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Les tensions en mer Rouge illustrent l’importance de la dimension maritime de la sécurité alimentaire. Explications avec Sébastien Abis, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et directeur du club Demeter.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:11 Dans cette question des tensions en mer rouge et du commerce mondial des matières premières
00:17 qui circulent à plus de 80% par la mer, c'est aussi pour cette raison que depuis quelques années
00:22 je travaille beaucoup sur les interactions terre-mer pour la sécurité alimentaire
00:25 ou pour le dire autrement, cette maritimisation de la sécurité alimentaire.
00:29 En fait il y a peut-être trois choses quand même à mentionner.
00:31 Le premier c'est qu'on a bien vu dans le cas de la mer Noire à quel point cette dimension existait.
00:36 On a avec le climat un canal de Panama sec comme jamais dont le tirando a diminué
00:40 et du coup à Panama transite deux fois moins de bateaux par jour depuis six mois que la tendance ordinaire.
00:45 Ça c'est les conséquences d'El Niño et de problématiques climatiques.
00:48 En mer rouge, on a depuis l'automne dernier avec les événements de Gaza
00:53 une réponse par la ministre Wouthi soutenue par l'Iran
00:57 de taper des bateaux qui transitaient entre le Yémen et Djibouti.
01:01 [Musique]
01:06 On en revient à la data et l'information.
01:08 Parfois elle est très utile l'information transparente, parfois elle peut se retourner contre vous.
01:12 Ces milices ont commencé à cibler des bateaux qui faisaient escale en Israël
01:16 ou qui comportaient parfois des intérêts économiques pour Israël
01:21 grâce à un site d'information qui s'appelle Marine Trafic
01:23 et vous pouvez suivre tous les bateaux dans le monde,
01:25 savoir les pavillons, qu'elles escalent, quels produits ils ont à l'intérieur
01:30 parce que c'est une nécessité, c'est une règle.
01:32 Ils ont utilisé ce site-là pour cibler spécifiquement des navires qui avaient des liens avec Israël.
01:37 Tout ça s'est amplifié au fil des semaines,
01:40 le fait que les événements à Gaza s'intensifient en parallèle.
01:44 Évidemment on est en pleine géopolitique parce qu'il y a la guerre au Yémen,
01:49 ce conflit proxy entre Saoudiens et Iraniens depuis quelques années,
01:53 un conflit dont on ne s'est jamais intéressé vu d'Europe, etc.
01:55 On s'y intéresse depuis quelques mois parce qu'il y a ce problème de commerce maritime
01:59 et les attaques sur les bateaux transitant par la mer Rouge
02:05 ne sont pas des attaques de petite catégorie.
02:08 On est rentré dans une guerre d'intensité assez élevée
02:12 qui nécessite des ripostes militaires aussi importantes.
02:15 Pourquoi tout ça est extrêmement sensible pour le prix mondial du blé
02:24 et les affaires agricoles et les échanges agricoles mondiaux ?
02:27 Tout simplement parce que vous avez 15% du commerce maritime mondial
02:30 qui transite par la mer Rouge,
02:33 qu'une partie de ce commerce transitant par la mer Rouge
02:36 est composé de produits agricoles et céréaliers.
02:39 Vous avez à peu près aujourd'hui 20% du commerce céréalier mondial
02:43 qui transite par la mer Rouge.
02:45 C'est vrai que c'est plus que le commerce total, tout produit confondu.
02:48 Ce qui est aussi important de souligner,
02:50 c'est que même dans le cas de l'Union européenne et de ses origines,
02:53 un tiers du blé européen exporté dans le monde
02:56 transite par la mer Rouge.
02:58 La Méditerranée est importante, mais c'est un passage clé.
03:02 Et donc, pour les liens entre l'Asie, l'Afrique de l'Est,
03:06 les pays du Moyen-Orient et l'Europe,
03:08 ce passage maritime est clé.
03:10 Je voudrais commenter deux points importants.
03:16 Un pays acheteur comme l'Égypte,
03:18 qui est avec l'Indonésie et la Chine
03:21 parmi les trois gros importateurs mondiaux de blé,
03:24 l'Égypte voit ses revenus publics baisser ces dernières semaines drastiquement
03:29 puisque le canal de Suez, le passage est payant,
03:32 ça rentre dans les caisses de l'État.
03:34 Et le canal de Suez, c'est la deuxième source de revenus pour l'État égyptien.
03:38 Ça veut dire moins de capacité peut-être pour l'Égypte et l'office public
03:41 d'acheter du blé dans les prochains mois
03:43 et de subventionner le prix du pain en Égypte.
03:45 Donc à surveiller.
03:51 Et deuxième aspect important,
03:52 c'est de rappeler que le stock mondial de blé dans le monde,
03:55 mais le stock de grains et de céréales en général,
03:58 le plus massif, il n'est pas sur terre, il est sur mer.
04:01 On estime qu'il y a, dans les périodes fortes de commerce,
04:04 tout grain confondu,
04:06 entre 35 et 50 millions de tonnes de céréales sur l'océan.
04:10 Et donc le stock mondial de céréales
04:13 pour beaucoup de pays dans le monde, c'est le bateau qui arrive.
04:16 Et donc quand les bateaux n'arrivent pas à temps,
04:18 quand les bateaux n'arrivent pas pour sûr,
04:19 ou arrivent plus cher parce qu'il faut des coûts assuranciels,
04:21 des coûts militaires supérieurs,
04:23 ça ne facilitera pas une désinflation de prix
04:26 ou une meilleure sécurité d'approvisionnement
04:28 pour certains pays importateurs.
04:30 [Musique]

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