Le verdict de l'Insee vient de tomber : le déficit public bondit à 5,5% du PIB en 2023, a dévoilé mardi l'Insee. Le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici regrette le dérapage "important" et "très, très rare" du déficit de la France.
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00:00 France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:06 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin le premier président de la Cour des comptes
00:10 dans le grand entretien du 7-10.
00:12 Questions et réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de France Inter.
00:18 Pierre Moscovici, bonjour.
00:20 Bonjour.
00:21 Et bienvenue à ce micro.
00:22 L'actualité se fait en direct puisqu'il y a quelques minutes, on a appris le chiffre
00:27 du déficit public pour 2023.
00:30 Il s'élève à 5,5%, 154 milliards d'euros, alors qu'il devait être de 4,9% selon l'anticipation
00:40 du gouvernement.
00:41 C'est donc 0,6% de plus que ce qu'avait prévu l'exécutif.
00:46 Quelle est votre réaction ce matin ? Êtes-vous surpris par le montant du déficit public ?
00:51 Surpris, je ne le suis plus parce qu'on supputait ce chiffre depuis quelques jours.
00:55 Tout de même, c'est un dérapage dans l'exécution qui est important, pas tout à fait inédit,
01:00 mais très très rare tout de même.
01:01 Avec en plus, une chose qu'il faut préciser, c'est que le 4,9% des techniques qui étaient
01:05 prévues pour 2023 n'étaient déjà pas à une performance puisque le déficit de l'année
01:08 précédente, 2022, était à 4,8%.
01:10 Donc on avait déjà une année blanche et là on a une année pire, si vous voulez.
01:14 Et 0,6% de dérapage en exécution, il faut l'analyser.
01:18 Ce n'est pas une mauvaise prévision économique puisqu'en réalité le budget est tablé
01:23 sur 1% de croissance, il y a eu 0,9% de croissance.
01:26 C'est en partie une baisse des recettes mais elle était d'une certaine façon prévue
01:32 parce que ça faisait deux années qu'on avait des recettes inattendues tellement elles
01:35 étaient bonnes.
01:36 Et à un moment donné, ça finit quand même par s'affaisser et c'est probablement
01:39 aussi un petit dérapage des dépenses.
01:40 Et au total, ça nous met comme dans une situation qui est fâcheuse parce que non seulement
01:44 on a 5,5% de déficit mais on a aussi plus de 110% de dette publique.
01:48 Et si vous cumulez le fait que nous avons la dépense publique la plus élevée d'Europe
01:53 et elle a augmenté de 2 points depuis la crise Covid.
01:55 Que nous avons le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé d'Europe.
01:58 Que nous avons une des dettes publiques les plus élevées d'Europe.
02:00 Nous sommes troisième sur le podium derrière les Italiens et les Grecs et en plus nous
02:04 sommes les seuls dont la dette publique ne baisse pas.
02:05 Et enfin que nous avons un des déficits sinon le déficit le plus élevé de la zone euro.
02:10 Nous sommes dans une posture qui nous oblige maintenant à des rectifications de trajectoire
02:16 et qui nous oblige à dire la vérité aux Français sur nos finances publiques et sur
02:21 nos économies.
02:22 - La vérité vous le disiez en sortant le rapport de la Cour des comptes il y a deux
02:25 semaines dans les échos, vous disiez on a la situation aujourd'hui la plus dégradée
02:29 si on la compare à nos voisins européens.
02:32 Vous dites on est au pied du mur.
02:33 Avez-vous l'impression que ces déclarations alarmistes et alarmantes arrivent aux oreilles
02:39 des Français ? Avez-vous l'impression Pierre Moscovici que les Français au fond c'est
02:44 pas tellement leur priorité ? Ils entendent ces chiffres, ils sentent bien que c'est
02:47 pas bon mais c'est pas la priorité.
02:51 C'est le pouvoir d'achat, c'est l'immigration, c'est l'écologie mais c'est pas ça.
02:54 - Je ne suis pas en train de dire comme le disait un ancien Premier ministre que la France
02:59 est en faillite, que la France est en défaut, que notre dette n'est pas soutenable.
03:01 Nous sommes un pays dans lequel on fait confiance et dont la dette est relativement peu chère
03:07 et trouve toujours à se placer parce que globalement c'est un pays solide avec un
03:11 marché large et avec aussi une économie ouverte.
03:14 Mais attention, il ne faut pas que les investisseurs internationaux commencent à regarder la
03:18 qualité de notre dette en se disant qu'elle est moins bonne.
03:20 Donc ça c'est un enjeu mais ce n'est pas le principal.
03:22 Le principal, et je crois que les Français en sont trop conscients, il y avait un sondage
03:25 qui je crois est paru dans Libération ce matin de Viavoice qui était intéressant
03:30 parce qu'il disait que pour 32% des Français, c'est quand même un sujet prioritaire la
03:35 dette publique et les déficits et pour 45% c'est important mais pas prioritaire.
03:39 Ça faisait 77% des Français.
03:40 Je pense que les Français sont en fait très intelligents dans cette affaire et très lucides.
03:43 Ce n'est pas leur premier sujet, leur premier sujet c'est leur condition de vie, c'est
03:46 le pouvoir d'achat, c'est l'inflation etc.
03:48 Mais ils savent que quand on est trop endetté, comme ménage, comme entreprise, comme état,
03:53 on ne peut rien faire.
03:54 Comment voulez-vous, avec une dette publique à 110% du PIB, investir dans l'avenir,
04:00 dans la transition écologique, dans la transition numérique, dans l'éducation nationale,
04:04 dans l'innovation et la recherche, dans la défense ? Comment voulez-vous que nous financions
04:08 les dépenses que nous devons faire supplémentaires à l'égard de l'Ukraine quand nous sommes
04:12 endettés ? Et je vais donner un dernier chiffre, je ne veux pas écraser nos auditeurs là-dessus
04:17 mais la charge de la dette, c'est-à-dire ce qu'on rembourse annuellement pour cette
04:21 dette publique, c'est déjà 57 milliards d'euros.
04:24 C'est deux fois plus qu'il y a trois ans.
04:26 Et ce sera 87 milliards d'euros en 2027 si rien n'est fait, voire plus.
04:30 Qu'est-ce que ça signifie ? Que nous sommes petit à petit étranglés dans notre capacité
04:34 à l'action publique.
04:35 Les français voient bien que pour répondre aux problèmes de pouvoir d'achat, d'inflation
04:37 etc., on a besoin d'investir et ils voient bien qu'on ne peut pas le faire.
04:40 Quand vous avez une montagne de dettes et un mur d'investissement à construire, ça
04:43 ne marche pas, ça s'oppose.
04:44 Il faut faire descendre la montagne de dettes pour construire le mur.
04:47 - Permettez-moi de revenir tout de même à cette question.
04:51 Comment le gouvernement a-t-il pu ne pas voir un tel écart entre ses prévisions et le réel ?
04:57 Est-ce qu'il a préféré retenir les hypothèses les plus optimistes ?
05:00 Ou est-ce qu'il y avait de l'insincérité dans la construction des comptes publics ?
05:07 Valérie Rabot, la socialiste, vice-présidente de l'Assemblée nationale, disait la semaine
05:12 dernière « soit il y a eu un mensonge dans la construction du budget, soit il y a une
05:17 incompétence ». Quel est votre sentiment ?
05:19 Votre explication ?
05:21 - L'insincérité, c'est le Haut conseil des finances publiques que je préside qui
05:26 peut dire si un budget est insincère ou pas.
05:28 Je vous dis ici qu'il n'y a pas d'insincérité au sens où il n'y a pas de volonté de tromper.
05:32 Je pense qu'il faut vraiment se garder de ce type d'accusation quand on dirige un pays.
05:36 On n'a pas la volonté de tromper les gens.
05:38 On peut être optimiste et ça je crois que le gouvernement a été optimiste.
05:42 Mais pardon, je vais être précis.
05:44 Je pense que pour 2023, on n'a pas vu venir un phénomène qui était anticipé mais qui
05:49 ne s'était pas produit, c'est-à-dire le fait qu'au bout d'un moment les recettes
05:52 finiraient par se tasser par rapport au revenu.
05:54 Comme on a vu de très bons résultats en 2021 et 2022, on s'est dit que ça va se
05:58 prolonger en 2023, hypothèse optimiste, et à un moment donné on est revenu à la réalité
06:04 et donc c'est ça qui se produit pour l'essentiel.
06:06 - C'est un excès d'optimisme ?
06:07 - Un excès d'optimisme ou un retour à la réalité comme vous voulez.
06:10 Pour 2024, parce que nous sommes en 2024, attention, parce qu'on parle du passé,
06:15 mais il faut parler surtout du futur.
06:16 Là, il y a eu un excès d'optimisme.
06:19 Notamment la prise en croissance qui avait été faite pour le projet de loi de finances
06:21 2024, qui était à 1,4% du PIB et le consensus des économistes à l'époque disait déjà
06:27 et le Conseil le soulignait qu'on était à 0,8%.
06:29 C'est ce qui explique en partie les 10 milliards d'euros qui ont été faits cette année.
06:33 Et donc moi, ce qui m'importe maintenant, c'est quelle est la trajectoire à venir.
06:36 - C'est ce que j'allais vous dire, parce qu'avant de vous poser les questions sur
06:39 où on trouve l'argent, où on trouve les milliards à votre avis, la trajectoire,
06:44 la trajectoire, elle avait été fixée par Emmanuel Macron.
06:47 Est-ce que ces objectifs, alors ce matin Bruno Le Maire disait sur RTL "je reste totalement
06:53 déterminé à repasser sous les 3% de déficit en 2027".
06:58 2027 c'est demain, c'est dans trois ans.
07:00 Est-ce que c'est atteignable ?
07:02 - Je pense que c'est atteignable, mais c'est tendu.
07:04 Mais c'est aussi souhaitable et nécessaire pour deux raisons.
07:08 Trois raisons.
07:09 La première, c'est une raison d'engagement européen.
07:11 Nous appartenons à la zone euro et nous serons déjà avec la trajectoire qui était
07:16 celle avant cet incident.
07:17 Les derniers ont passé sous 3% en 2027.
07:21 Le Portugal par exemple, pays supposé laxiste, méditerranéen, a dégagé 1,2% d'excédent
07:29 pour l'année dernière.
07:30 L'Espagne aussi, pays méditerranéen, a vu son déficit baisser à 3,7% plus que prévu
07:35 et sera en dessous de 3% en 2024.
07:37 Donc la France doit vraiment tenir cela.
07:40 Ça c'est la première des choses.
07:41 La deuxième chose, c'est que nous avons voté, voté, le Parlement s'en compte dans
07:44 ce pays et le gouvernement, une loi de programmation des finances publiques qui le dit.
07:47 Et enfin, la troisième chose, et je résume, c'est qu'il y a un problème de crédibilité
07:51 européenne et mondiale.
07:54 Donc nous devons absolument montrer que nous avons la volonté de tenir ce budget.
07:57 Cela dit, et je le dis au passage, il faudra garder ce que sont les étapes intermédiaires.
08:01 C'est-à-dire comment on y parvient année par année.
08:03 Par exemple, passer de 5,5% de déficit constaté en 2023 à 4,4% ce qui est prévu en 2024,
08:11 c'est dur.
08:12 Et il y a un message que je voudrais passer ici.
08:13 Je crois vraiment qu'il faut à la fois avoir une stratégie qui réduise nos déficits
08:19 et notre dette, mais qui ne casse pas la croissance.
08:21 C'est très important de préserver la croissance.
08:23 C'est la quadrature du cercle.
08:25 C'est très difficile.
08:26 Vous allez me dire comment ?
08:27 Alors, comment ? Vous savez, pour réduire un déficit, ce n'est pas très compliqué
08:31 les finances publiques.
08:32 Il y a trois ressources.
08:33 Un, la croissance.
08:34 Si vous avez une croissance plus élevée, vous avez des recettes plus élevées.
08:37 Et en effet, il ne faut pas casser les moteurs de la croissance.
08:40 Donc il faut, pour l'essentiel, préserver notre capacité à investir.
08:44 Autrement dit, les dépenses qui sont utiles pour l'avenir, préservons-les.
08:47 La deuxième ressource, c'est les impôts.
08:50 On peut les augmenter.
08:51 Et à votre micro, ici, il y a 10 ans, je t'ai mis des finances, je t'ai parlé
08:56 de rabais, absolument.
08:57 Vous parliez du rabais fiscal.
08:58 Et je ne change pas fondamentalement d'avis parce que nous avons aussi le taux de prélèvement
09:02 obligatoire le plus élevé d'Europe.
09:03 Donc vous ne dites pas qu'il faut augmenter les impôts ce matin ?
09:05 Je pense que globalement, on n'a pas une marge énorme en termes d'augmentation
09:09 du taux d'impôt.
09:10 En revanche, ce qui est vrai, c'est que l'arme fiscale n'est pas à proscrire.
09:13 Vous savez, en politique, il y a ceux qui veulent baisser les impôts, ceux qui veulent
09:17 les augmenter.
09:18 Il y a ceux qui veulent augmenter les impôts des plus riches et ceux qui veulent augmenter
09:21 les impôts de tout le monde.
09:22 Et ça, c'est le débat public et politique depuis l'existence de la gauche et la droite.
09:26 En l'occurrence, Bruno Le Maire ne veut augmenter les impôts de personne.
09:28 Il a réaffirmé ce matin qu'il était opposé à toute augmentation d'impôts.
09:31 Bruno Le Maire est le ministre des Finances.
09:33 Moi, je suis le premier président de la Cour des comptes.
09:35 Donc pas… en priori, nous parlons plus des dépenses qu'impôts.
09:38 Je suis aussi le président du Conseil des prélèvements au grande.
09:39 Ce que je vais vous dire, c'est que je pense que dans notre pays, il faut… parce que
09:43 la troisième source, c'est la matrice des dépenses.
09:45 Il faut qu'on ait un débat sans tabou sur tous les sujets.
09:48 D'abord, comment fait-on pour préserver la croissance ? Ensuite, en fiscalité, j'entends
09:56 parler de prélèvements exceptionnels, temporaires, sur les plus riches.
10:00 J'étais venu aussi à votre micro commenter il y a quelques mois le rapport Pisaniféri-Mafouse
10:04 qui proposait une contribution temporaire exceptionnelle sur les plus riches pour financer
10:08 la transition écologique qui est le sujet du rapport public annuel de cette année.
10:11 Je pense qu'il faut ne pas dire qu'il y a des lignes rouges, mais débattre de ça
10:15 sereinement.
10:16 Et j'entends des voix dans la majorité, François Bayrou ou Yael Bourguiba, qui nous
10:20 disent… Je ne suis pas choqué par ça, d'autant que moi-même, j'avais dit…
10:23 Je ne suis pas là pour préconiser, je ne suis plus dans la politique, mais j'avais
10:26 dit pas de tabou.
10:27 Et puis la troisième source, vous pouvez augmenter la croissance, augmenter les impôts,
10:33 mais avec des limites assez fortes quand même en termes de taux de prélèvement observatoire,
10:36 vous pouvez et vous devez maîtriser la croissance de la dépense publique.
10:39 Faire ce qu'on appelle les économies, mais attention, faire des économies, qu'est-ce
10:42 que ça veut dire ? Ça ne veut pas dire réduire la dépense publique, ça veut dire limiter
10:47 sa hausse.
10:48 Parce que la dépense publique a augmenté encore de 2 points depuis 2 mois.
10:51 Mais sur le taxe…
10:53 Voilà les trois sources, il faut jouer sur les trois touches de ce clavier.
10:57 Et je vais ajouter une chose…
10:58 Un mot quand même, sur la fiscalité, on parlait de ce sondage via Voiz, 75% des personnes
11:03 interrogées estiment que le système fiscal français est injuste.
11:08 75% ! Et c'est pas rien ! Comment vous recevez le chiffre ? Et puis, 27% de ces personnes
11:15 interrogées veulent voir augmenter les impôts sur les entreprises qui font le plus de profit,
11:19 les super profits, pour le dire vite.
11:21 20% une augmentation des impôts pour les plus aisés.
11:25 Est-ce qu'il n'y a pas un moment où le consentement à l'impôt est abîmé ?
11:31 Oui, et d'ailleurs nous avions fait un baromètre des prélèments obligatoires qui montrait
11:34 qu'il y avait 8 français sur 10 qui pensaient aussi qu'ils payaient trop d'impôts.
11:37 Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que là, on change de période de finances
11:41 publiques.
11:42 Il faut le dire, c'est pas le tournant de la rigueur de 1983, c'est pas ça.
11:45 Mais on change de période.
11:46 Là récemment, on a eu ce qu'on a appelé le quoi qu'il en coûte.
11:48 On a eu le quoi qu'il en coûte Covid, normal.
11:50 On a eu le quoi qu'il en coûte énergie, la Cour a estimé qu'il était bien coûteux
11:53 tout de même et qu'il avait surtout profité aux énergéticiens.
11:56 Très bien.
11:57 Maintenant, c'est fini tout ça.
11:58 Et on est dans une période où forcément, on doit rectifier notre trajectoire et revenir
12:02 à plus de sérieux dans nos dépenses publiques.
12:04 Mais quand vous dites…
12:05 Mon message, attendez, je vais répondre à votre question.
12:07 Mon message, c'est que forcément, l'effort doit être partagé.
12:10 Si vous demandez un effort, ça veut dire qu'on doit toucher l'État, les collectivités
12:14 locales, la Sécurité Sociale et que personne parmi nos concitoyens ne doit se dire "je
12:19 paye pour les autres".
12:20 Et donc, effectivement, je comprends l'aspiration des Français à se dire "il faut que ceux
12:26 qui ont plus soient aussi concernés par l'effort".
12:28 Donc tout le monde doit être concerné par l'effort.
12:30 Si on demande un effort aux Français, partageons-le et partageons-le équitablement.
12:34 Et je ne dis pas ça par préférence politique.
12:36 Je dis ça parce que je vois bien maintenant que nous sommes dans une société fragile
12:40 et que comme vous dites, le consentement à l'impôt.
12:42 Mais consentir à l'impôt, c'est être citoyen.
12:44 Quand ça s'est atteint, c'est la démocratie qui est atteinte.
12:47 Et donc il faut que les efforts demandés soient réels parce qu'il ne faut pas se
12:51 tromper.
12:52 Je suis là pour dire la vérité ce matin.
12:53 Je pense que le gouvernement doit dire la vérité.
12:55 Mais il faut qu'ils soient équitablement partagés, sinon ils ne seront pas acceptés.
12:59 Et c'est pour ça qu'il faut un débat politique.
13:01 Vous savez ce que dit Bruno Le Maire.
13:03 Il le répète et il l'a répété à notre micro encore la semaine dernière.
13:06 Il était là.
13:07 Il dit que c'est une mauvaise idée.
13:08 Il dit l'ISF Vert, par exemple, cette taxation exceptionnelle, préconisée par
13:13 Pisanima Fooz, en tout cas une taxe exceptionnelle pour financer la transition écologique.
13:17 Il dit que c'est inutile et que c'est une fausse bonne idée.
13:20 Quand on voit le sondage de Libération ce matin, où vous avez 65% des Français qui
13:26 veulent une taxation temporaire sur les super profits, un nouvel impôt sur la fortune pour
13:30 52%, enfin une majorité de Français qui disent qu'il faut taxer les plus riches.
13:34 Ce n'est pas démagogique et facile ? Ce que vous dirait ce matin Bruno Le Maire.
13:40 Et ce qu'il expliquait, il disait, vous avez commencé votre expiation en disant
13:43 "attention à la croissance, est-ce que taxer les plus riches et taxer les entreprises,
13:47 ça ne grèverait pas la croissance ?"
13:48 J'ai fait très longtemps de la politique dans ma vie, ça continue à m'intéresser,
13:52 je ne le cache pas, mais je n'en fais plus.
13:54 Je suis Premier Président du Comité des comptes et je ne suis pas là pour avoir un
13:56 débat de nature politique avec le ministre des Finances.
13:58 C'est sa tâche et je crois qu'il en mesure la difficulté.
14:01 Ce n'est pas un débat avec Bruno Le Maire, c'est une question que tout le monde se pose.
14:05 Je vous donne ma réponse.
14:07 Je pense qu'il faut maintenant que le débat se déroule sans tabou et qu'on trouve des
14:11 solutions qui permettent à la fois de faire des efforts très importants et que ces efforts
14:15 soient équitablement partagés et ressentis comme juste par tous.
14:18 Et qu'il soit aussi efficace sur la croissance.
14:21 J'ai même commencé par là.
14:22 Je sais que c'est très difficile, mais je pense qu'il faut ouvrir les yeux et ouvrir
14:28 le champ.
14:29 On ne peut pas avoir un discours scrogneugneu, jugulaire jugulaire, le doigt sur la couture
14:34 du pantalon.
14:35 On découvre tout à coup une situation que la Cour des comptes, pardon de le dire, annonçait
14:39 depuis des années.
14:40 C'est-à-dire que la situation des finances publiques se dégradait.
14:42 Aujourd'hui, elle est très dégradée.
14:43 Nous devons réagir.
14:44 Nous sommes au pied du mur.
14:46 Je répète la formule que j'ai utilisée lorsque j'ai publié le rapport public.
14:49 Et au pied du mur, c'est là où on voit le maçon.
14:52 Et le maçon doit être aussi quelqu'un qui prend en compte l'ensemble de la société
14:56 française.
14:57 Je suis persuadé que ce débat-là, il va se dérouler.
14:59 Après, ce n'est pas à moi de le trancher, c'est à d'autres.
15:02 Pierre Moscovici, Bruno Le Maire, dans son dernier livre, dit qu'il faut en finir avec
15:05 l'État-providence à la française et aller vers un État protecteur.
15:10 C'est du débat d'idées, ce n'est pas du débat politique.
15:12 Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ?
15:14 Encore une fois, ce livre, aujourd'hui, je ne suis pas là pour commenter le livre de
15:21 Bruno Le Maire.
15:22 Je suis là pour commenter des chiffres qui sont les chiffres qui sont durs et réels.
15:26 Et je vais le prendre sous un autre angle.
15:28 Vous avez en effet, en France, 56% de dépenses publiques dans le PIB.
15:33 C'est plus que n'importe où en Europe.
15:35 Ce n'est pas un peu plus, c'est 8 points de PIB de plus.
15:38 Qu'est-ce que ça traduit ?
15:39 Ça traduit le fait que nous avons une préférence collective pour la dépense qui est très ancienne
15:43 et qui procède de l'attachement à un modèle social.
15:46 Ce modèle social s'appelle l'État-providence.
15:48 Les Français y sont attachés, ils ont toujours choisi le gouvernement qui y ont été attachés.
15:52 Et chaque fois qu'on le touche, pensez à la réforme des retraites, pensez à toutes
15:57 les réformes en France, on voit des Français dire "pas de touche à l'État-providence".
16:00 Alors la question, comment la traiter ? Je pense qu'il faut la traiter par un autre
16:04 angle, par la qualité de la dépense publique.
16:06 Il faut se demander ce qui marche et ce qui ne marche pas.
16:08 Pourquoi pas 56% de dépense publique dans le PIB ? Oui mais encore faut-il que les Français
16:12 soient satisfaits.
16:13 Sont-ils satisfaits de l'éducation nationale ? Non.
16:15 On voit les classements PISA qui reculent.
16:17 Sont-ils satisfaits de l'état d'hôpital ? Non plus.
16:19 Sont-ils satisfaits de la politique du logement ? On constate qu'on ne construit pas dans
16:22 notre pays et qu'il n'y a pas non plus de rotation dans le logement social.
16:24 Moralité ? En fait, il faut procéder à ce qu'on appelle des revues de dépense publique,
16:29 politique-public par politique, parce que j'ajouterais à la volonté politique nécessaire,
16:33 au courage indispensable, une notion dont on parle peu en France quand on parle finance
16:36 et l'intelligence, l'intelligence collective.
16:39 Il faut aller chercher des économies intelligentes.
16:42 Mais alors où il faut aller chercher les milliards ? Parce que vous avez cité l'école,
16:45 l'hôpital… Un peu partout.
16:46 Un peu partout.
16:47 Un peu partout.
16:48 C'est-à-dire ? À l'éducation nationale, il y a trop de dépenses ? Il y a sans doute
16:51 des endroits où il y a trop de dépenses et des endroits où il n'y en a pas assez.
16:53 Je ne suis pas du tout en train de dire qu'il faut couper les crédits de l'éducation
16:56 nationale ou ceux des hôpitaux.
16:57 Pierre, on rappelle quand même que dans votre rapport il y a deux semaines, vous demandez,
17:00 c'est-à-dire que Bruno Le Maire a annoncé 10 milliards d'économies cette année,
17:03 10 milliards qui vont arriver bientôt.
17:05 Il laisse entendre que ça pourrait être plus.
17:07 Vous vous dites que ce n'est pas du tout assez.
17:10 Il faut faire 50 milliards d'économies sur trois ans.
17:13 C'est-à-dire que c'est colossal.
17:14 Quand je parle de dire la vérité, il faut dire la vérité.
17:16 Alors 50 milliards c'est colossal.
17:17 Rapportez quand même aux 300 milliards d'euros de dépenses publiques en plus depuis 2017.
17:22 Rapportez ça aux 800 milliards d'euros de dettes publiques que nous avons accumulées
17:25 depuis 2019.
17:26 J'ai dit 50 milliards.
17:28 Attention, je veux le dire à vos auditeurs, je ne dis pas 50 milliards en 2020.
17:32 5, je dis 50 milliards sur 3 ans.
17:35 Mais Bruno Le Maire ne dit pas des choses différentes.
17:37 Parce que s'il y a déjà 10 milliards maintenant, qui ne sont pas des économies d'ailleurs,
17:40 si on annonce un autre effort cet été et encore 20 milliards pour le budget 2025, on
17:44 sera facile à 50 milliards d'ici à 2027.
17:47 On les prend où ?
17:48 Alors je crois encore une fois qu'il faut procéder à ces revues de dépenses et les
17:52 regarder à la fois dans le fonctionnement des collectivités locales et ce n'est pas
17:56 tabou.
17:57 La Cour des comptes va faire une revue de dépenses sur le financement des collectivités
17:59 locales.
18:00 Sur l'assurance maladie, comment on la régule ?
18:02 Regarder comment ces dispositifs de sortie de crise fonctionnent ou pas.
18:07 Par exemple, j'ai parlé du bouclier énergétique, il impacte très largement 2023.
18:11 C'est une des raisons pour lesquelles il y a cette exécution difficile et ce budget
18:16 compliqué.
18:17 Est-ce que c'était aussi justifié que le bouclier Covid ?
18:19 Ma réponse est non.
18:20 D'ailleurs, il y a un autre rapport de la Cour des comptes qui montre bien que ça a
18:23 beaucoup profité aux fournisseurs d'énergie.
18:25 Et Bruno Le Maire, je le note aussi, ce matin encore, dit qu'il n'est pas opposé à
18:29 une taxation de ce qu'on appelle les rentes inframarginales des énergéticiens.
18:33 Est-ce qu'il faut aller plus loin sur la fiscalité ?
18:34 Vous voyez, moi je vous dis une chose, quand on est dans cette situation-là, ouvrons le
18:39 débat politique et regardons de manière intelligente, dépense par dépense, en fonction
18:44 de la croissance, en fonction de la justice sociale, de la cohésion sociale, ce qu'on
18:47 peut et ce qu'on doit faire.
18:49 C'est ce que je préconise à la place qui est la mienne, qui n'est pas celle de quelqu'un
18:53 qui participe à ce débat politique.
18:54 On passe au standard d'intérêt.
18:56 Elodie, bonjour !
18:57 Oui, bonjour, merci de prendre ma question.
19:00 Bonjour, Pia Moscovici.
19:01 En fait, j'en ai deux, très brèves.
19:03 La première, c'est que la dette augmente continuellement depuis des dizaines d'années.
19:09 Donc ma première question, c'est qui, pour décemment croire et raisonnablement croire
19:13 qu'elle sera un jour remboursée, en tout cas de notre vivant, ou même des générations
19:17 suivantes, moi a priori j'ai l'impression qu'elle ne le fera jamais.
19:20 Et par conséquent, ma deuxième question, c'est pourquoi ne pas envisager cette dette
19:24 autrement, sous un autre paradigme, et dans quelle mesure, quand on le fait et quand on
19:29 a l'honnêteté de dire qu'elle ne sera jamais remboursée, dans quelle mesure elle
19:32 est encore légitime et doit-elle encore être remboursée ?
19:35 Voilà, est-ce qu'on peut l'effacer de ce fait ?
19:39 Merci Elodie pour cette double question que je livre à Pia Moscovici.
19:43 C'est un grand rêve que nous pouvons tous avoir, d'effacer notre propre dette.
19:48 Mais en réalité, non, une dette ça se rembourse.
19:50 Ça se rembourse souvent in fine, et là effectivement on ne va pas rembourser 3200 milliards d'euros
19:54 de dette demain matin.
19:55 En revanche, c'est ce que j'évoquais sur la charge de la dette, nous avons des créanciers,
19:58 nous avons emprunté cet argent et nous le remboursons année après année, quelques
20:02 50 à 60 milliards d'euros déjà, et puis bientôt 80 milliards.
20:06 Et en effet, c'est comme si on rembourse un appartement, si on se trouve petit à petit
20:11 avec un remboursement de la dette qui ne cesse d'augmenter, alors à ce moment-là, nos
20:14 capacités à vivre deviennent très étroites.
20:16 Voilà la raison pour laquelle il faut réduire la dette publique.
20:20 Et j'y reviens quand même, ne faisons pas comme si nous étions comme tout le monde.
20:24 Tout le monde en Europe, je veux dire tout le monde, réduit sa dette publique, sauf
20:27 la France.
20:28 Et moi qui suis français, fier de l'être, je n'aime pas que mon pays soit sur un podium,
20:34 c'est celui des pays les plus endettés.
20:35 Nous sommes derrière la Grèce, derrière l'Italie.
20:37 La Grèce voit sa dette publique descendre très vite, l'Italie un peu, et nous pas
20:42 du tout.
20:43 Nous devons agir et réagir.
20:45 Pour être tout simplement plus crédible.
20:47 La note de la France va baisser.
20:48 Il y a deux agences de notation qui vont rendre leur verdict au mois d'avril, fin avril,
20:52 début mai je crois.
20:53 Bruno Le Maire semblait dire qu'il faut s'y préparer à une baisse de la notation.
20:58 Est-ce que vous la voyez venir et est-ce que ce serait grave ?
21:00 Alors, il est plus informé que moi, donc je ne sais pas.
21:05 En réalité, la seule chose que je peux dire c'est que c'est à la fois pas grave et
21:09 significatif.
21:10 C'est pas grave parce qu'il est arrivé que la note française soit dégradée sans
21:13 que pour autant ce qu'on appelle les "spreads", c'est-à-dire l'écart de taux d'intérêt
21:16 avec d'autres, augmente.
21:17 Donc on pourrait très bien avoir une note dégradée et puis une dette qui coûte pas
21:21 plus cher.
21:22 Mais c'est significatif parce qu'une note, c'est comme à l'école.
21:24 Ça veut dire "attention, vous avez été un mauvais élève".
21:27 Il ne faut pas rentrer dans une spirale où on en a trop.
21:30 Et c'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut à la fois...
21:32 Le général de Gaulle avait une bonne formule, il disait "la politique de la France ne se
21:35 fait pas à la corbeille".
21:36 La politique de la France aujourd'hui ne se fait pas dans les agences de notation.
21:38 Donc il ne faut pas être traumatisé par ça.
21:39 Mais en même temps, il faut garder le crédit du pays et sa crédibilité et pour ça, reprendre
21:45 une trajectoire qui soit plus forte et plus crédible.
21:48 Dans les pistes d'économie, le gouvernement regarde les dépenses sociales.
21:53 Gabriel Attal n'exclut pas de réduire la durée, le montant des allocations au chômage.
21:58 Piste intéressante à vos yeux ?
21:59 Franchement, je ne veux pas commenter au jour le jour les pistes du gouvernement.
22:03 Je crois que le Premier ministre va intervenir dans les jours qui viennent.
22:05 Ce soir à la fin.
22:06 Mais je redonne moi mon message.
22:08 L'idée est que l'indemnisation chômage est plus avantageuse en France que chez nos
22:12 voisins et que notre modèle n'incite pas à reprendre un travail.
22:16 C'est ça le point.
22:17 Je vous redis mon message.
22:19 C'est que l'effort est nécessaire, que l'effort est faisable.
22:23 Mais pour ça, il faut cibler la qualité de la dépense publique, il faut cibler la
22:26 croissance et il faut faire en sorte que cet effort soit équitablement réparti.
22:30 Autrement dit, que si des sacrifices sont demandés, juste et modérés, tout le monde
22:33 soit mis en contribution.
22:35 Question courte sur l'appli d'Inter.
22:37 Pascal, n'est-ce pas une erreur d'avoir supprimé ou allégé les impôts de production
22:40 des entreprises ?
22:41 Non, parce que nous avions un problème de productivité, de compétitivité.
22:47 Moi, j'ai toujours été favorable à la politique de l'offre.
22:49 La question qui va se poser maintenant, c'est est-ce qu'on peut continuer à les réduire ?
22:52 Et là-dessus, j'ai une réponse.
22:54 C'est que toute baisse d'impôt supplémentaire devrait être compensée, soit par une hausse
22:59 d'impôt équivalente, soit par une économie équivalente au moins.
23:02 Autrement dit, nous n'avons plus les moyens.
23:04 Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, maintenant c'est encore plus fort, de baisse
23:08 d'impôt sèche.
23:09 Non, c'est en tout cas pas l'actualité.
23:11 Mais faire en sorte que la croissance augmente et que les entreprises françaises puissent
23:16 investir, je ne suis pas opposé.
23:17 Sandrine, quel est l'impact des JO sur la dette ?
23:20 Modérée.
23:21 On ne connaît pas encore le coût des JO.
23:23 La Cour des comptes va l'auditer après les JO eux-mêmes.
23:26 Ces jeux devraient coûter entre 3 et 4, 5 milliards, nous verrons bien.
23:31 Mais ce n'est pas ça qui a un impact absolument massif.
23:34 Ce qui est très important sur la dette, c'est autre chose.
23:38 C'est effectivement ces efforts considérables que nous avons faits, ce qu'on a appelé
23:41 le « quoi qu'il en coûte », comme son nom l'indique, ça veut dire qu'on a
23:44 dépensé sans compter.
23:45 Et à un moment donné, vous savez, c'est la cigale et la fourmi.
23:48 Quand vous avez pensé sans compter, il faut qu'on présente l'addition.
23:51 Elle est salée, mais en même temps nous avons les moyens de la payer en étant intelligents
23:55 et en étant aussi courageux.
23:57 Dernière question, c'est Gérard qui la pose sur l'application.
24:00 Est-ce que la France est en déclin ?
24:01 La France n'est pas en déclin, ça reste un pays significatif.
24:06 Mais ce que j'observe, c'est que l'Europe de manière générale est en train de décrocher
24:09 par rapport aux Etats-Unis en termes de croissance.
24:11 Et c'est la raison pour laquelle, je le redis, nous devons quand même avoir cette
24:14 obsession de la croissance.
24:15 L'obsession de la croissance, vous savez, quand vous êtes trop endetté, vous compromettez
24:19 in fine votre croissance.
24:20 Parce que petit à petit, vous vous trouvez étranglé, paralysé dans vos capacités
24:24 d'action publique, votre dette coûte plus cher et vous, pour le coup, reculez.
24:28 Et donc, faisons-y attention, il y a un lien direct, et les Français le comprennent bien,
24:32 entre réduire sa dette et être plus fort économiquement.
24:35 Merci Pierre Moscovici d'avoir été à ce micro ce matin.