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100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00 [Générique]
00:10 Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition 100% SENA pour suivre aujourd'hui les travaux de la commission d'enquête lancée en novembre dernier sur l'impact du trafic de drogue en France.
00:21 On parle d'un marché illégal estimé à 3 milliards d'euros en France avec 240 000 personnes qui vivent directement ou indirectement de ces trafics.
00:31 Face à la hausse du nombre de règlements de comptes et aussi à l'extension des zones géographiques touchées, le Sénat enquête.
00:38 Les sénateurs qui étaient d'ailleurs en déplacement hier dans la cité phocéenne Marseille très touchée par les trafics.
00:44 Justement, nous vous proposons d'écouter l'audition de Frédérique Camilleri. Elle est actuellement préfète de l'Essonne, ancienne préfète des Bouches-du-Rhône.
00:52 Une audition qui avait lieu mercredi au Sénat.
00:55 Madame Frédérique Camilleri, Madame la préfète, bonjour. Merci de vous présenter devant notre commission d'enquête sur le narcotrafic.
01:04 Vous êtes en poste dans l'Essonne désormais mais vous êtes l'ancienne préfète de police des Bouches-du-Rhône.
01:10 Et c'est à ce titre que nous vous avons demandé de venir.
01:14 Avant d'avoir un échange sur la base de ce que vous avez à nous proposer comme élément de réflexion et puis de questionnement qu'on pourrait avoir
01:25 le rapporteur Etienne Blanc ou mes collègues sénatrices et sénateurs présents, je vais passer à la partie formelle de la prestation de serment
01:34 puisque un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passif des peines prévues aux articles 434-13-14-15 du code pénal.
01:40 Et je dois vous inviter à prêter serment, dire toute la vérité, rien que la vérité, à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
01:46 Merci, Madame la préfète. Écoutez, je vous donne la parole pour un propos liminaire. Et puis ensuite, Etienne Blanc, notre rapporteur, prendra les choses en main.
01:54 Merci, M. le président, M. le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs.
01:59 J'ai été nommée préfète de police des Bouches-du-Rhône en novembre 2020. J'ai pris mes fonctions mi-décembre 2020, plus haut. Voilà.
02:08 La feuille de route que m'a fixée le ministre de l'Intérieur comportait en point n°1, en priorité absolue, la lutte contre les trafics de stupéfiants à Marseille,
02:18 évidemment, mais plus largement dans les Bouches-du-Rhône. J'ai pris le temps en arrivant, même si le temps est souvent compté dans ces fonctions de préfète de police.
02:27 J'ai pris le temps d'essayer de comprendre le fonctionnement de ces trafics avant de pouvoir élaborer avec mes services, les services de police et de gendarmerie,
02:36 une stratégie qui visait à, évidemment, s'attaquer le plus efficacement possible à la question des trafics de stupéfiants.
02:46 J'ai acquis assez vite la conviction que le marché de la drogue est un marché comme les autres. Il fonctionne sur un principe d'offre et de demande.
02:56 Il fonctionne sur un principe avec des clients, avec une main-d'œuvre qui travaille avec des lieux de vente physiques ou virtuels et des strates hiérarchiques
03:09 comme dans n'importe quel type de marché ou offre commerciale, à la fois des mains-d'œuvre et des donneurs d'ordre qui sont sur le terrain,
03:18 qui supervisent, mais aussi des grands patrons, si j'ose dire, qui sont pour certains installés à l'étranger et qui, sans toucher directement aux produits stupéfiants,
03:28 touchent les bénéfices de la vente de ce produit. Donc la stratégie, elle, a été assez simple.
03:34 Ça a été de s'attaquer avec les différents outils dont nous disposions à chacun de ces maillons de la chaîne des trafics avec un concept que j'ai appelé le pilonnage
03:45 pour trouver quelque chose d'assez visuel et qui explique rapidement la stratégie.
03:52 C'est de taper de façon répétée et très forte sur la chaîne du trafic pour effriter cette chaîne progressivement.
04:01 Et donc, dans cette chaîne, il y a trois types de maillons. Le premier, c'est celui du client, du consommateur, de stupéfiants.
04:13 Le deuxième, c'est celui du point de deal, point de deal qui est le lieu de vente, en fait, point de deal qui est le lieu où l'on peut trouver à la fois
04:23 les trafiquants, je dirais, de base, ce qu'on appelait les petites mains du trafic, où on peut trouver l'argent de la vente, du jour en tout cas,
04:33 où on peut trouver du produit, puisqu'il y avait du stock sur un certain nombre de ces points de deal.
04:40 Et à travers ces points de deal, nous avions le plus souvent la possibilité de remonter rapidement sur des lieux de stockage à proximité.
04:48 Et c'est là, donc, qu'il y a aussi la main d'œuvre. Et en s'attaquant aux points de deal et aux lieux de vente et en s'attaquant à l'ensemble de ces composantes,
04:59 l'idée était de pouvoir avoir une disruption de la logistique du trafic et donc de pouvoir aussi éviter que ces points de vente ne puissent reprendre
05:11 rapidement après la fin de nos opérations. Troisième maillon de la chaîne, c'est celui du haut du spectre des narcotrafiquants, des personnes qui sont installées,
05:22 je l'ai dit, le plus souvent à l'étranger. Et le moyen de s'attaquer à eux est naturellement très différent, puisqu'il s'agit de travailler sur
05:31 des enquêtes judiciaires approfondies, de travailler sur la coopération internationale, qui est absolument essentielle, et puis aussi de s'intéresser
05:39 au circuit de l'argent, puisqu'on le sait bien, c'est aussi à travers la lutte contre ce circuit de l'argent et le blanchiment que l'on peut atteindre,
05:48 ces grands patrons du trafic qui, comme je le disais, prennent le plus souvent la précaution de ne pas être directement liés au produit lui-même.
05:57 Pour mettre en œuvre cette stratégie, j'ai eu la chance de bénéficier de moyens absolument inédits, notamment pour Marseille, dans le cadre du plan Marseille en grand,
06:08 qui a été porté par le président de la République et dont le volet sécurité a été élaboré avec le ministre de l'Intérieur, évidemment.
06:17 Ce plan prévoyait 300 effectifs de police supplémentaires à Marseille en deux ans. Nous en sommes à plus de 436, arrivés effectivement à Marseille.
06:29 Ce plan comportait également un volet de renforcement de l'action judiciaire, pas seulement l'action de voie publique, avec le renforcement à hauteur
06:39 de 21 enquêteurs de la police judiciaire de Marseille. Et 21 enquêteurs pour la police judiciaire, c'est un chiffre important. Il ne faut pas se fier à ce volume
06:49 qui paraît moins important que celui, le premier que j'ai donné, qui était celui des policiers en commissariat. Un volet judiciaire qui s'est prolongé
07:00 également dans les moyens du tribunal judiciaire de Marseille. Je crois que vous avez entendu hier les magistrats de cette juridiction,
07:10 avec un renforcement des capacités à la fois du siège et du parquet, puisque tout le travail policier, évidemment, se déverse à un moment dans la machine pénale
07:20 et qu'il fallait des moyens pour traiter cela. Et puis 3 compagnies de CRS qui sont présentes quotidiennement à Marseille, ou en tout cas à la main du préfet de police
07:30 pour mener des opérations. Initialement, il était question d'une à deux compagnies de CRS. Nous en sommes donc désormais à 3.
07:39 3 compagnies de CRS auxquelles se rajoute une nouvelle compagnie créée et basée à Marseille, la CRS 81, qui, comme elle est basée à Marseille,
07:48 travaille préférentiellement dans les Bouches-du-Rhône lorsqu'elle n'est pas appelée sur des urgences autour de Marseille.
07:54 Et nous menons 2 à 3 opérations par semaine avec cette CRS 81.
07:59 En plus, c'est 3 + 1.
08:01 C'est 3 + 1. Les 3 sont affectés à Marseille, ou au préfet de police des Bouches-du-Rhône plus exactement.
08:08 Et la CRS 81 est à disposition quand elle n'est pas appelée en mission ailleurs autour de Marseille.
08:14 Alors évidemment, tout ça donne des résultats. 53 000 amendes forfaitaires délictuelles pour usage de stupéfiants dressés en 3 ans dans les Bouches-du-Rhône.
08:25 C'est 13% du total national. En 3 ans, nous avons interpellé 6 500 trafiquants.
08:34 C'est une hausse de 80% par rapport à 2020, quand je prends le chiffre annuel.
08:41 Sur ces trafiquants, il y a des narcotrafiquants de haut vol. Ils sont peu nombreux, mais ils sont absolument déterminants,
08:48 puisque c'est un marché qui est un oligopole, qui repose sur quelques organisations très structurées, dont les patrons sont absolument essentiels.
08:57 Et donc l'interpellation de ces patrons du trafic, de ces narcotrafiquants de haut vol, est absolument le point-clé.
09:05 Nous en avons interpellé 18, qui étaient particulièrement recherchés par les services de police et de justice.
09:12 Certains à l'étranger. On pourra y revenir. Et certains ont même été extradés et sont de retour en France.
09:19 Sur les manifestations physiques du deal, nous avons supprimé définitivement – et j'insiste sur ce mot « définitivement » – 74 points de deal à Marseille.
09:32 C'est une baisse de 46% en 3 ans du nombre de points de deal recensés. Nous avons également supprimé 24 points de deal dans le département des Bouches-du-Rhône.
09:45 Ces 74 points de deal qui n'existent plus à Marseille, donc qui n'ont pas été déplacés, qui ont été supprimés, il y a un peu de tout là-dedans.
09:57 Mais il y a des points de deal particulièrement emblématiques. Et pour les parlementaires qui connaissent les Bouches-du-Rhône,
10:03 il y a notamment les points de deal emblématiques de la cité de la Paternelle, très haut lieu du trafic de stupéfiants à Marseille,
10:10 situé près des autoroutes, avec de très nombreux consommateurs, qui pouvaient générer pour chacun de ces 4 points de deal jusqu'à 50 000 à 80 000 € par jour de chiffre d'affaires.
10:21 Ces 4 points de deal ont disparu depuis plusieurs mois déjà. Voilà. C'est évidemment toujours un combat permanent.
10:33 Mais je peux affirmer qu'il n'y a plus de deal à la Paternelle. En tout cas, j'ai quitté Marseille dimanche soir. Il n'y en avait pas. Voilà.
10:42 Au cours de ces années, nous avons saisi 19 tonnes de cannabis, 3,5 tonnes de cocaïne, 72,5 millions d'euros d'avoirs criminels.
10:54 Nous avons multiplié par 2 le nombre d'armes saisies dans le département des Bouches-du-Rhône.
11:01 Et notamment, nous avons saisi beaucoup plus de fusils d'assaut qui sont ceux qui sont utilisés dans les assassinats commis par les trafiquants,
11:10 puisque ce chiffre a été multiplié par 7 en 3 ans. Mais dans le même temps, avec ces très bons résultats, je dirais, policiers,
11:19 il ne vous a pas échappé que la violence, elle, n'a pas cessé. La violence a plutôt eu tendance à augmenter au cours des 3 dernières années,
11:28 avec un nombre très important, en tout cas jamais atteint de morts et de blessés par balle dans des assassinats liés au trafic de stupéfiants
11:37 l'année dernière à Marseille. Je peux y revenir et vous expliquer peut-être les causes de ce paradoxe et la raison pour laquelle il y a eu ce regain de violence.
11:49 Je pourrais également revenir – je pense que c'est ce que vous voudrez – sur le changement de la nature des auteurs et des victimes de ces fusillades
11:58 liées au trafic de drogue. Mais je peux vous dire une seule chose, qu'il y a un seul mobile à tout cela. C'est l'argent.
12:04 Alors ce que je retiens de ces 3 années à Marseille, plus de 3 ans, c'est d'abord qu'il n'y a pas de fatalité dans la lutte contre la drogue.
12:12 Mais il faut de la constance. Et c'est ça qui a payé, je crois, au cours des 3 dernières années. Il faut aussi pouvoir mettre des moyens.
12:25 Ce qui a été fait, mais les résultats – on le voit – portent leurs fruits dans la durée. Je constate aussi – ce que j'en retiens –
12:33 c'est que le travail policier, que je vais vous décrire plus en détail, est un travail en bout de chaîne, qu'il faudra sans doute aussi
12:41 travailler sur les questions de prévention, puisque nous sommes, nous, le réceptacle de tout ce qui n'a pas pu être traité avant ou qui n'a pas fonctionné.
12:51 Il faut aussi, je crois, changer durablement l'image de la drogue dans notre société, qui est encore perçue comme une infraction, l'usage de drogue,
13:02 comme une infraction sans victime, alors que lorsque l'on se plonge dans ce monde-là, au-delà des assassinats qui font la une des médias,
13:11 on se rend compte de la violence quotidienne au sein des gangs de trafiquants qui touchent l'ensemble de leur hiérarchie, y compris et surtout
13:22 les petites mains du trafic, avec des abus sur des mineurs, puisqu'il y a de nombreux mineurs qui viennent travailler sur les points de deal,
13:29 qui font l'objet de séquestration. Il y a eu des faits de torture, de viol, d'actes de barbarie sur ces petits trafiquants.
13:40 Et par ailleurs, changer l'image de ce trafic et de l'argent qui va dans ces trafics, qui sert à financer de véritables organisations criminelles,
13:50 dont on a pu voir dans d'autres pays, à quel point elles sont structurées, à quel point cette puissance financière peut parfois aussi venir concurrencer l'État,
14:01 ou en tout cas venir essayer de nier à l'État son pouvoir et ses compétences. Donc c'est contre tout cela que nous nous sommes battus.
14:09 Nous continuons à nous battre à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône.
14:14 — Merci, madame la préfète. Notre rapporteur Étienne Blanc. — Très bien.
14:20 — Question. Merci, madame la préfète. Vous avez parlé de ces enquêtes qui permettent de monter au haut du spectre et d'appréhender ceux qui sont
14:30 à l'origine de l'approvisionnement en France, notamment de l'importation. Et à plusieurs reprises, on nous a révélé que les enquêtes qui sont menées
14:40 contre ces gros trafiquants sont parfois perturbées par l'opération Plastnet sur un point de deal. Ces deux types d'enquêtes ou ces deux types d'actions
14:53 peuvent parfois se heurter. Quel est votre avis sur ce sujet ? — Je pense qu'il est nécessaire de très bien travailler sur les questions de coopération entre
15:04 le service de police pour que chaque service sache ce sur quoi l'autre travaille. Et c'est ce qui a été fait à Marseille de façon très exemplaire au sein
15:14 de commissions qui ont été le modèle des CROSS, les cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants qui ont ensuite été généralisées
15:23 à l'ensemble du territoire, qui consistent à mettre en commun de façon tout à fait transparente entre tous les services qui travaillent sur
15:30 les questions de trafic, mettre en commun les informations, les renseignements qui remontent du terrain et dire très explicitement ce sur quoi ils travaillent,
15:41 dans quelle cité, et le faire de façon ouverte, ce qui permet d'éviter que des actions de voie publique ne soient menées à des moments un peu clés de l'enquête.
15:54 Les enquêtes sur lesquelles la police judiciaire, la gendarmerie, la section de recherche et les services judiciaires... Les enquêtes qui permettent
16:07 de remonter jusqu'au haut du spectre sont des enquêtes qui sont rarement perturbées par des opérations ponctuelles de voie publique, rarement,
16:15 parce qu'on ne s'attache pas dans ces enquêtes à démanteler le point de deal lui-même, mais plutôt à essayer de savoir quels sont les donneurs d'ordre.
16:23 Il peut arriver que ponctuellement, les enquêteurs aient besoin d'un peu de calme dans la cité, mais ne veuillent pas que d'autres policiers interviennent.
16:33 Dans ce cas-là, c'est une coordination qui se fait soit au sein des CROSS, soit au niveau de chaque commissariat, puisque les commissaires sont associés au CROSS,
16:42 participent à une instance qui s'appelle le bureau de liaison, où, si une fois par mois, on remet à plat un peu l'état des informations,
16:50 et donnent des instructions donc à leur service de voie publique de ne pas monter une opération tel jour à telle heure ou dans telle cité pendant quelques jours
17:00 pour éviter de perturber l'enquête. Je n'ai pas connaissance de situations dans lesquelles des opérations place nette ont affecté fondamentalement une enquête. Voilà.
17:10 — Ça veut dire clairement que selon vous, la coordination fonctionne bien, que le rôle des CROSS est affirmé et qu'elles sont efficaces,
17:19 que la coordination entre le renseignement et les actions et les enquêtes fonctionne assez bien ?
17:27 — C'est mon sentiment. Il y a une culture du travail ensemble, en tout cas à Marseille – c'est ce que j'ai pu constater – qui est extrêmement développée,
17:36 sans doute aussi parce que tous les services ont suffisamment de grains à moudre et qu'il est plus rare aussi de se marcher sur les pieds,
17:45 parce que le volume d'affaires fait qu'il est assez rare qu'il y ait des interactions. Lorsqu'il y en a, il y a une culture de transparence
17:55 et donc de réattribution des affaires pour que personne ne travaille de façon non concertée sur les mêmes personnes, les mêmes cités.
18:05 — Vous parlez du renseignement. Toutes les informations qui sont recueillies, que ce soit par des services de voie publique, par une BAC qui a des informateurs
18:12 ou qui a entendu des choses, que ce soit des informations reçues par voie électronique à travers la plateforme moncommissariat.fr,
18:20 où n'importe quel citoyen peut envoyer des informations en disant « Tiens, je vois une voiture suspecte », « Il y a telle chose à côté de mon appartement,
18:27 je vois des allées et venues suspectes », ces informations sont toutes remontées à la CROSS. Elles sont analysées par la CROSS.
18:33 Et nous constatons d'ailleurs qu'elles sont très souvent utiles pour les enquêtes. Et donc elles sont traitées.
18:38 Donc moi, j'ai le sentiment que ça fonctionne bien, parce qu'il n'y a pas de déperdition d'informations et qu'il n'y a pas de logique de concurrence entre les services.
18:46 Et pas que les services de police, mais aussi les services de la douane qui sont associés, l'ensemble des services de police judiciaire,
18:53 les services de voie publique, la police et la gendarmerie, et au sein de la gendarmerie, les services du groupement de gendarmerie départementale
19:01 et ceux de la section de recherche. C'est vraiment... Tout est mis sur la table. Et le rôle du préfet de police et de VIAS, là,
19:07 mais je n'ai pas eu à utiliser mes pouvoirs.
19:11 — Dans cette organisation, quelle est, selon vous, la place qu'occupe la police municipale, les pouvoirs locaux, les maires, les adjoints en charge de la sécurité ?
19:24 Selon vous, ils sont utiles. Et les moyens de communiquer, d'échanger avec eux sont-ils suffisamment pertinents ?
19:34 — Alors la coopération entre police ou gendarmerie nationale et police municipale passe par des conventions de coordination.
19:42 Et dans les Bouches-du-Rhône, nous avons – je crois – une très bonne dynamique en la matière. En ce qui concerne Marseille,
19:49 à mon arrivée, nous étions en plein renouvellement de la convention de coordination. Ça a donné lieu à de vrais échanges avec le maire de Marseille
19:56 et ses équipes sur ces questions de répartition des tâches. Il est très clair que ça n'est pas le rôle de la police municipale
20:03 de lutter contre le narcotrafic. Mais la police municipale, étant sur le terrain, elle peut recueillir des informations. C'est plus marginal.
20:12 Je dirais qu'il est indispensable de travailler avec les maires, les adjoints, les équipes municipales et les polices municipales
20:19 dans bien des domaines. Mais sur la question du narcotrafic, je pense qu'on était plutôt dans un échange d'informations de l'État
20:28 vers la mairie de Marseille pour l'informer de ce qui se passe sur le territoire et de travailler plutôt sur les à-côtés,
20:35 la gestion des habitants, la gestion des bailleurs. Il y avait en plus un bailleur municipal qui était très concerné par les questions de trafic.
20:42 La question des aménagements aussi. La question de la vidéoprotection. Et avec le plan Marseille en grand, nous avons développé
20:50 la vidéoprotection à Marseille. Mais ce n'est pas forcément dans ce domaine de la lutte contre les points de deal ou le narcotrafic
20:59 que je dirais la mairie avait les moyens d'agir directement, puisque par ailleurs, ce n'est pas la compétence de sa police municipale.
21:08 — Une question sur les armes. On est tous frappés en lisant les informations, l'actualité, par la place que prennent ces violences criminelles
21:19 particulièrement lourdes et du développement de l'usage des armes, et notamment d'armes qui sont importées.
21:25 Ce sont des kalachnikovs, ce sont des armes qui tirent en rafale, qui sont souvent confiées à les jeunes qui ne savent pas s'en servir
21:32 ou qui n'ont pas l'habitude. Quel est votre analyse de ce phénomène qui dit « usage des armes », dit qu'il y a un trafic d'armes ?
21:40 Est-ce que ce trafic d'armes est identifié ? Est-ce qu'à Marseille, il est particulièrement important ?
21:44 Et ça me permettra de joindre cette question à une autre. Est-ce que ce trafic de drogue, il est aussi complété parfois par du trafic de cigarettes,
21:52 du trafic de produits pharmaceutiques ? Est-ce qu'il y a une mixité des trafics armes, narcos, cigarettes ou autres produits ?
22:03 — Alors il y a beaucoup d'armes en circulation. Et donc le travail qui a été fait, ça a été d'essayer de les sortir de la circulation,
22:12 de contrôler aussi les armuriers pour s'assurer qu'il n'y avait pas de collusion. Les chiffres sont en nette augmentation, comme je l'ai dit,
22:21 parce qu'il y a une stratégie de recherche d'armes sur la voie publique, notamment, politique de dessaisissement des armes
22:28 pour ceux qui avaient le droit d'avoir des armes à titre légal aussi, de contrôle général des armes en circulation.
22:37 Il y a du trafic d'armes. C'est évident. Nous n'avons pas constaté des trafics d'armes très organisés.
22:46 En 3 ans, on a dû faire 2 ou 3 vrais trafiquants d'armes avec un arsenal. C'est plutôt de l'opportunisme.
22:56 C'est des armes qui peuvent parfois être volées dans des cambriolages et qui se retrouvent ensuite sur le marché.
23:01 Nous avons malgré tout monté une cellule qui s'appelle la cellule Impact, qui consiste à mettre en commun l'ensemble des informations
23:09 issues des armes saisies lors des opérations pour voir s'il n'y avait pas justement à la fin des fins un trafiquant commun à toutes ces armes.
23:17 Ça n'a pas donné grand-chose. Donc notre sentiment, c'est que le trafic d'armes est très éclaté, avec de l'opportunisme,
23:25 avec des modes d'achat qui sont moins structurés que pour la drogue et du coup des volumes saisis
23:32 chez chaque vendeur d'armes qui sont quand même assez faibles. Il y a un nouveau phénomène qui nous préoccupe
23:40 et qui se fait jour à la lumière d'opérations récentes. C'est la question de la fabrication d'éléments d'armes en 3 dimensions,
23:48 avec des imprimantes 3D. Il y a eu 2 affaires récentes sur ce sujet dans les bouches du Rhône et qui nous amènent aussi
23:56 à nous intéresser de près à cette question de la fabrication d'armes, je dirais de façon presque artisanale,
24:01 c'est des armes qui peuvent tuer quand même. Donc voilà, je ne sais pas si ça répond totalement à votre question sur les trafics d'armes.
24:07 Ça n'est pas aussi structuré que la drogue. – En tout cas, il n'y a pas d'organisation.
24:12 Parlez de narcotrafique, d'un trafic d'armes, selon vous. Parlez trafiquant.
24:17 – Les trafiquants ne se fournissent pas chez un même trafiquant ou chez un oligopole de trafiquants d'armes.
24:22 – Ce sont des achats ponctuels sur le marché. – Des armes qui se passent dans les cités.
24:26 – Il n'y a pas une organisation voulue par eux pour s'approvisionner et se fournir en armes. Très bien. C'était la question.
24:31 – Je ne me vois pas comme ça. S'agissant de la mixité des trafics, on ne l'a pas vraiment constaté.
24:38 C'est vraiment des trafics qui sont séparés. Il y a ceux qui sont spécialisés dans la cigarette,
24:44 l'autre les stupéfiants, où les médicaments et encore les médicaments, c'est vraiment très éclaté aussi.
24:50 C'est de l'opportunisme. C'est un public totalement différent qui se livre à ces trafics.
24:55 En revanche, le fait que le trafic de stup génère autant d'argent nécessite des mécanismes de blanchiment
25:02 qui ensuite irriguent une partie de l'économie. Et ça, on a vu effectivement à la lumière d'affaires récentes
25:08 des interpénétrations avec des milieux économiques et des entreprises qui, pour des raisons totalement différentes du trafic,
25:15 avaient besoin d'argent liquide et qui donc se livraient à ce blanchiment.
25:20 Nous avons une question de Guy Benaroche puis de Laurent Burgois.
25:26 Merci. Bonjour Madame la préfète. Tout d'abord, je tenais à saluer votre travail quand vous étiez à Marseille.
25:33 C'était très récemment finalement, puisque vous venez de quitter. J'ai bien entendu et je comprends bien ce que vous dites
25:42 et les résultats que vous avez obtenus indéniables. Et en fait, la contradiction, enfin pas la contradiction,
25:47 mais en tout cas l'insatisfaction qui naît effectivement, vous l'avez dit vous-même, à la fois d'avoir des résultats
25:54 sur le démantèlement des poids de deal, sur le fait d'arriver à atteindre un certain nombre de réseaux,
26:01 y compris dans le haut du panier, on va dire, le fait d'avoir saisi des produits et malgré tout, le fait que ce trafic,
26:09 ce narcotrafic, en fait, globalement n'est pas en diminution. Voilà, on va le dire comme ça, aussi simplement que cela.
26:15 Bon. Et donc, le travail de coopération, je ne doute pas qu'il s'effectue dans les termes que vous avez définis à Marseille.
26:23 Ça peut paraître une très bonne chose. Je me permettrai d'attirer, de poser des questions sur deux points particuliers,
26:32 enfin trois exactement, mais très rapidement, dans ce qui n'a pas été forcément développé par vous et si vous aviez des éléments à nous fournir.
26:39 D'abord, comment faites-vous en dehors des poids de deal, une fois que vous avez identifié un certain nombre de réseaux de blanchiment
26:48 sur des commerces, des choses existantes qui sont à portée de main, on va dire, d'une préfète de police des Bouches-de-Rhône ?
26:56 Bon. Quelle est votre action à ce niveau-là, en fait ? Voilà. Et comment pensez-vous pouvoir agir encore mieux ?
27:02 Le deuxième, c'est sur le port de Marseille, le grand port maritime et l'approvisionnement, parce qu'effectivement,
27:08 si le réseau fonctionne, c'est parce qu'il y a des produits. Les produits, ils sont bien fabriqués, produits quelque part, ils arrivent.
27:14 À ce niveau-là, je ne sais pas si vous en avez parlé avant que j'arrive, mais bon, voilà, ça me paraît important.
27:19 Et dernière chose, j'ai discuté longtemps avec des victimes, des familles de victimes, avec l'APHM, le directeur de l'APHM à Marseille,
27:26 qui me disent tous la même chose quand même. Il y a des gens qui arrivent à un moment donné qui sont, vous l'avez dit, menacés,
27:31 torturés, blessés dans des règlements de cotes, ceux qui sont pas bons, etc. Et on aimerait bien les mettre à l'abri, eux et leurs familles, du réseau,
27:40 ne serait-ce que pour empêcher les réseaux de les récupérer et d'alimenter encore son lumpen proletariat, sa base nécessaire d'ouvriers de base.
27:50 Et là, on a des difficultés à le faire. Est-ce qu'à ce niveau-là, vous, vous avez constaté un certain nombre de choses, justement,
27:58 et certaines suggestions de mise en œuvre ? Voilà.
28:03 — Merci d'abord pour vos mots, monsieur le sénateur. Sur la question du blanchiment, je suis un peu embêtée pour vous répondre,
28:11 parce que ça relève essentiellement d'affaires judiciaires. Donc je peux être informée du résultat. J'ai toujours exprimé au procureur de la République
28:22 et au service de police ou gendarmerie le fait que sur certaines structures, si je pouvais agir en administratif pour les faire fermer ou pour les entraver,
28:30 je le ferais volontiers. Et nous avons aussi tenté d'explorer cette voie de l'entrave administrative des structures qui, pour nous,
28:38 pourraient participer à des réseaux de blanchiment ou des réseaux de trafic de manière générale. Mais ça reste, je dois le dire, assez marginal.
28:45 L'essentiel se fait en judiciaire. Et c'est bien normal. S'agissant du grand port maritime de Marseille, c'est un point sur lequel j'ai beaucoup travaillé.
28:54 La préfecture de police a récupéré en 2022 la compétence de sûreté portuaire sur le grand port maritime de Marseille, compétence qu'elle n'avait pas jusque-là.
29:02 Et nous avons décidé d'apporter cette question avec un œil attentif à la question des trafics, pas à la sûreté seulement générale,
29:11 mais aussi comment faire pour empêcher les trafiquants d'utiliser ce grand port comme point d'entrée ou point d'influence, dont d'ailleurs les salariés du port
29:21 peuvent être eux-mêmes victimes. On l'a vu au Havre avec des dockers qui ont été pour certains menacés et l'un d'entre eux assassinés.
29:29 Donc sur cette question du grand port maritime, il y a eu de très belles affaires en 2021, en 2022, de mémoire, qui démontrent que nous savons travailler
29:39 sur le grand port de Marseille, avec une meilleure connaissance de notre part de ce milieu du port, avec un renforcement des moyens physiques.
29:56 La douane a obtenu un premier camion scanner et un deuxième devrait arriver au cours de l'année, avec un renforcement des effectifs de la douane sur le port
30:06 qui a été annoncé par le président de la République lors de son dernier déplacement à Marseille et qui est prévu en 2024, et une stratégie de sûreté
30:16 qui consiste à empêcher l'accès au port à des personnes qui sont connues de nos services pour différents types de trafics.
30:23 Il faut quand même savoir que la drogue vient à Marseille par la route essentiellement et que le port de Marseille reste une voie d'entrée marginale
30:34 pour des raisons diverses et variées, et notamment les portes-conteneurs n'arrivent pas directement à Marseille en provenance des pays de production
30:43 et les trafiquants prennent rarement le risque de faire faire des détours à ces bateaux.
30:49 S'agissant des familles victimes de ces assassinats ou qui sont menacées, ces situations-là remontaient à la préfecture de police,
30:59 alors peut-être pas systématiquement et de façon un peu artisanale, même si j'ai développé des liens forts avec des associations de victimes
31:06 qui ont été reçues à la préfecture de police et qui, pour la première fois, ont été reçues par le président de la République et le ministre de l'Intérieur
31:13 et le garde des Sceaux, d'ailleurs, et qui sont donc devenues des partenaires. Nous avons débloqué des situations individuelles.
31:23 Nous sommes souvent bloqués par la question des règles liées à l'attribution de logements sociaux, lorsque ces personnes sont dans des logements sociaux.
31:31 Le préfet de département, je le sais, a toujours veillé, dans des situations très particulières, à trouver des solutions, mais je concède que c'est encore artisanal.
31:41 Il n'y a pas de mécanisme industrialisé ou un processus qui est vraiment mis sur le papier, parce qu'il y a aussi des contraintes juridiques qui nous empêchent de le faire.
31:51 Laurent Burgoy, Marie-Laure Finera, Hort.
31:56 Merci, monsieur le Président. Merci, madame la préfète, pour vos informations.
32:02 Moi, j'aurais deux questions à vous poser. On voit depuis le début de nos auditions que, chaque fois que nous parlons de trafic, de stupéfiants, de narcotrafic,
32:11 il y a derrière, bien souvent, le sujet de la corruption, voire de la pression exercée, soit sur des fonctionnaires, soit sur des employés de port.
32:24 Quand je dis fonctionnaire, ça peut être des fonctionnaires territoriaux, ça peut être des policiers, ça peut être des agents militanciers.
32:33 Est-ce qu'à votre connaissance, en tant que préfète de police de Marseille, vous avez eu connaissance de pression, de corruption de certaines personnes ?
32:43 C'était ma première question. Ma seconde, je suis sénateur du Gard. Je suis élu Nîmois.
32:49 On voit bien depuis quelques mois qu'il y a un transfert de certaines problématiques marseillaise vers d'autres départements, que ce soit l'Ovoclus, voire sur Nîmes.
33:00 Est-ce que vous pouvez nous confirmer que, on va dire, la délinquance marseillaise franchit le Rhône sans problème pour Sévir, à Nîmes ou sur Avignon ?
33:13 Et est-ce que ... Comment vous pouvez répondre à cela ? Est-ce que vous travaillez en concertation avec vos autres collègues préfets des autres départements ?
33:19 Comment vous pouvez expliquer ce lien ? Comment l'État pourrait répondre, j'allais dire, à ce transfert de délinquance et notamment de délinquance organisée ?
33:28 — M. le sénateur, sur la question de la corruption ou des pressions, alors oui, il y a des pressions sur tout le monde, en fait.
33:38 Ça ne vise pas que les fonctionnaires, évidemment. C'est d'abord dans le milieu des trafiquants, les familles, même des petites mains du trafic qui peuvent être menacées,
33:49 qui peuvent subir des pressions. On leur crée des dettes fictives parfois. Enfin bon, voilà. Ce phénomène existe. S'agissant de la corruption d'agents publics, bien sûr que ça existe.
34:00 Je ne trouve pas que ça existe dans des proportions importantes comparées à la problématique des stupéfiants, et notamment à Marseille.
34:08 Il y a assez peu d'affaires qui ont été portées à ma connaissance ou dont j'ai connaissance. Et évidemment, dans les services de police et de gendarmerie dont j'avais la charge,
34:20 il y a des mécanismes d'autocontrôle extrêmement forts, qui sont des mécanismes soit technologiques, de savoir qui accède aux fichiers, de retracer les choses,
34:28 et des mécanismes aussi de surveillance, de s'assurer que personne ne dérive. Voilà. C'est comme ça souvent qu'on détecte d'ailleurs les difficultés.
34:38 Et elles sont traitées, je dirais, sans état d'âme, après. Nous avons, en ce qui concerne le grand port maritime de Marseille, aussi souhaité faire de la prévention
34:49 sur la question de ces pressions que peuvent subir les personnes qui travaillent dans l'environnement portuaire et qui peuvent être amenées contre leur gré,
34:58 mais avec la violence, ou parce qu'elles sont en difficulté financière à un moment, à céder à la tentation de l'argent.
35:05 Donc on essaie de faire aussi de la prévention et d'expliquer les mécanismes, souvent irréversibles, qui entraînent ces personnes ensuite vers des activités criminelles
35:16 qui peuvent être graves et qui peuvent être dangereuses pour elles ou pour leur famille. En ce qui concerne la problématique à Nîmes, je ne suis pas dans le gars.
35:27 Mais je crois qu'il faut pas voir ça comme les délinquants marseillais qui vont à Nîmes. Le trafic de stups va vers son client. Il y a des clients à Nîmes, certainement.
35:40 Et donc il y a de l'argent à faire. Il se trouve que Marseille, évidemment, a, je dirais, dans ce domaine des trafics de stupéfiants, une certaine assise,
35:51 une certaine antériorité, une certaine puissance qui fait qu'elle va aller vers peut-être des zones de clientèle à proximité.
36:00 Mais il y a surtout aussi des phénomènes de mimétisme avec la violence marseillaise qui s'est exportée par les réseaux sociaux, par la mise en scène de ces assassinats
36:11 qu'on a pu voir aussi et qui est une stratégie des trafiquants pour terroriser. Et donc des phénomènes où on réplique la violence à la marseillaise ou le point de deal à la marseillaise
36:20 ailleurs en France sans qu'il n'y ait un lien formel établi. Mais en ce qui concerne le Gard et les Bouches-du-Rhône, vous savez, la police judiciaire a une vision globale de la situation
36:29 sur l'ensemble de la zone sud. Et donc toutes les interpénétrations entre les différents départements, elles sont connues de la police judiciaire.
36:37 Et le travail se fait du coup de façon très concertée entre les services de police judiciaire du Gard, des Bouches-du-Rhône, de Vaucluse également ou du Var.
36:47 Et même, ça peut aller au-delà. Le ressort de la direction zonale de la police judiciaire sud permet aussi d'avoir une vision globale des choses.
36:55 Et les enquêteurs qui travaillent sur les trafics dépassent largement les frontières administratives pour aller chercher les trafiquants et enquêter sur eux,
37:05 quel que soit le département dans lequel ils sont. Donc je dirais la frontière administrative n'est pas une difficulté pour mener ces enquêtes.
37:12 Et j'ai plein d'exemples pour le prouver.
37:15 — Marie-Laure Finerahort. — Merci, président. Madame la préfète, permettez-moi de vous féliciter pour vos résultats, parce que bon,
37:25 je sais bien que Marseille, c'est pas une petite affaire. Et franchement, je vous félicite. Alors je suis persuadée en tout cas que votre expérience
37:33 dans les Bouches-du-Rhône vous est aujourd'hui bénéfique dans les Sônes, où le trafic de spécifiant existe aussi.
37:40 La cocaïne vendue et consommée dans les Sônes provient en grande partie de la Guyane et les Antilles. Et donc première question,
37:47 que faut-il faire pour essayer de tarir ses sources ? Deuxième question, je sais qu'à Marseille, vous avez eu affaire à des trafiquants qui importaient
37:55 de la cocaïne depuis la Guyane. Un précédent rapport indiquait que 30% de la cocaïne consommée en France hexagonale provenait de la Guyane.
38:05 Je rejoins mon collègue pour vous poser à peu près la même question. Avez-vous eu des échanges avec vos collègues en poste en Guyane
38:14 pour mieux cerner le trafic ? Voilà. Merci. — Merci tout d'abord, madame la sénatrice, pour vos félicitations, mais que je partage
38:23 avec l'ensemble des policiers, gendarmes et toutes les personnes avec qui je travaillais à Marseille dans les Bouches-du-Rhône.
38:30 La question des sources de la drogue, elle est évidemment fondamentale. Cette problématique, elle est traitée essentiellement au niveau central
38:42 à travers notamment l'office antistupéfiant, qui va avoir une vision globale de la situation nationale, qui va aussi travailler
38:51 sur la coopération internationale, qui est fondamentale dans ce domaine pour être efficace. Et donc vous comprendrez pourquoi
39:00 les préfets n'ont pas de contact direct entre eux sur ces questions-là. Donc moi, je n'ai pas eu de contact avec mon homologue en Guyane.
39:08 En revanche, je pense que vous connaissez le plan qui a été développé pour essayer de tarir les flux venant de Guyane,
39:16 et notamment avec des contrôles systématiques à l'aéroport, à Cayenne, pour essayer de retrouver les mules et de dissuader les passages.
39:24 La cocaïne vient aussi beaucoup par bateau, arrive dans les grands ports du nord de l'Europe et ensuite transite en camion partout en Europe.
39:33 Et donc à Marseille, nous avons fait des belles affaires avec plus de 3 tonnes de cocaïne dans des camions en provenance d'Europe du Nord.
39:41 Et donc pour moi, c'était vraiment ce point d'entrée-là qui était le point le plus essentiel. Il faut évidemment tarir les flux par tous moyens possibles.
39:52 Donc c'est dans les ports, c'est y compris en haute mer. La Marine nationale travaille sur le sujet. Ça peut être à l'aéroport en Guyane depuis le départ.
40:02 Mais c'est une problématique qui est gérée au niveau national. Et en ce qui concerne les préfets, l'objectif, c'est plutôt de faire ce travail de sape
40:11 contre les consommateurs, contre les points de deal, et d'essayer de favoriser le travail judiciaire auquel on ne participe pas en tant qu'autorité administrative.
40:19 Mais à Marseille, oui. Et l'idée, ça a été pour moi d'aller peut-être expliquer pourquoi il fallait des moyens supplémentaires à la police judiciaire,
40:27 de justifier la nécessité d'ouvrir des postes supplémentaires sur la question du blanchiment des avoirs criminels et de pouvoir aider comme ça
40:35 les services enquêteurs à mieux travailler.
40:38 — Madame la préfète, vous avez évoqué tout à l'heure... Laissez entendre que vous pourriez avancer sur le sujet de l'explosion de violence.
40:50 Je pense que c'est intéressant que vous puissiez en dire quelques mots. Et puis nous n'avons eu que des mots aimables sur votre action et la relation
40:58 que vous avez eue aux élus du territoire et sur l'efficacité de l'action policière. Mais vous n'êtes plus préfète.
41:03 Vous êtes magicienne, une baguette magique. S'il y a quelque chose en plus, quels sont les limites de l'action que vous avez eues ?
41:09 Et par rapport à ce trafic qui connaît des problèmes internationaux, des acheminements, des problèmes de criminalité associée,
41:16 des problèmes de consommation, des problèmes de blanchiment, à quel endroit vous tapez dans un monde idéal pour qu'on soit pas au bord
41:24 de la gangrène du délitement et du chaos qui nous ont un peu été présentés hier par les magistrats qu'on a auditionnés ?
41:31 — Et je dois dire, M. le Président, qu'avec tout le respect que j'ai pour ces magistrats avec qui j'ai très très bien travaillé à Marseille,
41:40 je ne partageais pas le constat catastrophiste. Mais je partage en revanche la vigilance et la nécessité de continuer à mettre des moyens sur ce sujet-là,
41:50 parce qu'on a vu des exemples ailleurs où très vite, lorsqu'on lève le pied, ces organisations criminelles avec leur puissance financière
41:57 peuvent reprendre le dessus. Donc c'est un travail de longue haleine. S'agissant de l'explosion de violence,
42:04 elle s'explique par une guerre de position et de territoire entre deux clans de trafiquants. Les années les plus meurtrières dans les Bouches-du-Rhône
42:15 correspondaient à chaque fois à ce qu'on appelait des guerres, en tout cas des conflits entre gangs de trafiquants. Je vous ai dit que c'est un oligopole.
42:22 Et donc voilà, il y a des enjeux très très forts de récupération du point de deal du concurrent, puisque le marché est quand même fini.
42:29 Et donc il y a des parts de marché à récupérer. Ça a été le cas en 2016, année très meurtrière. Ça a été le cas en 2021, année également
42:39 où il y a eu de nombreux morts, et en 2023. À chaque fois, des clans différents qui attaquaient l'un l'autre. L'année dernière à Marseille,
42:50 c'est ça qui s'est joué. La guerre, le conflit a commencé en janvier. Il s'est achevé en septembre, pas par magie pour le coup, mais par le travail
43:01 de la police judiciaire, à qui il faut, je crois, rendre hommage, parce qu'en quelques mois, ce qui est un temps très très long quand vous avez
43:07 des victimes face à vous et quand vous avez la pression de la société, des élus, des médias, et qui est normale, c'est très long d'expliquer,
43:15 de dire qu'il faut attendre quelques mois, mais dans le temps judiciaire, c'est extrêmement court. Ils ont interpellé des dizaines de personnes
43:25 qui étaient liées à ces assassinats. Il y en a 78 qui sont derrière les barreaux en attente de jugement, qui sont écrouées.
43:33 Et c'est ça qui arrête la vague de violence. Et donc la vague de violence, elle ne vient pas spontanément. Elle vient parce qu'il y a un conflit
43:41 qui a commencé pour des raisons apparemment futiles. On nous parle d'un conflit en boîte de nuit en Thaïlande entre les deux principaux
43:48 trafiquants qui se partageaient, d'ailleurs, la cité de la Paternelle. Et ça se traduit à des milliers de kilomètres à Marseille
43:56 par des points de deal qui sont attaqués et des ripostes successives. C'est donc... Il y a toujours une raison.
44:06 Et ça s'arrête toujours pour une bonne raison, qui est aussi le travail judiciaire et le travail policier. Depuis le début de l'année,
44:14 je crois qu'il n'y a qu'un seul homicide qui est lié au stupéfiant, en tout cas catégorisé comme tel. Et ce n'est pas par magie.
44:22 C'est par le travail de la police. Et le fait que, justement, il y ait moins d'assassinats permet à la police judiciaire de travailler
44:30 davantage les dossiers qui sont encore en cours et de pouvoir élucider chaque semaine des assassinats qui ont eu lieu dans les années précédentes
44:37 et de continuer à mettre derrière les barreaux des personnes qui sont impliquées dans ces assassinats. Donc la violence, elle s'explique par ça.
44:46 Je peux pas faire de pari, parce que c'est très mouvant. Et ce n'est pas nous qui décidons de ça. Ce sont les trafiquants.
44:51 Et je crois qu'il est bon de rappeler devant la représentation nationale que les premiers coupables sont les trafiquants eux-mêmes,
44:59 parce que je trouve que parfois dans le débat, on a oublié de rappeler que ceux qui assassinent, ce sont les assassins.
45:04 Et qu'il faut remettre les choses à leur place. Et cette vague de violence, je pense qu'elle ne peut s'arrêter que par ce travail judiciaire.
45:14 Alors il y a aussi un autre phénomène qui est le rajeunissement des auteurs. Vous l'avez dit tout à l'heure aussi.
45:20 On leur met des armes, ils ne savent pas s'en servir. Il y a un certain nombre de personnes qui ont été blessées ou tuées qui n'étaient pas visées,
45:27 qui ne faisaient pas partie du trafic et qui, pour certaines, ont peut-être été visées par un défaut de manipulation de l'arme.
45:35 C'est un phénomène de serial killer. Il y a des personnes qui sont mises en cause pour de multiples assassinats commis sur une période de temps très courte.
45:46 Des assassins ou en tout cas des personnes qui sont mises en cause pour assassinat qui ont très peu de lien avec les trafiquants qu'ils servent.
45:56 Alors que par le passé, c'était différent. On faisait partie du clan et donc il y avait une personne qui assassinait.
46:03 Ils sont recrutés sur les réseaux sociaux. Ils sont recrutés en région parisienne.
46:07 Donc tout ça a aussi induit un travail plus difficile pour les enquêteurs.
46:12 Alors si j'étais magicienne, qu'est-ce que je ferais ? Je pense que j'abandonnerais ma casquette de préfète parce que sur les questions de répression,
46:21 je pense que les moyens sont mis. Le travail est fait. Il porte des fruits policiers. Il a permis d'arrêter cette vague de violence de l'année 2023.
46:30 Je l'ai dit en préambule, il y a une question de prévention. La drogue a encore une image, je l'ai dit, qui est une image d'infraction un peu morale.
46:43 En fait, et pas forcément une infraction qui est grave parce qu'il n'y a pas de victimes derrière.
46:48 On se dit, moi, je consomme de la drogue. Finalement, ce n'est pas très grave.
46:51 Je fais de mal à personne. C'est quelque chose qui revient souvent d'ailleurs sur les contrôles des usagers de stupéfiants.
46:58 Donc en fait, c'est le début d'une chaîne extrêmement violente et le début du financement d'organisations criminelles.
47:04 Il y a la question de la prévention de santé publique sur la consommation de drogue.
47:09 La consommation de cannabis a des effets ravageurs sur le cerveau des jeunes.
47:15 Et je pense qu'on ne le sait pas assez, on ne le dit pas assez. On n'insiste pas là-dessus.
47:21 Et aussi la prévention de l'entrée dans les trafics. Et de ce point de vue, la préfecture de police des Bouches-du-Rhône
47:27 a essayé de développer des modules dans les collèges pour expliquer de façon non moralisatrice, mais tout à fait concrète et factuelle aux jeunes
47:36 comment ils peuvent, peut-être même sans s'en rendre compte, être embarqués dans ces trafics
47:42 et comment à un moment, ils sont tellement pris dedans qu'ils ne peuvent plus en sortir et les conséquences que ça peut avoir.
47:48 Et donc nous avons testé ces modules-là. Notre ambition, c'est de continuer à les développer et de faire intervenir pas seulement des policiers,
47:56 parce qu'après tout, à la fin, c'est toujours... ça finit par être une approche moralisante des choses et c'est ce qu'on veut éviter,
48:04 mais aussi des familles de victimes et de pouvoir donner la parole à des mères de famille, à des sœurs, à des frères qui ont perdu un être cher
48:12 et de pouvoir aussi montrer concrètement les effets sur une famille, l'éclatement de la cellule familiale, les conséquences que ça peut avoir,
48:20 de rentrer dans ce système-là. Donc moi, je le crois à la prévention. Et tout ce qui sera fait de plus ou de mieux en termes de prévention
48:28 permettra aux policiers de se concentrer sur des choses encore plus importantes et de remonter encore plus dans la chaîne des trafics.
48:36 Donc voilà, c'est ça que je ferai.
48:41 – Deux questions complémentaires en rebondissant sur vos propos. Vous avez dit ne pas partager le catastrophisme, parfois, de certains propos.
48:50 Sur ce sujet, comme sur celui d'une certaine anomie des jeunes qui commettent notamment les assassinats, sans code moraux, sans conscience morale,
49:01 est-ce qu'on sait un peu raconter des histoires ? Est-ce qu'il y a eu un effet d'amplification, un effet d'agenda ?
49:06 Voilà, parce que je crois déceler que finalement, les choses sont peut-être plus simples que ce qu'on a pu voir commenter.
49:13 – Alors, elles ne sont pas simples. En fait, je rebondissais à cette phrase, alors peut-être qu'elle n'a pas été prononcée,
49:20 je ne dois pas me fier aux médias, mais c'était « on est en train de perdre la bataille contre la drogue ».
49:25 Et je ne partage pas cette idée-là, parce que ce n'est pas une bataille facile, mais on met les moyens,
49:32 ça reste une priorité absolue du gouvernement, des préfets qui la mettent en œuvre.
49:39 Et je crois que si on a évité dans notre pays des phénomènes de type mafieux, des phénomènes de corruption à grande échelle,
49:48 des phénomènes où les autorités publiques sont menacées par les trafiquants, comme on peut le voir dans des pays européens,
49:55 pas très loin de chez nous, où des ministres ne peuvent plus… sont menacés très directement par des organisations criminelles, tout ça.
50:04 On a quand même évité ça. C'est parce que nous mettons énormément de moyens dans la lutte contre les trafics,
50:10 que nous avons une législation qui est forte sur ce sujet, et que les policiers, les gendarmes, les enquêteurs, les magistrats,
50:19 tout le monde met des moyens pour réprimer cela. Donc je pense que nous ne sommes pas en train de perdre cette guerre.
50:26 Je pense qu'en revanche, si nous levons le pied, ça peut aller très très vite.
50:33 Et ça peut se déliter très vite, et on peut en arriver à des situations catastrophiques très vite.
50:38 Et par ailleurs, puisque je vous ai donné les résultats, je ne souscris pas à cette idée que tout ce que l'on fait ne sert à rien,
50:47 parce qu'il y a des résultats tangibles, y compris pour les habitants.
50:50 Et on me dit, voilà, c'est bien des points de deal en moins, mais finalement, il y a toujours de la consommation et tout.
50:57 Certes, oui, mais est-ce une raison pour ne pas supprimer des points de deal ?
51:01 Et quand vous parlez aux habitants de la Paternelle, à Marseille, vous dites que même un point de deal en moins,
51:06 ça change la vie de dizaines, de centaines d'habitants. Et là, on l'a fait à l'échelle de 74 points de deal à Marseille.
51:12 Donc ça, pour moi, une fierté. Et je pense que c'est la voie dans laquelle nous devons continuer.
51:19 — Je vais revenir sur un chiffre que vous avez donné, mais je ne l'ai pas noté. C'est le montant des saisies.
51:26 — 75 millions. — 75, c'est cela ? 75 millions d'avoirs criminels.
51:35 Qu'est-ce qu'il faut faire pour améliorer aujourd'hui la saisie de ces avoirs criminels ?
51:40 Qu'est-ce qui manque dans les dispositifs, à la fois dans les dispositifs d'enquête et puis ensuite dans les dispositifs judiciaires,
51:45 pour permettre de procéder à la saisie et à la vente ?
51:50 — Alors je vous l'ai dit, l'argent est le mobile du crime. Et donc c'est en tapant au portefeuille et en saisissant davantage d'avoirs criminels,
51:57 à mon avis, qu'on va pouvoir aussi porter des coups plus décisifs contre le haut du spectre, ceux qui tirent les ficelles.
52:04 Et c'est d'ailleurs un moyen aussi de les faire tomber, parce que certains d'entre eux sont suffisamment habiles pour ne pas participer au trafic directement.
52:11 Donc le seul moyen de les mettre en cause, c'est finalement par le biais de l'argent. Je ne suis pas spécialiste de ces sujets-là.
52:17 En revanche, je pense qu'il y a encore des... C'est une procédure qui reste compliquée, qui est protectrice de la propriété.
52:25 Donc il faut démontrer que ces avoirs ont été acquis de façon malhonnête. C'est long. Ça peut paraître fastidieux parfois pour les services de police.
52:36 Il y a eu un très grand travail de l'Agrasque, l'agence spécialisée dans la saisie des avoirs criminels, dont le patron est devenu procureur à Marseille.
52:44 Et je sais qu'il a envie de développer ça. En tout cas, j'ai un sentiment, mais qui n'est pas assis sur une connaissance précise des choses,
52:53 que ça reste compliqué et long. Et pour les services, même s'ils se sont appropriés la procédure, voilà, c'est pas encore simple d'aller chercher les avoirs criminels.
53:05 Et puis il y a des montages financiers qui sont particulièrement complexes. Et donc démontrer le lien entre l'avoir criminel et le criminel lui-même
53:14 est encore compliqué dans un certain nombre de montages et nécessite de l'expertise. Donc je pense que tout ce qui ira dans le sens d'une simplification de la procédure,
53:23 c'est une sorte de présomption que ces avoirs ont été acquis de façon malhonnête pourra aider. Et je crois que ça fait vraiment mal aux trafiquants de voir leurs avoirs saisis.
53:39 Il y a un autre point. Vous ne l'avez pas évoqué, mais je m'en voudrais de ne pas le dire. C'est la question aussi du traitement de ces narcotrafiquants dans le système pénitentiaire.
53:50 Nous avons constaté que depuis leurs cellules, certains narcotrafiquants pouvaient continuer soit à gérer leur trafic, soit, plus grave encore, à commanditer des assassinats.
53:59 Et je pense qu'imaginer un système différent ou en tout cas plus dur pour les narcotrafiquants serait utile pour pouvoir les mettre à l'isolement peut-être plus facilement,
54:16 pouvoir les changer d'établissement plus rapidement, puisque vous avez parlé de phénomène de corruption.
54:21 C'est des choses qu'on peut retrouver aussi dans le système pénitentiaire. Éviter en tout cas qu'ils ne puissent continuer à intervenir d'une façon directe ou indirecte dans les trafics depuis la prison est, à mon avis, essentiel.
54:34 Et puis nous avons assisté ces derniers jours aussi à des phénomènes de représailles en prison entre différents clans.
54:40 Et donc il faut quand même aussi qu'on puisse avoir une vision et une stratégie dans les établissements pénitentiaires.
54:47 Et le droit actuel permet des choses, mais ne facilite pas des stratégies ciblées sur les narcotrafiquants.
54:55 – Est-ce que vous vous êtes adjoint régulièrement les services de la DG FIP ?
55:02 Et comment jugez-vous les travaux entre les autorités de police et la DG FIP ?
55:08 – Nous avons travaillé en toute confiance avec la DG FIP à Marseille,
55:12 notamment sur la question de l'entrave administrative de certaines structures qui nous paraissaient être liées peut-être à des narcotrafiquants,
55:20 ou en tout cas être dans leur environnement. Et la DG FIP a utilisé ses pouvoirs pour investiguer.
55:27 Et ensuite sur le principe de ce que l'on fait, d'ailleurs dans la lutte contre l'islamisme radical,
55:32 d'utiliser des outils de droit commun pour entraver l'action de structures qui sont liées à des activités répréhensibles.
55:39 Et donc nous avons une coopération extrêmement fructueuse, confiante au niveau local.
55:46 Et je pense qu'elle peut être répliquée au niveau national.
55:49 En tout cas il y a des pistes comme ça pour que la DG FIP soit associée de manière plus systématique partout
55:55 à la question de l'identification de ces structures-là ou d'enquêtes fiscales autour de ces sujets.
56:04 – Vous avez parfaitement raison de dire que taper au portefeuille c'est très efficace,
56:10 même parfois plus efficace que la peine d'emprisonnement.
56:14 Pour taper au portefeuille, il faut faire des enquêtes et des enquêtes qui sont souvent compliquées.
56:18 Les services de police ne sont pas forcément formés.
56:21 On nous a suggéré à plusieurs reprises d'avoir des enquêtes financières systématiques,
56:26 enfin à un certain niveau de l'affaire. Comment voyez-vous les choses ?
56:30 Est-ce qu'il faut confier ces enquêtes à la DG FIP ?
56:33 Est-ce qu'il faut former des policiers pour qu'ils soient mieux aguerris sur ces questions financières ?
56:39 – Je pense que c'est vraiment l'axe de développement en tout cas,
56:42 d'avoir une force de frappe plus importante dans le domaine de la lutte contre le blanchiment,
56:48 de la circulation de l'argent sale, de pouvoir comprendre les montages financiers
56:53 qui sont faits par ces narcotrafiquants.
56:56 Et pour cela, il faut davantage de personnel spécialisé,
57:02 qu'il soit policier ou issu de la DG FIP ou d'ailleurs tous ensemble,
57:07 dans une même structure interministérielle, c'est évidemment une très bonne chose.
57:12 Ça existe déjà à une échelle quand même qui reste plus modeste.
57:16 On le voit avec les crypto-monnaies, c'est quand même des phénomènes nouveaux, compliqués.
57:21 Là aussi, je pense qu'on gagnerait à développer nos capacités d'expertise dans ce domaine-là
57:28 et à monter des, pardon je vais utiliser un anglicisme, une task force ou des task force
57:34 avec des personnes qui viennent d'horizons professionnels peut-être différents
57:38 mais qui comprennent ces phénomènes-là et qui sont capables ensuite de les retranscrire en procédure.
57:43 Donc pour moi, c'est vraiment, on le fait déjà mais c'est sans doute l'axe de progrès.
57:49 Je crois que vous avez tout à fait convaincu notre commission,
57:59 en tout cas répondu à nos questions parfaitement avec une très grande clarté.
58:03 Donc merci beaucoup pour vos réponses et puis bon courage pour vos nouvelles fonctions.
58:07 Et puis merci surtout pour votre optimisme parce qu'on pensait en allant à Marseille
58:11 qu'on allait baigner dans un climat pessimiste mais pas du tout.
58:15 On change d'état d'esprit en prenant le train demain matin.
58:18 Merci monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs.
58:21 Merci de votre écoute et je vous souhaite un très bon voyage à Marseille demain
58:25 et vous verrez que les habitants de Marseille dont certains vivent de grandes difficultés
58:29 ont l'optimisme chevié au corps et c'est ça qui est superbe dans cette ville.
58:34 Merci.
58:35 Merci.
58:39 Voilà pour cette audition de la commission d'enquête sur les narcotrafics en France.
58:43 N'hésitez pas à lire les décryptages, les replays sur publicsenat.fr.
58:48 Très belle suite des programmes sur Public Sénat.
58:51 [Musique]

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