Ukraine, Macron, nucléaire _ L'interview choc de Poutine - Reportage
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00:00 Ce matin à la télévision russe, le visage inexpressif, les mots belliques de Vladimir Poutine.
00:08 « Nous sommes prêts à utiliser des armes, n'importe quelle arme, y compris les armes nucléaires que vous avez mentionnées,
00:17 s'il s'agit de l'existence de l'Etat russe ou d'une atteinte à notre souveraineté et à notre indépendance. »
00:26 Un entretien qui vire au règlement de compte, quand Poutine parle d'Emmanuel Macron et de l'hypothèse d'envoyer des troupes de l'OTAN en Ukraine.
00:34 « Peut-être qu'une réaction aussi aiguë et hautement émotionnelle de la part du président français
00:40 est également liée à ce qui se passe dans certains États africains. »
00:46 Une pique sur l'influence russe en Afrique, puis une nouvelle provocation envers l'OTAN.
00:52 « Les États qui déclarent qu'ils n'ont pas de ligne rouge par rapport à la Russie,
00:58 ils doivent alors comprendre qu'en Russie, il n'y aura pas non plus de ligne rouge par rapport à ces États.
01:04 Si nous parlons de contingents militaires officiels des pays étrangers,
01:08 je suis sûr que cela ne changera pas la situation sur le champ de bataille.
01:12 C'est le point le plus important. Tout comme la fourniture d'armes ne change rien. »
01:18 Des déclarations qui interviennent au lendemain d'un débat à l'Assemblée nationale
01:22 sur l'accord bilatéral de sécurité entre Paris et Kiev.
01:26 Le texte prévoit notamment 3 milliards d'euros de soutien militaire à l'Ukraine.
01:30 À la tribune, le Premier ministre cible les oppositions, le RN et la France insoumise, qu'il juge trop frileuse.
01:38 « Je vous dis ma conviction. Voter contre, c'est remettre en cause le travail
01:42 et les efforts accomplis par la France et ses alliés depuis deux ans.
01:46 Voter contre, c'est donner à Vladimir Poutine tous les arguments et un signal qu'il espère et qu'il attend.
01:53 Voter contre, c'est signifier à nos alliés que la France tourne le dos à son engagement et à son histoire.
01:59 Je le dis également, s'abstenir, c'est fuir.
02:02 Fuir ses responsabilités devant l'histoire. Trahir ce qui nous est de plus cher
02:06 depuis le 18 juin 1940, l'esprit français de résistance. »
02:11 Prise de parole contre prise de parole.
02:14 Le débat tourna l'affrontement entre la majorité et le RN.
02:18 « Peut-être, Monsieur le Premier ministre, était-ce l'objectif ?
02:23 Vous parez du limblan, du camp du bien et rejetez l'ensemble des oppositions
02:28 et donc des millions de Français qu'elles représentent dans le camp du mal,
02:32 dans un choix indigne que vous semblez vouloir imposer.
02:37 Soit on est pro-Macron, soit on est accusé d'être pro-Poutine. »
02:42 Lors du vote, les députés RN s'abstiennent.
02:46 Et ceux de la France Insoumise votent contre le texte.
02:50 « Nous disons depuis plusieurs mois, et nous continuons à le dire aujourd'hui,
02:55 que plutôt que de vouloir incarner en quelque sorte le leader du camp de la guerre,
03:00 que la France devrait prendre la tête du camp de la paix.
03:03 Et donc certainement pas multiplier des déclarations vatanguères
03:06 comme l'a fait le président de la République en disant qu'il n'y avait aucune ligne rouge
03:10 et en ouvrant la voie, y compris à l'intervention de troupes françaises au sol en Ukraine,
03:15 ce qui pour nous serait tout à fait inconcevable. »
03:19 L'envoi de troupes en Ukraine, en début de semaine,
03:22 le président Zelensky lui-même a tenté de rassurer les opinions publiques occidentales.
03:27 « Vos enfants ne vont pas mourir en Ukraine. »
03:30 Zelensky temporise, calme le débat qui avait jeté un froid entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz.
03:37 Les deux dirigeants se retrouveront vendredi à Berlin
03:40 pour une réunion d'urgence consacrée à l'Ukraine.
03:43 Se retrouver, peut-être se réconcilier.
03:47 Alors, évoquons ce qui est abordé à la fin de ce reportage sur se réconcilier.
03:55 On en est là, on est à la réconciliation, en tout cas la nécessaire réconciliation
03:59 entre la France et l'Allemagne sous la haute autorité de la Pologne ?
04:04 C'est-à-dire que la Pologne pourrait faire beaucoup pour approcher les points de vue de Berlin et de Paris,
04:09 comme d'ailleurs aussi Londres pourrait faire beaucoup,
04:13 mais pour l'instant, on est encore… le grand écart n'a pas commencé à se resserrer.
04:18 Je crois que ce qui pourrait provoquer une réconciliation entre la France et l'Allemagne aujourd'hui,
04:23 ce serait qu'Olaf Scholz donne son feu vert à la livraison des taurus,
04:28 puisque c'est vraiment l'un des nœuds gordiens du récent désaccord franco-allemand.
04:34 Sur le fond, ces pays ne sont d'accord sur absolument rien,
04:37 mais en général, ils arrivent toujours par le compromis à faire au moins semblant d'être d'accord en avançant de manière parallèle.
04:43 Mais là, la guerre en Ukraine, en fait, d'un seul coup,
04:47 elle a fait revenir en avant deux cultures stratégiques qui sont complètement aux antipodes, en les exacerbant.
04:53 C'est-à-dire que Scholz est issu quand même de toute cette période de la social-démocratie extrêmement pacifiste,
05:00 et Emmanuel Macron est le chef d'un pays, le chef des armées,
05:04 le chef d'un pays qui est une puissance nucléaire, un ancien empire,
05:07 qui, quand il faut la guerre ou quand il estime qu'il faut faire la guerre,
05:11 l'a fait régulièrement, que ce soit au Mali ou en Afghanistan.
05:15 Donc ces deux cultures sont en train de complètement se clasher.
05:19 Le problème, c'est qu'aujourd'hui, en 2024, la France seule ne peut rien, et l'Allemagne seule ne peut rien non plus.
05:26 Donc sans la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Pologne,
05:30 qui sont les quatre pays les plus allants et les plus importants économiquement,
05:34 personne n'arrivera à... On ne peut pas remplacer les États-Unis, vous voyez ce que je veux dire ?
05:40 Donc, lorsqu'il fait cette interview et qu'il cible la France, vous me disiez en début d'émission,
05:45 ce qu'il a en arrière-pensée, c'est ça, c'est-à-dire cette volonté de creuser encore plus la division
05:52 entre la France et l'Allemagne et d'autres pays au sein de l'Europe
05:56 qui n'avancent pas au même rythme sur la question de l'Ukraine.
05:58 Oui, parce que pour moi, il doit y avoir une nouvelle architecture de sécurité pour l'Europe,
06:01 et il est nécessaire en effet que les pays s'entendent.
06:04 Or, si ces pays ne s'entendent pas sur les objectifs, avec derrière quand même l'élection américaine
06:09 et un désengagement, peut-être, des États-Unis.
06:12 Mais Général Christophe Gomart, en quoi dans son discours aujourd'hui,
06:15 vous avez vu un Poutine qui joue de ces divisions-là ?
06:17 Il joue parce que d'abord, il s'adresse à la France, et seul pays européen.
06:22 Alors certes, c'est Macron qui a pris le lead après la réunion à Paris des 27 dirigeants européens,
06:27 mais quand même, de mon point de vue, sur l'Allemagne, dans les discours précédents,
06:32 ou les interventions précédentes de Poutine, en fait, oui, il dit "l'Allemagne, c'est très bien,
06:36 vous ne prenez pas de risques", il l'a dit une fois, quand les Allemands ne donnaient pas de taurus, etc.
06:41 Alors que sur la France, il est beaucoup plus incisif.
06:43 Et donc, en fait, on voit bien qu'il y a cette séparation, avec les pays qui soutiennent à fond l'Ukraine,
06:48 et ceux qui le soutiennent, je vais dire, un peu moins.
06:51 Thierry Arroche ?
06:52 Oui, je n'ai pas très envie de dire que c'est un désaccord, la culture stratégique française,
06:58 la culture stratégique allemande, parce que je vois que, déjà, au niveau européen,
07:03 Scholz s'isole un peu, quand même, il s'est disputé avec les Français,
07:07 il s'est disputé avec les Britanniques, les pays du flanc Est ne sont pas sur la même position que lui.
07:12 La dynamique, pour reprendre le terme du Président de la République,
07:15 est plutôt en faveur de la position de la France, même si tout le monde n'est pas aligné là-dessus.
07:20 Et puis, en Allemagne, il y a beaucoup de résistance.
07:23 La coalition n'est pas complètement unie là-dessus.
07:25 Il n'y a pas longtemps un discours du chef de l'opposition, M. Merz, de la CDU,
07:30 qui a fait un discours très violent, en disant que c'était le pire chancelier de l'Allemagne, etc.
07:34 Avant même de venir à cette émission, j'ai reçu une demande de pétition de collègues allemands
07:40 qui travaillent pour des grands think tanks allemands, qui font des pétitions contre leur propre chancelier.
07:44 – Vous nous dites, le problème c'est le chancelier, ce n'est pas l'Allemagne.
07:46 – Et je ne dis pas que le chancelier est isolé dans une bulle,
07:49 mais Scholz est quand même à un point de vue très particulier,
07:53 qui n'est pas forcément le point de vue de tous les Allemands.