• il y a 9 mois
Pour la justice et les criminologues, Ludivine Chambet est une tueuse en série. Il suffit pour cela de compter ses crimes. Dix morts entre 2012 et 2013 sur les treize empoisonnements attribués à l'aide-soignante. Une succession impitoyables de meurtres à la seringue dans un Ehpad tranquille de Chambéry. Quand elle va être arrêtée, la jeune femme va expliquer qu'elle ignorait la dangerosité des cocktails de psychotropes. Elle voulait juste soulager les souffrances de ces personnes âgées qu'elle croyait mourantes et qui lui faisaient pitié. C'était presque son devoir.
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime du 26 mars 2024 avec Jean-Alphonse Richard.

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Transcription
00:00 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
00:05 Jean-Alphonse Richard.
00:06 - Elle vous laisse soulager les souffrances de ses patients.
00:09 Ludivine, cette aide-soignante employée dans une maison de retraite de Chambéry,
00:12 a été mise en examen pour la mort de 6 pensionnaires
00:15 et la tentative d'empoisonnement de 3 autres personnes.
00:18 Les victimes n'étaient pas du tout en fin de vie.
00:21 - Bonjour.
00:24 Pour la justice et les criminologues,
00:26 Ludivine Chambé est une tueuse en série.
00:28 Il suffit pour cela de compter ses crimes,
00:31 10 morts entre 2012 et 2013 sur 13 empoisonnements attribués à l'aide-soignante.
00:37 Une succession impitoyable de meurtres dans un Ehpad tranquille de Chambéry.
00:41 Quand elle va être arrêtée, la jeune femme va expliquer qu'elle ignorait
00:45 la dangerosité de ces cocktails de psychotropes.
00:48 Elle voulait juste soulager les souffrances de personnes âgées mourantes qui lui faisaient pitié.
00:54 L'enquête va lever le voile sur une toute autre réalité,
00:58 découvrir par exemple que la plupart de ses patients n'étaient pas en fin de vie.
01:02 Les policiers, les juges, les psychiatres vont se pencher sur le cas de cette suspecte,
01:07 remonter le cours de son existence,
01:09 tenter de savoir quels mécanismes ont pu la pousser à commettre le pire.
01:14 Est-elle démente ? Tue-t-elle par sadisme ou perversion ?
01:17 Quel déclic a fait d'elle une criminelle hors norme ?
01:20 Question posée aujourd'hui à nos invités, dont l'expert psychiatre qui l'a examinée.
01:25 Ludivine Chambé, les deux visages de l'empoisonneuse de Chambéry.
01:30 J'ai agi ainsi car je voyais qu'il n'allait pas bien.
01:33 En général, je mettais une demi-pipette, c'était pour les soulager.
01:37 L'enquête de l'heure du crime, la seule émission radio 100% fait d'Ivera tout de suite, sur RTL.
01:54 Dans l'heure du crime aujourd'hui, l'affaire Ludivine Chambé.
01:58 A l'automne 2013, cette jeune aide-soignante des plus effacées
02:02 va apparaître comme la seule responsable d'une longue série de morts suspectes
02:06 dans un EHPAD de Savoie, des empoisonnements à la chaîne.
02:09 Il y aurait plus d'une dizaine de victimes.
02:12 Vendredi 29 novembre 2013, le directeur de l'hôpital de Chambéry
02:17 alerte le procureur de la ville sur une série de faits suspects
02:20 survenus depuis quelques mois derrière les murs du Césalé,
02:24 un EHPAD situé à Jacob-Belcombet et rattaché au centre hospitalier.
02:30 Le directeur explique que des résidents présentent des symptômes inexplicables,
02:35 des absences, de graves malaises, des comas soudains.
02:38 Certaines de ces personnes sont mortes en quelques heures.
02:41 Ce jour même, une patiente, 84 ans, Élise Maréchal,
02:45 a été atteinte des mêmes troubles et a succombé.
02:48 Impossible de connaître la cause de ces décès, mais un empoisonnement n'est pas à écarter.
02:53 Dans quatre cas, les analyses ont montré la présence d'un cocktail fatal
02:57 composé d'au moins six psychotropes, antidépresseurs et neuroleptiques.
03:02 Des produits entreposés dans une armoire fermée, mais accessible aux soignants.
03:06 L'hôpital dit avoir fait des rapprochements entre les dates des malaises
03:10 et les plannings du personnel chaque fois qu'un incident est survenu.
03:14 Il est noté la présence sur place d'une aide soignante, Ludivine Chambé, 30 ans.
03:20 La police judiciaire se rend à l'EHPAD.
03:22 Elle se renseigne discrètement sur Ludivine Chambé,
03:26 dont le dossier indique qu'elle est bien notée.
03:28 Elle a obtenu son diplôme d'aide soignante en 2004.
03:31 Elle a toujours travaillé à l'hôpital de Chambéry,
03:33 tout d'abord en psychogériatrie, au Césalé, puis au service des soins et soins continus.
03:38 Elle a changé d'affectation en 2012, quand sa mère a été atteinte d'une leucémie incurable.
03:44 Elle a retrouvé alors sa place au sein de l'EHPAD.
03:46 Ludivine Chambé est présentée comme une femme souriante, serviable, disponible,
03:51 même si son caractère est décrit comme changeant, très volubile, puis soudainement renfermée.
03:57 Elle a parfois été surprise, en train de crier dans les couloirs.
04:00 La direction avait pensé qu'elle était surmenée.
04:03 2 décembre, quatre morts de résidence sont attribuées à des empoisonnements.
04:08 Neuf autres cas suspects sont à l'étude.
04:13 Mardi 10 décembre 2013, les policiers de Chambéry interpellent Ludivine Chambé,
04:17 chemin des barraques à Chalaiso.
04:20 Elle est revenue vivre ici, la maison familiale, quand sa mère Solange est tombée gravement malade.
04:25 Elle est décédée il y a cinq mois, à l'âge de 62 ans.
04:28 En garde à vue, l'aide soignante nie tout d'abord les accusations.
04:32 À propos du dernier décès, celui d'Élise Maréchal,
04:35 elle affirme que celle-ci avait l'habitude de boire dans les verres des autres,
04:39 puis elle avoue, en comptant sur ses doigts.
04:42 Trois, puis neuf victimes entre mars et novembre 2013.
04:47 « Il n'y en a pas d'autres », affirme-t-elle.
04:49 « J'ai agi ainsi car je voyais qu'ils n'allaient pas bien, qu'ils étaient angoissés.
04:53 C'était pour les soulager », dit-elle.
04:55 Elle raconte qu'elle choisissait toujours les mêmes médicaments,
04:58 précisant qu'elle n'avait aucune idée de leurs effets.
05:00 « Je ne comptais pas les gouttes. En général, je mettais une demi-pipette », raconte l'aide soignante.
05:06 Elle assure n'avoir jamais fait le lien entre ses produits administrés et les malaises,
05:11 avant de passer à l'acte, elle regardait où étaient ses collègues.
05:14 « Si elle m'avait vue, elles auraient trouvé ça suspect », reconnaît-elle.
05:18 Ludivine Chambé ne peut expliquer ses gestes,
05:21 soulignant qu'elle était alors brisée par le décès de sa mère.
05:24 La vice-procureure de Chambéry, Dylinde Baudoin, indique,
05:28 elle semble affectée par ce qu'elle a fait.
05:30 Le mot qui revient tout le temps, c'est « soulager »,
05:33 mais on n'arrive pas à savoir ce qu'elle entend par ce terme.
05:38 Et le décompte des résidents empoisonnés à l'EHPAD va monter jusqu'à 13 personnes,
05:43 dont 10 auraient succombé à cause de ces cocktails toxiques.
05:45 Enquête qui ne fait que commencer.
05:47 On va suivre les autres explications de l'aide soignante,
05:50 et puis ce que vont essayer de comprendre les enquêteurs, la juge, les psys,
05:54 dans cette étonnante histoire.
05:56 On va en parler de tout ça dans la suite de l'heure du crime.
05:58 On revient à l'EHPAD de Chambéry.
06:01 On est le 10 décembre 2013 avec l'arrestation de l'aide soignante.
06:05 Bonjour Serge Puyot.
06:07 Bonjour Jean-Alephonse.
06:08 Merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui dans l'heure du crime.
06:11 Évidemment, on connaît votre voix sur RTL,
06:13 vous êtes notre correspondant RTL dans cette région de Grenoble,
06:17 et bien au-delà des Alpes même parfois.
06:20 Serge Puyot, vous connaissez bien les faits divers,
06:22 et que vous connaissez parfaitement cette histoire,
06:23 vous l'avez suivie de A à Z tout de suite.
06:27 L'arrestation de l'aide soignante, elle fait les gros titres,
06:29 parce que les victimes, on le pressent presque, elles vont être nombreuses.
06:34 Les policiers annoncent que rien n'est fini,
06:37 c'est un des comptes fatals qui est amorcé.
06:40 Oui, c'est sûr que cette affaire crée un émoi considérable
06:43 dans la région, à Chambéry, dans toute l'agglomération chambérienne,
06:46 et même au-delà, puisque des pensionnaires viennent de toute la région de Savoie.
06:50 Et c'est vrai qu'on est dans un EHPAD qui est l'EHPAD du Césalé,
06:54 qui est un établissement pour personnes âgées dépendantes,
06:57 mais ce ne sont pas des gens qui sont à l'article de la mort.
07:00 Ce ne sont pas des gens, on n'est pas dans un mouroir,
07:03 on est dans un EHPAD où des gens sont âgés mais dépendants,
07:07 et donc c'est vrai que la mort de toutes ces personnes, ces empoisonnements,
07:10 ça stupéfie un peu toute la population, on se dit "mais qui est cette personne,
07:15 qui est cette aide soignante qui a pu empoisonner ces personnes âgées ?"
07:19 Alors, c'est une aide soignante très banale, elle est presque effacée,
07:22 elle a un cursus qui est tout à fait limpide, elle n'a jamais été condamnée,
07:26 elle donne même satisfaction à cet EHPAD du Césalé.
07:30 - Encore un mot Serge Puyot, c'est toujours le même cocktail de psychotropes,
07:34 il n'y a pas de surprise, finalement il y a une mécanique qui est banale,
07:38 on administre toujours les mêmes produits ?
07:40 - Exactement, toujours les mêmes médicaments pourrait-on dire,
07:44 et c'est vrai qu'il y a une répétition dans la volonté d'administrer ces médicaments,
07:49 et avec une issue fatale la plupart du temps, puisque c'est la mort pour 10 personnes empoisonnées,
07:55 donc c'est vrai qu'on se dit comment il y a eu une telle détermination à reproduire
08:01 cette administration de médicaments sur des personnes âgées
08:04 qui, encore une fois, n'étaient pas sur le point de mourir de par leur état de santé.
08:09 - Bonjour Daniel Zaguri. - Bonjour.
08:11 - Merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui dans le studio L'Or du Crime,
08:14 merci beaucoup parce qu'effectivement cette affaire vous la connaissez bien,
08:17 vous avez expertisé Ludivine Chambé, vous êtes experte psychiatre auprès de la Cour d'appel de Paris,
08:22 auteur du livre "La barbarie des hommes ordinaires, ces criminels qui pourraient être nous"
08:26 aux éditions de l'Observatoire, et puis je cite votre dernier livre,
08:29 "Comment on massacre la psychiatrie française" qui est publié aux éditions de l'Observatoire,
08:33 ça c'est un sujet, je le sais, qui vous tient beaucoup à cœur.
08:36 Alors dans cette histoire, Ludivine Chambé, un mot avec une question un peu plus large tout de suite.
08:41 On est là en milieu hospitalier, on est dans un EHPAD,
08:45 normalement c'est un endroit où on soigne, où on soulage,
08:48 et là c'est tout le contraire qui se produit, c'est la mort qui apparaît, c'est frappant.
08:52 - Mais évidemment, c'est toute la singularité de cette histoire.
08:56 Fort heureusement, les médecins, les infirmiers ou les aides-soignants qui tuent,
09:03 il y en a très peu,
09:05 et leur appartenance à la catégorie des tueurs en série,
09:11 j'imagine que la question va être soulagée.
09:15 Mais vous avez raison de commencer par ça, c'est une inversion de la vocation soignante.
09:24 - Alors là c'est tout à fait troublant, évidemment, et dans l'opinion il y a un choc,
09:27 parce que ces personnes, c'est âgé, on les place ici pour qu'elles soient soignées,
09:32 pour qu'elles soient accompagnées jusqu'à leur dernier souffle,
09:34 mais ce n'est pas ça qui s'est produit, parce qu'on a interrompu leur vie avant.
09:39 Daniel Zaguri, j'ai cité la vice-procureure de Chambéry,
09:42 elle dit une phrase qui m'a beaucoup frappé,
09:45 elle dit "moi, Ludivine, je voulais les soulager, ces personnes souffraient,
09:49 j'avais pitié d'elles, elles étaient devant moi,
09:51 elles étaient dans un état déplorable, même si ce n'est pas vrai".
09:54 Le mot "soulager", on ne sait pas ce qu'elle veut dire, dit la vice-procureure, c'est compliqué.
09:59 - Je crois qu'elle a mis le doigt exactement sur la complexité de cette affaire.
10:04 Est-ce que Ludivine Chambé a voulu soulager ces personnes âgées,
10:10 ou est-ce qu'elle a voulu se soulager en face de personnes
10:14 qui évoquaient de façon très puissante l'agonie et la mort de sa mère ?
10:22 La question est ouverte.
10:23 Si vous voulez, on cherche toujours une phrase qui viendrait tout expliquer,
10:30 quelque chose qui serait rationnel.
10:32 Or là, on est, et la procureure a mis le doigt dessus de façon tout à fait...
10:37 - Et très rapidement, dès le début.
10:38 - Oui, mais c'est tout à fait juste.
10:40 Est-ce que ce sont des crimes, alors là, je fais très attention à ce que je dis,
10:45 mais sous-tendus par, je dirais, l'amour de sa mère,
10:50 ou sous-tendus par la haine de cette femme qui l'a fait naître comme ça,
10:55 - On va en parler évidemment de la situation de Ludivine.
10:59 - Et qui ensuite l'a étouffée de sa surprotection.
11:03 Est-ce qu'il s'agit d'un crime d'égoïsme ou d'altruisme qui se donne cette alibi ?
11:09 Est-ce qu'il s'agit de les soulager ou de se soulager ?
11:13 Voilà, c'est ça, si vous voulez, le nœud de l'affaire.
11:16 - Oui, et alors c'est le nœud de l'affaire, et tout de suite, la vice-procureure,
11:19 les enquêteurs y perçoivent qu'il y a quelque chose d'un peu irrationnel qui leur échappe.
11:24 Ce ne sont pas des crimes ordinaires.
11:27 Serge Peillot, justement, qui est-elle Ludivine Chambé ?
11:30 Je disais, elle est bien notée, elle était plutôt discrète cette femme,
11:33 mais elle souffre beaucoup, elle a été malade depuis sa toute petite enfance.
11:38 - Oui, exactement. Ludivine Chambé, elle est née prématurée,
11:42 elle a eu une maladie génétique rare également,
11:45 qui a impliqué des opérations lourdes dans sa jeunesse,
11:48 et donc elle a été très tôt confrontée à la maladie.
11:51 Elle est complexée par sa taille, elle est de grande taille,
11:54 elle a quelques séquelles physiques suite à ses problèmes de santé,
11:58 et elle a donc un gros complexe vis-à-vis de son physique,
12:04 donc elle est un peu mal dans sa peau,
12:06 mais effectivement, elle est présentée comme quelqu'un qui fait bien son travail au niveau de l'EHPAD,
12:11 en tout cas en apparence, il n'y a pas de soupçons au départ sur cette personne,
12:15 et surtout, elle est très affectée par le décès de sa mère.
12:19 - C'est ça, la mort de sa mère, ça va être central dans cette affaire, Serge.
12:23 C'est effectivement, dès le début, elle le dit un petit peu, et les témoignages vont dans ce sens.
12:28 - C'est ça, parce qu'elle a une relation fusionnelle avec sa mère,
12:31 et sa mère est atteinte d'une leucémie aiguë,
12:35 et en 2013, elle va décéder à l'issue d'une lente agonie,
12:39 et donc effectivement, Elisabeth Chambé a été très affectée par la perte de sa maman dans ses conditions,
12:45 et donc à partir de là, elle dit qu'elle ne supportait pas, ou plus, de voir les gens souffrir,
12:51 - En faisant allusion à la fin de sa mère avec cette leucémie,
12:55 et donc, elle transpose ça sur d'autres personnes, ses patients en l'occurrence.
13:01 - En tout cas, c'est une thèse, ce n'est pas forcément celle-là qui va prévaloir,
13:04 mais elle pourrait transposer cette douleur sur ses patients.
13:08 Des crimes causés par une profonde dépression, ou bien réfléchis et prémédités ?
13:13 Ludivine Chambé, les deux visages de l'empoisonneuse de Chambéry,
13:16 - Je voyais bien que je portais la poisse, on me disait que les patients m'attendaient pour mourir.
13:22 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
13:25 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
13:30 Jean-Yves François, Réa.
13:32 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL.
13:38 Au programme, aujourd'hui, de l'heure du crime, l'affaire Ludivine Chambé.
13:41 En décembre 2013, cette jeune aide-soignante est arrêtée pour une série de 13 empoisonnements
13:46 dans un EHPAD de Chambéry, 10 morts suspectes recensées par l'établissement des enquêteurs à la recherche d'un mobile.
13:52 Jeudi 12 décembre 2013, Ludivine Chambé est incarcérée.
13:57 Ses proches, dont son père, un ancien boucher, 67 ans,
14:01 ne parviennent pas à comprendre ce qui a pu se passer dans la tête de la jeune femme.
14:05 Son oncle Bernard confie « C'était pas quelqu'un de méchant,
14:08 je ne pense pas qu'elle aurait fait ça pour leur faire du mal ».
14:11 Aux enquêteurs, tous les proches évoquent la relation fusionnelle que Ludivine entretenait avec sa mère.
14:16 Depuis sa mort, elle était dans une grande souffrance, une grande solitude.
14:20 Elle ne cessait d'en parler, explique l'un d'eux.
14:22 Le portrait est encore fait d'une jeune femme qui ne s'aime pas,
14:26 complexée par son physique, 1m83 pour près de 100 kilos,
14:30 et atteinte d'une maladie rare, le syndrome de Wiederman Beckwith,
14:34 qui déforme son corps.
14:36 Depuis l'enfance, elle n'a cessé de subir des moqueries.
14:38 Lors de l'instruction, elle explique ses agissements par l'état second dans lequel elle vivait à l'époque.
14:45 Elle rendait tous les jours visite à sa mère malade, alors qu'elle continuait à travailler.
14:49 « Après le décès de ma mère, je n'étais plus connecté à la réalité », déclare-t-elle.
14:54 Les policiers collectent des éléments qui vont dans le sens d'une sombre détermination,
14:58 et peut-être de la préméditation.
15:01 L'ordinateur de Ludivine Chambé est inspecté le 27 mai 2013 à 8h51.
15:07 Elle a tapé dans le moteur de recherche Google « comment tuer une personne ».
15:11 25 août 13h41, cette fois la recherche est « provoquer un AVC ».
15:17 À 13h42, elle écrit cette phrase « Association Tertien, l'Oxapac, Rivotril »,
15:22 soit deux neuroleptiques et un antiépileptique.
15:26 27 octobre, elle recherche « médicaments provoquer infarctus ».
15:31 28 octobre 12h12, il est mentionné « tuer un homme ». 12h13, « tertien forte dose ».
15:38 12h20, « chocolat, lait pour empoisonner un chien ».
15:42 Ludivine Chambé dit ne plus se souvenir de ses recherches.
15:45 Les enquêteurs établissent encore que la plupart des victimes n'étaient pas en fin de vie
15:50 ou plongées dans des souffrances insupportables.
15:52 Alice Miege, 92 ans, commençait certes à souffrir d'Alzheimer,
15:56 mais elle n'était ni confuse ni suicidaire.
15:59 Les fils de Simone Canfin, 85 ans, décrivent le brusque coma de leur mère.
16:04 Ils se souviennent que Ludivine Chambé leur a alors couru après,
16:08 en leur demandant comment habiller la résidente si elle décédait.
16:13 Pour Anne Marcillac, 88 ans, il est établi qu'elle n'avait jamais demandé à mourir.
16:17 Elle ne présentait aucune pathologie susceptible d'entraîner en malaise
16:21 et une mort aussi précipitée.
16:23 « Je voyais bien que je portais la poisse.
16:26 Certains collègues m'avaient dit que les patients m'attendaient pour mourir »,
16:29 indique l'aide soignante, mais elle a continué.
16:33 Ludivine Chambé ne manque aucune séquence chez le psychiatre
16:37 de la prison de Bonneville, en Haute-Savoie, où elle est incarcérée.
16:41 À la bibliothèque, elle a emprunté un livre sur les relations mère-fille.
16:45 Elle recherche à comprendre son geste et c'est un long travail,
16:48 indique au journal Le Parisien, maître Ségolène Franck,
16:52 qui la défend avec maître Thomas Bidnick,
16:55 l'avocate ajoute que l'aide soignante a hâte de comparaître et de s'adresser aux familles,
17:00 mais elle n'aura à offrir que ce qu'elle a découvert d'elle-même.
17:04 Et on va voir à ce procès de cour d'assises qui va arriver,
17:08 ce que l'aide soignante va pouvoir donner pour explication,
17:10 quel visage va-t-elle montrer et quel sera le contenu du volet psychiatrique,
17:15 car il est capital dans ce dossier.
17:17 C'est à suivre dans le prochain chapitre de l'émission.
17:20 Serge Peilliot, on vous retrouve dans cette Heure du Crime,
17:22 vous êtes notre correspondant RTL dans la région de Grenoble.
17:26 Alors il y a eu cette garde à vue, il y a de nombreuses auditions,
17:30 la juge pose et repose les mêmes questions à Ludivine Chambé,
17:36 mais elle a du mal à donner la véritable raison de ces gestes criminels.
17:43 Tout ça est très hésitant et flou Serge.
17:45 Oui, oui c'est flou effectivement, elle répète en boucle que c'est pour soulager
17:50 les pensionnaires de l'EHPAD qu'elle a administré ces cocktails de médicaments.
17:56 Et devant la police, elle n'est pas impressionnée lors de son arrestation,
18:00 elle est très combattive, elle explique calmement avec des réponses très précises,
18:05 racontera plus tard le chef des enquêteurs,
18:08 qu'effectivement elle a voulu non pas tenter à la vie de ses patients,
18:13 mais elle a voulu les soulager, elle le répète à mes yeux.
18:17 Ce que je voyais c'était des victimes très tristes,
18:20 mais peut-être, commence-t-elle à amorcer, peut-être que c'est moi qui n'allais pas bien.
18:25 Donc voilà, elle se pose des questions au fil des interrogatoires,
18:28 mais en tout cas au départ, elle assume toujours avoir voulu, dit-elle, soulager ses patients.
18:34 Et c'est important ce que vous dites Serge Puyo, parce que c'est presque paradoxal,
18:37 on a cette femme qui paraît effacée, presque timide, un peu enfantine,
18:41 et face aux policiers, elle est plutôt solide, elle ne lâche même rien au début.
18:49 Oui, au début elle ne lâche rien, puis après au fil des interrogatoires,
18:52 elle livre les noms des médicaments qu'elle a administrés,
18:56 elle donne même les noms des victimes,
18:58 elle assume quand même une grande partie de ses actes,
19:02 mais effectivement, elle réfute avoir tué intentionnellement ces personnes âgées.
19:08 Daniel Zaguri, expert psychiatre, et vous avez expertisé à l'époque cette aide soignante,
19:13 alors j'ai deux questions pour vous.
19:15 Tout d'abord, on en revient toujours avec elle, dans ses propos,
19:18 à l'amour fusionnel qu'elle a avec sa mère.
19:20 Elle explique tout par ça, elle dit "c'est le déclic,
19:23 je n'étais plus moi-même, j'étais dans une bulle en quelque sorte".
19:26 Alors toute la difficulté, c'est que là on n'est pas avec une névrosée
19:30 qui aurait un conflit interne et qui serait capable d'évoquer ses oscillations.
19:37 On n'est pas non plus devant une psychotique qui délirerait et donnerait un mobile.
19:45 On est un mobile délirant bien sûr.
19:47 Et on est devant ce que j'appelle la clinique du clivage.
19:52 C'est-à-dire que, par exemple,
19:56 elle a fait des recherches sur internet, comment tuer, etc.
20:00 - Ah oui, c'est accablant !
20:01 - Mettez-vous à la place des policiers, des enquêteurs,
20:05 ils ont l'impression qu'elle les mène en bateau.
20:09 En réalité, il y a deux espaces psychiques.
20:12 Je m'empresse de dire que ce n'est pas une cause d'irresponsabilité pénale,
20:16 c'est un éclairage psychodynamique.
20:19 Donc il y a un espace dans lequel quelque chose se joue
20:25 d'une destructivité dont elle ne peut pas parler.
20:29 Elle n'a pas de mots pour dire ça.
20:31 - Elle ne sait pas pourquoi elle a tué, c'est ça ?
20:33 - Elle ne sait pas pourquoi, si on lui pose des questions précises
20:36 et qu'on la pousse dans ses retranchements,
20:38 elle sait comment, ou elle peut dire comment, mais pourquoi, non.
20:43 - Elle dit comment mais pas pourquoi, et ça c'est important.
20:45 - Oui, elle ne dit pas pourquoi parce que le pourquoi,
20:48 s'il vous plaît, il est toujours à double polarité.
20:50 C'est-à-dire que c'est tout et son contraire.
20:52 C'est l'amour et c'est la haine.
20:54 - Oui, c'est ça.
20:54 - La protection et la destruction.
20:56 - Elle a vu sa mère mourir de cette leucémie qui a été longue et douloureuse,
21:01 et puis finalement foudroyante, elle n'a pu rien faire,
21:03 et là elle est face à des personnes qui sont âgées,
21:06 mais qui sont toujours vivantes.
21:07 Elle peut aussi se dire "mais pourquoi vous, vous vivez ?
21:09 Ma mère est morte, après tout, vous ne le méritez pas."
21:12 Il peut y avoir ce discours dans sa vie ?
21:14 - Absolument, absolument.
21:16 Il pourrait y avoir une vengeance, quelque chose comme ça,
21:21 une injustice à réparer, puisque sa mère meurt
21:25 et pas ces personnes âgées dont l'existence est très ténue.
21:32 Mais attention, pas en fin de vie.
21:35 Là, c'est un point...
21:36 - Eh oui, bien.
21:37 - Si vous voulez, la libide, l'euthanasie...
21:39 - Il ne tient pas.
21:40 - ... est totalement irrationnelle, il ne tient pas.
21:41 - Il ne tient pas.
21:42 Serge Peuillot, on vient d'en parler avec Daniel Zaguri,
21:45 sur ses recherches qu'elle fait sur Internet et tout,
21:50 ça, la police elle tique là-dessus,
21:52 parce que les recherches sont très précises.
21:53 Comment tuer ? Comment tuer ? Comment tuer ?
21:55 - Oui, exactement.
21:57 Pour la police, les choses sont claires,
21:58 pour les enquêteurs, il n'y a aucune ambiguïté.
22:02 Ludivine Chambé voulait tuer ces personnes
22:05 et ne pas les soulager ponctuellement
22:07 avec quelques médicaments ou un cocktail de médicaments.
22:10 Pour les enquêteurs, les choses sont claires,
22:13 la volonté de Ludivine Chambé était de tuer, pas d'apaiser.
22:17 Voilà les mots du responsable des enquêteurs de la police.
22:21 - Donc pour les policiers, effectivement,
22:23 le côté euthanasie, ça ne peut pas tenir,
22:27 le côté apaisé des personnes qui sont à l'article de la mort,
22:31 ça ne tient pas pour la police ?
22:32 - Oui, c'est ça.
22:33 Ils ont une vision très pragmatique, mais c'est normal,
22:35 ce sont des policiers, des enquêteurs,
22:37 ils ont besoin de réponses à leurs questions.
22:39 Un petit mot avec vous, Daniel Zaguri.
22:41 Elle dit "je voyais que je portais la poisse".
22:45 On a presque envie de sourire,
22:46 parce que, évidemment, "je portais la poisse",
22:48 elle voyait ces personnes mourir,
22:50 mais elle ne se rendait pas compte de ce qui se passait,
22:53 ou bien elle ment ?
22:54 - Toute sa vie, elle a eu la poisse.
22:58 Elle a eu une maladie génétique,
23:01 elle en a souffert, elle a été moquée à l'école,
23:05 elle avait un physique très particulier,
23:08 avec une très grande taille, une forte corpulence,
23:11 elle a été opérée parce qu'elle avait une très grosse langue, etc.
23:14 - Oui, donc tout ça a pesé, effectivement,
23:16 sans doute sur sa décision et sa trajectoire.
23:20 Trois ans et demi après son arrestation,
23:22 l'aide-soignante va être jugée.
23:25 Ludivine Chambé, les deux visages de l'empoisonneuse de Chambéry,
23:28 elle ne voulait pas soulager les victimes,
23:30 elle avait bien la volonté de les tuer.
23:32 L'enquête aujourd'hui de l'heure du crime,
23:33 qui est l'accusée ?
23:34 La méchante aide-soignante ou la gentille aide-soignante ?
23:38 C'est à suivre dans un court instant sur RTL.
23:40 L'heure du crime,
23:42 Jean-Alphonse Richard jusqu'à 15h30 sur RTL.
23:46 L'heure du crime,
23:47 Jean-Alphonse Richard jusqu'à 15h30 sur RTL.
23:51 - Elle n'est pas le mâle absolu,
23:52 parce que les actes qu'elle a commis ont été commis dans la douleur.
23:56 Ludivine Chambé, il lui est arrivé un malheur,
23:59 et ce malheur, elle ne l'a pas supporté.
24:01 Bien sûr que lorsqu'on perd sa mère,
24:03 bien sûr que lorsqu'elle souffre pendant un an,
24:05 on ne tient pas nécessairement un criminel.
24:07 Ce n'est pas une raison pour ne pas se pencher sur ce qui s'est passé.
24:10 Retour aujourd'hui dans l'heure du crime sur l'affaire Ludivine Chambé.
24:13 En décembre 2013, cette aide soignante a été arrêtée
24:16 pour une longue série d'empoisonnements dans un EHPAD à Chambéry.
24:20 Trois ans et demi plus tard,
24:21 elle est jugée pour 13 empoisonnements et les morts de 10 personnes.
24:24 Mardi 9 mai 2017, Ludivine Chambé,
24:28 qui aura 34 ans le lendemain,
24:30 comparée devant la cour d'assises de la Savoie à Chambéry.
24:33 Habillée en noir, pourtant de longs cheveux noirs,
24:36 elle affiche un visage pâle.
24:37 Son regard aux aguets balaie la salle de gauche à droite.
24:40 Tout le monde est surpris par la voix de petite fille de cette femme,
24:45 plus grande que les trois gendarmes qui l'entourent.
24:48 Impossible, les mains croisées sur les cuisses.
24:50 Elle écoute les histoires de ses 13 victimes,
24:54 puis son propre curriculum défile.
24:57 Sa maladie et les malformations de son corps,
25:00 sa mère qui la promenait cachée dans une poussette.
25:02 Ma maman m'a surprotégée, couvée.
25:05 Elle ne m'a pas laissé grandir correctement.
25:07 Elle ne m'a pas aidé à couper le cordon,
25:09 à prendre mon envol, dit-elle.
25:11 Au fil des jours, les témoins défilent.
25:13 Le capitaine Olivier Sotti,
25:15 chef du groupe criminel à la PG de Chambéry,
25:18 livre un portrait sans concession de l'accusée.
25:20 Son mode opératoire a évolué dans le temps.
25:23 Au début, elle donnait des doses plus faibles,
25:25 puis elle a augmenté parce que, selon moi,
25:28 elle ne voulait pas soulager les victimes comme elle le prétend,
25:31 mais elle avait bien la volonté de les tuer, affirme le policier.
25:35 Mercredi 17 mai, la présidente fait défiler la liste des recherches internet
25:38 de Ludivine Chambé avec le fameux "Empoisonner un homme".
25:42 "Je suis abasourdie de voir tous ces mots,
25:44 je ne m'en souviens pas, c'est le trou noir complet", dit-elle.
25:47 L'avocat général lui fait remarquer que,
25:50 quand c'est la méchante Ludivine, il n'y a pas de souvenir.
25:53 Quand c'est la gentille Ludivine, ah, alors là, la mémoire revient.
25:57 Réponse de l'accusée, on pourrait qualifier ça comme ça.
26:00 Son avocat, maître Thomas Bidnick, la questionne aussi.
26:04 "Êtes-vous responsable de la méchante Ludivine ?"
26:07 Réponse, "Je ne la contrôle pas", l'aide soignante va ajouter.
26:11 "Les deux Ludivines ne font qu'une personne, c'est moi."
26:16 Et ce sont là les premiers jours du procès, on va voir la suite,
26:19 et puis on va voir ce que va être le verdict des jurés.
26:22 Serge Peilliot, vous êtes notre correspondant RTL à Grenoble et dans la région,
26:27 alors vous la connaissez parfaitement cette affaire, je le disais au début,
26:29 vous l'avez suivie de A à Z, vous étiez à ce procès.
26:33 On a le sentiment que Ludivine Chambé, à ses audiences,
26:36 tout au moment au début, elle apparaît comme une forteresse,
26:39 il n'y a pas de fissure chez elle, elle est impassible.
26:42 Oui, elle a du mal à s'expliquer, c'est clair.
26:45 Donc, vous l'avez dit, elle a un timbre de voix enfantin,
26:48 ça surprend par rapport à son physique.
26:50 Elle déclare tout de suite d'entrer lors du procès.
26:54 J'espère que ce procès va pouvoir faire avancer les choses
26:58 et répondre aux questions des familles.
27:00 Voilà ce qu'elle déclare lorsque le président lui donne la parole d'entrée.
27:04 Mais effectivement, au fil des débats, on a du mal à entendre ses explications
27:09 puisqu'elle n'en a pas vraiment.
27:11 Elle se définit comme gentille, serviable, elle dit qu'elle est à l'écoute des autres.
27:15 Donc voilà, elle se valorise par rapport à sa personnalité d'aide-soignante.
27:20 Mais lorsqu'on entre dans le vif du sujet, si je puis dire,
27:24 par rapport à ses empoisonnements, il n'y a plus personne.
27:27 Oui, c'est ça, elle se ferme.
27:28 Mais alors ça, encore juste un petit mot Serge,
27:31 pour les familles, c'est épouvantable,
27:32 parce que les parties civiles, elles sont là, toutes ces familles
27:35 de vieilles dames et de vieux messieurs qui ont payé de leur vie
27:39 d'avoir rencontré Ludivine Chambé.
27:41 Et pour elles, c'est l'incompréhension la plus totale.
27:43 Ah oui, pour ces familles, il y a une criminelle dans le box, rien d'autre.
27:47 Elle a commis des actes horribles, c'est ce que répètent en boucle plusieurs familles,
27:54 en disant qu'elle n'a pas d'excuses, qu'elle a agi froidement,
27:58 qu'elle a tué des gens et que ses explications de soulager
28:02 ces personnes âgées ne tiennent pas la route.
28:04 Daniel Zaguri, expert psychiatre auprès de la Cour d'appel de Paris,
28:07 vous en avez vu des criminels et vous en avez couvert des procès.
28:11 Vous y êtes à ce procès puisque vous avez expertisé Ludivine Chambé.
28:14 Donc vous allez être cité comme témoin, vous allez venir raconter ce que vous pensez d'elle.
28:18 Alors, il y a quelque chose de très frappant, c'est ce passage du procès,
28:22 la méchante et la gentille Ludivine.
28:25 Et puis elle dit "moi je suis un peu la méchante et je suis aussi un peu la gentille".
28:29 Je traduis ses propos mais c'est à peu près ça, non ?
28:31 Alors ce qui est intéressant effectivement, c'est ce manichéisme,
28:36 cette espèce de dichotomie assez surprenante entre gentil et méchant,
28:42 qui nous renvoie à ce que je disais tout à l'heure,
28:45 c'est-à-dire à cette lignique du clivage et à cette part d'elle-même qu'elle ignore totalement.
28:52 Elle ne connaît pas cette destructivité dont on peut penser raisonnablement
28:57 qu'elle a joué évidemment un rôle dans ses agirs.
29:04 Donc il y a quelque chose qui se joue dans ces crimes qu'elle ne veut surtout pas voir,
29:09 qui relève de sa destructivité, peut-être, c'est une hypothèse de la haine de cette mère
29:17 qui ne l'a pas laissée acquérir une autonomie, mais elle est tellement dans la fusion,
29:23 elle est tellement dans l'amour de sa mère, elle est tellement dans la dépendance...
29:26 - Qu'elle est incapable de se couper d'elle.
29:28 - Que c'est quelque chose qui est tout à fait irreprésentable pour elle.
29:32 Donc dans cette histoire de gentille et méchante,
29:36 il y a aussi quelque chose chez elle de ce manichéisme dont je parlais,
29:39 mais d'un certain puérilisme.
29:41 Cette grande femme là, d'1m83, de forte corpulence,
29:45 elle parle de papa, elle parle de maman, elle s'exprime avec une petite voix.
29:50 - Et donc ça c'est tout à fait frappant et étonnant comme attitude.
29:54 Procès qui se poursuit avec cette question.
29:56 Est-elle une vraie tueuse en série ?
30:00 Ludivine Chambé et les deux visages de l'empoisonneuse de Chambéry,
30:03 l'accusée est une tueuse qui a agi avec détermination pour des motifs obscurs.
30:07 Ses actes sont monstrueux.
30:09 L'enquête de l'or du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
30:13 - Jean-Alphonse Richard sur RTL.
30:15 - L'or du crime.
30:17 - Au contrat.
30:18 - L'or du crime, présenté par Jean-Alphonse Richard sur RTL.
30:22 - L'or du crime consacré aujourd'hui à une empoisonneuse, Ludivine Chambé.
30:27 En 2017, cette jeune aide-soignante comparaît devant les assises de Savoie
30:31 pour 13 empoisonnements de personnes âgées, dont 10 mortelles.
30:34 Avocats, juges, jurés ont bien du mal à percer le mystère de ces actes.
30:39 - Les trois experts psychiatres appelés à témoigner devant la cour sont unanimes.
30:44 Ludivine Chambé n'est atteinte d'aucune maladie mentale,
30:48 ni psychotique, ni psychopathe.
30:50 À la question de savoir si l'accusée est une tueuse en série,
30:53 le docteur Patrick Blascher répond qu'il s'agit d'une catégorie rare.
30:57 "Je n'ai vu qu'une dizaine de cas de plus de trois meurtres
31:00 en plus de 1000 expertises", dit-il.
31:03 Le docteur préfère assimiler le cas Chambé à une pyromane ou à une incendiaire,
31:08 sauf qu'il s'agissait ici d'êtres humains, précise-t-il.
31:12 Le docteur Daniel Zaguri, qui a expertisé plusieurs tueurs en série,
31:15 assure que l'accusé n'appartient pas à cette catégorie,
31:18 même si ses actes sont une série de crimes.
31:21 Face à une telle personnalité complexe,
31:23 les experts reconnaissent qu'ils en sont réduits à émettre des hypothèses.
31:27 Il est vain de vouloir fournir une logique claire du passage à l'acte,
31:32 estime Daniel Zaguri.
31:34 Mardi 23 mai 2017, l'avocat général indique Ludivine Chambé est une tueuse
31:39 qui a agi avec détermination pour des motifs obscurs.
31:43 Ses actes sont totalement monstrueux.
31:45 Il réclame 30 ans de prison.
31:47 L'accusé est condamné à 25 ans avec 10 ans d'obligation de soins.
31:51 Ludivine Chambé ne branche pas, son visage ne marque aucune émotion particulière.
31:56 La seule fois où ses yeux se seront embués,
31:59 c'est lorsque la fille d'une des victimes était venue témoigner.
32:04 Serge Péillot, vous êtes avec nous dans cette heure du crime.
32:07 Journaliste et correspondant RTL dans la région de Grenoble.
32:10 25 ans, c'est beaucoup.
32:12 L'avocat général demandait 30 ans.
32:16 C'est une peine qui fait l'unanimité, je crois, même chez les familles.
32:22 Serge Péillot, qui était avec nous et qui n'y est plus,
32:24 mais qui va revenir évidemment,
32:25 je me tourne vers Daniel Zaguri parce que vous, vous étiez également à ce procès.
32:28 Je vous ai cité ce que vous avez parlé de Ludivine Chambé.
32:32 Il y a une question qui me troque dans la tête.
32:34 Vous dites que ce n'est pas une tueuse en série.
32:37 Alors moi, si je fais le compte, il y a quand même 10 personnes mortes.
32:41 Ça, c'est une tueuse en série.
32:43 Alors, il faut savoir de quoi on parle.
32:45 Si on s'attache à une définition policière, descriptive,
32:50 oui, c'est une tueuse en série.
32:52 Elle a tué plus de 2 personnes.
32:53 Juridiquement, c'est ça.
32:55 Oui, on va dire policièrement plutôt, parce que bon, ce n'est pas...
32:58 Criminologiquement.
32:59 Criminologiquement, voilà.
33:02 Oui, alors c'est une tueuse en série.
33:04 Mais on ne retrouve pas chez elle les caractéristiques
33:08 que moi, j'ai pu observer et décrire chez un certain nombre de tueurs en série,
33:12 dont je m'empresse de dire qu'ils sont tous très différents les uns des autres.
33:16 Qu'est-ce qu'il faut pour être un tueur en série ?
33:18 Alors, ce que l'on repère le plus souvent,
33:21 c'est une indifférence absolue à l'égard des victimes qui sont chosifiées,
33:26 qui sont neutralisées.
33:27 Ce qui n'est pas tout à fait le cas ici.
33:30 Il n'y a pas de jouissance de toute puissance.
33:33 Il n'y a pas...
33:36 Ce n'est pas à ce niveau-là que se jouent les actes.
33:41 Elle n'est pas sadique, c'est ça que vous voulez dire ?
33:43 Il n'y a pas de perversion perceptible.
33:47 Elle ne met pas l'interlocuteur mal à l'aise.
33:50 Non, mal à l'aise, l'interlocuteur l'est nécessairement,
33:53 compte tenu de la gravité des faits.
33:54 Mais dans l'interaction, dans l'échange,
33:57 elle ne nous met pas mal à l'aise.
34:02 Et surtout, on ne retrouve pas chez elle
34:05 ce que j'ai décrit chez la plupart des tueurs en série,
34:08 c'est-à-dire un tripôle
34:11 avec une dimension psychopathique qu'on ne retrouve pas du tout chez elle.
34:16 - Donc elle n'est pas psychopathe ?
34:17 - Un registre pervers,
34:19 à ma connaissance, on ne le retrouve pas chez elle.
34:23 Et une angoisse sous-jacente, par contre,
34:26 une angoisse sous-jacente de registre archaïque.
34:29 Par contre, ce clivage dont j'ai parlé, il est bien là,
34:33 entre une lutte divine trop gentille, j'ai envie de dire,
34:37 qui ignore le conflit, l'agressivité,
34:40 et une part de destructivité ignorée d'elle-même.
34:45 - C'est ça, et qui semble lui échapper, en tout cas,
34:47 c'est ce que vous avez perçu, vous, en étudiant ce cas.
34:51 Serge Puyon, on vous retrouve, correspondant à RTL, à Grenoble,
34:54 et vous étiez à ce procès, je le disais, 25 ans, c'est une peine,
34:57 c'est beaucoup, évidemment, 25 ans de prison,
34:59 mais c'est une peine qui fait l'unanimité,
35:00 elle aurait pu avoir 30 ans, Ludivine Chambé ?
35:03 - Oui, c'est vrai que la peine aurait pu être encore plus lourde,
35:06 mais c'est vrai que les familles sont quand même satisfaites de cette peine.
35:10 Elle voulait qu'elle soit reconnue comme une criminelle,
35:13 c'est ce qu'elle a effectivement été,
35:16 puisqu'au final, elle prend 25 ans de réclusion criminelle.
35:20 Et donc, Ludivine Chambé, jusqu'au bout, a essayé de minimiser son action,
35:26 de s'excuser auprès des familles.
35:28 Il faut savoir qu'en détention, elle a eu l'occasion de se confesser,
35:31 de demander pardon à Dieu d'avoir effectué ces actes affreux,
35:35 et donc, elle n'a cessé, sur la fin du procès, de demander pardon aux familles,
35:39 avec, c'est vrai, un peu sur l'insistance de son avocat,
35:42 ça sonnait parfois un peu faux pour les familles,
35:45 et au final, effectivement, le verdict est tombé.
35:47 - C'est ça, 25 ans, mais juste un petit mot, Serge Puyo,
35:51 on n'a pas compris pourquoi elle avait fait ça.
35:53 Alors, on en a parlé avec Daniel Zaguri,
35:55 mais là, les familles, elles n'ont pas compris.
35:59 - Non, personne n'a compris, je ne sais pas si Ludivine Chambé elle-même a compris.
36:03 Elle a répété qu'elle avait été déconnectée de la réalité,
36:07 qu'elle avait cette personnalité qui lui demandait de faire ce qu'elle a fait.
36:10 Elle parle d'une double Ludivine, on l'a dit,
36:13 et donc, effectivement, il reste un mystère sur cette femme,
36:16 qui a quand même tué 10 personnes.
36:19 - L'aide soignante prend sans un mot le chemin de la prison.
36:24 Ludivine Chambé, les deux visages de l'empoisonneuse de Chambéry.
36:27 Parce que ma grand-mère ne lui a pas souri,
36:30 elle l'a condamnée à mort.
36:32 L'enquête de l'heure du crime, je vous retrouve tout de suite sur RTL.
36:35 L'heure du crime, présentée par Jean-Alphonse Richard sur RTL.
36:39 L'heure du crime, présentée par Jean-Alphonse Richard sur RTL.
36:44 - Dans l'heure du crime, aujourd'hui, le cas Ludivine Chambé,
36:46 cette aide soignante, a été condamnée en 2017 à 25 ans de réclusion
36:51 pour avoir empoisonné 13 personnes âgées de 76 à 96 ans dans un Ehpad.
36:56 Chambéry, 10, était morte.
36:58 Elle n'a jamais vraiment expliqué ses actes.
37:02 Lors de son procès, Ludivine Chambé avait eu ces quelques mots pour les familles.
37:06 "Je suis coupable de crime.
37:07 Je voudrais ajouter aussi que je suis sincère
37:09 et je comprends que l'on ne puisse pas me pardonner.
37:12 Mais je demande encore une fois pardon aux familles des victimes."
37:17 Des familles qui, à l'audience, n'ont pour la plupart jamais cru
37:20 aux explications de Ludivine Chambé,
37:22 incrédule et condamnée, elle, à une profonde tristesse.
37:28 - J'aurais préféré qu'elle reconnaisse qu'elle avait tué,
37:31 même si elle n'avait pas eu l'intention au départ.
37:34 Mais les premières, d'accord.
37:36 Mais après, elle savait très bien ce qu'elle faisait.
37:39 Elle a beau dire "je suis une deuxième personne, je ne sais pas ce que je faisais",
37:42 mais non, ce n'est pas possible.
37:43 C'est une meurtrière en série pour moi.
37:46 - La voix de Colette Pillet, la fille d'Anne-Marie Marciac, morte à 88 ans,
37:51 Serge Puyot, on vous retrouve dans cette heure du crime.
37:52 C'est vous qui avez réalisé ces interviews lors du procès,
37:56 puis à la fin de ce procès, après le verdict.
37:59 Il n'y a pas eu de procès en appel ?
38:02 Et puis, pourquoi ? Est-ce qu'on le sait ?
38:05 Il aurait pu y avoir un deuxième procès d'assises ?
38:09 - Je crois qu'effectivement, Ludivine Chambé, elle aussi voulait tourner la page.
38:12 C'était extrêmement difficile à vivre, cette histoire.
38:16 Et pour les familles également, c'était compliqué.
38:19 Et donc, elle a préféré en rester là, si l'on peut dire, avec son avocat.
38:23 Et donc, elle n'a pas fait appel.
38:25 - Elle est toujours en prison, aujourd'hui même ?
38:27 - Elle est toujours actuellement en prison, effectivement.
38:29 Elle continue à purger sa peine.
38:32 - Daniel Zaguri, je posais la question dans le chapitre précédent à Serge Puyot,
38:38 en disant que personne n'a rien compris à ce qui s'est passé, pourquoi elle a fait ça.
38:43 C'est une question terrifiante. Personne n'a rien compris.
38:46 - Mais ce n'est pas vrai.
38:48 Rien ne m'attriste plus, vous savez,
38:50 quant à la fin d'une chronique judiciaire,
38:53 alors que vous avez fait une expertise, vous avez passé de longues heures à essayer d'expliquer,
38:57 de comprendre d'abord, et ensuite de rendre compte.
39:01 La dernière phrase, c'est "l'expert n'a pas permis de percer le mystère".
39:05 Eh bien, pourquoi ? Parce qu'on voudrait une cause coupable.
39:09 On voudrait quelque chose de simple.
39:11 C'est l'intérêt, c'est la passion, c'est la lubricité, c'est la haine, c'est l'argent, c'est la vengeance.
39:17 Donc, quand on tient comme ça, qu'on veut épingler une cause, on est content.
39:22 Alors qu'en réalité, c'est toujours beaucoup plus compliqué.
39:26 Or, ce qu'il faut comprendre, c'est que les crimes de Lee-Divine-Chambey
39:32 entretiennent un lien, un lien complexe certes, mais un lien avec sa relation à sa mère.
39:39 Et que donc, tout est, si vous voulez, dans ce lien.
39:45 Et moi, je ne dirais pas qu'on n'a pas compris.
39:50 Je dirais plutôt que ce que l'on a compris ne se résume pas en une phrase élémentaire.
39:57 - Alors on est d'accord. Il faut de toute façon, Daniel Zaguri, regarder cette histoire à travers le prisme de son enfance et de sa mère.
40:04 C'est ce que vous nous dites.
40:05 Sans ce prisme, alors là, il n'y a zéro explication.
40:07 - Sans ce prisme, il n'y a zéro éclairage, effectivement.
40:11 Donc, il faut en revenir à l'intuition de la procureure.
40:18 Elle s'est à la fois soulagée et elle a eu l'alibi de soulager.
40:26 De quelque chose dans lequel elle était pris et dont elle n'avait aucune explication claire.
40:37 - Serge Pueyo, vous l'avez suivi ce procès, vous avez suivi cette affaire.
40:40 Est-ce qu'il y a eu une évolution chez Ludivine Chambé dans son attitude, dans ses paroles, dans ses gestes ?
40:48 - Pas trop. Elle est restée égale tout au long du procès en ayant du mal à s'expliquer.
40:53 Elle a essayé de le faire sous les coups de boutoir des avocats des partis civils.
40:57 Mais c'est vrai qu'elle a eu beaucoup de mal à mettre des mots sur ce qu'elle a fait.
41:03 Voilà, elle a persisté à dire qu'elle voulait soulager ces personnes.
41:06 Et donc, qu'elle ne voulait plus voir cette souffrance vis-à-vis de ses pensionnaires.
41:12 Alors que ce n'était pas le cas, on l'a dit.
41:14 Ces gens n'étaient pas prêts de mourir.
41:16 Mais pourtant, elle leur a donné la mort.
41:18 - Est-ce que vous avez perçu, Serge,
41:20 alors c'est difficile, mais ces deux visages de cet accusé, de cette femme,
41:24 est-ce que cette femme qui a une toute petite voix et à qui on reproche des crimes épouvantables...
41:30 - Oui, c'est vrai qu'il y a un contraste très particulier entre cette Ludivine Chambé
41:34 qui veut se faire passer quasiment pour une victime
41:38 et puis cette Ludivine Chambé qui a donné la mort.
41:41 Il y a une image qui m'a touché lors du procès.
41:43 Une personne m'a expliqué, un témoin en tout cas l'a dit à la barre,
41:47 qu'il lui est arrivé, Ludivine Chambé, de venir à l'EHPAD avec son accordéon
41:53 pour faire chanter la maison de retraite les jours de fête.
41:56 C'est complètement paradoxal.
41:57 Donner la mort à 10 personnes et ensuite effectivement venir avec son accordéon
42:02 pour jouer et effectivement faire plaisir à ces personnes âgées.
42:07 - Et ça c'est une anecdote absolument extraordinaire.
42:11 Daniel Zaguri, je vais terminer cette émission avec vous, il me reste une minute.
42:14 Il y a cet accordéon qu'elle fait emmener à l'EPAD,
42:17 parce qu'il faut que tout le monde soit heureux alors qu'elle est en train de commettre le pire.
42:21 - Mais nous voudrions avoir des représentations simples
42:26 de ceux qui commettent des actes horribles.
42:29 Pourquoi enlever à Ludivine Chambé aussi une grande part de sa personnalité
42:37 qui était dans le souci de l'altruisme et dans la vocation ?
42:44 - La méchante et la gentille, on en revient toujours un petit peu,
43:08 même si c'est caricatural, mais c'était au procès.
43:10 Ces deux qualificatifs n'ont cessé d'apparaître et de réapparaître.
43:15 Merci beaucoup Daniel Zaguri et Serge Pueyo d'avoir été les invités aujourd'hui de L'Heure du Crime.
43:20 Merci à l'équipe de l'émission, rédactrice en chef Justine Vignot,
43:23 préparation Marie Bossart, réalisation Jonathan Griveaux.
43:26 L'or du crime, présenté par Jean-Alphonse Richard sur FN.

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