100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat. Année de Production :
Category
📺
TVTranscription
00:00:00 ...
00:00:09 -Bonsoir à tous.
00:00:11 Soyez les bienvenus sur Public Sénat.
00:00:13 Vous êtes au bon endroit.
00:00:15 Dans quelques minutes, vous allez pouvoir suivre
00:00:18 une nouvelle édition des agora du Sénat.
00:00:20 Aujourd'hui, c'est le thème de la laïcité débattue.
00:00:23 Une volonté du président Gérard Larcher,
00:00:26 qui est né à la suite de la grande marche du 12 novembre
00:00:29 pour le féminisme et pour la République.
00:00:31 Je vous donne le programme.
00:00:33 18h, d'ici quelques secondes, le discours de Gérard Larcher
00:00:36 avec une prise de parole de Yael Bourounpivé,
00:00:39 la présidente de l'Assemblée nationale.
00:00:42 18h15, la révélation d'un sondage sur la laïcité
00:00:45 et les services publics.
00:00:46 Puis, il y aura la présentation des travaux du Sénat
00:00:49 sur les agressions contre les enseignants
00:00:52 et sur l'application de la loi confortant
00:00:54 les principes de la République.
00:00:56 Je vous propose d'écouter le début de ces agora du Sénat.
00:00:59 -Cette agora est diffusée en direct sur Public Sénat.
00:01:02 Elle est ouverte à tous.
00:01:04 Je vois notamment de très nombreux étudiants
00:01:07 ce soir dans cette salle pour venir écouter,
00:01:10 échanger avec les grands témoins qui vont s'exprimer aujourd'hui.
00:01:14 Chercheurs, penseurs, magistrats,
00:01:17 professeurs, de nombreux représentants des cultes
00:01:21 et des courants philosophiques sont aussi présents
00:01:23 et nous les saluons.
00:01:25 Après la justice, après l'éducation,
00:01:28 thème des deux premières agora du Sénat,
00:01:31 place aujourd'hui à la laïcité
00:01:34 une rencontre qui s'inscrit, monsieur le président Gérard Larcher,
00:01:38 dans la continuité de la grande marche
00:01:40 du 12 novembre 2023
00:01:42 contre l'antisémitisme et pour la République
00:01:45 que vous aviez organisée avec la présidente
00:01:48 de l'Assemblée nationale, Yael Braun-Pivet,
00:01:50 après la marche, donc, la démarche, sans plus attendre.
00:01:54 Je vous cède la parole pour ouvrir cette agora.
00:01:57 -Merci. Merci à toutes et tous d'être là.
00:02:01 Merci particulièrement
00:02:03 au président de la Commission des lois, de la culture,
00:02:07 de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat,
00:02:11 qui, tous deux, font l'actualité du jour.
00:02:14 Saluer mes collègues
00:02:16 sénatrices et sénateurs, et particulièrement deux collègues
00:02:20 qui viennent de rendre un rapport,
00:02:22 Dominique Vérien, Jacqueline Nostage-Brignaud,
00:02:25 sur l'application de la loi de 2021.
00:02:29 Monsieur le préfet,
00:02:32 madame la présidente de chambre de la Cour d'appel de Paris,
00:02:36 mesdames et messieurs les intervenants,
00:02:38 messieurs et mesdames les représentants des cultes
00:02:42 et des familles philosophiques,
00:02:44 mesdames et messieurs.
00:02:46 Nous sommes très heureux de vous accueillir au Sénat
00:02:50 pour cet agora qui a pour thème "Laïcité menacée,
00:02:54 "République en danger".
00:02:56 Nous sommes en direct sur la chaîne parlementaire
00:02:59 à cet instant, et l'ensemble de nos échanges
00:03:03 vont être retransmis en direct.
00:03:05 Je remercie les intervenants
00:03:08 qui vont se succéder autour de cette table ronde.
00:03:11 Philippe Cour,
00:03:13 Marie-Odile Dervieux, mais on vous présentera,
00:03:16 madame la présidente,
00:03:18 Marcel Gaucher, Chloé Morin,
00:03:21 Yanis Roder, qui devrait nous rejoindre,
00:03:23 et madame Dominique Schnapper.
00:03:25 La présidente de l'Assemblée nationale,
00:03:28 qui ne peut être parmi nous, a souhaité nous délivrer
00:03:32 un message que nous écouterons dans quelques instants.
00:03:35 Je voudrais aussi remercier les représentants des cultes
00:03:39 et des familles philosophiques qui sont ici présents.
00:03:42 Le sujet qui nous réunit ce soir, c'est vrai,
00:03:45 c'est le fruit d'une démarche
00:03:47 à l'issue de la marche du 12 novembre
00:03:49 contre l'antisémitisme.
00:03:51 Et nous nous sommes dit, et je me suis dit,
00:03:54 il ne suffit pas de marcher, il faut maintenant
00:03:57 une vraie démarche qui nous permette d'aller plus loin.
00:04:00 Cette mobilisation nous était apparue
00:04:03 à la présidente de l'Assemblée nationale
00:04:05 et moi-même, indispensable, pour affirmer
00:04:08 que la République française ne laisserait pas
00:04:11 prospérer l'abjection.
00:04:12 L'antisémitisme, comme toutes les haines,
00:04:15 est un des symptômes des maux de notre société.
00:04:18 Quand il progresse,
00:04:19 montent avec lui tous les dangers.
00:04:22 Le ministre de l'Intérieur l'a d'ailleurs rappelé
00:04:25 le 27 février, monsieur le président
00:04:27 de la Commission des lois, devant votre commission.
00:04:30 Je n'oublie pas non plus
00:04:32 les actes antichrétiens et antimusulmans,
00:04:36 qui certes ont une dimension différente,
00:04:39 mais qui sont des réalités aussi.
00:04:41 Il faut avoir, me semble-t-il, le courage
00:04:44 de reconnaître que la totalité des 68 millions
00:04:47 de nos compatriotes ne font plus totalement nation
00:04:51 autour des valeurs républicaines
00:04:54 et notamment autour de la laïcité.
00:04:57 Et quand la laïcité est menacée,
00:05:00 c'est, me semble-t-il, et je le répète,
00:05:02 l'ensemble du modèle républicain qui est en danger.
00:05:06 Tout commence à l'école.
00:05:08 Quand 56 % des enseignants
00:05:12 reconnaissent être auto-censurés
00:05:14 et quand des proviseurs sont menacés de mort,
00:05:17 c'est un signal d'alarme
00:05:18 qu'il nous faut collectivement entendre.
00:05:21 Une mission conjointe de contrôle du Sénat
00:05:24 sur le signalement et le traitement des pressions,
00:05:27 menaces et agressions dont les enseignants sont victimes
00:05:30 vient de terminer ses travaux.
00:05:32 Nos présidents nous en livreront leur conclusion.
00:05:37 L'école n'est pas seule concernée.
00:05:42 Plusieurs grands témoins feront part des atteintes à la laïcité,
00:05:46 notamment dans le cadre du service public.
00:05:50 La laïcité est un des principes fondamentaux de la République,
00:05:54 comme le stipule l'article 1er de notre Constitution.
00:05:58 La loi de 1905 en est le socle.
00:06:01 C'est avant tout une grande loi de liberté.
00:06:06 Liberté parce que chacun se voit reconnaître
00:06:10 le droit de pratiquer ou non un culte
00:06:12 dans le respect des croyances d'autrui
00:06:15 et sans être contraint par les croyances majoritaires.
00:06:19 Liberté parce que tous les citoyens
00:06:22 se voient soumis aux mêmes règles.
00:06:25 Ainsi, grâce aux talents,
00:06:29 à l'engagement des parlementaires de l'époque,
00:06:31 au premier rang des Calaristides brillants,
00:06:34 la laïcité est devenue un mode de régulation,
00:06:37 une régulation des espaces distincts
00:06:39 du débat public et des convictions personnelles.
00:06:42 Chacun a en tête que la loi doit protéger la foi
00:06:46 aussi longtemps que la foi ne prétend pas
00:06:49 dicter la loi. Fin de citation.
00:06:51 Certes, tout n'a pas été réglé miraculeusement
00:06:56 par la loi de 1905,
00:06:57 et vous le verrez dans un rapport,
00:06:59 que trois ans après, la loi de 2021 n'a pas tout réglé
00:07:03 et qu'il en reste beaucoup à régler encore.
00:07:06 Mais revenons à la loi de 1905.
00:07:08 Il a fallu du temps, notamment, monseigneur,
00:07:11 pour que l'Eglise catholique et les catholiques
00:07:14 admettent pour eux l'intérêt de cette liberté
00:07:18 offerte à tous et se l'approprient.
00:07:20 Cette évolution n'a été possible
00:07:22 que parce que l'application de la loi de 1905
00:07:25 par les autorités républicaines
00:07:27 a, elle, été aussi pragmatique
00:07:31 et lucide.
00:07:34 Cette loi a été adaptée, depuis, je pense,
00:07:36 tout particulièrement à la loi confortant le respect
00:07:39 des principes de la République d'août 2021.
00:07:42 Lors de la discussion de ce projet de loi,
00:07:44 le Sénat avait souhaité renforcer la lutte contre le séparatisme,
00:07:48 mais il avait aussi rappelé le Sénat
00:07:50 combien il était essentiel de ne pas entraver
00:07:53 la liberté religieuse.
00:07:55 La mission d'information sur le bilan de l'application
00:07:59 de cette loi, j'ai évoqué mes deux collègues,
00:08:02 Jean-Louis Dominique Vérien a rendu ses travaux
00:08:05 et a fait des propositions quant à sa mise en oeuvre.
00:08:09 La loi de 1905, j'y reviens,
00:08:13 est le résultat d'un long processus de maturation
00:08:17 qui s'est imposé au culte, parfois dans la douleur.
00:08:20 Elle s'est parfois construite, je l'évoquais,
00:08:23 dans un affrontement qui s'est ensuite apaisé.
00:08:25 D'autres religions, en expansion,
00:08:29 ont fait irruption depuis la loi de 1905.
00:08:32 Je pense évidemment à l'islam,
00:08:34 deuxième communauté religieuse en France,
00:08:36 mais aussi au bouddhisme.
00:08:38 Je pense à l'évangélisme,
00:08:40 qui est une réalité qui n'existait pas
00:08:42 dans la même forme, monsieur le secrétaire général,
00:08:45 que celle de 1905.
00:08:48 Une large majorité de nos compatriotes
00:08:51 de culture et de religion musulmane
00:08:53 respecte et est attachée à la République.
00:08:56 Mais on doit s'interroger,
00:08:58 quand, selon un sondage publié en décembre dernier,
00:09:02 78 % de nos compatriotes français musulmans
00:09:06 estiment que la laïcité telle qu'elle est appliquée aujourd'hui
00:09:10 par les pouvoirs publics est discriminatoire,
00:09:13 je cite, envers les musulmans.
00:09:15 Il nous faudra faire preuve à la fois de pédagogie et de fermeté,
00:09:19 sans pour autant ébranler le fragile équilibre
00:09:22 bâti en 1905.
00:09:23 Cela était le cas de la loi de 2004,
00:09:26 encadrant le port des signes ou de tenues
00:09:29 manifestant une appartenance religieuse
00:09:31 dans les écoles, les collèges et les lycées publics.
00:09:34 A la veille de la célébration de son 20e anniversaire,
00:09:38 cette loi, élaborée au sein de la commission Stasi,
00:09:41 dont les travaux se tenaient au Sénat,
00:09:43 mérite d'être appliquée sans faiblesse.
00:09:45 Cette loi, dit Yanis Roder, qui l'écrit et le dit,
00:09:49 a été pensée pour protéger les individus
00:09:52 des pressions éventuelles. Fin de citation.
00:09:55 La laïcité, ne s'opposant rien
00:09:58 aux faits religieux, qui est une donnée sociale et sociétale
00:10:02 qu'on a peut-être négligée dans le passé,
00:10:05 de même qu'un attachement à des valeurs philosophiques
00:10:08 qui ont construit et structuré notre République.
00:10:12 Elle doit être sentie comme une protection de la liberté.
00:10:16 Il s'agit aujourd'hui pour l'Etat,
00:10:18 non pas d'être intrusif vis-à-vis des religions,
00:10:21 mais de les accompagner en fonction des besoins
00:10:24 qui leur sont propres à partir d'un dialogue rénové.
00:10:27 Je suis convaincu que la laïcité doit être défendue
00:10:30 avec rigueur, mais sans outrance.
00:10:32 La défense de la laïcité passe avant tout
00:10:35 par l'affirmation du modèle républicain
00:10:37 face à certaines formes de multiculturalisme,
00:10:40 de wokisme ou de radicalisme.
00:10:43 Cette bataille ne pourra être gagnée,
00:10:46 et ça rappellera quelque chose au préfet Cours,
00:10:49 dans un rapport que je faisais
00:10:51 au président de la République, François Hollande, en 2015,
00:10:55 après les attentats que nous avions connus,
00:10:59 que si le peuple français,
00:11:01 dans toutes ses composantes, demeure uni,
00:11:03 tout cela ne sera possible que s'il demeure uni
00:11:06 au sein de la communauté nationale
00:11:08 autour des valeurs qui nous rassemblent.
00:11:11 Ces valeurs, dont laïcité est une des pierres angulaires
00:11:14 et à laquelle cet agora est consacré,
00:11:17 je nous souhaite à tous et à toutes...
00:11:19 Vous êtes nombreux. Merci d'être très nombreux.
00:11:21 Pardonnez-moi s'il n'y a plus de place.
00:11:24 Je vous remercie.
00:11:25 -Merci, monsieur le président.
00:11:27 -Merci à vous.
00:11:28 -Cette agora, vous l'avez dit, s'inscrit dans la continuité
00:11:31 de la marche que vous aviez organisée
00:11:34 avec la présidente de l'Assemblée nationale.
00:11:36 Yael Braun-Pivet est présent ce soir
00:11:39 via une intervention vidéo que l'on va regarder.
00:11:42 -Merci, monsieur le président.
00:11:43 Je vous remercie.
00:11:45 -Merci à vous.
00:11:46 -Merci à vous.
00:11:47 -Merci à vous.
00:11:48 -Merci à vous.
00:11:49 -Merci à vous.
00:11:50 -Merci à vous.
00:11:52 -C'est une intervention vidéo que l'on va regarder.
00:11:55 -Monsieur le président du Sénat, cher Gérard,
00:11:58 messieurs les présidents de commission,
00:12:01 mesdames et messieurs les parlementaires,
00:12:03 chers collègues, mesdames et messieurs les élus,
00:12:06 mesdames et messieurs.
00:12:08 Le 12 novembre dernier, à l'appel de Gérard Larcher
00:12:11 et de moi-même, plus de 100 000 personnes
00:12:13 ont participé à la grande marche civique
00:12:16 qui est allée du Palais Bourbon au Palais du Luxembourg.
00:12:20 Un moment fort d'unité républicaine
00:12:22 qui n'était pas une fin, mais un commencement
00:12:25 et qu'il faut maintenant prolonger par une réflexion de fond.
00:12:28 C'est tout le but de ce colloque,
00:12:31 qui est une initiative que je salue.
00:12:33 J'aurais aimé être présente parmi vous
00:12:35 pour développer de vive voix ma vision de la laïcité.
00:12:38 Mais aujourd'hui, dans la perspective
00:12:41 de la Journée internationale des droits des femmes
00:12:43 et pour les 80 ans du droit de vote des Françaises,
00:12:46 j'ai le bonheur d'accueillir au Palais Bourbon
00:12:49 les homologues, les présidentes d'assemblées du monde entier,
00:12:53 réunies à Paris pour la première fois.
00:12:55 J'aurai ainsi l'occasion de promouvoir auprès d'elles
00:12:58 ce qu'est la laïcité à la française,
00:13:00 un modèle auquel je suis très attachée.
00:13:03 Dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale,
00:13:05 j'ai d'ailleurs apposé une plaque au siège d'Aristide Briand,
00:13:09 en hommage aux talentueux rapporteurs de la loi de 1905.
00:13:12 Mais je n'oublie pas qu'au Sénat,
00:13:14 malgré les réserves de grands laïcs comme Clémenceau,
00:13:17 le choix fut fait de voter le texte conforme
00:13:20 pour qu'il puisse être promulgué avant les législatives de 1906.
00:13:25 Déjà, l'esprit de compromis permettait au bicamérisme
00:13:29 de fonctionner dans le sens de l'intérêt général.
00:13:33 Car il n'est pas de république sans citoyens,
00:13:35 ni de citoyenneté sans laïcité.
00:13:38 Celle-ci ne figure pas en toute lettre dans la devise de notre pays,
00:13:42 mais elle est la condition même de ces trois termes,
00:13:45 liberté, égalité, fraternité.
00:13:48 Principe émancipateur,
00:13:51 la laïcité garantit la liberté de croire ou de ne pas croire,
00:13:55 la liberté de douter.
00:13:57 Elle confère les mêmes droits à tous,
00:13:59 hommes ou femmes, par-delà les croyances,
00:14:02 et rend possible un sentiment de solidarité humaine
00:14:05 qui transcende les appartenances culturelles et religieuses.
00:14:09 L'aigle précieux entre tous,
00:14:11 la laïcité subit de ce fait des attaques directes,
00:14:14 qui sont des attaques contre la République elle-même.
00:14:18 Mais au-delà des fondamentalistes qui l'ont toujours combattue,
00:14:21 elle suscite de manière plus diffuse
00:14:24 une certaine incompréhension dans les nouvelles générations,
00:14:27 pour qui, nous devons le constater,
00:14:29 elle n'est plus une évidence.
00:14:31 La gauche n'a peut-être pas été assez présente sur ce thème,
00:14:34 tandis qu'une partie de la droite, et toute l'extrême droite,
00:14:37 l'ont cantonnée à un rejet de l'islam.
00:14:40 La loi de 1905 a beau garantir la liberté de conscience
00:14:44 et le libre exercice des cultes,
00:14:45 une partie de la jeunesse n'a que trop tendance
00:14:48 à lui opposer un principe de liberté religieuse
00:14:51 qui autoriserait en toutes circonstances
00:14:54 l'affirmation publique de sa foi.
00:14:56 Soyons réalistes,
00:14:58 on ne fera pas accepter aux jeunes la laïcité par la contrainte.
00:15:01 Notre responsabilité politique consiste justement à l'expliquer,
00:15:06 à la faire connaître, pour mieux la faire vivre et la faire aimer.
00:15:11 À l'Assemblée nationale, en décembre 2022,
00:15:13 j'ai ainsi reconstitué le débat de 1905 dans l'hémicycle même,
00:15:18 avec des sociétaires et sociétaires honoraires de la comédie française,
00:15:22 en présence de 300 jeunes, avec qui nous avons ensuite débattu.
00:15:26 C'était passionnant et éclairant.
00:15:29 Cette initiative a fait l'objet d'une captation télévisée
00:15:32 qui constitue un support utile pour les enseignants.
00:15:35 C'est là un exemple, parmi d'autres, de médiation indispensable
00:15:39 qu'il nous faut lancer pour reconquérir les esprits,
00:15:42 en montrant tout ce qu'apporte la laïcité.
00:15:46 La loi du 24 août 2021,
00:15:48 confortant le respect des principes de la République,
00:15:50 a fait du 9 décembre la journée nationale de la laïcité.
00:15:54 Sachons nous emparer de ce rendez-vous annuel
00:15:57 pour toucher le grand public et les jeunes de manière ambitieuse.
00:16:01 Et puisque la loi de 1905 aura 120 ans l'année prochaine,
00:16:05 préparons dès maintenant cet anniversaire
00:16:07 pour faire oeuvre de pédagogie et de conviction républicaine.
00:16:11 Car la laïcité ne se négocie pas.
00:16:14 Elle est au fondement de notre pacte social.
00:16:17 Elle seule permet à la France de demeurer ce creuset
00:16:21 où l'unité sort de la diversité.
00:16:24 Bref, soyons laïcs en actes, transmettons nos valeurs,
00:16:28 expliquons les raisons fondamentales
00:16:30 pour lesquelles la République ne reconnaît,
00:16:33 ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
00:16:36 Je remercie donc profondément Gérard Larcher
00:16:39 d'avoir organisé ce colloque
00:16:41 et je suis de tout cœur avec vous.
00:16:43 (Applaudissements)
00:16:48 -Place à présent à la présentation des résultats du sondage
00:16:55 "Laïcité et services publics" réalisé par l'Institut CSA.
00:17:00 Un sondage qui a porté à la fois sur le principe de laïcité,
00:17:03 comment les Français le comprennent, à quel point ils sont-ils attachés,
00:17:06 et sur l'application de ce principe.
00:17:08 Juge-t-il que ce principe est aujourd'hui suffisamment respecté ?
00:17:11 Les Français en général et les agents du service public en particulier.
00:17:16 C'est l'objet de votre sondage.
00:17:17 Quentin Leweline, vous êtes directeur conseil à l'Institut CSA
00:17:21 et vous allez nous présenter les principaux résultats de votre étude.
00:17:25 -Je vous remercie. Bonsoir à toutes et à tous.
00:17:27 Avant d'entrer dans le vif du sujet
00:17:29 et de vous présenter les principaux enseignements de cette enquête,
00:17:32 juste quelques mots pour vous expliquer
00:17:34 la manière dont on a procédé pour la conduire.
00:17:37 Concrètement, l'enquête s'est déroulée du 21 au 27 février dernier
00:17:42 et nous avons interrogé un total de plus de 1 500 personnes.
00:17:46 Un échantillon, et c'est tout l'intérêt d'un sondage,
00:17:49 qui est représentatif de l'ensemble
00:17:51 de la population métropolitaine française
00:17:54 âgée de 18 ans et plus,
00:17:56 selon les critères de sexe, d'âge, de CSP,
00:17:59 de région de résidence et de catégorie d'agglomération.
00:18:02 L'idée étant de disposer d'un échantillon
00:18:04 qui reflète la structure réelle de la population française
00:18:08 sur ces critères.
00:18:09 Pour aller plus loin dans l'analyse,
00:18:11 on a intégré un sur-échantillon
00:18:13 d'un peu plus de 500 agents du service public.
00:18:16 L'idée, c'était de couvrir les trois fonctions publiques,
00:18:18 les agents de l'Etat, dont les enseignants,
00:18:21 des agents de la fonction publique territoriale
00:18:23 et des agents de la fonction publique hospitalière.
00:18:27 Tout l'intérêt, en tout cas,
00:18:29 ça nous a permis d'isoler les résultats
00:18:31 et de voir dans quelle mesure
00:18:33 les opinions, les perceptions et les ressentis
00:18:35 des agents du service public
00:18:36 rejoignés ou éventuellement différés
00:18:38 de ceux du grand public.
00:18:40 Alors, dans la mesure où je ne pourrai pas
00:18:43 vous partager tous les résultats ce soir,
00:18:45 ayez bien à l'esprit, en introduction,
00:18:48 que le mot laïcité fait clairement sens pour les Français.
00:18:52 La laïcité, spontanément et selon eux,
00:18:54 c'est synonyme avant tout de liberté.
00:18:56 Liberté de croyance, liberté de pensée,
00:18:59 liberté de religion, mais liberté avant tout.
00:19:02 Et ce qu'on voit, c'est qu'ils déclarent
00:19:04 bien comprendre ce principe, en tout cas a priori,
00:19:08 et connaître les différents droits et devoirs
00:19:12 qu'implique la laïcité.
00:19:15 J'insiste quand même sur le mot a priori,
00:19:17 parce que quand on creuse cette notion,
00:19:18 quand on gratte un petit peu auprès du grand public,
00:19:21 on s'aperçoit qu'en dehors de l'interdiction
00:19:23 de signes visibles religieux à l'école,
00:19:26 qui pour le coup est très bien décodé,
00:19:28 et bien finalement, ce qu'autorise
00:19:31 ou n'autorise pas la laïcité,
00:19:32 ce que permet ou ne permet pas la laïcité,
00:19:35 n'est pas si simple dans le détail
00:19:37 et peut être source de confusion.
00:19:39 Et d'ailleurs, si les agents du service public
00:19:42 se montrent plus sachants sur ce sujet,
00:19:44 eh bien force est de constater que même de leur côté,
00:19:47 parfois, la compréhension de ce que peut impliquer
00:19:50 dans la réalité la laïcité n'est pas toujours évident.
00:19:54 Alors on va d'abord s'intéresser au rapport
00:19:59 qu'entretiennent le grand public, les Français,
00:20:01 au principe général de la laïcité,
00:20:03 et puis on va voir aussi la perception de son application,
00:20:06 en particulier dans les services publics.
00:20:09 Premier constat ici,
00:20:11 les Français, dans leur très grande majorité,
00:20:13 vous le voyez à 70 %,
00:20:15 eh bien témoignent d'un attachement profond à la laïcité.
00:20:20 Vous voyez que c'est un score qui grimpe à 78 %
00:20:22 auprès des agents du service public,
00:20:24 et d'ailleurs, c'est quelque chose
00:20:26 qui est majoritairement partagé,
00:20:28 quel que soit son bord politique ou son rapport à la religion.
00:20:31 Dans le détail, on note toutefois,
00:20:34 vous le voyez, un décalage sur la courbe,
00:20:37 un décalage générationnel important, pour le coup,
00:20:39 et vous le voyez que si cet attachement
00:20:42 y culmine à 81 % auprès des personnes de 65 ans et plus,
00:20:46 eh bien il descend en dessous du seuil des 50 %
00:20:49 quand on se focalise sur les jeunes de 18 à 24 ans.
00:20:52 Et ce décalage générationnel, en fait,
00:20:55 on le retrouve en filigrane tout au long de l'enquête,
00:20:57 avec des jeunes qui se montrent plus détachés,
00:21:00 plus réservés, voire parfois critiques
00:21:03 vis-à-vis de la laïcité et de ce qu'ils en comprennent.
00:21:08 Et si effectivement, ce principe est majoritairement soutenu,
00:21:14 eh bien il suscite quelques crispations
00:21:16 au sein de certaines catégories de la population,
00:21:18 et parmi lesquelles les jeunes dont je parlais,
00:21:20 mais aussi les personnes de confession musulmane,
00:21:24 qu'elles soient d'ailleurs pratiquantes ou non.
00:21:27 Et effectivement, vous le voyez,
00:21:32 si 29 % des Français nous déclarent
00:21:35 que l'interdiction du port de signes religieux
00:21:38 visibles à l'école est une atteinte à la liberté de religion,
00:21:42 eh bien ce score grimpe à 49 % auprès des 18 à 24 ans,
00:21:47 et monte même à 63 %, pardon, à 59 % auprès des musulmans.
00:21:52 Si 36 % des Français jugent que la laïcité
00:21:55 est une source de discrimination,
00:21:57 eh bien ce point de vue est partagé
00:22:00 par à peu près un jeune sur deux,
00:22:03 et par 63 % des musulmans.
00:22:06 En parallèle de ça, on a des Français
00:22:10 qui font clairement en tout cas le constat
00:22:11 d'une menace qui grandit à l'égard du respect de la laïcité.
00:22:15 Vous le voyez, 77 % des Français déclarent
00:22:19 qu'il est de plus en plus difficile
00:22:20 d'appliquer les règles de la laïcité en France.
00:22:24 Alors, il y a des nuances dans la population,
00:22:27 mais ce qu'on voit, c'est que c'est un point de vue
00:22:28 qui est partagé par toutes les catégories.
00:22:30 Et en fait, cela rejaillit très clairement
00:22:34 auprès des agents des services publics directement,
00:22:38 puisqu'ils sont prêts d'un sur deux à éprouver une difficulté
00:22:41 pour faire respecter le principe de laïcité
00:22:44 dans les services publics aujourd'hui en France.
00:22:46 C'est un ressenti qui est partagé, vous le voyez,
00:22:49 par 63 % des enseignants.
00:22:52 Donc, un principe qui semble de plus en plus mis à mal,
00:22:56 alors que dans le même temps,
00:22:57 son respect dans les services publics,
00:23:00 vous voyez, constitue un enjeu d'importance
00:23:03 pour 86 % des Français et dont, dans le détail,
00:23:06 plus d'un sur deux va même jusqu'à nous dire
00:23:08 que cet enjeu est essentiel.
00:23:10 Vous voyez, c'est quand même très fort.
00:23:12 Et dans le détail, en regardant la courbe de l'âge,
00:23:14 on retrouve le décalage de perception
00:23:17 entre les générations dont je vous parlais,
00:23:19 vous le voyez, avec des jeunes qui sont nettement plus mesurés
00:23:22 que la moyenne sur ce point.
00:23:23 Si 62 % des 65 ans et plus
00:23:26 constituent cet enjeu comme essentiel,
00:23:28 eh bien, ils sont que 32 % parmi les jeunes de 18 à 24 ans
00:23:33 à le partager.
00:23:34 Alors, dans ce contexte,
00:23:39 et lorsqu'on demande aux Français
00:23:40 s'il faudrait assouplir ou renforcer les règles
00:23:43 en matière de laïcité en France,
00:23:45 vous voyez que le résultat est quand même assez tranché
00:23:48 et c'est l'attente d'un durcissement de la législation
00:23:50 qui s'exprime ici.
00:23:51 60 % des Français plaident pour un renforcement des règles.
00:23:55 Vous le voyez, c'est un score qui monte d'ailleurs à 69 %
00:23:58 auprès des 65 ans et plus
00:23:59 et jusqu'à 76 % parmi les sympathisants de droite.
00:24:03 À l'inverse, on voit que seulement 9 % des Français
00:24:07 considèrent qu'il faudrait, à l'inverse,
00:24:09 assouplir ces règles en matière de laïcité.
00:24:12 Mais c'est intéressant parce que, quand on creuse,
00:24:14 on voit effectivement que chez les jeunes,
00:24:15 c'est défendu par un quart d'entre eux
00:24:18 et ça monte à plus d'un tiers
00:24:20 parmi les personnes de confession musulmane.
00:24:23 Autrement dit, chez ces deux catégories de la population,
00:24:26 les jeunes et les personnes de confession musulmane,
00:24:29 ils ont des avis très partagés sur cette question,
00:24:34 sur ce qu'il conviendrait ou pas de faire
00:24:36 et ça contraste très nettement
00:24:38 avec le résultat observé à l'échelle nationale.
00:24:41 Une attente de durcissement de la législation,
00:24:44 qui conduit d'ailleurs une majorité de Français,
00:24:47 à aller jusqu'à prôner en tout cas un effacement total
00:24:51 de tout signe religieux dans l'espace public
00:24:54 et pour tout le monde.
00:24:56 Vous voyez, 61 % des Français sont d'accord
00:24:58 avec cette logique d'interdiction,
00:24:59 dont 37 % qui vont même se dire tout à fait d'accord avec cela.
00:25:05 Et dans le détail, on note que seuls les Français
00:25:07 de confession musulmane se déclarent majoritairement
00:25:10 en désaccord avec cette idée.
00:25:12 Mais vous voyez que finalement, quand on regarde bien les chiffres,
00:25:14 ils se montrent quand même assez partagés,
00:25:17 puisque s'ils sont 56 % à être en désaccord,
00:25:20 on en a quand même 40 % qui, à l'inverse,
00:25:22 soutiennent aussi cette idée d'un effacement total
00:25:24 des signes religieux dans l'espace public et pour tout le monde.
00:25:28 Alors, pour mieux comprendre la menace perçue sur la laïcité,
00:25:33 on a voulu savoir comment elle s'incarnait concrètement
00:25:36 dans le quotidien des Français.
00:25:38 Et finalement, voir si ces derniers étaient directement,
00:25:41 personnellement, en tout cas confrontés
00:25:45 à des situations problématiques en la matière.
00:25:48 Qu'ils soient témoins de situations dans lesquelles ils estiment
00:25:51 que la laïcité a été remise en cause,
00:25:54 ou alors en raison d'un comportement, d'un propos
00:25:57 qu'ils auraient pu avoir, tenir,
00:25:59 et pour lesquels on leur aurait signifié
00:26:01 qu'ils étaient non conformes à la laïcité.
00:26:06 Ce qu'on voit, c'est qu'on a à peu près une part importante,
00:26:09 42 % qui vont justement déclarer avoir déjà été témoins,
00:26:13 au moins une fois, d'une situation dans laquelle ils estiment
00:26:15 que la laïcité a été remise en cause.
00:26:18 Un score qui s'élève à 49 % chez les 18 à 24 ans,
00:26:22 à 51 % parmi les Français de confession musulmane,
00:26:26 et vous le voyez, qui culmine à 57 % chez les enseignants,
00:26:30 des enseignants qui apparaissent clairement en première ligne
00:26:33 pour constater les remises en cause de la laïcité.
00:26:37 En parallèle, on a plus d'un Français sur 10, 16 %,
00:26:42 qui déclarent s'être déjà vus reprocher un comportement,
00:26:47 une attitude, un propos, jugés non conformes à la laïcité.
00:26:51 Des situations auxquelles, là encore une fois,
00:26:52 les jeunes et les musulmans se disent davantage,
00:26:56 en tout cas exposés, puisque ça monte à 38 % parmi eux,
00:26:59 et vous voyez que quand on compare à l'échelle nationale,
00:27:02 c'est plus 22 points sur cet indicateur,
00:27:05 ce qui est considérable.
00:27:07 Alors, lorsqu'on est témoin d'une situation
00:27:09 dans laquelle on estime que la laïcité a été remise en cause,
00:27:11 c'est clairement et avant tout pour des histoires
00:27:13 de port de signes religieux visibles,
00:27:15 vous voyez, à 62 % de citations,
00:27:18 et viennent dans un second temps et quasiment à égalité,
00:27:20 à 38-40 % de citations,
00:27:22 les questions d'égalité entre les hommes et les femmes,
00:27:26 le refus de participer à certaines activités collectives,
00:27:29 qu'elles soient scolaires, culturelles, sportives,
00:27:32 ou alors la contestation de repas
00:27:34 qui pourraient être servis dans les cantines scolaires
00:27:36 ou à l'hôpital.
00:27:37 La hiérarchie, elle diffère peu
00:27:40 du côté des agents du service public,
00:27:42 même si ces derniers vont davantage mettre en avant
00:27:46 des choses qu'ils voient dans leur quotidien professionnel,
00:27:48 notamment la contestation de repas,
00:27:52 et notamment à l'hôpital, et ça, on le voit très bien
00:27:54 auprès des agents de la fonction publique hospitalière,
00:27:56 mais aussi le refus de participer à certaines activités
00:27:59 qui ressortent très nettement chez les enseignants.
00:28:02 Quand maintenant on évoque des situations
00:28:05 où son propre comportement a été jugé non conforme à la laïcité,
00:28:09 c'est encore une fois majoritairement
00:28:11 le port de signes visibles religieux qui émerge à 35 %,
00:28:16 mais vous voyez qu'il y a quand même une multitude
00:28:17 d'autres domaines qui ressortent,
00:28:19 et dans des proportions assez proches,
00:28:22 mais j'insisterai peut-être sur les deuxièmes et troisièmes
00:28:23 qui arrivent ici, et notamment celle qui est le fait
00:28:27 d'avoir cherché à vouloir aménager, en tout cas,
00:28:30 des créneaux horaires, par exemple, spécifiques,
00:28:33 pour ne pas mélanger les hommes et les femmes,
00:28:35 les garçons et les filles.
00:28:36 Ça, c'est quelque chose qui ressort.
00:28:37 Et vous voyez que dans d'autres domaines,
00:28:39 on retrouve encore une fois des sujets d'égalité
00:28:42 entre les hommes et les femmes.
00:28:45 Alors, une menace perçue,
00:28:47 des situations problématiques vécues aussi par les Français,
00:28:51 qu'en est-il de l'avenir de la laïcité en France ?
00:28:55 Alors déjà, ce qu'il faut noter,
00:28:56 c'est que les Français sont très partagés
00:28:58 quant à la manière dont les pouvoirs publics
00:28:59 sensibilisent sur ce sujet,
00:29:04 aujourd'hui, aux règles, en tout cas, de la laïcité.
00:29:06 Et ils sont, vous voyez, autant à juger, finalement,
00:29:09 que cela est bien expliqué par les pouvoirs publics,
00:29:12 que l'inverse, et ce clivage,
00:29:14 il se retrouve exactement de la même manière
00:29:16 auprès des agents du service public.
00:29:18 Et en découle un besoin de pédagogie des Français
00:29:21 lorsqu'on leur demande de se prononcer sur les actions
00:29:24 qui seraient, à leurs yeux, les plus efficaces,
00:29:26 les plus pertinentes,
00:29:27 pour justement faire comprendre
00:29:29 les règles de la laïcité au grand public.
00:29:31 Il y en a deux, les actions proposées
00:29:32 qui se dégagent nettement ici.
00:29:34 C'est, en premier lieu, l'organisation de cours
00:29:36 dédiées à l'école, et en second lieu,
00:29:38 mais vous le voyez à un niveau très proche,
00:29:41 l'idée de faire des campagnes de communication
00:29:43 à grande échelle, au niveau national,
00:29:45 donc médiatique, pour sensibiliser à ce sujet.
00:29:50 Alors néanmoins, les Français se montrent quand même
00:29:53 très dubitatifs quant à la capacité des pouvoirs publics
00:29:56 à pouvoir affronter efficacement les problèmes
00:29:59 qui se posent en matière de laïcité
00:30:01 par rapport à son respect.
00:30:02 Vous voyez, 32% des Français témoignent de leur confiance
00:30:05 contre 37% d'avis contraires,
00:30:07 et on a encore près d'un tiers
00:30:08 qui a du mal à se prononcer sur ce point.
00:30:11 Et enfin, je terminerai mon propos
00:30:14 par ce résultat qui est peu enthousiasmant,
00:30:16 mais qui illustre aussi l'état d'esprit des Français,
00:30:19 des Français qui, comme vous pouvez le voir,
00:30:20 adressent un regard, en tout cas portent un regard sombre
00:30:24 sur le respect de la laïcité à l'avenir,
00:30:26 parce que vous le voyez, 64% se disent pessimistes à ce sujet,
00:30:30 dont près d'un cinquième, plus d'un cinquième,
00:30:33 qui vont même jusqu'à se dire très pessimistes.
00:30:36 Donc voilà, juste pour conclure rapidement,
00:30:37 mais il faut retenir que la laïcité,
00:30:39 c'est un principe qui fait sens pour un grand nombre de Français,
00:30:43 même si les contours concrets
00:30:44 ne sont pas toujours évidents à cerner, à maîtriser,
00:30:46 que les Français se montrent particulièrement attachés
00:30:49 à ce principe,
00:30:50 même s'ils le perçoivent aujourd'hui en danger,
00:30:53 et face à cette menace, ils vont majoritairement souhaiter
00:30:56 un durcissement de la législation en la matière,
00:30:59 mais en émettant, comme on l'a vu,
00:31:01 des doutes quant à la capacité des pouvoirs publics
00:31:03 à pouvoir y faire face à l'avenir.
00:31:05 Des jugements largement partagés par les agents du service public,
00:31:08 mais ce décalage générationnel qui s'observe avec des jeunes
00:31:11 qui se montrent nettement moins sensibles à ce principe,
00:31:14 plus réservés, voire critiques à son encontre,
00:31:17 et qui y voient finalement davantage les interdits
00:31:21 que l'idée de liberté.
00:31:23 Voilà, je vous remercie de votre attention.
00:31:25 (Applaudissements)
00:31:27 (...)
00:31:32 -Voilà pour cette étude éclairante,
00:31:34 une étude dans laquelle vous avez notamment parlé
00:31:37 des enseignants en première ligne,
00:31:40 qui résonnent avec les travaux du Sénat,
00:31:42 alors que les commissions des lois et de l'éducation
00:31:46 ont lancé l'été dernier une mission de contrôle
00:31:48 dotée des pouvoirs de commissions d'enquête
00:31:51 sur les menaces et agressions contre les enseignants.
00:31:54 L'objectif était de faire toute la lumière
00:31:56 sur la façon dont sont prises en considération
00:31:59 les pressions, les menaces, les agressions
00:32:01 dont les enseignants sont victimes,
00:32:04 mais aussi émettre des recommandations.
00:32:06 L'occasion aussi de faire un bilan de la loi confortant
00:32:09 le respect des principes de la République,
00:32:11 la loi dite "séparatisme" du 24 août 2021,
00:32:15 dont certaines dispositions venaient répondre
00:32:17 au terrible assassinat de Samuel Paty,
00:32:20 un sujet plus que jamais d'actualité
00:32:22 après qu'un proviseur à Paris a été menacé de mort
00:32:25 pour avoir demandé à des élèves de retirer leur voile.
00:32:29 J'appelle tout de suite les deux présidents de commissions.
00:32:32 François Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat,
00:32:36 Laurent Laffont, président de la commission de la culture
00:32:39 et de l'éducation.
00:32:41 Laurent Laffont, c'est vous qui commencez.
00:32:44 -Bonsoir. Je parlais, mais c'est à deux voix
00:32:50 qu'on pourrait s'exprimer,
00:32:51 puisque le travail, nous l'avons mené avec les deux commissions,
00:32:55 celle des lois présidée par François Noël Buffet
00:32:58 et celle de la culture, de l'éducation,
00:33:00 et du sport que je préside.
00:33:02 Cette commission d'enquête a été décidée par le Sénat
00:33:05 suite à un courrier envoyé par Mikaël Lepati,
00:33:08 la sœur de Samuel Paty, au président Gérard Larcher.
00:33:11 Nous avons décidé, trois ans après les faits,
00:33:14 de faire un état des lieux et, bien sûr, des recommandations
00:33:18 sur l'état des lois,
00:33:20 mais aussi des recommandations sur l'état des menaces,
00:33:23 des pressions, des tensions
00:33:25 qui existent au sein des établissements scolaires
00:33:28 dans l'application de la laïcité.
00:33:31 Autant le dire en début de propos,
00:33:34 notre constat et notre résultat
00:33:39 au terme de ces neuf mois de travail
00:33:42 est un constat emprunt d'une certaine gravité.
00:33:45 Je crois que...
00:33:47 Le thème sur la République en danger,
00:33:50 nous avons clairement dit dans notre rapport
00:33:53 que l'école était en danger
00:33:55 et qu'il ne fallait surtout pas sous-estimer,
00:33:58 minimiser la situation actuelle
00:34:01 et, bien sûr, y apporter des réponses adéquates.
00:34:04 Dans les quelques minutes qui nous sont imparties,
00:34:07 je vais essayer d'illustrer le propos
00:34:10 en quoi l'école est en danger actuellement.
00:34:15 D'abord, à travers un constat qui est l'ampleur du phénomène.
00:34:19 Ca nous a frappés à plusieurs regards,
00:34:23 quand on regarde le phénomène de différentes manières,
00:34:26 à travers différents prismes,
00:34:28 de constater que le phénomène est maintenant très diffus.
00:34:32 Ca ne concerne pas que le collège et le lycée,
00:34:35 mais l'école primaire et maternelle est impactée
00:34:38 et elle est fortement impactée
00:34:40 par des phénomènes de contestation,
00:34:42 en particulier des parents,
00:34:44 ça ne concerne pas que certaines disciplines.
00:34:47 Certaines disciplines sont plus exposées que d'autres,
00:34:50 on pense à l'histoire-géographie, aux sciences,
00:34:54 mais on voit bien, à travers des exemples concrets et nombreux,
00:34:59 que les disciplines littéraires,
00:35:01 les disciplines sportives,
00:35:03 les disciplines artistiques
00:35:06 sont aussi contestées sur de nombreux aspects.
00:35:09 Et puis, dernière illustration de l'ampleur de ce phénomène,
00:35:14 c'est aussi le fait que ça ne touche pas
00:35:16 que quelques établissements,
00:35:18 que quelques zones du territoire
00:35:21 où on sait qu'il peut y avoir des conflits
00:35:23 dans des quartiers difficiles.
00:35:26 On est sur un phénomène qui touche
00:35:29 pratiquement tous les établissements,
00:35:31 tous les territoires,
00:35:32 évidemment pas dans la même ampleur.
00:35:34 On a été frappé par un sondage de l'IFOP
00:35:37 qui disait, par exemple,
00:35:39 qu'un quart des enseignants dans le second degré
00:35:43 dans les écoles, dans les secteurs ruraux,
00:35:45 avait été victime de pression ou de menaces.
00:35:49 On a la même statistique,
00:35:50 un quart dans les établissements plutôt favorisés.
00:35:53 C'est l'illustration que le phénomène est d'une certaine ampleur.
00:35:56 Évidemment, le phénomène s'additionne,
00:35:59 se conjugue avec une autre réalité de nos établissements,
00:36:04 c'est la montée en puissance de la violence.
00:36:06 Violence qui est devenue d'une certaine manière endémique
00:36:08 et qui, à l'instar de la violence
00:36:11 que nous constatons dans notre société,
00:36:13 a pris une ampleur, une forme
00:36:16 d'une particulière intensité dans les établissements scolaires.
00:36:20 On a sorti quelques chiffres, je vais vous les épargner,
00:36:22 mais je voudrais quand même vous en donner trois
00:36:24 pour illustrer le propos.
00:36:25 Deux tiers des établissements du secondaire
00:36:28 déclarent au moins un incident grave.
00:36:31 Près de 11 000 enseignants du premier degré
00:36:35 sur une seule année scolaire, en l'occurrence 2021-2022,
00:36:39 ont déclaré avoir été victimes d'une bousculade intentionnelle
00:36:42 de coups ou de blessures. 11 000 enseignants.
00:36:44 Et autre chiffre significatif,
00:36:48 plus de 900 enseignants, cette fois-ci du second degré,
00:36:52 ont été victimes d'une menace avec arme
00:36:55 sur une année scolaire.
00:36:56 900 enseignants du second degré victimes d'une menace avec arme.
00:37:00 On voit bien qu'on est sur un phénomène
00:37:02 qui n'est pas un phénomène marginal,
00:37:04 qui est un phénomène très profond
00:37:06 et qui touche l'ensemble du milieu scolaire.
00:37:09 Alors évidemment, derrière ça,
00:37:11 il y a la contestation de la laïcité.
00:37:14 On pourrait en parler très longuement.
00:37:17 Je voudrais juste dire quelques éléments
00:37:19 qui nous ont frappés.
00:37:21 D'abord, on voit bien, et c'est un petit biais d'ailleurs
00:37:24 d'être dans toutes ces questions sur la laïcité.
00:37:27 J'avais tendance, en vous écoutant,
00:37:30 à présenter le sondage,
00:37:31 à quelle forme de laïcité les Français pensent
00:37:33 quand ils répondent aux questions.
00:37:35 Je ne suis pas sûr qu'ils pensent à la même chose.
00:37:39 Dans les établissements scolaires, la laïcité,
00:37:42 elle est définie.
00:37:43 En tout cas, elle essaye d'être définie.
00:37:45 Et c'est peut-être pour ça
00:37:47 qu'elle est plus facilement contestée dans les établissements,
00:37:50 parce qu'elle se traduit par des règles,
00:37:52 elle se traduit par des enseignements,
00:37:53 qu'elle est peut-être plus facilement contestée
00:37:55 dans les établissements qu'elle ne l'est ailleurs.
00:37:57 Et on voit bien qu'elle est contestée.
00:37:59 Elle est contestée d'abord par des élèves de plus en plus nombreux.
00:38:03 Elle est contestée aussi par quelques enseignants.
00:38:05 Et là, on voit bien un phénomène
00:38:07 que vous avez noté dans le sondage,
00:38:10 un phénomène générationnel.
00:38:11 On voit bien que dans les jeunes enseignants,
00:38:13 il y a une remise en cause, une interrogation,
00:38:16 ça prend des diverses expressions,
00:38:19 de la laïcité telle que nous l'entendons.
00:38:21 Et c'est la deuxième remarque que je voudrais faire
00:38:25 sur la laïcité au sein des établissements scolaires.
00:38:28 C'est qu'on voit bien qu'il y a une contestation de fond.
00:38:31 Les établissements scolaires ne sont pas à l'abri
00:38:33 des questionnements de notre société, évidemment.
00:38:35 On retrouve les mêmes questionnements.
00:38:38 La laïcité telle que nous l'a apprise et transmise
00:38:42 Jules Ferry, qui est une laïcité émancipatrice,
00:38:46 qui est une laïcité qui respecte l'éveil des consciences
00:38:50 et notamment des jeunes enfants,
00:38:52 en les protégeant ou en tout cas
00:38:56 en leur laissant leur libre arbitre
00:38:58 par rapport à d'autres influences possibles,
00:39:01 on voit bien qu'il y a une laïcité autre,
00:39:04 qui est mise en avant,
00:39:06 une laïcité qui serait plus bénévolente,
00:39:08 une laïcité qui serait plus tolérante,
00:39:10 une laïcité qui serait moins contraignante.
00:39:13 Et là, il y a un débat de fond
00:39:15 qu'on voit bien dans nos établissements
00:39:17 et qui, évidemment, est un débat qui nécessite des réponses.
00:39:21 Face à cela, et c'est une des grandes difficultés du sujet,
00:39:24 c'est qu'on sent bien une grande solitude de l'enseignant.
00:39:27 Évidemment, l'enseignant, par définition, par nature,
00:39:30 par vocation, il est seul dans sa classe.
00:39:33 Une solitude qui a longtemps été revendiquée
00:39:36 et qui a tout son sens
00:39:37 du point de vue de la liberté pédagogique.
00:39:39 Mais une solitude qui,
00:39:40 quand on a affaire à un phénomène aussi violent,
00:39:43 aussi profond, aussi déstabilisant que celui que nous constatons,
00:39:47 ça se révèle aussi comme un élément de fragilité
00:39:50 et un élément d'isolement de l'enseignant.
00:39:55 On l'a très nettement senti
00:39:58 à travers les très nombreux témoignages
00:40:00 que nous avons entendus.
00:40:02 Et par rapport à cette solitude de l'enseignant,
00:40:06 il y a évidemment, dans un certain nombre d'endroits,
00:40:09 une coupure qui s'est faite
00:40:11 entre la hiérarchie de l'éducation nationale
00:40:15 et entre les acteurs de terrain,
00:40:18 les enseignants ou les professeurs, les principaux,
00:40:20 les chefs d'établissement.
00:40:21 Ça, ça nous est paru, d'une manière très frappante,
00:40:24 de décalage dans le discours
00:40:26 entre ce qui ressort des rectorats
00:40:28 ou des services ministériels
00:40:30 et ce qui est dit par les acteurs de terrain.
00:40:33 Tout à l'heure, je vous disais que 900 enseignants du second cycle
00:40:38 avaient été victimes de pressions avec une arme.
00:40:41 L'éducation nationale ne dit pas qu'il y a 900 enseignants du second cycle,
00:40:45 elle dit qu'il y a 0,2 % des enseignants du second cycle.
00:40:48 C'est tout dire.
00:40:50 Si je dis 0,2 %, vous allez me dire que c'est marginal.
00:40:52 Si je dis 900, c'est évidemment beaucoup plus inquiétant.
00:40:55 C'est 9 par département, c'est 1 tous les 3 jours.
00:40:58 On n'est pas sur la même interprétation du phénomène.
00:41:03 Et cette solitude,
00:41:05 on voit bien qu'elle est corrigée dans les établissements
00:41:07 où cette question de la laïcité
00:41:09 n'est pas que la responsabilité
00:41:11 des professeurs d'éducation morale et civique,
00:41:13 les professeurs de EMC,
00:41:14 souvent les professeurs d'histoire-géographie,
00:41:17 elle n'est pas que la responsabilité du professeur
00:41:19 ou de l'institut de parole,
00:41:20 elle est une responsabilité collective.
00:41:22 Non seulement une responsabilité, elle est un projet collectif.
00:41:25 Quand la laïcité est portée dans le projet d'établissement,
00:41:30 on voit bien que c'est beaucoup plus facile de répondre,
00:41:33 de faire face aux difficultés, aux tensions.
00:41:36 Quand le professeur est isolé dans son savoir,
00:41:40 dans sa conviction ou dans la faiblesse de sa conviction,
00:41:43 évidemment, ce sera beaucoup plus compliqué.
00:41:47 Autre marque, parce qu'elle nous est apparue aussi très importante
00:41:51 dans le diagnostic,
00:41:52 c'est la présence des parents dans les établissements.
00:41:55 Non pas que la présence systématique des parents
00:41:57 soit forcément une mauvaise chose,
00:41:59 mais en l'occurrence, sur cette question-là,
00:42:01 on voit bien que ça peut être pénalisant
00:42:05 dans le respect de ce qui est dit au sein de l'école
00:42:09 sur la question de la laïcité,
00:42:11 de ce qui est dit de manière plus générale
00:42:13 comme expression de l'autorité de l'enseignant
00:42:15 et du chef d'établissement
00:42:17 quand les parents, sous une forme ou sous une autre,
00:42:20 sont présents, j'allais dire trop présents dans l'établissement.
00:42:23 Et toutes les statistiques et les données
00:42:26 ont bien montré que, de plus en plus,
00:42:27 la contestation n'était pas l'objet uniquement des élèves,
00:42:32 mais des parents, des parents qui viennent directement contester.
00:42:36 Les faits du lycée Maurice Ravel, on l'a bien vu,
00:42:39 il y a contestation aussi, par exemple, des parents.
00:42:42 Dans cette configuration...
00:42:43 Je vais m'arrêter parce que François Noël...
00:42:47 Dans cette situation un peu inquiétante,
00:42:53 il y a évidemment une profession qui doute
00:42:55 et une profession qui a été déstabilisée,
00:42:59 ébranlée par le double assassinat de Samuel Paty
00:43:02 et plus récemment de Dominique Bernard.
00:43:04 Il ne faut pas sous-estimer, il ne faut pas mésestimer
00:43:08 l'importance pour chacun des enseignants,
00:43:12 quelle que soit leur discipline,
00:43:13 quel que soit le niveau où ils enseignent,
00:43:16 de scolarité où ils enseignent.
00:43:18 D'où les phénomènes que nous avons constatés,
00:43:21 qui ont été largement commentés, notamment dans la presse,
00:43:23 d'autocensure, de difficulté de recruter,
00:43:26 voire de démission des enseignants.
00:43:28 On est vraiment dans une situation de manque de confiance.
00:43:32 Et face à ça, s'est développé aussi,
00:43:35 ou à côté de ça, ou à cause de ça,
00:43:37 s'est développé le phénomène du pas de vague,
00:43:39 qui est encore très présent,
00:43:41 malgré les volontés fortes d'un certain nombre de ministres dilutés,
00:43:46 on voit bien que ça reste très présent,
00:43:48 tout simplement, ne serait-ce qu'à travers notre commission d'enquête,
00:43:52 ou les témoignages que nous avons pu avoir des enseignants,
00:43:54 nous avons pu avoir parce qu'on leur a garanti l'anonymat,
00:43:57 et le fait que leur nom n'apparaîtrait pas,
00:43:59 que leur visage n'apparaîtrait pas,
00:44:02 c'est encore extrêmement présent
00:44:04 dans la réalité de l'éducation nationale actuelle.
00:44:08 Je voudrais juste terminer sur la question des réponses.
00:44:11 Quelle réponse on peut apporter ?
00:44:13 Je vais vous renvoyer à notre excellent rapport,
00:44:16 qui comporte 38 recommandations,
00:44:17 et je ne peux évidemment pas vous les présenter dans le détail,
00:44:20 mais je voudrais quelques éléments un peu généraux.
00:44:24 D'abord, je crois, et ça aussi, on l'a constaté,
00:44:29 la réponse, elle n'est efficace et audible que si elle est claire.
00:44:34 On l'a vu, par exemple, sur la question de la BAYA,
00:44:36 qui, il y a quelques mois encore,
00:44:38 pouvait faire peur à certains ministres de l'éducation nationale,
00:44:42 et quand un ministre a décidé de la mettre en oeuvre
00:44:45 de manière claire et généralisée sur l'ensemble des établissements,
00:44:49 elle s'est assez facilement mise en oeuvre
00:44:51 et elle n'a pas fait l'objet d'une contestation massive et forte.
00:44:58 Clarté, c'est évident.
00:45:00 Il faut aussi que tout cela s'inscrive dans une continuité.
00:45:03 On ne peut pas être sur la question de la laïcité,
00:45:06 sur la question de la nécessité
00:45:09 que nos établissements soient protégés de ces menaces
00:45:14 avec des effets de yo-yo, avec des remises en cause.
00:45:18 Je n'ose pas dire devant la présidente du Conseil des sages,
00:45:21 mais quand, en l'espace de quelques années,
00:45:24 on donne des missions très claires au Conseil des sages
00:45:27 et que, quelques mois après, on remet en cause sa composition,
00:45:30 ça manque de continuité et de clarté
00:45:33 dans la volonté réelle qui est mise en place.
00:45:38 Autre élément qui est au cœur de nos propositions,
00:45:43 c'est qu'il faut qu'il y ait une réponse globale.
00:45:46 On ne peut pas être uniquement sur une réponse qui renvoie,
00:45:50 même si c'est absolument indispensable, au cours de l'EMC.
00:45:53 On ne peut pas donner la responsabilité unique
00:45:55 de transmettre la laïcité à des professeurs d'histoire-géographie
00:45:59 à travers l'enseignement, à travers le savoir qui est de leur
00:46:02 et dire que les autres enseignants, les autres enseignements
00:46:07 ne sont pas concernés par la laïcité, non, la réponse est globale.
00:46:09 La laïcité, ce n'est pas un enseignement,
00:46:11 ce n'est pas une discipline.
00:46:12 La laïcité, d'abord, c'est une conviction
00:46:15 et puis c'est une règle de vie commune.
00:46:17 Et cette laïcité, elle doit être portée par tous
00:46:21 et c'est pour ça qu'on a essayé de faire des propositions
00:46:23 à tous les niveaux de l'engagement éducatif.
00:46:26 Dernière remarque que je voudrais faire,
00:46:29 c'est qu'évidemment, il ne peut pas y avoir
00:46:32 de reprise en main sur cette laïcité sans une volonté,
00:46:38 une volonté forte à tous les niveaux de l'éducation nationale,
00:46:42 pas uniquement ministérielle,
00:46:43 mais à tous les niveaux de la hiérarchie ministérielle.
00:46:47 Je voudrais juste terminer, si vous me le permettez, Président,
00:46:51 par citer le début de la lettre de Jules Ferry aux instituteurs,
00:46:54 une lettre de 1883.
00:46:56 "Des diverses obligations qu'il vous impose,
00:46:59 "celle assurément qui vous tient le plus à cœur,
00:47:02 "celle qui vous apporte le plus lourd surcroît de travail et de soucis,
00:47:08 "c'est la mission qui vous est confiée de donner à vos élèves
00:47:10 "l'éducation morale et l'instruction civique.
00:47:13 "Au moins, c'est clair."
00:47:15 Merci.
00:47:16 (Applaudissements)
00:47:24 C'est une mission et un rapport que nous avons commis ensemble
00:47:27 et qui nous a quand même beaucoup touchés sur la situation
00:47:32 et en même temps qui nous touchait beaucoup inquiétés.
00:47:36 La Commission des lois, ce matin, vient de rendre un autre rapport
00:47:40 qui a été établi par Mme Eustache-Brignaud et Mme Dominique Vérien,
00:47:44 qui sont toutes les deux présentes.
00:47:46 Elles l'ont fait à la Commission des lois,
00:47:49 au sein de laquelle il y a une reproduction à l'identique
00:47:51 de la Déclaration des droits de l'homme,
00:47:52 qui occupe d'ailleurs toute la hauteur du mur,
00:47:55 qui fait face au président de séance.
00:47:57 Et les commissaires ont ainsi en permanence, sous les yeux,
00:48:01 ce texte qui garantit nos libertés et cette laïcité.
00:48:06 Je ne vais pas rentrer trop dans le détail,
00:48:09 parce qu'on m'a fait des signes en disant "il faut que tu ailles vite",
00:48:11 donc je vais aller vite.
00:48:13 Simplement pour vous dire que la laïcité, elle est mise à mal.
00:48:19 Elle est mise à mal par ceux dont le projet politique
00:48:22 est d'imposer des règles religieuses ou prétendues telles
00:48:25 à la place des lois de la République.
00:48:27 Il y a eu, je dois le dire, longtemps un déni sur ce sujet.
00:48:30 Et nous avions salué en son temps le dépôt du projet de loi
00:48:32 confortant le respect des principes de la République,
00:48:35 qui marquait d'ailleurs une prise de conscience nécessaire
00:48:38 du péril que fait peser la radicalisation,
00:48:42 et j'insiste, la radicalisation religieuse sur notre pays.
00:48:44 Or, à la fin, finalement, cette loi du 24 août 2021,
00:48:48 le Sénat ne l'a pas votée.
00:48:50 Car ce texte, même s'il comporte des dispositions
00:48:52 qui nous paraissaient intéressantes,
00:48:54 nous paraissait quand même trop technique
00:48:56 et finalement pas suffisamment ambitieux.
00:48:58 Trois ans après son adoption, bien sûr,
00:49:02 nous avons décidé de mener une mission d'évaluation.
00:49:04 Et je viens de le dire, nos deux collègues sont présents.
00:49:07 Tout d'abord, pour constater à regret
00:49:10 que les réserves que nous avions fondées à l'origine,
00:49:12 eh bien, se sont malheureusement confirmées.
00:49:14 Tout d'abord, pour mieux aider les fonctionnaires
00:49:16 à respecter et à faire respecter la laïcité,
00:49:18 la loi a prévu de créer, je le rappelle,
00:49:20 des référents laïcités dans chaque administration
00:49:22 et de former tous les personnels.
00:49:24 Leur gouvernement a fixé l'objectif de 2025.
00:49:27 Disons-le d'emblée, même avec la meilleure volonté du monde,
00:49:30 ce sera impossible.
00:49:33 Ceci ne veut pas dire qu'il faille relâcher l'effort.
00:49:35 Des comportements d'agents publics, d'ailleurs,
00:49:36 contraires à la laïcité, existent,
00:49:39 comme l'a démontré d'ailleurs le rapport
00:49:40 de M. Patrick Pelou à l'hôpital.
00:49:42 Et nous savons tous qu'il faut, bien sûr,
00:49:45 aider nos agents à faire face aux atteintes à la laïcité
00:49:49 auxquelles ils sont quotidiennement confrontés.
00:49:52 S'agissant des référents laïcités, leur déploiement est lent,
00:49:54 car il faut trouver, bien sûr, les bons profils
00:49:56 pour exercer cette fonction.
00:49:58 Aider au respect de celle-ci, ce n'est pas la même chose
00:50:01 que d'appliquer des règles sur des relations
00:50:02 au sein d'une entreprise privée.
00:50:04 La laïcité est au coeur même des responsabilités
00:50:06 de chacun de nos agents.
00:50:08 Sur le fond, les bénéfices de la mise en place des référents
00:50:10 sont encore peu perceptibles à ce jour.
00:50:12 Nous attendons donc impatiemment
00:50:13 que le ministère de l'Intérieur mène à bien
00:50:15 le lourd travail de collecte et de compilation
00:50:18 du premier rapport annuel qui doit être rendu
00:50:20 au titre de l'année 2023.
00:50:22 Nous pensons que pour connaître la situation
00:50:24 dans les administrations et aider réellement les agents,
00:50:27 il nous faut fonder sur ce qui marche.
00:50:30 Nous proposons donc de créer dans chaque fonction publique
00:50:32 un collège sur le modèle du Collège des Sages de la laïcité
00:50:35 constitué au sein de l'éducation nationale.
00:50:38 Ce collège sera chargé d'animer le réseau
00:50:40 des référents de la laïcité,
00:50:41 de suivre l'organisation des formations
00:50:43 et de centraliser la remontée du nombre des saisines
00:50:46 et éventuellement, bien sûr, les questions posées.
00:50:48 La loi a également créé un nouveau délit,
00:50:50 le délit de séparatisme afin de mieux protéger les agents.
00:50:53 Force est de constater que ces faits
00:50:55 sont aujourd'hui relativement peu nombreux,
00:50:57 voire très peu poursuivis.
00:50:59 Le préfet de Seine-Saint-Denis nous a dit
00:51:01 ou nous a fait savoir
00:51:02 qu'il avait identifié lui-même trois dossiers.
00:51:04 On a pointé comme raison principale
00:51:07 le périmètre beaucoup trop restrictif du dit dispositif.
00:51:10 Nous souhaitons que rapidement, le garde des Sceaux
00:51:12 demande au procureur de mieux se saisir de cette question.
00:51:15 Mesdames les juges, je vous tiens à être présents ce soir
00:51:17 et nous allons étudier l'élargissement
00:51:19 du dispositif pénal
00:51:20 pour qu'il permette de répondre aux réalités quotidiennes
00:51:22 vécues par nos fonctionnaires.
00:51:24 Enfin, la loi du 24 août 2021 a aussi mis en place
00:51:27 un outil très controversé, mais validé par le juge,
00:51:30 le contrat d'engagement républicain.
00:51:32 Celui-ci avait été défendu d'arrache-pied, d'ailleurs,
00:51:34 par le gouvernement comme un instrument
00:51:35 potentiellement décisif pour lutter contre le séparatisme
00:51:38 dans les sphères associatives.
00:51:40 Je rappelle que ce dispositif conditionne
00:51:42 l'octroi de subvention publique
00:51:44 aux associations ou aux fondations
00:51:46 à dite signature du contrat.
00:51:48 La subvention peut être refusée aux organismes
00:51:50 qui ne remplissent pas les critères
00:51:51 ou retirée lorsque l'activité de l'association
00:51:53 est contraire, bien sûr, à ses principes.
00:51:56 L'enjeu était grand, puisque, je rappelle,
00:51:58 on dénombre en France plus de 1,5 million d'associations actives
00:52:02 et que près de 60 % d'entre elles
00:52:04 perçoivent des subventions publiques.
00:52:06 Bien entendu, la plupart sont irréprochables
00:52:09 sur le plan des valeurs de la République.
00:52:10 Il faut quand même le dire.
00:52:12 Mais il est impératif de souligner aujourd'hui,
00:52:14 comme nous l'avions d'ailleurs fait en 2021.
00:52:16 Mais gardons-nous de toute naïveté,
00:52:18 il existait et il existe encore des associations
00:52:20 en délicatesse avec nos valeurs,
00:52:22 et c'est précisément pour combattre celles-ci
00:52:24 que le contrat d'engagement républicain a été imaginé.
00:52:26 Alors nous, nous ne voilons pas la face.
00:52:28 Je reprends une expression utilisée ce matin
00:52:29 par nos rapporteurs,
00:52:31 "l'éléphant a accouché d'une souris".
00:52:33 Le contrat d'engagement républicain
00:52:35 est très loin de s'être imposé
00:52:36 comme l'instrument de référence
00:52:38 qu'il était censé devenir dans la lutte contre le séparatisme.
00:52:41 La faute en revient tout d'abord au choix réalisé
00:52:43 sur la mise en oeuvre concrète du dispositif.
00:52:45 Force est de constater que cette signature de document
00:52:48 relève aujourd'hui davantage d'une formalité administrative
00:52:52 que d'un quelconque engagement.
00:52:54 Les quelques chiffres que nous avons pu collecter
00:52:56 au cours de nos travaux
00:52:57 montrent le peu d'efficacité de la dite mesure.
00:52:59 Le contrat d'engagement n'a jamais donné lieu
00:53:01 à aucun refus de subvention en réalité.
00:53:03 Quant au nombre de retraits de subvention
00:53:05 pour manquement aux dits contrats,
00:53:06 nous en avons recensé 4 en 2 ans et demi.
00:53:10 Soit c'est inquiétant, soit c'est rassurant.
00:53:12 Mais on ne sait pas, finalement.
00:53:14 L'analyse de la liste des retraits de subvention
00:53:16 entraîne par ailleurs une certaine perplexité.
00:53:19 La plupart d'entre eux concernent plus
00:53:20 des associations militantes que séparatistes.
00:53:23 Sans se prononcer sur le bien fondé de leurs actions,
00:53:25 bien évidemment, qui peut être contestable à bien des égards,
00:53:27 force est de constater que la loi un peu,
00:53:29 entre guillemets, je le redis,
00:53:30 ça a été redit ce matin,
00:53:31 l'expression est, de bonne alloie, j'allais dire,
00:53:35 "taper à côté".
00:53:37 Comme nous l'avons dit,
00:53:38 comme nous l'ont dit d'ailleurs tous nos interlocuteurs,
00:53:40 il suffit finalement à une association
00:53:41 réellement séparatiste de ne pas solliciter de subvention
00:53:47 pour passer sous les radars.
00:53:49 Tout cela a eu un prix,
00:53:50 une dégradation assez nette des relations
00:53:52 avec le monde associatif qui, à tort ou à raison,
00:53:55 s'est sentie, par ailleurs, stigmatisée
00:53:57 par le dit dispositif.
00:53:59 Là aussi, et je vais bientôt terminer,
00:54:01 un sursaut s'impose.
00:54:02 Pour ce faire, nous recommandons de prendre exemple
00:54:04 sur certains préfets qui ont pris des initiatives intéressantes
00:54:07 et que nous appelons à généraliser.
00:54:09 Je crois qu'un d'entre eux est présent ce soir.
00:54:11 Il a donné instruction aux collectivités
00:54:13 de lui remonter l'ensemble des demandes de subvention
00:54:16 formulées par les associations cultuelles
00:54:18 afin de les soumettre à un contrôle approfondi.
00:54:21 J'en viens maintenant à l'autre instrument majeur du texte
00:54:24 relatif au monde associatif,
00:54:25 la modernisation du régime des dissolutions.
00:54:27 C'est en réalité le point de discussion majeur.
00:54:30 Le bilan est plutôt positif d'ailleurs sur ce point
00:54:32 puisque l'article 16 de la dite loi
00:54:34 a indéniablement favorisé le recours à la dissolution.
00:54:37 Si les 6 dissolutions décrétées en 2023-2024
00:54:40 étaient partiellement fondées sur le nouveau motif
00:54:43 de provocation à des assouchements violents
00:54:45 à l'encontre des personnes ou des biens,
00:54:47 certes, la dissolution des soulèvements de la terre,
00:54:50 de l'association Soulèvement de la Terre a été annulée,
00:54:52 mais nous disposons désormais d'une définition large et précise
00:54:55 de la notion de provocation.
00:54:58 Voilà un des points sur lequel nous voulions insister,
00:55:01 sachant que nous l'avions déjà fait observer
00:55:03 pendant les débats au Sénat
00:55:05 et que malheureusement, la proposition qui avait été faite,
00:55:08 singulièrement par la Commission des lois,
00:55:09 je vous prie de nous excuser de nous citer,
00:55:11 n'avait pas été suivie.
00:55:12 De manière générale, nous pensons que l'importance
00:55:14 de cette loi justifie que les services de l'Etat
00:55:16 puissent adapter leur organisation en conséquence
00:55:19 lorsque les circonstances locales le justifient
00:55:21 et nous plaidons donc pour la désignation
00:55:23 dans chaque département d'un sous-préfet
00:55:25 chargé d'émissions relatives aux valeurs de la République
00:55:27 et aux liens avec les associations culturelles.
00:55:30 Un sous-préfet exclusivement dédié à cette tâche
00:55:33 pourrait par ailleurs être nommé
00:55:34 dans les territoires les plus sensibles.
00:55:37 Dernier point qui devrait être central dans la loi de 2021,
00:55:40 la réforme du régime des cultes et de la loi de 1905.
00:55:43 L'organisation des cultes n'est pas notre sujet du jour
00:55:46 et je laisserai à ceux que la question intéresse
00:55:48 lire l'essentiel de notre rapport.
00:55:50 Je dirais juste d'un mot qu'ici encore,
00:55:52 le résultat est un peu décevant.
00:55:54 Les cultes les plus favorables à la loi
00:55:55 s'estiment aujourd'hui inutilement remis en cause
00:55:57 alors que les plus éloignés n'y sont pas véritablement rentrés.
00:56:02 Enfin, je souligne en conclusion que certaines mesures
00:56:04 sont trop peu investies par la justice.
00:56:06 D'ailleurs, il faut rappeler que dès 1905,
00:56:09 la loi réprimait les comportements séparatistes
00:56:11 des ministres des cultes et d'individus
00:56:13 prétendant imposer des pratiques religieuses.
00:56:15 Notre assemblée avait donc actualisé les peines
00:56:17 applicables aux ministres en question
00:56:19 qui incitent publiquement à s'opposer à la loi.
00:56:21 Nous avions également souhaité élargir
00:56:22 les circonstances aggravantes
00:56:24 qui, pour ceux qui obligent à l'exercice d'un culte,
00:56:26 nous voulons mieux sanctionner
00:56:27 ceux qui se livrent à de tels agissements
00:56:29 à l'intérieur des familles.
00:56:30 Alors la justice semble-t-il être peu saisie
00:56:32 des questions relatives à la police des cultes.
00:56:35 Vous l'aurez compris, notre constat de ce matin
00:56:37 n'est pas des plus brillants sur ce texte.
00:56:40 Néanmoins, il faut se constater
00:56:41 qu'il y a des améliorations tout de même,
00:56:44 mais qu'elles méritent maintenant...
00:56:46 Nous avions conclu un peu notre réunion de commission ce matin
00:56:48 en disant "Écoutez, nous avons donné les outils,
00:56:51 il faut maintenant que vous fassiez le travail."
00:56:53 Et en réalité, c'est un peu comme toujours dans ces situations,
00:56:56 on a de beaux textes, on a de belles idées,
00:56:59 mais les moyens qui suivent pour mettre en oeuvre
00:57:01 sont toujours manquants.
00:57:02 Je pense que c'est l'exemple de ce soir n'est pas le seul,
00:57:04 il y en a d'autres, mais qu'il y a urgence effectivement
00:57:07 à se donner les moyens.
00:57:08 Et je terminerai sur ce que disait le président Lafond
00:57:11 il y a quelques instants,
00:57:12 ce que nous avons vu dans nos écoles,
00:57:15 et je dis bien dans toutes nos écoles,
00:57:17 avec des intensités différentes,
00:57:19 mais dans toutes nos écoles,
00:57:20 nous inquiète profondément, il y a urgence.
00:57:23 (Applaudissements)
00:57:25 (...)
00:57:30 -M. le président, je vous invite à rester installé au centre.
00:57:35 M. le président, M. le chargeur à l'archer,
00:57:38 je vous invite également à nous rejoindre,
00:57:41 car nous allons avoir le plaisir et l'honneur
00:57:45 d'accueillir Marcel Gaucher, le philosophe,
00:57:48 historien, directeur d'études à l'EHESS,
00:57:52 l'école des hautes études en sciences sociales.
00:57:54 Chacun connaît vos travaux sur la démocratie.
00:57:57 Vous vous étiez entretenu avec le président du Sénat,
00:58:00 avec Gérard Larcher, sur la laïcité,
00:58:03 dans un opuscule intitulé "Loi de 1905,
00:58:06 "laïcité, religion et République".
00:58:09 Vos propos avaient été recueillis par Bruno Jeudy.
00:58:12 Ce soir, vous nous livrez vos réflexions
00:58:15 sur l'état de la laïcité en France.
00:58:17 Merci beaucoup.
00:58:18 -Merci.
00:58:20 Après ce que vous venez d'entendre,
00:58:22 vous ne serez pas surpris par ma première proposition.
00:58:26 L'exception française que constitue la laïcité
00:58:31 est en grand péril de dilution ou d'effacement.
00:58:35 Il va falloir beaucoup de résolution
00:58:39 et de force de conviction à ses défenseurs
00:58:42 pour la sauver.
00:58:43 Elle a contre elle trois ennemis puissants.
00:58:48 Indépendamment de toute pression religieuse,
00:58:51 et ce serait une grave erreur de se limiter
00:58:54 à ce seul facteur.
00:58:56 Elle a contre elle l'évolution même de nos sociétés,
00:59:00 pour commencer.
00:59:01 Elle a pour elle, elle a contre elle,
00:59:05 la démission de nos élites
00:59:07 face au rouleau compresseur de la mondialisation.
00:59:12 Et elle a enfin contre elle
00:59:16 cet ennemi discret mais inexorable,
00:59:20 qui me semble très utile d'évoquer dans ce lieu,
00:59:24 qui s'appelle le clientélisme électoral.
00:59:26 Il est juste d'incriminer la concurrence
00:59:32 du modèle anglo-américain.
00:59:34 En plus de son prestige culturel, à ne pas négliger,
00:59:39 il a pour lui la séduction irrésistible
00:59:44 de la solution de facilité.
00:59:46 Chacun croit et fait ce qu'il veut.
00:59:50 Mais s'il parle autant à d'autres jeunesses,
00:59:55 c'est aussi et surtout parce qu'il correspond
00:59:59 à l'évolution profonde de nos sociétés,
01:00:02 entre mondialisation par en haut
01:00:05 et individualisation par en bas.
01:00:08 Culturellement, cela se traduit par le relativisme
01:00:14 et le présentisme.
01:00:15 Nous avons basculé de l'inscription dans l'histoire
01:00:20 à la projection dans la géographie.
01:00:22 Nous vivions jusqu'il y a peu
01:00:26 dans la continuité avec le passé de nos sociétés.
01:00:30 Nous vivons désormais dans le présent du monde,
01:00:36 avec la relativisation radicale des repères culturels
01:00:42 que cela implique.
01:00:44 Donc, l'incompréhension foncière
01:00:48 de ce que les religions ont représenté
01:00:53 dans le passé de l'humanité.
01:00:55 Le grand problème des sociétés sorties de la religion,
01:01:00 la nôtre, de façon particulièrement marquée,
01:01:04 c'est qu'elles ne comprennent plus rien spontanément
01:01:09 à ce qu'ont été les religions
01:01:11 et à ce qu'elles demeurent
01:01:13 dans une très grande partie majoritaire du monde.
01:01:17 Par conséquent, elles ne comprennent plus rien
01:01:21 spontanément à ce qu'a pu vouloir dire
01:01:24 la séparation des religions et de l'Etat.
01:01:27 Et le flottement même sur l'idée de laïcité
01:01:31 qui nous a été rapporté tout à l'heure
01:01:33 l'en témoigne parfaitement.
01:01:35 Car...
01:01:39 cette séparation, il faut le dire fortement,
01:01:44 les religions ne sont pas faites spontanément pour elles.
01:01:48 Elles s'en sont plus ou moins bien accommodées,
01:01:52 mais ce n'est pas nécessairement leur pente naturelle.
01:01:56 L'adhésion religieuse dans ce nouveau cadre
01:02:01 devient une opinion ou une conviction comme une autre,
01:02:07 appelant la tolérance ou le respect inconditionnel,
01:02:11 spécialement même le respect inconditionnel
01:02:15 au titre de l'altérité culturelle,
01:02:18 que les sociétés hautes doivent à ceux qu'elles accueillent,
01:02:22 et de l'implication personnelle.
01:02:24 Notre laïcité, devenue une exception,
01:02:31 renvoie à l'époque historique
01:02:33 où la France républicaine
01:02:36 ambitionnait d'être un modèle politique,
01:02:39 à l'avant-garde de la conquête moderne de la liberté,
01:02:44 face à une Église catholique contre-révolutionnaire.
01:02:48 De quoi s'agissait-il, en 1905,
01:02:53 de résoudre l'aporie
01:02:56 que l'expérience révolutionnaire,
01:02:58 celle de la Grande Révolution, avait léguée au XIXe siècle,
01:03:02 et que le XIXe siècle n'était pas parvenu à surmonter ?
01:03:06 La Révolution avait voulu établir la liberté religieuse
01:03:12 contre l'autorité de la religion en général
01:03:17 et de l'Église catholique en particulier.
01:03:20 Elle avait failli en devenant persécutrice à son tour.
01:03:25 Au nom de la liberté,
01:03:29 comment sortir de cette contradiction, de ce piège ?
01:03:33 C'est tout l'enjeu de la laïcité.
01:03:36 La réponse a consisté,
01:03:40 par une opération dont il ne faut pas se dissimuler la violence,
01:03:45 à imposer la liberté à l'Église
01:03:49 tout en la laissant libre.
01:03:51 Libre de sa croyance, libre de son culte,
01:03:56 mais dans un cadre lui imposant
01:03:59 la liberté des autres consciences,
01:04:03 donc le refus de toute imposition communautaire,
01:04:08 et plus crucial encore, à côté de la liberté individuelle,
01:04:14 la liberté de législation collective.
01:04:18 La laïcité se résume dans cette simple proposition.
01:04:22 Il n'y a pas de loi de Dieu.
01:04:26 La religion n'a rien à dire
01:04:28 au sujet des règles de la vie collective,
01:04:31 qui relèvent exclusivement
01:04:34 de la libre délibération et décision collective.
01:04:38 Violence, il faut violence intellectuelle,
01:04:43 violence métaphysique, pourrait-on dire,
01:04:47 de cette opération, qu'on peut autrement dire
01:04:50 de neutralisation politique de la religion.
01:04:54 Une violence qui a été très fortement ressentie à l'époque,
01:04:58 même si les apologies rétrospectives
01:05:01 de cette grande loi de la République
01:05:04 tendent à gommer dans un souci d'unanimité
01:05:07 tout à fait compréhensible et respectable.
01:05:10 Car, violence,
01:05:13 car la vocation fondamentale des religions
01:05:18 était et demeure, dans une large mesure,
01:05:22 ailleurs que dans nos contrées,
01:05:24 de donner leur loi aux communautés humaines.
01:05:28 Leur loi suprême, en tout cas,
01:05:32 tout en laissant place, selon des formules variées,
01:05:35 à des degrés divers,
01:05:37 au règlement pratique des affaires communes.
01:05:41 Nous avons fait du chemin depuis 1905.
01:05:46 Et l'essentiel de ce chemin
01:05:51 tient au fait que la laïcité a gagné,
01:05:56 dans son principe, dans son esprit, sinon dans sa lettre.
01:06:00 Elle a, pour commencer, en France,
01:06:03 conquis les masses catholiques
01:06:05 contre le magistère même de l'Église...
01:06:08 catholique.
01:06:10 Et faut-il rappeler,
01:06:14 il faut s'en souvenir,
01:06:15 pour relativiser nos difficultés présentes,
01:06:19 la difficulté avec laquelle l'Église catholique
01:06:23 s'est ralliée aux principes démocratiques.
01:06:26 Il a fallu attendre la seconde guerre,
01:06:30 l'issue de la seconde guerre mondiale,
01:06:32 après l'épreuve terrible que cela a représentée,
01:06:36 pour que l'idée s'impose.
01:06:38 Mais, hors de France,
01:06:42 dans le monde européen et occidental,
01:06:46 l'idée s'est imposée partout, à bas bruit.
01:06:50 On l'appelle généralement sécularisation.
01:06:53 Qu'il s'agisse de la liberté personnelle de croyance
01:06:58 ou qu'il s'agisse...
01:06:59 Donc, liberté personnelle de croyance,
01:07:02 donc liberté d'apostasie, par exemple,
01:07:04 ou de la liberté collective de législation
01:07:07 selon des critères
01:07:10 relevant de la seule raison séculière.
01:07:13 Toutes les démocraties admettent le principe
01:07:18 que les lois sont faites par les hommes pour les hommes,
01:07:21 indépendamment de toute révélation religieuse.
01:07:24 La laïcité, en ce sens, s'est banalisée.
01:07:28 L'exception française
01:07:31 ne subsiste plus dans son originalité
01:07:37 que par la fermeté avec laquelle elle énonce l'indépendance
01:07:43 d'un domaine public
01:07:46 soustrait à toute autorité religieuse
01:07:50 par rapport à une sphère privée
01:07:52 dont les manifestations sont entièrement libres.
01:07:55 Autrement dit, la laïcité française
01:07:59 explicite et donne un tour rigoureux
01:08:02 à un partage peu ou prou admis
01:08:05 dans toutes les démocraties entre public et privé.
01:08:10 En fonction de cette entrée dans les mœurs,
01:08:14 la laïcité s'est grandement détendue.
01:08:17 Elle a cessé d'être un enjeu conflictuel.
01:08:20 Depuis peu.
01:08:23 D'une laïcité de confrontation,
01:08:26 on est passé, pourrait-on dire, à une laïcité de dialogue.
01:08:29 D'un côté, la bataille
01:08:32 de la désofficialisation de l'Église s'est éteinte
01:08:37 car c'était proprement cela l'enjeu de la séparation.
01:08:41 L'idée s'est irrésistiblement imposée
01:08:47 que les organisations confessionnelles
01:08:51 relèvent de la société civile,
01:08:53 au même titre que les partis ou les syndicats,
01:08:56 d'où d'ailleurs cette problématique
01:08:58 du désétablissement des Églises
01:09:00 que nous voyons à l'œuvre aujourd'hui
01:09:03 dans le monde protestant européen.
01:09:06 Du côté des autorités politiques,
01:09:08 du côté des autorités publiques,
01:09:10 s'est dessinée en parallèle une réévaluation
01:09:14 de l'apport des religions au débat collectif.
01:09:19 Débat qui engage, en effet,
01:09:22 toujours quelque chose de cette dimension
01:09:25 que nous peinons à nommer, on l'appelle en général,
01:09:28 spirituelle, par rapport à laquelle
01:09:31 les religions ont toujours quelque chose à nous dire.
01:09:35 C'est sur fond de ce climat de détente
01:09:39 qu'il faut situer le choc qu'a représenté,
01:09:43 à partir de la fin des années 1980,
01:09:48 l'arrivée sur notre sol,
01:09:50 via l'importance croissante des populations immigrées,
01:09:54 d'une religion, l'islam,
01:09:57 qui non seulement n'avait pas participé
01:10:01 à cette longue et lourde histoire,
01:10:03 mais qui se trouvait animée, à des titres divers,
01:10:07 que je n'ai pas le temps d'envisager,
01:10:10 par une réaffirmation fondamentaliste,
01:10:13 pour des raisons qu'il faudrait avoir le temps d'évoquer.
01:10:18 Un mouvement allant exactement dans le sens opposé
01:10:22 de celui de nos confessions autochtones.
01:10:26 Nos sociétés sortent de la religion,
01:10:30 les sociétés musulmanes y rentrent.
01:10:33 Je veux dire par là qu'elles entrent en fait
01:10:36 dans un nouvel islam.
01:10:37 Je n'ai pas le temps de développer cette idée
01:10:41 qui me semble essentielle.
01:10:43 L'islam change de nature en fonction de son insertion
01:10:48 dans la modernité mondialisée.
01:10:51 Une situation complètement inédite,
01:10:54 que le législateur ne pouvait évidemment avoir envisagée,
01:10:58 redoublée en outre par une évolution sociale
01:11:03 bien de chez nous, celle-là,
01:11:04 celle-là même dont tous les témoignages
01:11:07 que nous avons entendus permettent de mesurer la force,
01:11:12 les demandes de reconnaissance identitaire,
01:11:16 à l'intérieur de laquelle,
01:11:18 qui ne concerne à loin près pas que l'islam,
01:11:20 mais à l'intérieur de laquelle l'identité musulmane
01:11:23 se trouve embarquée.
01:11:25 Un contrepied complet
01:11:28 par rapport à nos repères culturels hérités,
01:11:32 qui explique le désarroi, le flottement,
01:11:35 l'incertitude dans lesquelles se trouvent
01:11:38 tant les responsables publics que l'opinion commune.
01:11:43 Quelle ligne de conduite adopter ?
01:11:46 La question, à ce jour, n'est pas tranchée.
01:11:49 En effet, il est plaidable
01:11:55 de penser qu'il est vain, aujourd'hui,
01:12:00 de s'acharner à défendre un modèle singulier
01:12:03 qui nous isole à l'échelle internationale,
01:12:06 mais en fonction d'une histoire tout à fait respectable,
01:12:11 mais dépassée.
01:12:12 Après tout,
01:12:15 c'est un discours qu'on entend peu dans l'espace public,
01:12:18 mais beaucoup dans l'espace privé économique, en tout cas,
01:12:22 n'avons-nous pas tout à gagner
01:12:24 à nous rallier pragmatiquement
01:12:27 au modèle général de la tolérance inconditionnelle,
01:12:31 en laissant tomber une exception
01:12:34 devenue, appelons-la chose par leur nom,
01:12:37 encombrante ?
01:12:38 Tel est l'enjeu de notre dilemme d'aujourd'hui.
01:12:45 Car il est vrai que nous sommes plus que minoritaires,
01:12:49 nous pouvons dire que nous sommes à peu près seuls au monde,
01:12:52 en tant que Français.
01:12:54 S'ensuit-il pour autant que nous avons tort ?
01:12:57 On peut être seul de son avis et avoir raison.
01:13:03 Je fais partie, comme bon nombre d'entre vous sans doute,
01:13:12 de ceux qui pensent que nous pouvons avoir raison
01:13:16 tout en étant très minoritaires.
01:13:18 Mais la mesure du défi
01:13:22 interdit de se contenter de camper bec et ongle sur la qui.
01:13:27 Défendre la laïcité dans ce contexte
01:13:31 demande deux choses.
01:13:34 Pour commencer, se réapproprier notre histoire.
01:13:41 Pourquoi la laïcité ?
01:13:43 Au nom de quoi ?
01:13:44 Qu'est-ce qui a conduit à cette solution,
01:13:50 qui, toute exceptionnelle qu'elle soit restée,
01:13:53 il y a quelques exceptions que je n'ai pas eu le temps d'évoquer,
01:13:57 mais qui sont très intéressantes,
01:13:59 une solution exceptionnelle, mais qui n'en possède pas moins,
01:14:05 une portée générale défendable en raison.
01:14:09 Mais cette démarche, ensuite, n'est pas séparable
01:14:14 d'une interrogation plus large sur le modèle de la République.
01:14:19 On ne sauvera pas la laïcité indépendamment de la République,
01:14:23 dont elle n'est qu'un élément,
01:14:26 un élément crucial, mais pas isolable.
01:14:30 Et la République n'est pas qu'un thème de discours incantatoire.
01:14:35 C'est une mode de fonctionnement collectif
01:14:38 dont on ne peut pas dire que le contexte présent
01:14:41 favorise le développement.
01:14:45 La République a quelque chose à voir
01:14:49 avec la laïcité dans son principe.
01:14:52 De même que la laïcité est une version rigoureuse,
01:14:56 principiellement parlant de la sécularisation,
01:15:00 la République est une variante
01:15:03 qui se voudrait rigoureuse dans les principes
01:15:06 et dans la pratique de la démocratie.
01:15:10 Non pas la démocratie contre la République,
01:15:13 comme le suggérait jadis dans un texte retentissant
01:15:16 l'ami Régis Debré,
01:15:18 mais la République comme accomplissement
01:15:23 de la démocratie
01:15:24 sous l'aspect républicain, précisément.
01:15:28 C'est la laïcité
01:15:32 comme pièce constitutive de la République démocratique
01:15:37 qui est en jeu.
01:15:38 Et ne sépareront jamais République et démocratie.
01:15:41 Merci.
01:15:43 Applaudissements
01:15:45 -Merci.
01:15:46 Applaudissements
01:15:48 ...
01:15:51 Merci beaucoup.
01:15:53 Nous allons continuer à parler laïcité,
01:15:55 notamment laïcité et services publics,
01:15:57 avec trois grands témoins.
01:15:59 Nous allons accueillir Yanis Roder.
01:16:01 Vous êtes professeur agrégé d'histoire,
01:16:04 enseignant en Seine-Saint-Denis,
01:16:06 directeur de l'Observatoire de l'éducation.
01:16:09 Cela fait 25 ans que vous enseignez
01:16:12 en zone d'éducation prioritaire.
01:16:14 Cela fait aussi longtemps que vous dénoncez
01:16:16 les atteintes à la laïcité à l'école.
01:16:19 Vous publiez, aujourd'hui, je crois,
01:16:21 "Préserver la laïcité", aux éditions de l'Observatoire,
01:16:24 20 ans après la loi sur les signes religieux
01:16:27 dans les écoles publiques. C'est à vous.
01:16:29 ...
01:16:33 -Oui, pardon.
01:16:34 Bonsoir.
01:16:37 Merci pour cette invitation.
01:16:39 J'ai combien de temps, là ?
01:16:41 -Vous avez cinq minutes.
01:16:42 -Voilà.
01:16:44 Donc, je vais tout vous expliquer en cinq minutes.
01:16:47 -Voilà.
01:16:48 -Euh...
01:16:49 D'abord, je voudrais dire
01:16:51 combien ce que j'ai entendu me touche en tant qu'enseignant,
01:16:55 parce que, comme vous l'avez dit,
01:16:57 cela fait 25 ans que j'enseigne en Seine-Saint-Denis,
01:17:01 cela fait 25 ans que, pratiquement,
01:17:03 j'essaie d'alerter sur ce qui se passe,
01:17:05 sur ce que nous entendons, sur ce que nous voyons,
01:17:08 sur ce que la Haute Assemblée travaille sur ces questions-là
01:17:12 et en arrive aux conclusions que je partage,
01:17:15 me touche beaucoup et me donne de l'espoir.
01:17:18 Et cet espoir, il n'est pas seulement dans le travail
01:17:21 qui a été ici effectué, qui a été ici fait,
01:17:25 mais également parce que je suis enseignant,
01:17:29 je suis, je crois, un éternel optimiste,
01:17:31 et que j'entends vos inquiétudes,
01:17:34 et je pense que... D'ailleurs, je les partage.
01:17:37 Néanmoins, parce que j'enseigne depuis 25 ans sur le terrain,
01:17:40 je sais que des choses sont possibles.
01:17:42 Je sais que des choses sont possibles, notamment parce que,
01:17:46 et j'ai bien entendu ce qu'a dit Marcel Gaucher,
01:17:49 nous avons un modèle qui est un modèle formidable.
01:17:52 Et quand vous parliez, M. Gaucher,
01:17:54 j'entendais ce discours,
01:17:57 ce discours de Jean Jaurès,
01:17:59 qui disait que laïcité et démocratie sont identiques.
01:18:03 Et parce que, justement,
01:18:07 démocratie et laïcité sont identiques,
01:18:10 il y a matière, face à nos élèves,
01:18:13 à expliquer que notre modèle, s'il est un modèle particulier,
01:18:17 n'en est pas moins un modèle universel,
01:18:19 en tout cas universalisable,
01:18:21 et donc, a priori, acceptable par tous.
01:18:25 Et je crois beaucoup, je crois beaucoup aux comparaisons.
01:18:28 Comparons-nous.
01:18:30 Comparons-nous sur...
01:18:32 Alors, sur ce qui se passe dans la vie quotidienne.
01:18:36 Comparons-nous sur la manière de nous marier.
01:18:40 Comparons-nous dans la manière de divorcer.
01:18:42 Comparons-nous dans la manière d'hériter.
01:18:45 Comparons-nous dans la manière d'être enterré.
01:18:48 Comparons-nous dans notre manière d'enseigner.
01:18:52 Et finalement, quand on se compare face aux élèves,
01:18:57 ils vous disent...
01:18:59 "Ah oui, mais comme m'a dit un élève,
01:19:01 "il n'y a pas si longtemps que ça, c'est pas mal, la France."
01:19:05 Oui, c'est pas mal, la France, parce que justement,
01:19:08 on comprend par là, les élèves le comprennent,
01:19:11 qu'il y a en France un principe,
01:19:14 un principe cardinal qui nous permet
01:19:17 de vivre dans une société apaisée.
01:19:20 Prendre des exemples de ce qu'il se passe ailleurs,
01:19:23 prendre des exemples dans la manière dont on vit ailleurs
01:19:26 et comment sont traités les minorités religieuses
01:19:29 dans certains pays,
01:19:31 fait entrevoir aux élèves
01:19:33 que la laïcité est d'abord une liberté
01:19:38 et qui donne accès à cette égalité qui nous est chère.
01:19:42 C'est extrêmement important, me semble-t-il,
01:19:45 d'avoir cette vision positive et de porter une vision positive.
01:19:48 Vous savez, et vous l'avez dit,
01:19:51 je l'ai entendu tout à l'heure,
01:19:54 les élèves ont un premier réflexe quand vous parlez laïcité,
01:19:57 c'est de dire que c'est une interdiction.
01:19:59 Et tout notre travail, c'est d'avoir un discours positif
01:20:02 pour montrer que c'est une liberté.
01:20:04 C'est absolument fondamental.
01:20:06 Nous avons tout un travail,
01:20:08 et je parle sous le contrôle de Mme la présidente
01:20:11 du conseil des salles de laïcité,
01:20:13 nous avons tout un travail à faire
01:20:15 sur toute une pédagogie positive de la laïcité.
01:20:19 Quand vous avez une pédagogie positive de la laïcité,
01:20:22 j'essaie, vous l'aurez compris, d'apporter un message positif,
01:20:26 quand vous avez un message positif sur la laïcité,
01:20:30 eh bien les élèves adhèrent en réalité.
01:20:33 Ils adhèrent, parce que, comme me l'a dit un élève
01:20:36 dans un lycée où je suis allé parler il y a peu de temps,
01:20:39 à Palaiso, dans le sud de Paris,
01:20:41 les élèves m'ont dit, pas seulement un élève,
01:20:43 plusieurs élèves m'ont dit,
01:20:45 "Mais ce dont vous parlez, on ne le savait pas."
01:20:48 On ne le savait pas.
01:20:49 Et de quoi j'avais parlé ?
01:20:51 J'avais parlé d'une jeune fille qui vit aujourd'hui en France,
01:20:54 venue d'Irak,
01:20:55 et qui disait que...
01:20:57 Elle avait porté témoignage,
01:20:58 elle disait que dans son pays,
01:21:00 elle n'avait pas de prénom à l'école,
01:21:02 parce que dans son pays, on l'appelait la chrétienne.
01:21:05 Elle terminait son témoignage en disant,
01:21:07 "Je veux remercier la laïcité",
01:21:09 dans un français encore hésitant,
01:21:11 "Je veux remercier la laïcité,
01:21:13 "parce que la laïcité m'a rendu mon prénom."
01:21:16 Voilà.
01:21:17 Et en montrant cela,
01:21:20 en ayant cette vision positive
01:21:25 de ce que nous apporte la laïcité,
01:21:27 il y a matière à faire réfléchir cette jeunesse.
01:21:29 Il y a matière, je crois, à faire adhérer les jeunes
01:21:35 à notre modèle, à notre modèle politique,
01:21:38 qui s'appuie sur cette conquête absolument essentielle
01:21:42 qu'est le principe de laïcité.
01:21:44 Je vous remercie.
01:21:45 (Applaudissements)
01:21:48 -Merci et bravo pour votre respect du temps,
01:21:50 qui compte beaucoup dans cette chambre.
01:21:52 Place à présent à Philippe Cour,
01:21:54 vous êtes préfet du Val-d'Oise depuis 2022.
01:21:57 Voilà pour le regard du représentant de l'Etat,
01:22:00 de l'Etat régalé à notre 2e grand témoin ce soir.
01:22:04 -Bonsoir. Je suis très heureux, finalement,
01:22:06 de parler après Yanis Roder,
01:22:08 parce que moi aussi, je vais porter un regard
01:22:10 qui est un regard positif et déliramment optimiste
01:22:13 sur la manière dont nous avons fait
01:22:15 et sur la manière dont nous sommes capables d'agir.
01:22:18 Ce sera un regard de praticien,
01:22:20 parce que si la laïcité, c'est un très grand principe
01:22:23 qu'on pourrait résumer en disant que la loi religieuse
01:22:26 est subordonnée en tout point à la loi civile.
01:22:28 C'est d'abord et avant tout une pratique,
01:22:30 il y a parfois quelques grands soirs,
01:22:33 mais surtout des sommes de petits matins
01:22:35 qui sont parfois des avancées, parfois des renoncements.
01:22:38 C'est bien un cas très pratique auquel il faut penser.
01:22:41 Pour les praticiens que nous sommes,
01:22:43 nous avons besoin de trois choses.
01:22:45 La première, c'est ce que nous faisons ce soir.
01:22:48 Ce qui a été fait au travers de la décision sur la baïa,
01:22:51 ce qui a été fait au travers du vote de la loi de 2001
01:22:53 sur les principes de la République,
01:22:55 c'est qu'il faut une affirmation répétée
01:22:58 de ce qu'est la laïcité de manière complète.
01:23:00 La laïcité n'est pas seulement interdiction,
01:23:03 c'est également un tout,
01:23:04 un tout que résume assez bien la loi de 1905,
01:23:07 qui est à la fois la liberté de croire, de ne pas croire,
01:23:10 de changer de religion, d'apostasie,
01:23:12 de ne pas critiquer les religions.
01:23:14 C'est le fait que l'Etat est neutre.
01:23:16 L'Etat en 1905 et l'Etat en 2024,
01:23:18 ce n'est pas tout à fait la même chose.
01:23:21 C'est d'ailleurs pour ça que la loi CRPR a modifié
01:23:24 et a dit clairement que quand un organisme privé
01:23:26 avait une délégation de service public,
01:23:28 il était lui aussi et ses agents soumis à ce principe de neutralité.
01:23:32 Enfin, c'est la laïcité, le libre exercice des cultes
01:23:35 sous une réserve importante, le respect de l'ordre public.
01:23:38 L'ordre public s'apprécie selon les lieux,
01:23:41 selon les circonstances, selon les époques
01:23:43 et selon les personnes.
01:23:45 Il faut montrer, et c'est la première chose,
01:23:47 et raffirmer de manière répétée,
01:23:49 pour que ce soit bien compris, il faut que ce soit bien transmis,
01:23:53 tous les apports que constitue la laïcité,
01:23:55 qui est un élément crucial de notre pays et de nos valeurs.
01:23:59 Le deuxième élément, important pour les praticiens que nous sommes,
01:24:02 c'est que nous avons besoin d'un échange
01:24:05 qui est un échange nourri et assez intense
01:24:08 avec les cultes localement.
01:24:09 Je pense que les cultes ont également leur rôle à jouer,
01:24:13 j'allais presque dire leur part de responsabilité
01:24:15 dans la réussite de la mise en application
01:24:18 du principe de laïcité.
01:24:20 D'ailleurs, toute une difficulté que nous avons,
01:24:22 c'est que souvent, les cas d'atteinte à la laïcité
01:24:26 que nous rencontrons sont livrés par des personnes
01:24:29 qui se sont eux-mêmes endoctrinées tout seuls
01:24:31 et sur lesquelles le fondement religieux existe extrêmement peu.
01:24:35 Il est très difficile de le déconstruire.
01:24:38 On voit bien le mal qu'on a à saisir, à s'emparer de cas
01:24:41 où des individus, parfois jeunes, parfois très jeunes,
01:24:44 se sont eux-mêmes mis à interpréter la religion
01:24:47 et à se tromper radicalement de sens
01:24:49 en commettant des atteintes assez graves à la laïcité.
01:24:52 Et puis le troisième élément,
01:24:54 c'est que le terrain de la confrontation
01:24:57 est un terrain qui bouge beaucoup.
01:24:59 Les outils mis à disposition des praticiens ont besoin de changer.
01:25:02 Vous allez dire que le préfet est le représentant du gouvernement,
01:25:06 mais il faut tempérer la sévérité du bilan de la CAPR
01:25:09 parce que c'est une boîte à outils
01:25:11 qui est très intéressante.
01:25:13 Je vais donner deux exemples.
01:25:15 Le premier exemple est dans le champ de l'éducation,
01:25:18 car il y a deux endroits où les atteintes à la laïcité
01:25:21 veulent s'exprimer, l'espace public,
01:25:23 et le champ scolaire,
01:25:25 car on veut faire passer des croyances pour des connaissances.
01:25:28 Dans le champ de l'éducation,
01:25:30 on a constaté, grâce au dispositif sur l'instruction en famille,
01:25:34 puisqu'on est passé d'un régime de déclaration
01:25:37 à un régime d'autorisation,
01:25:38 dans le département qui est le Val d'Oise,
01:25:41 on a constaté, en un an,
01:25:42 la diminution de 15 % de l'instruction en famille.
01:25:45 Et nous nous sommes assurés, évidemment,
01:25:48 que les 15 % en question étaient bien inscrits
01:25:50 dans des établissements scolaires.
01:25:52 Donc ça a permis, là-dessus,
01:25:54 d'avoir un regard beaucoup plus vigilant
01:25:56 sur l'instruction en famille.
01:25:58 Le deuxième élément,
01:26:00 c'est également que ça a permis d'organiser,
01:26:02 c'était important, de manière plus transparente,
01:26:05 les cultes. Nous avons une pratique
01:26:07 des dispositions de la loi CRPR sur l'organisation des cultes.
01:26:11 Et enfin, sur le contrat d'engagement républicain,
01:26:13 c'est pour nous un moyen d'entrée extrêmement utile
01:26:16 dans une sphère qui, parfois, est très bien tenue,
01:26:19 parfois, qui est un peu négulaise,
01:26:21 qui est tout le champ associatif,
01:26:23 et qui permet de dire de manière très explicite,
01:26:26 nous sommes attentifs au respect des valeurs de la République,
01:26:29 notamment au respect des principes de laïcité
01:26:32 et de la justice associative.
01:26:34 C'est un terrain qui est extrêmement mouvant.
01:26:36 Il n'est pas exclu que demain,
01:26:38 que de nouveaux terrains de confrontation apparaissent.
01:26:41 Je pense au sport, qui va être un endroit
01:26:44 où on va venir tester les règles communes de fonctionnement.
01:26:47 Il y a un point sur lequel je pourrais mettre en garde,
01:26:50 c'est de tomber dans un juridisme qui soit trop tâtillon.
01:26:53 À un moment donné, le principe de laïcité,
01:26:56 qui irrigue notre pays depuis de très longs siècles,
01:26:59 si on remonte à la chorale des investitures,
01:27:01 la loi de 1905, la loi de 1904,
01:27:03 il y a un côté qui soit à l'évidence,
01:27:05 qui doit apparaître.
01:27:06 Finalement, parfois, il faut raisonner
01:27:08 presque autant avec une logique de bon sens
01:27:11 qu'avec une logique que de juristes
01:27:13 a proprement parlé.
01:27:14 -C'était l'édition des agora du Sénat
01:27:17 consacrée au thème de la laïcité.
01:27:19 A 22h, vous avez rendez-vous avec Thomas Hugues
01:27:22 pour "Sens public".
01:27:23 Il sera question de la sécurité des Jeux olympiques
01:27:26 et de la guerre entre Israël et le Hamas.
01:27:29 Bonne soirée sur "Public Sénat".
01:27:31 -Au revoir.
01:27:32 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
01:27:36 Générique
01:27:38 ...
01:27:44 ...