 L'usine de retraitement recycle le combustible usé hautement radioactif en acceptant les
22:16 coûts et les risques inhérents.
22:17 Les éléments de combustible usé doivent d'abord refroidir dans la piscine de désactivation
22:24 de leur centrale nucléaire.
22:25 Deux à trois ans plus tard, ils sont expédiés à La Hague où ils sont stockés temporairement
22:31 dans ce genre de bassin.
22:32 Tout le combustible usé français arrive ici, soit une masse d'environ un millier
22:39 de tonnes par an.
22:40 Les combustibles, une fois qu'ils arrivent en piscine, ils vont passer en moyenne entre
22:45 5 à 7 ans dans les piscines en vue d'opérer la décroissance thermique des combustibles.
22:51 Ensuite, on va opérer les opérations de traitement recyclage.
22:55 Sur le site de La Hague, sur nos quatre piscines, à fin d'année dernière, nous avions un
23:00 peu moins de 10 000 tonnes de combustible usé et entreposé dans les piscines.
23:04 Mais les piscines se remplissent vite et arriveront bientôt à saturation.
23:09 Leur capacité maximale est de 14 000 tonnes.
23:13 Moins d'un tiers est encore disponible.
23:15 Les RSN tirent depuis longtemps la sonnette d'alarme.
23:18 Une fois que les piscines au niveau du site de La Hague sont pleines, vous allez remplir
23:23 les piscines des réacteurs parce que ces combustibles doivent toujours être sous eau.
23:27 Une fois que les piscines des réacteurs sont pleines, vous ne pouvez plus recharger votre
23:32 réacteur, vous ne pouvez plus le décharger.
23:33 D'ailleurs, on va arrêter les centrales nucléaires.
23:34 C'est ça la conséquence.
23:36 Une nouvelle piscine d'entreposage devrait être opérationnelle d'ici 2034.
23:41 Or, selon les prévisions, les bassins existants seront saturés dès 2030.
23:48 On voit qu'on ne fait plus le joint.
23:50 Notre rôle a été de dire, attention, on n'est plus sûr qu'on fait le joint.
23:56 Et aujourd'hui, il y a des alternatives qui sont en train d'être réfléchies pour
24:00 justement arriver suffisamment tôt.
24:01 Alternative la plus probable pour faire le joint, remplir davantage les piscines d'entreposage
24:09 actuelles.
24:10 Comment nous allons procéder ? En introduisant des nouveaux paniers qui auront une section
24:18 un peu plus réduite et une emprise au sol un peu plus petite pour nous permettre d'ajouter
24:23 30% de combustible en plus dans nos piscines et ce en respectant nos décrets.
24:28 Chaque panier contient 9 éléments de combustible.
24:32 Le plan est de réduire l'espacement entre chaque panier pour entreposer plus de déchets
24:37 irradiés sur une même surface.
24:39 Moins d'eau, c'est aussi plus de radioactivité.
24:42 Une solution risquée ? On avait des recommandations qui étaient autour de la robustesse.
24:47 Pour faire simple, une piscine d'entreposage reste sûre à partir du moment où il y a
24:52 de l'eau à l'intérieur.
24:53 Nous on a fait un avis récemment sur le sujet où on a estimé que les améliorations qui
24:59 avaient été apportées aux entreposages étaient satisfaisantes et que la sûreté était satisfaisante.
25:03 Cet avis favorable permet à l'usine de La Hague de poursuivre son activité de retraitement.
25:09 Concrètement, il s'agit de récupérer et traiter les matières nucléaires valorisables.
25:17 À la sortie du réacteur, un combustible nucléaire usé contient 95% d'uranium, dont seule une
25:25 infime fraction est encore fissile, 1% de plutonium et 4% de produits de fission.
25:31 100 g d'uranium ou 1 g de plutonium permettent de produire autant d'énergie qu'une tonne
25:37 de pétrole.
25:38 Un potentiel énergétique considérable qui explique pourquoi la France est engagée dans
25:43 la voie du retraitement.
25:44 Le recyclage des combustibles usés permet d'économiser des ressources naturelles.
25:51 On extrait 96% des matières valorisables qui vont permettre de reproduire de l'électricité
26:01 bas carbone derrière.
26:02 La première étape consiste à récupérer l'uranium et le plutonium.
26:09 L'uranium de retraitement n'est pour le moment pas recyclé.
26:13 Le plutonium, si.
26:16 En MOX.
26:17 Chaque année, 1000 tonnes de combustibles usés produisent 10 tonnes de plutonium de
26:23 retraitement à partir duquel on fabrique le MOX, un combustible à base d'oxyde mixte
26:28 de plutonium.
26:29 Un rendement aussi faible justifie-t-il les risques pris et les coûts engagés ?
26:34 À mes yeux, il ne s'agit pas d'une stratégie judicieuse, que ce soit d'un point de vue
26:41 écologique, économique ou en termes de besoin de matières fissiles.
26:44 Nous avons extrait à ce jour suffisamment d'uranium.
26:49 La nécessité d'un retraitement tel qu'elle était envisagée à l'origine ne s'est
26:53 donc jamais justifiée.
26:54 Malgré l'hypothèse récente émise par la SN d'arrêter à terme cette activité,
27:00 la France est le seul pays à persister malgré tout dans la voie du retraitement.
27:04 Et sa filière nucléaire ne compte pas s'arrêter là.
27:08 Le grand principe de la filière française, c'est la fermeture du cycle.
27:12 Ça veut dire pouvoir recycler le combustible de façon quasiment infinie, de façon à
27:26 plus faire appel à de ressources naturelles, à de l'uranium naturel.
27:31 À Markhoul, dans le Gard, le CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, travaille dans cette
27:40 optique.
27:41 Récupérer de l'uranium et du plutonium plus pur et plus efficace, afin de produire
27:46 un MOX encore plus performant.
27:48 La fermeture du cycle du combustible est au cœur des recherches de Philippe Prenez et
27:53 de son équipe.
27:54 D'ici 10 à 15 ans, le MOX devrait pouvoir alimenter tous les réacteurs de l'Hexagone,
28:00 première étape de la stratégie française.
28:03 La deuxième étape consiste à faire du multi-recyclage de ce combustible MOX dans
28:10 les réacteurs à eau pressurisée.
28:12 Aujourd'hui, il va falloir faire évoluer les procédés, les optimiser, voire proposer
28:19 d'autres procédés pour pouvoir traiter autant de quantités de MOX dans les usines
28:24 de retraitement à La Hague et dans les usines de fabrication du combustible MOX à Mélox.
28:30 C'est l'usine Mélox de Markoule qui produit le MOX.
28:33 Sa matière première, le plutonium.
28:36 Chaque année, elle en reçoit 10 tonnes.
28:39 Et voici le résultat final.
28:41 Sera-t-il à son tour réutilisable ? Récupérer le plutonium du MOX usé pour fabriquer à
28:50 l'infini de nouveaux éléments de combustible permettrait d'économiser jusqu'à 20%
28:55 des ressources en uranium.
28:57 Reste à savoir si cela en vaut la peine.
28:59 On sait que la qualité du plutonium en réalité se dégrade trop à travers ces cycles successifs.
29:09 Sa qualité se dégrade jusqu'à ce que, à un moment donné, ce plutonium ne soit
29:15 plus suffisant pour déclencher une réaction en chaîne critique dans le réacteur.
29:19 Jusqu'à présent, l'utilisation du MOX est limitée à un seul cycle.
29:24 Le retraitement est trop coûteux.
29:26 Le MOX usé est stocké à la Hague.
29:30 Il contient 6 fois plus de plutonium que le combustible standard, et met des dizaines
29:35 d'années à refroidir.
29:36 Le bilan de cette stratégie aujourd'hui en termes de sûreté, il est de faire porter
29:42 sur la population française un risque accru qui n'est justifié ni par des bénéfices
29:49 du point de vue énergétique, ni par des bénéfices du point de vue économique, ni
29:55 par des bénéfices du point de vue de la gestion des déchets.
29:57 Le retraitement du MOX devrait fonctionner à grande échelle à partir de 2035.
30:03 70 tonnes ont été retraitées à titre d'essai, soit à peine 2% du stock de MOX.
30:10 Les chercheurs du CEA restent toutefois confiants, et se projettent déjà plus loin.
30:16 Alors, c'est prêt le côté boite à gants ?
30:19 Oui, ça va, j'ai vérifié les lignages.
30:22 En ligne de mire, les réacteurs de quatrième génération ou surgénérateurs, qui permettraient
30:28 de fermer le cycle du combustible en recyclant entièrement le plutonium et en produisant
30:34 leur propre combustible à partir de l'uranium présent actuellement dans les stocks.
30:38 L'ultime étape de la stratégie française.
30:41 Ici, on fait de la science de haut niveau, on a une technologie extrêmement pointue
30:46 que l'on maîtrise, et les équipes que j'ai autour de moi, je suis convaincu qu'elles
30:52 relèveront ce défi, et je pense qu'on est sur la bonne trajectoire.
30:55 Les surgénérateurs sont censés, à terme, produire beaucoup plus d'énergie que les
31:01 réacteurs à eau pressurisés actuels.
31:04 Et ce, avec 4 fois moins de déchets hautement radioactifs.
31:08 Il faut dire très clairement que la technologie des surgénérateurs est à l'étude au niveau
31:18 international depuis 50-60 ans, et que les très nombreux projets pilotes, en France,
31:25 au Japon et en Allemagne, ont tous échoué.
31:27 Rhapsody, le premier surgénérateur français lancé en 1967, a fonctionné uniquement à
31:36 des fins de recherche.
31:38 Les prototypes ultérieurs, Phoenix et Super Phoenix, ont été abandonnés suite à plusieurs
31:44 incidents.
31:45 Une nouvelle tentative avec le projet Astrid est au point mort depuis 2019.
31:50 L'important, c'est qu'au CEA, on a gardé les compétences, on maintient une recherche
31:55 et développement active dans le domaine, pour être prêt au moment de la reprise
31:59 du projet, autour des années 2050.
32:02 Astrid était la clé pour envisager une industrialisation de nouveaux réacteurs de type surgénérateur,
32:11 et le choix politique, même s'il n'est pas assumé publiquement, a clairement été
32:16 fait de renoncer à cette perspective.
32:19 Officiellement, la France vise la fermeture du cycle du combustible pour la fin du siècle.
32:24 Il reste à peine 80 ans pour y parvenir.
32:27 C'est peu, au vu de la complexité de la technologie nucléaire.
32:30 Nous parlons ici d'un système hautement complexe, qui n'est pas encore abouti techniquement,
32:36 et dont on ne sait absolument pas s'il pourra être mis en œuvre un jour.
32:39 Et le cas échéant, à quel coût ? Pour moi, il s'agit d'une possibilité très
32:45 vague à envisager dans un avenir très lointain.
32:48 En attendant leur hypothétique retraitement, les éléments de combustible usés ne sont
32:54 pas considérés comme des déchets.
32:56 L'Hexagone stocke actuellement plus de 300 000 tonnes d'uranium.
33:06 30 000 tonnes supplémentaires d'uranium issus du retraitement.
33:10 3 000 tonnes de mox et 60 tonnes de plutonium.
33:15 Tant que vous pouvez prétendre qu'elles sont valorisables, le bilan est positif.
33:21 Mais évidemment, le jour où on ne pourra plus prétendre, parce qu'il est évident
33:28 aujourd'hui qu'une large partie de ces matières ne seront pas réutilisées, alors
33:34 ce jour-là, votre bilan passe de positif à très négatif parce que vous vous retrouvez
33:39 dans une situation beaucoup plus compliquée que si vous aviez laissé le combustible usé
33:44 en l'état.
33:45 Laisser les éléments de combustible usé en l'état, c'est la voie choisie par l'Allemagne.
33:52 Stockés à sec dans des conteneurs Kastor, ils sont entreposés temporairement sur les
33:58 sites des centrales nucléaires.
34:00 Après l'arrêt des trois dernières centrales en 2022, il y aura jusqu'à 1 900 conteneurs
34:05 de ce type outre-Rhin.
34:07 Pour le stockage définitif, les éléments de combustible encore hautement radioactifs
34:12 seront retirés des Kastor et reconditionnés.
34:15 Reste à savoir si les faisceaux de barres de combustible seront assez stables.
34:21 Chacune des barres irradiées est entourée d'une gaine en métal.
34:24 Ces barres ont passé plusieurs années dans l'eau, dans un réacteur, puis dans une piscine
34:32 de désactivation.
34:33 L'hydrogène a formé des liaisons chimiques avec les atomes métalliques des gaines, constituant
34:39 ce que l'on appelle des hydrures.
34:41 Au sein du métal, les hydrures forment des structures qui s'entrecroisent.
34:47 Ils peuvent fragiliser les gaines, voire provoquer leurs fissurations et entraîner la fragmentation
34:53 des éléments de combustible.
34:55 Sarah Weick, de l'Institut de technologie de Karlsruhe, étudie les effets de décennies
35:01 de stockage dans les conteneurs Kastor.
35:03 "On peut visualiser les effets de l'hydruration sur les propriétés de la gaine très simplement
35:11 avec une feuille.
35:12 J'enroule la feuille de façon à obtenir un tube.
35:15 Voilà, j'ai ma gaine.
35:18 Si sur la paroi externe, la fissure provoquée par hydruration est orientée dans le centre,
35:23 dans la distance de la circonférence, elle fera peu de dégâts sur le matériau.
35:26 Si je tire sur la feuille, il ne se passe pas grand-chose.
35:30 Si en revanche, la fissure est orientée dans l'autre sens, on obtient un tout autre effet.
35:36 Si je tire sur le papier, il se déchire immédiatement."
35:40 Pendant huit mois, des gaines spécialement préparées vont être soumises à des conditions
35:47 qui simulent plusieurs décennies dans un conteneur Kastor.
35:51 L'expérience doit permettre d'identifier les dommages subis par les gaines et de décider
35:56 si les barres de combustible sont suffisamment stables pour être reconditionnées en vue
36:01 d'un stockage définitif.
36:02 "Cette expérience à long terme est unique en son genre.
36:11 Par conséquent, elle est suivie de près, y compris à l'échelle internationale."
36:17 Une première, scrutée par les exploitants des centrales du monde entier et qui pourrait
36:22 contribuer à une meilleure sécurisation du stockage du combustible usé.
36:26 En France, le retraitement produit aussi des déchets hautement radioactifs.
36:32 Ces derniers sont vitrifiés, enfermés dans des conteneurs en acier et stockés temporairement
36:39 à la Hague dans ses 1900 puits.
36:41 "Je suis au-dessus d'un puits d'entreposage, donc il faut imaginer que sous mes pieds,
36:54 j'ai 9 conteneurs de déchets vitrifiés.
36:56 Et si je mets maintenant mes pieds sur deux puits d'entreposage, j'ai l'équivalent
37:02 des déchets de haute activité vie longue pour les besoins en électricité sur une
37:07 année complète d'un million d'habitants."
37:09 L'espace à la Hague est limité.
37:11 Les halls de stockage ont dû être agrandis à plusieurs reprises.
37:14 Ces déchets attendent maintenant leur transfert vers un site de stockage définitif.
37:19 C'est ici qu'il doit être construit, près du village de Bure dans la Meuse.
37:24 Un site d'enfouissement en profondeur des déchets de haute et moyenne activité, baptisé
37:29 CIGEO.
37:30 A 5 km au sud, l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs,
37:37 a implanté son laboratoire souterrain.
37:39 C'est à 490 mètres sous terre que sont testées les conditions d'un stockage définitif.
37:44 La géologue Emilia Huret dirige ce laboratoire.
37:48 Le type de roche joue un rôle essentiel dans la sûreté à long terme d'un centre de
37:53 stockage géologique.
37:54 La France a choisi l'argile.
37:56 "Cette couche d'argilite, elle se situe dans un large bassin sédimentaire qui couvre
38:01 une grande partie du territoire français.
38:04 Ce bassin sédimentaire est très bien connu, il a été longtemps étudié et il a cette
38:09 propriété d'être extrêmement stable.
38:12 C'est l'un des endroits les plus stables du monde.
38:14 Voici un morceau d'argile.
38:17 Vous pouvez voir son caractère extrêmement homogène, sa granulométrie très fine, l'absence
38:23 de porcs.
38:24 C'est toutes ces observations qui font d'elle les meilleures qualités de confinement."
38:28 Ce qui n'empêchera pas à long terme les matières radioactives ou RM de migrer avec
38:33 l'eau à travers la roche.
38:34 "Pour qu'une goutte puisse traverser à peu près 10 cm de roche, il lui faudra plus
38:39 de 100 000 ans.
38:40 Il faut imaginer qu'il faudra plusieurs centaines de millions d'années pour que la grande
38:48 majorité des RM ressortent."
38:50 La procédure d'autorisation du projet d'enfouissement devrait débuter en 2022.
38:55 En Allemagne, un centre de stockage définitif pour les déchets de haute activité devrait
39:04 être mis en service d'ici 2050.
39:06 A Paine, la Société fédérale pour le stockage définitif cherche encore le site approprié.
39:13 Jennifer Klimke a en vue trois types de roches qui pourraient garantir la sécurité pour
39:18 un million d'années.
39:20 "Le sel gemme se caractérise par une grande conductivité thermique.
39:25 Il faut savoir que dans un site de stockage définitif, la désintégration radioactive
39:33 génère de la chaleur.
39:34 Le sel gemme est capable de la dissiper.
39:37 Il est par ailleurs très dense et donc pratiquement imperméable, ce qui est évidemment très
39:42 important pour que l'eau ne puisse pas migrer à travers la roche.
39:46 L'argile possède aussi des propriétés très intéressantes.
39:52 Elle peut notamment lier les radionucléides à ses minéraux.
39:56 Ce processus qu'on appelle sorption empêche les radionucléides de migrer.
40:01 Le granit, enfin, est très solide.
40:06 Ce n'est pas pour rien que l'on emploie l'expression "dur comme du granit".
40:10 C'est aussi une roche très dense quand il n'y a pas de fissures et de crevasses.
40:15 Et elle possède une très bonne résistance thermique.
40:18 C'est-à-dire que la chaleur générée par la désintégration radioactive ne va pas
40:22 affecter ses propriétés.
40:24 Selon les données géologiques, 54% des terres Outre-Rhin seraient adaptées pour le stockage
40:31 définitif.
40:32 Elles sont réparties en sous-régions argileuses, alitiques et granitiques.
40:40 Parmi ces sous-régions, nous sélectionnerons des territoires au sein desquels nous choisirons
40:50 des sites qui feront l'objet d'une exploration souterraine.
40:54 Au laboratoire souterrain de Bure, on est nettement plus avancé.
40:59 La construction du site de stockage définitif devrait débuter au plus tard en 2027.
41:05 Le chantier, prévu pour durer 15 ans, sera suivi d'une phase de test.
41:10 Les déchets de moyenne activité seront entreposés dans une vingtaine de galeries de 10 mètres
41:15 de diamètre et d'un demi-kilomètre de long.
41:18 Capacité du site ? Environ 170 000 conteneurs.
41:22 Les premiers colis de déchets devraient arriver sur le site de Cigeo en 2030.
41:31 Les déchets de haute activité seront stockés dans ces alvéoles.
41:35 Les déchets de haute activité à Villon ont la spécificité de dégager de la chaleur.
41:41 Donc il faut qu'ils soient conditionnés de telle sorte que cette chaleur soit la plus
41:47 répartie possible et bien maîtrisée.
41:50 Démonstration avec ce film de Landra.
41:53 Un robot-pousseur introduira les colis de haute activité dans l'une des 900 alvéoles
41:59 de 150 mètres de long, emménageant suffisamment d'espace entre chacun d'eux.
42:05 Pour ne pas perturber la roche, la température des déchets nucléaires ne devra pas dépasser
42:11 90 degrés.
42:13 Un vrai défi, surtout si la France devait un jour entreposer le combustible MOX hautement
42:18 radioactif et extrêmement chaud.
42:21 Dans ce cas, le site devrait être adapté et étendu.
42:25 Cigeo est conçu pour accueillir environ 83 000 mètres cubes de déchets nucléaires,
42:33 dont près de la moitié est déjà produite et stockée temporairement.
42:36 Après la phase pilote, le Parlement décidera par voie législative de la poursuite ou non
42:43 de Cigeo.
42:44 Personnellement, en tant que scientifique, c'est une grande fierté de pouvoir participer
42:49 aujourd'hui à assurer la sécurité des générations futures.
42:54 Après son exploitation prévue pour durer 150 ans, le site sera définitivement fermé.
43:00 La problématique est importante.
43:01 Elle nécessite d'être prise en compte maintenant et de ne pas la reporter la charge et d'en
43:07 avoir la responsabilité.
43:08 C'est une responsabilité collective.
43:10 Une responsabilité collective et vis-à-vis d'un nombre infini de générations futures.
43:16 En Allemagne aussi, on compte bien assumer cette responsabilité.
43:27 A environ 1000 mètres de profondeur, le puits Konrad, près de Salzgitter, accueillera bientôt
43:35 le premier centre allemand de stockage définitif de déchets de faible et moyenne activité.
43:40 Des travaux titanesques doivent donner naissance à un gigantesque ouvrage souterrain.
43:45 Certaines des galeries de cette ancienne mine de fer sont considérablement agrandies
43:51 et renforcées par une double paroi de béton.
43:54 Ça fait presque 10 ans que nous travaillons pour creuser et déployer ce complexe de stockage.
44:05 Nous pensons que nous aurons terminé son aménagement d'ici deux ans ou plus tard.
44:21 L'idée remonte aux années 1980.
44:26 Mais le chantier s'est enlisé et les coûts se sont envolés, passant de 900 millions
44:32 à 4,2 milliards d'euros.
44:35 Je suis persuadé que nous atteindrons notre objectif et démarrerons le stockage en 2027.
44:40 Nous sommes dans la dernière ligne droite qui est la phase de stabilisation, c'est-à-dire
44:54 la répartition uniforme des contraintes.
44:55 Dans ce chantier pharaonique, l'évacuation de la roche excavée n'est pas le moindre
45:01 des défis.
45:02 Les premières chambres de stockage ont vu le jour.
45:06 De 7 mètres de large sur 6 de haut, elles formeront des galeries pouvant atteindre 1000
45:12 mètres de long.
45:13 D'ici quelques années, elles accueilleront les déchets radioactifs des démantèlements.
45:19 Les conteneurs seront empilés au fur et à mesure de leur arrivée.
45:26 Tous les 50 mètres, la galerie sera scellée par un mur en béton, puis remplie de béton
45:33 liquide.
45:34 Volume total autorisé, 303 000 mètres cubes de déchets.
45:39 Avec un seuil maximal de 303 000 mètres cubes, on est largement dans les clous.
45:46 Certaines estimations viennent pourtant battre en brèche cet optimisme, étable sur un volume
45:53 total de déchets nucléaires, de faibles et moyennes activités produits par l'Allemagne,
45:58 de 600 000 mètres cubes.
46:00 Sans compter que le respect de l'échéance de 2027 est conditionné par l'achèvement
46:06 et la mise en service dans les temps de bâtiments qui restent à construire.
46:09 Parmi eux figurent notamment un nouveau chevalement, une galerie tampon, un atelier et la zone
46:17 de transbordement.
46:18 Dans le centre de stockage temporaire de Greifswald, les déchets de faibles et moyennes activités
46:26 attendent en grande quantité, mais ils doivent d'abord être triés et reconditionnés.
46:31 Il faut les trier selon la nature du matériau et renseigner une base de données exhaustives,
46:41 données radiologiques, chimiques, tout doit être consigné.
46:45 Ce n'est qu'ensuite qu'on peut les reconditionner dans des conteneurs de stockage définitif
46:50 de type Conrad ou Mosaic.
46:52 C'est ce que nous sommes en train de faire pour les premiers colis qui partiront pour
46:56 le puits Conrad en 2027.
46:58 Pendant ce temps, dans la centrale de Greifswald comme dans les autres, les opérations de
47:05 fraisage, de décontamination et de démolition se poursuivent.
47:08 A l'avenir, ce robot pourrait participer au démantèlement.
47:13 Développé par un groupe de recherche de l'Institut de technologie de Karlsruhe, Gamabot
47:19 peut explorer des pièces, les mesurer et identifier les composants irradiés.
47:23 Les aspects techniques et sécurité d'un démantèlement sont d'ores et déjà maîtrisés.
47:34 Nous essayons maintenant de le rendre plus efficace, encore plus sûr et de faire en
47:41 sorte que le personnel sur place est le moins possible à se rendre dans les endroits risqués.
47:45 Notre second axe de recherche concerne la réduction des déchets radioactifs.
47:52 L'objectif à terme est de stocker seulement ce qui doit l'être.
48:00 Un autre robot, Manitou, est en développement.
48:03 L'ingénieur en génie mécanique Alena Wernke lui apprend à mesurer les rayonnements.
48:08 Manitou doit aller là où son congénère Gamabot a identifié des composants irradiés,
48:14 puis mesurer avec précision leur radioactivité.
48:16 Un laser balaie la paroi, ce qui permet de contrôler la distance.
48:21 En laboratoire, les résultats sont concluants.
48:24 Dans la pratique, en revanche, ce n'est pas aussi simple.
48:27 Nous avons récemment eu l'occasion de visiter l'intérieur d'une centrale nucléaire
48:33 et nous avons été confrontés à plusieurs problèmes, notamment en ce qui concerne le
48:37 sol.
48:38 Par exemple, comment faire en sorte que le système robotique reste toujours droit.
48:41 Les ingénieurs ont encore du pain sur la planche.
48:45 Manitou s'est aussi fraisée, à condition de changer sa tête d'outil.
48:50 L'espoir d'un robot polyvalent tout en un est-il réaliste ?
48:54 Ce serait merveilleux si on arrivait un jour à envoyer à l'intérieur un petit appareil
49:01 capable de tout faire.
49:02 On aurait qu'à le surveiller de l'extérieur et on ne devrait intervenir qu'en cas d'urgence.
49:07 Malheureusement, je ne crois pas que nous pourrons réunir toutes ces fonctionnalités
49:11 dans un seul robot.
49:13 On aura toujours besoin de plusieurs appareils, je pense.
49:16 A Karlsruhe, on se concentre entièrement sur les technologies nécessaires pour faire
49:21 face à la sortie du nucléaire.
49:24 En France, on envisage un nouvel horizon nucléaire, avec les petits réacteurs modulaires, appelés
49:31 aussi SMR.
49:32 D'ici 2030, la France veut investir 1 milliard d'euros dans cette technologie.
49:38 Des mini-réacteurs de 4 mètres de large sur 13 de haut, 10 fois moins puissants que
49:43 l'EPR.
49:44 Notre idée avec les SMR, c'est d'aller sur ce marché-là, donc de remplacer ces
49:51 petites centrales à charbon par des SMR.
49:55 Donc l'intérêt, il est évident, il est de décarboner complètement le système électrique.
50:02 Les petits réacteurs modulaires, comme celui en construction en Argentine, sont considérés
50:08 par beaucoup comme très prometteurs.
50:10 Car M25 est un réacteur à eau pressurisée d'une puissance de seulement 25 mégawatts.
50:17 Son concept date des années 1980.
50:20 Christophe Pissner a analysé les différents SMR actuels dans un rapport.
50:28 Les experts disent aujourd'hui qu'un SMR reviendra comparativement plus cher en termes
50:37 de performance qu'une grande installation.
50:39 Et qu'il ne pourra devenir compétitif que si on le produit en très grand nombre, c'est-à-dire
50:44 en série.
50:45 Or, en l'état actuel des choses, on peut émettre de gros doutes sur le fait que ces
50:52 systèmes deviennent un jour économiquement rentables.
50:54 Il y a une force de frappe de la filière nucléaire telle que peut-être des projets
51:02 se concrétiseront.
51:03 Mais les chances que les SMR soient un game changer sont, en France comme ailleurs, extrêmement
51:12 faibles.
51:13 Une centaine de concepts plus ou moins aboutis sont actuellement développés dans le monde.
51:18 Les concepts SMR les plus avancés visent un horizon tellement lointain qu'ils ne
51:25 joueront aucun rôle dans la transition énergétique.
51:27 Le ministère fédéral allemand de l'économie et du climat prévoit 169 milliards d'euros
51:37 pour le stockage temporaire et définitif de ces déchets nucléaires.
51:41 Emmanuel Macron a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs EPR.
51:47 Huit autres sont à l'étude.
51:49 Le ministère de l'Intérieur a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs
51:50 EPR.
51:51 Huit autres sont à l'étude.
51:51 Le ministère de l'Intérieur a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs
51:52 EPR.
51:52 [Bruit de moteur]