• il y a 7 mois

Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, Laura Blajman-Kadar, rescapée des attaques du 7 octobre, est au micro de Pascal Praud pour témoigner et présenter son livre "Croire en la vie" publié aux éditions Robert Laffont.

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Retrouvez "Pascal Praud et vous" sur : http://www.europe1.fr/emissions/pascal-praud-et-vous

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Transcription
00:00 - Europe 1 - 11h - 11h04
00:02 - Europe 1, 11h, 13h, Pascal Praud et vous.
00:08 - Et pour réagir avec Pascal Praud de 11h à 13h sur Europe 1, 01, 80, 20, 39, 21.
00:13 - Je salue Géraldine Lamont qui est avec nous, Fabrice Laffitte, bonjour.
00:17 Notre ami Laurent Tessier, quel grand chef.
00:19 - Bonjour à tous. - Bonjour Laurent Tessier, bonjour également Olivier Guedec.
00:23 - Bonjour monsieur. - Et bonjour monsieur.
00:26 Et bonjour Florian Carasou-Mayan.
00:28 - Bonjour Pascal. - Vous avez terminé vos mots fléchés, vos mots croisés.
00:31 - C'est sous doute. - Absolument.
00:34 Vous êtes avec nous, ça y est.
00:37 Je tiens à dire évidemment à tout un chacun que je n'ai pas l'âme d'un surveillant général, bien évidemment.
00:43 Mais tout ça, tout ce petit monde arrive à 6h30 le matin.
00:47 - Tous ? Non. - Tous non.
00:50 - Non, monsieur Boubouk ? - Monsieur Boubouk arrive après.
00:52 - Un petit peu plus tard, je suis en Bécarrage Aurère, oui.
00:54 - Mais globalement vous êtes entre manger des petits gâteaux, manger...
00:59 - Des pains au chocolat. - Des pains au chocolat.
01:01 Il y a peu de place pour le travail.
01:03 - Ouh la la ! - Je les surveille.
01:05 - Le saut du coup.
01:07 Laura Blachman-Cadart, bonjour.
01:10 - Bonjour.
01:12 - Blachman-Cadart, pardonnez-moi, vous avez écrit avec Dominique Rouche "Croire en la vie, c'est un récit,
01:17 le témoignage bouleversant d'une survivante du massacre du 7 octobre".
01:20 Vous êtes là avec nous, mais le 7 octobre, vous avez vécu l'indicible.
01:27 - Oui, le 7 octobre, mon mari et moi et nos amis étaient au Nova Festival.
01:34 Nous étions là-bas depuis le 5 octobre pour le Unity Festival qui avait pris place avant le Nova Festival.
01:41 Et à 6h30 du matin, quand on était en route vers la piste de danse,
01:47 en sortant de ma caravane, je vois tout le monde en train de regarder le ciel, je n'ai pas trop compris pourquoi.
01:52 Et en regardant, en levant la tête et en regardant le ciel, je vois des bombes, des roquettes qui explosent au-dessus de notre tête.
02:00 Et ça a pris encore quelques secondes pour qu'ils coupent la musique.
02:06 Parce qu'en fait, ce qui se passe, on est dans une forêt.
02:09 Dans une forêt, il n'y a pas d'alarme qui sonne quand il y a des roquettes, il n'y a pas d'abri non plus.
02:13 - Vous n'êtes pas toute seule ?
02:14 - Non, on n'est pas toute seule.
02:15 - Vous êtes avec des amis, puis proches, et puis autour de vous, il y a beaucoup de gens.
02:19 - Exactement, on était 3500, 3700 personnes dans ce festival.
02:23 Donc le DJ explique que c'est une attaque de roquettes, et il demande à tout le monde de sortir en dehors du festival et s'allonger par terre.
02:30 Parce qu'en fait, les instructions sont, quand il n'y a pas d'abri, de s'éloigner de ce qui peut prendre feu,
02:37 et de s'allonger par terre pour avoir le moins de risques qu'il vous arrive quelque chose.
02:42 Dans notre réalité en Israël, c'est des choses qui arrivent.
02:45 Donc on a peur, on est mal à l'aise, on n'a pas d'abri, mais on n'est pas hystérique.
02:49 On voit des gens qui essayent, à la première seconde qu'ils ont compris ce qui se passe, ils démarrent la voiture, ils essayent de partir.
02:56 Et je dis à mon mari, bon c'est beaucoup plus dangereux de rouler pendant qu'il y a des roquettes,
03:00 il vaut mieux passer en terre, un quart d'heure, 20 minutes, ça se termine, et on rentrera à la maison.
03:05 C'est seulement après une quarantaine de minutes qu'on commence à comprendre qu'il y a quelque chose d'un peu bizarre,
03:10 que les roquettes ne se terminent pas en grande quantité,
03:13 et on décide d'essayer de rentrer à la maison pendant que les roquettes continuent.
03:18 En montant dans la voiture, on entend déjà quelque chose qu'on pense que c'est des coups de feu,
03:25 mais on se dit qu'on s'imagine que c'est peut-être loin, c'est un champ ouvert,
03:29 donc ça doit être à des kilomètres et on entend simplement comme on est dans un endroit ouvert.
03:35 Et là c'est le moment que quelqu'un vient et nous dit "est-ce que vous avez entendu ? Abu Achraf s'est fait tirer dessus".
03:41 Abu Achraf c'est un ami musulman comme on entend bien, qui travaillait avec nous au festival,
03:47 et était parti chercher à manger pour tous les employés.
03:50 En rentrant dans les champs, il y a une station d'essence, et il s'est fait tirer dessus là-bas.
03:57 Et une copine m'appelle, elle me dit "Laurent, on ne peut pas prendre la route,
04:02 il y a des terroristes à droite, à gauche, partout dans la forêt, on ne peut pas prendre la route".
04:06 Je lui dis "ok, on se gare, viens te garer à côté de nous, et on va voir ce qu'on fait".
04:12 Et là on commence à voir des blessés, et on comprend que c'est une partie des gens qui étaient au premier moment,
04:20 se sont fait tirer dessus par des terroristes en sortant sur la route,
04:25 et une partie ont réussi à faire demi-tour, sont revenus dans le festival parce qu'ils pensaient que c'était un endroit sécuré,
04:31 et qu'il y aura de l'aide, on pourra les aider.
04:34 Et quand on voit les blessés, et on commence à comprendre que ce qu'on entend c'est des armes automatiques,
04:42 c'est le premier moment que j'ai compris qu'on est en danger de mort, et qu'il y a vraiment quelque chose qui se passe.
04:49 Et je prends mon mari de côté, et on essaye de réfléchir, et je lui dis "écoute, j'ai plus peur des roquettes,
04:59 les roquettes c'est beaucoup moins dangereux, il y a des terroristes qui vont arriver, ils sont en route, on les entend".
05:05 Il y avait un rassemblement de gens à côté des urgences, et je lui dis "ils sont tous ensemble, ils sont rassurés, mais il n'y a aucune arme ici".
05:14 Il y a deux policiers avec des pistolets, ils ne vont pas nous sauver la vie avec des pistolets,
05:23 j'entends des armes automatiques, ça sert à rien d'être là avec tout le monde,
05:27 dans deux minutes il y aura des terroristes ici, personne ne va pouvoir les aider.
05:32 Et c'est une immense forêt, ça sert à rien de courir, on ne va pas se cacher derrière un arbre.
05:37 La caravane, c'est la meilleure idée que j'ai en tête, on va se cacher dans la caravane.
05:43 Et là, dans mon livre je le fais minute par minute, alors à 8h moins 2, on décide d'entrer dans la caravane, on appelle nos amis,
05:52 et là commence un cauchemar de 6h dans la caravane.
05:57 En rentrant dans la caravane, on baisse les rideaux, on ferme la caravane à clé,
06:04 mais vous pensez bien que c'est une caravane, donc la fermeture est en plastique,
06:07 et ça prend peut-être deux minutes, on entend des hurlements, on entend les gens crier,
06:16 on entend les terroristes débarquer en hurlant à la wakbar, on entend des quantités de coups de feu,
06:24 de bombes qui explosent, de grenades pardon, et peut-être pendant une quarante minutes,
06:35 simplement des hurlements. On n'arrive pas vraiment à comprendre ce qui se passe dehors,
06:39 on comprend qu'il y a un massacre, mais on ne comprend pas les quantités.
06:43 - Alors c'est difficile évidemment de vous interrompre, je vous interromps parce qu'il est 11h11
06:48 et on va marquer une pause, mais évidemment le récit que vous faites est glaçant,
06:57 et on va pouvoir vous écouter plus longuement bien sûr dans quelques instants.
07:04 - Vous écoutez Pascal Praud de 11h à 13h sur Europe 1.
07:07 - Europe 1. - Pascal Praud et vous.
07:09 - De 11h à 13h sur Europe 1 avec le témoignage Pascal Delora, Blachman Kadar qui est notre invité.
07:14 - Qui a donc écrit "Croire en la vie", c'est un récit chez Robert Laffont,
07:18 et vous écrivez par le menu si j'ose dire tout ce qui s'est passé ce matin du 7 octobre,
07:23 minute par minute, et on en était précisément lorsque vous racontiez que vous êtes dans la caravane,
07:30 les terroristes sont là, écrivez-vous, tout autour de la caravane, en voiture, à pied,
07:34 nous les entendons marcher, courir, hurler, tirer, chaque coup de feu est ponctué de leur cri à l'Akbar,
07:40 nous retenons notre souffle attentif, au moindre indice susceptible de nous éclairer sur ce qu'ils font
07:46 et sur l'endroit vers lequel ils se dirigent, et puis plus loin, votre père vous écrit sans cesse,
07:52 parce que votre père il est au courant de ce qui se passe, il sait qu'il y a une attaque,
07:57 et il veut prendre de vos nouvelles, et vous, vous lui répondiez que tout va bien,
08:02 à quoi bon, il deviendrait fou, pourquoi l'inquiéter alors qu'il ne peut rien faire pour nous sauver ?
08:08 - Je n'avais pas le cœur à dire à mes parents la vérité,
08:12 toute la journée je leur ai dit que je suis à l'abri, et on attend simplement qu'on vienne nous chercher.
08:18 - Et ils le croient ou pas ?
08:21 - Non, à aucun moment, ni mon père, ni ma mère, ni mes frères, mais...
08:26 - Et ils cherchent à vous appeler parce que vous ne correspondez qu'en texto ?
08:31 - Oui, on ne pouvait pas répondre au téléphone.
08:33 - Et ils cherchent à vous appeler, c'est parce que vous ne répondez pas,
08:35 ils imaginent que la situation n'est pas telle que vous l'écrivez ?
08:40 - Exactement, comme je lui écrivais que je suis à l'abri, mais je ne réponds pas au téléphone,
08:44 donc il comprend bien qu'il y a quelque chose qui louche,
08:47 et il a très bien... bon, j'ai admis que j'étais au festival où tout se passe,
08:54 mais j'ai insisté que j'étais à l'abri, et même dans les moments où le terroriste était à la porte
09:02 et j'ai déjà renoncé à la vie, j'ai compris que c'était terminé,
09:06 j'étais incapable d'envoyer mes messages d'adieu à mes parents.
09:10 J'ai préféré les envoyer à un ami à moi qu'on était en contact toute la journée,
09:16 et quand mon mari qui parle arabe a entendu les terroristes dire "il y a des vivants, venez",
09:23 il m'a dit "mon coeur, ça y est, on nous a eu",
09:27 donc j'envoie à mon ami un message et je lui dis "c'est nos derniers moments, c'est nos dernières minutes,
09:32 et quand tout sera terminé, va dire à mes parents et à mes frères que je les aime énormément,
09:38 et que je suis d'avoir menti,
09:41 mais je ne voulais pas qu'ils reçoivent un message d'adieu avant que ce soit sûr que je ne suis plus là.
09:49 Je voulais les protéger pour encore quelques heures.
09:55 Quand les terroristes sont à la porte, que la serrure est en plastique,
10:05 comment se fait-il qu'ils n'arrivent pas à rentrer dans la caravane ?
10:10 Ce qui est incroyable !
10:12 C'est incroyable et ça n'a aucun sens.
10:15 La porte de la caravane est une porte qui s'ouvre dehors,
10:19 donc on ne peut pas l'enfoncer, on ne peut pas donner un coup de pied.
10:22 Et il y avait une voiture qui était garée juste à côté de la porte de la caravane,
10:28 donc en fait avec les mitraillettes, ils ne pouvaient pas la mettre juste devant la serrure,
10:32 et je ne pense qu'ils n'ont pas réussi.
10:35 Quand on est sorti des heures après, on a vu qu'ils ont cassé les fenêtres de la voiture qui était à côté de la caravane.
10:42 Donc je pense qu'ils ont cassé les fenêtres pour essayer d'avoir plus de place,
10:45 pour mettre une arme, pour tirer, je ne sais pas.
10:48 Parce que les fois qu'ils ont tiré sur la caravane, les balles étaient venues de l'autre côté,
10:52 pas de la côté de la porte.
10:54 Mais quand ils essayaient d'ouvrir la porte, la sensation était que c'était une question de temps.
11:01 Je ne sais pas si ils vont ouvrir la porte, mais dans combien de temps ils vont réussir à ouvrir cette porte ?
11:05 Vous êtes combien dans la caravane ?
11:07 7 personnes.
11:09 Mon mari et moi, notre meilleur ami, et encore 4 copains qui étaient avec nous au festival.
11:15 Vous êtes à même le sol, sans doute ?
11:18 Oui, une partie sur le sol, il y en avait 2 allongés sur le lit,
11:23 mon mari était sur les escaliers en train d'essayer de tenir la porte.
11:28 Et encore nous 3 de l'autre côté. C'est une petite caravane, donc on était un peu les uns sur les autres.
11:35 Il fait 40 degrés ?
11:37 Avec le temps, les températures ont augmenté.
11:42 Vers midi, dans le sud d'Israël, il faisait déjà une quarantaine de degrés.
11:47 Dans la caravane fermée, avec cette personne, à mon avis, il devait peut-être en faire 50.
11:54 Il y a des moments qu'on transpirait, et j'avais déjà la sensation, je suis asthmatique, de manquer d'air.
12:01 Je me suis demandé plusieurs fois si avant qu'on va mourir du feu des terroristes,
12:07 si on va simplement étouffer, si on va mourir de chaud.
12:10 Pendant cette journée, il y avait des moments que j'étais certaine qu'on va en sortir,
12:17 que ce n'est pas mon jour de mourir, ça ne peut pas se terminer ici.
12:21 Et il y avait des moments que j'étais sûre que c'était simplement une question de temps.
12:28 Vous pensez que la fin est proche, mais surtout vous préférez mourir à imaginer être otage ?
12:39 Oui, pendant les premières heures, on était vraiment sous état de choc.
12:44 Donc on n'avait pas encore vérifié nos téléphones.
12:48 Mais après quelques heures, comme c'est toute une journée, on commence à regarder les médias,
12:53 et premièrement on comprend que ce n'est pas un attentat sur le festival,
12:57 mais c'est une attaque sur tout le sud d'Israël.
12:59 Donc on commence à comprendre pourquoi l'armée ne réussit pas encore à venir nous secourir.
13:04 Et après quelques temps, on commence déjà à voir des vidéos d'otages,
13:09 pendant qu'on est cachés dans les caravanes.
13:11 Et c'est le moment que je prends une décision entre moi et moi-même,
13:15 que je préfère mourir ici qu'être amenée à Gaza.
13:22 En étant femme, j'avais beaucoup plus peur d'être touchée, d'être déshabillée, d'être violée, que de tuer.
13:30 Bon, je ne suis pas croyante, donc même dans mes derniers moments, je ne suis pas devenue croyante.
13:40 Mais mes seules prières étaient à ma grand-mère.
13:43 Je lui ai demandé de me protéger, mais la façon dont je lui ai demandé de me protéger,
13:47 c'était qu'elle fasse que ça se termine vite.
13:50 Que je sois tuée, mais pas torturée en route.
13:52 Et je ferme les yeux et...
13:57 C'est très bizarre, mais j'attends d'avoir mal.
14:01 Si quelqu'un a fait un accident de voiture et on sait qu'on va rentrer dans un mur,
14:05 on attend simplement de ressentir le coup.
14:16 C'est les moments que j'ai pensé à mon petit frère.
14:20 Mon petit frère vient toujours avec moi dans les festivals que ça se produit, s'organise.
14:26 Et c'était la première fois qu'il a préféré aller à un autre endroit avec des copains.
14:30 Donc j'étais très contente qu'il n'ait pas avec moi, mais...
14:34 Je ne pouvais pas arrêter d'imaginer le moment que quelqu'un va venir à mon petit frère
14:39 et lui dire qu'il n'a plus de soeur.
14:41 Comment il va faire ? Comment il va réagir ?
14:46 J'avais plus aucune peur pour moi, j'avais vraiment accepté la mort.
14:50 Au contraire, j'espérais la mort et pas autre chose.
14:53 Mais je pensais aux gens autour de nous.
14:56 J'avais une horrible culpabilité que c'était de ma faute que mes amis allaient mourir.
15:00 Parce que je me suis dit que...
15:03 Quelle idée bête de rentrer dans la caravane.
15:06 On aurait dû rester dehors, peut-être on aurait pu courir, peut-être on aurait pu survivre.
15:10 Et maintenant on va mourir, c'est à cause de moi.
15:14 C'est à cause de moi.
15:16 Mais surtout il faut dire...
15:20 Quand j'avais peur d'être prise otage, j'avais peur d'être violée.
15:24 Je ne pouvais même pas imaginer ce qui va vraiment se passer.
15:29 Comme quand on est rentré dans la caravane, je pensais qu'il y aurait un ou deux terroristes
15:33 et ça se terminerait dans une demi-heure.
15:35 Il y avait des centaines de terroristes.
15:38 Et ça a pris toute une journée pour nous sortir de là-bas.
15:43 J'aurais jamais pu imaginer que 174 jours après,
15:47 mes amis qui ont été pris otage de ce festival seraient toujours là-bas.
15:51 - Et vous connaissez évidemment les gens, vous les avez vus partir ?
15:56 Non vous ne les avez pas vus partir d'ailleurs parce que vous étiez dans la caravane.
16:00 Il y avait combien de jeunes ? 4000 jeunes à peu près ?
16:04 - Il y avait presque 4000 personnes dans le festival.
16:06 - Combien sont morts ?
16:07 - 364 morts et 40 otages.
16:11 Il y a 10% des gens qui étaient avec nous au festival qui ne sont pas rentrés à la maison.
16:15 - Et d'imaginer d'ailleurs, on ne peut pas imaginer,
16:18 le calvaire de ces otages pour les raisons que vous venez de dire,
16:22 c'est indécis bien évidemment et on peut tellement entendre ce que vous dites,
16:27 c'est-à-dire de préférer mourir plutôt qu'être otage dans des conditions de barbarie extrême.
16:35 Combien de temps vous allez rester dans cette caravane ?
16:39 - 6h, 8h du matin à presque 2h de l'après-midi.
16:42 - Et qu'est-ce qui se passe à 14h et pourquoi vous sortez ?
16:45 - Donc en fait, vers midi et demi, vers 1h, l'armée israélienne est arrivée.
16:53 On a entendu d'un coup énormément de feu.
16:56 Il y a presque quarantaine de minutes de bataille.
17:01 Puis il y a eu un grand silence.
17:03 On n'était pas sûr si on peut sortir ou qui a gagné, qu'est-ce qu'il se passe dehors.
17:08 On a eu très très peur de vérifier.
17:10 Ça a pris encore quelques temps, mais on a réussi à voir au téléphone
17:13 quelqu'un qui était dehors et qui a repéré notre caravane
17:17 et qui nous dit "vous êtes à 200 mètres de nous, vous pouvez sortir, c'est bon,
17:21 mais sortez avec les mains en l'air et courez
17:24 pour que personne ne se trompe entre vous et un terroriste".
17:29 Et les garçons ont dû forcer la porte parce que les terroristes ont tellement essayé de l'ouvrir
17:35 que la porte s'était cassée, ils ont dû donner des coups de pieds pour aller la forcer pour l'ouvrir.
17:39 Et pendant 6 heures on n'avait qu'un rêve, c'est d'ouvrir cette porte de la caravane et de sortir.
17:44 Mais quand ils ont ouvert la porte, j'aurais peut-être préféré la refermer et rester dedans.
17:52 Parce qu'on est sortis, ils ont ouvert les portes de l'enfer.
17:57 On est sortis dans une scène qu'au début j'essayais d'expliquer aux gens,
18:01 donc je la comparais dans des scènes des films de la Shoah,
18:04 mais dans les films de la Shoah c'est toujours l'hiver, il y a de la neige.
18:08 Là, il y avait des gens magnifiques, c'était une belle journée, le ciel était bleu,
18:15 tout était vert autour de nous, et les gens qui étaient allés morts par terre,
18:20 c'était des jeunes personnes, tout beaux, tout innocents.
18:24 Les filles maquillées en robe et en jupe, et les garçons habillés avec plein de couleurs
18:29 parce qu'ils étaient venus pour un magnifique festival de musique.
18:33 Mais ils étaient tous étalés par terre.
18:35 On voyait très très vite qui a été tué au premier moment,
18:39 et qui a été blessé HVAPRES avec une balle dans la tête.
18:43 Je ne vais pas décrire les choses que j'ai vues là-bas,
18:46 mais je vais simplement dire que quand ça a pris après trois semaines et un mois
18:52 pour identifier mes amis, j'ai très vite compris pourquoi.
18:56 Là encore c'est difficile Laura de vous interrompre.
19:02 Laura Blachman-Cadart, si vous nous rejoignez un instant sur Europe 1,
19:06 c'est un témoignage bouleversant, saisissant, croirant la vie, c'est le récit.
19:10 C'est un témoignage de Laura qui était présente le 7 octobre,
19:15 présente dans ce festival, et qui est restée pendant six heures dans une caravane,
19:20 et qui par miracle est avec nous aujourd'hui.
19:23 On va marquer une pause et puis on pourra vous écouter quelques minutes encore.
19:29 A tout de suite.
19:30 De 11h à 13h, c'est Pascal Froy et vous sur Europe 1.
19:32 Europe 1, Pascal Froy.
19:34 Laura Blachman-Cadart est avec nous.
19:39 Croirant la vie, c'est un récit bouleversant, je le disais,
19:43 et c'est vrai qu'on vous écoute et avec...
19:47 j'allais dire, on est sidérés de ce que vous dites,
19:50 et puis on est heureux en même temps que vous soyez là,
19:52 et bien sûr que cette vie ne sera plus jamais la même qu'elle ne l'a été avant pour vous.
19:58 Ce que vous dites d'ailleurs au tout début du livre,
20:00 vous dites avant "j'aimais danser, j'aimais chanter, je riais, etc.
20:03 je bouillonnais de projets et rêvais de voyages à l'autre bout de la planète,
20:06 j'étais tourné vers un avenir que j'imaginais infini et heureux avec Shai, mon mari,
20:11 dans ce tourbillon de vie je me voyais devenir mère,
20:14 une évidence pour sceller notre couple un an après notre mariage."
20:18 Nous sommes avec Or, Or qui habite Tel Aviv,
20:22 et qui voulait peut-être vous poser une question ou témoigner,
20:26 j'imagine que Or vous nous écoutez depuis quelques minutes.
20:29 Bonjour Or !
20:30 - Bonjour, oui je vous écoute.
20:32 - Et peut-être avez-vous une réaction ou une question à poser à Laura ?
20:37 - Alors d'abord pour moi, Laura et tous ceux qui ont survécu le 7 octobre,
20:42 d'abord pour moi c'est des héros,
20:44 ils ont traversé quelque chose de très très dur,
20:47 je pense que même si physiquement ils n'ont rien eu,
20:51 mentalement c'est quelque chose qui va rester avec eux à vie,
20:54 et on n'arrivera jamais à comprendre ce qu'ils ont traversé.
20:57 Et je pense qu'Israël est le seul pays au monde en fait,
21:01 où les gens partent en vacances, où vont fêter la paix,
21:04 où même se réveillent le matin et se font attaquer par des terrorists,
21:07 qui se font violer, assassiner, pris en otage,
21:11 et je pense que ce qui s'est passé ce jour-là,
21:13 c'est des crimes contre l'humanité.
21:15 Je ne sais pas si vous avez entendu,
21:18 mais on a une femme qui est rentrée de Gaza,
21:22 qui est rentrée en Israël, et qui raconte son histoire,
21:25 et elle raconte où elle a été violée.
21:28 Et on a des otages, ça fait presque 6 mois qu'on a des otages à Gaza,
21:33 qui sont dans les tunnelles, les filles se font violer,
21:35 il y a des bébés, ils vont mourir de faim au final,
21:39 s'ils ne vont pas rentrer en Israël,
21:41 parce que le temps passe, et le monde ne s'est pas assez.
21:45 On n'entend pas assez, le monde ne comprend pas
21:47 ce qui se passe avec nos otages,
21:49 et je pense qu'Israël a le droit de se défendre,
21:53 c'est une guerre qu'on n'a pas demandé.
21:55 Personne ne voulait faire de guerre,
21:57 mais on est obligé, l'armée israélienne doit défendre son pays,
22:01 doit ramener les otages,
22:03 et c'est important à dire que le ramas, c'est des terroristes.
22:07 Donc si on ne va pas faire quelque chose pour ramener les otages,
22:10 ils ne vont pas nous ramener les otages d'eux-mêmes.
22:13 Donc Israël a le droit de se défendre,
22:15 et Laura, j'ai entendu son histoire,
22:19 et mon cœur est brisé,
22:21 parce qu'il y en a tellement d'histoires,
22:23 tous les jours on a des nouvelles histoires,
22:25 et des nouveaux témoignages,
22:27 et en fait c'est quelque chose qu'on n'arrive pas à comprendre.
22:31 C'est Israël, c'est le seul pays qui peut se faire attaquer comme ça,
22:34 et au final, comme ça on n'a pas le droit de se défendre,
22:38 c'est normal qu'on doit se défendre.
22:41 - D'abord merci d'être intervenue,
22:46 Laura vous écoutait avec attention,
22:51 et peut-être souhaite-t-elle répondre ?
22:53 - Merci beaucoup pour ces beaux mots.
22:56 Vous avez parlé du témoignage de la très brave Amit Sousana,
23:00 qui a été libérée après 51 jours,
23:04 et qui a raconté au New York Times les abusements sexuels
23:07 qu'elle a vécu pendant qu'elle était otage,
23:10 et sans aucun doute ça nous fait automatiquement penser aux 19 femmes
23:13 qui sont toujours otages à Gaza,
23:15 qu'on sait qu'elles sont en train de subir ça,
23:18 et je ressens très très fort les choses que vous dites,
23:21 que le monde ne comprend pas pourquoi on insiste à ramener nos otages,
23:26 comme si ce n'était pas le devoir minimal d'un pays
23:31 de s'occuper de ses citoyens,
23:33 et de ne pas les oublier, de les ramener à tout prix.
23:36 Comment vous avez vécu les jours qui ont suivi,
23:40 et comment vous vivez aujourd'hui les jours qui s'écoulent ?
23:44 - Les jours qui ont suivi étaient les jours que...
23:49 les enterrements les uns après les autres,
23:52 et d'enterrer tellement d'amis,
23:55 c'est quelque chose qu'on ne réussit pas à comprendre des mois après.
23:58 C'était de regarder des vidéos horribles
24:01 que le Hamas eux-mêmes ont filmées et publiées,
24:04 pour rechercher nos amis dans ces vidéos.
24:07 C'est voir des vidéos des amis à nous dans les tunnels du Hamas,
24:12 dans des états monstrueux.
24:15 Et depuis, c'est essayer de guérir,
24:20 c'est essayer de continuer la vie,
24:23 mais c'est impossible de dormir une nuit entière,
24:28 ou de manger un repas,
24:30 sans penser à nos amis qui n'ont pas à manger dans les tunnels,
24:33 et qui ne peuvent pas dormir là-bas.
24:35 Donc pour nous, on est toujours au mois d'octobre,
24:38 et on ne peut pas continuer ou guérir,
24:41 tant que nos amis ne sont là-bas.
24:43 - Les jours qui suivent ressemblent à un tourbillon dans lequel je me laisse emporter,
24:47 et tout commence le jour où mes cousins parisiens me font part de la situation en France,
24:50 c'est horrible, Laura, nous avons peur de sortir dans la rue, etc.
24:55 Comment vous avez...
24:58 Que vous ont dit vos parents ?
25:01 Votre père est de Metz,
25:03 et votre mère est israélienne,
25:05 votre père est français, votre mère est israélienne,
25:07 vous avez grandi d'ailleurs à Metz.
25:09 - J'ai grandi à Metz.
25:11 - Comment vous avez échangé avec eux sur le moment qu'ils ont vécu,
25:17 en imaginant que le pire puisse arriver ?
25:20 - Je pense que pour un parent, il n'y a pas de pire au monde,
25:24 que de savoir que votre enfant va sûrement mourir,
25:28 vous ne pouvez pas venir l'aider, vous ne pouvez rien faire,
25:31 c'est des heures entières d'angoisse,
25:34 et je pense que mes parents sont aussi traumatisés que moi,
25:39 c'est des sentiments qu'on n'oublie pas,
25:41 que pour eux aussi c'est très très dur de continuer après ça,
25:45 pour eux comme pour mon petit frère.
25:50 - Et comment vous imaginez l'avenir ? Vous disiez tout à l'heure qu'avant,
25:54 vous imaginez avoir des enfants,
25:56 est-ce qu'aujourd'hui c'est un projet que vous pouvez construire ?
25:59 - Personnellement, non, toujours pas.
26:02 Hélas, pour l'instant, je ne réussis pas à me sentir en sécurité,
26:08 ni en Israël, ni en France,
26:11 et quand on pense à un enfant, on pense à un avenir,
26:15 et pour l'instant je suis encore très traumatisée, j'avoue,
26:19 donc pour moi c'est, est-ce que je lève un enfant dans les rues de la France,
26:22 quand il devra toujours un peu cacher qu'il est juif,
26:25 cacher qu'il a de la famille en Israël,
26:27 ou je l'élève en Israël en sachant qu'il devra toujours vérifier le bus
26:30 quand il montre qu'il n'y a pas un terroriste,
26:32 ou même quand il ira danser.
26:34 Donc c'est très dur de voir ça pour l'instant,
26:37 mais c'est ma nouvelle bataille,
26:39 c'est pourquoi j'ai nommé mon livre "Croire en la vie",
26:41 parce que les terroristes n'ont pas seulement essayé de nous tuer physiquement,
26:46 ils essaient surtout de tuer l'espoir pour tout le monde,
26:48 l'espoir d'un meilleur avenir,
26:50 l'espoir qu'on aura la paix un jour,
26:52 et qu'on saura vivre les uns à côté des autres.
26:54 - Je ne sais pas si c'est le premier récit livre édité de Rescappé du 7 octobre,
27:02 peut-être il y en a eu-t-il d'autres,
27:04 mais je ne crois pas, j'ai l'impression que c'est le premier récit.
27:07 Pourquoi ce livre ?
27:09 - Au début, le but de livre,
27:12 la raison que j'ai écrit ce livre,
27:16 c'était pour qu'il reste quelque chose après moi.
27:18 Aujourd'hui, si vous allez là où le festival était,
27:23 l'endroit est magnifique de nouveau,
27:25 vous ne pourrez pas imaginer les quantités de personnes qui se sont fait assassiner là-bas.
27:29 Et comme après la Shoah, j'ai dit il faut que je laisse quelque chose après moi,
27:34 pour être honnête,
27:36 je pense qu'il y a des histoires bien plus importantes à raconter que la mienne,
27:41 mais la plupart des vraies histoires qu'il fallait raconter,
27:44 les gens ne sont plus là pour raconter leur histoire.
27:46 Et j'ai ressenti un devoir de raconter, de transmettre ce qui s'est passé.
27:53 Cinq mois plus tard aujourd'hui,
27:55 je pensais que quand le livre serait terminé et sortirait,
27:58 la guerre serait terminée et tous mes amis seront de nouveau à la maison.
28:01 Donc cinq mois plus tard, mon livre a reçu un second but,
28:04 c'est en fait de rappeler aux gens pourquoi on fait ce qu'on fait,
28:07 pourquoi on se bat,
28:09 et toujours de leur montrer notre réalité.
28:12 Je comprends.
28:16 Je comprends et ce que vous avez vécu, évidemment personne ne peut l'imaginer.
28:22 On dit toujours "j'imagine, j'imagine",
28:24 mais la vérité c'est qu'aucune expérience n'est transmissible.
28:28 Et que ces six heures de votre vie que vous avez passé dans une caravane,
28:33 avec des amis, avec des moments extrêmes, avec des moments où vous étiez persuadés,
28:36 cette expérience de vie ou de mort,
28:39 en pensant qu'on ne sera plus là dans les prochaines minutes,
28:42 les choses que vous avez dites,
28:44 l'échange que vous avez eu avec votre mari également,
28:46 qui a dû être très puissant et qui aujourd'hui vous soude à jamais.
28:50 Oui.
28:51 On admire et on sait beaucoup plus combien de chances on a d'être revenus ensemble,
28:59 d'avoir vécu les mêmes choses,
29:01 donc pour pouvoir essayer de guérir ensemble.
29:04 Mais c'est surtout quand on rentre et on voit des amis enterrer l'amour de leur vie
29:09 et d'essayer de continuer seul et de guérir seul qu'on comprend la grande chance qu'on a.
29:15 Je veux vous remercier vraiment Laura Blachman-Cadard,
29:20 c'est chez Robert Laffont, Dominique Rouch est venue avec vous,
29:24 et je la salue également puisque nous nous connaissons depuis de nombreuses années.
29:29 Vous étiez une des organisatrices du "Unity Festival",
29:33 c'est un livre je pense important à lire,
29:36 qui nous renvoie également à la vie qui est parfois la nôtre
29:40 et combien il faut profiter aussi.
29:42 On dit toujours des choses très banales et très bêtes dans ces cas-là,
29:46 mais c'est vrai que la vie tient parfois à très peu de choses,
29:49 et qu'il faut sans doute dire aux gens qu'on aime, qu'on les aime précisément,
29:54 et savoir profiter d'eux, des moments, de la vie.
29:58 C'est croire en la vie d'ailleurs, c'est exactement le titre de votre récit.
30:02 Je vous remercie grandement, en ce jeudi pascal,
30:06 c'est un témoignage extrêmement puissant. Merci à vous.
30:10 Olivier Guenec, vous vouliez dire un mot peut-être ?
30:12 On a eu beaucoup de messages de soutien pour Laura sur nos réseaux sociaux,
30:16 et parmi eux Nathalie qui vous écrit
30:18 "Laura, j'espère de tout cœur que vous réussirez à trouver un havre de paix"
30:23 Evelyne également sur notre page Facebook
30:25 "Laura a vu la mort en face le 7 octobre dernier,
30:28 elle témoigne, elle est une passeuse de mémoire,
30:31 je lui souhaite une vie magnifique."
30:33 Merci, on va marquer une pause à 11h42,
30:37 et on va évoquer un autre sujet,
30:40 "Quand l'école recule sous la menace",
30:42 la une du quotidien aujourd'hui en France.
30:44 On écoutera notamment Gabriel Attal hier soir,
30:48 mais également Jean-Pierre Robin, vous avez peut-être écouté ce matin,
30:51 qui était sur Europe 1 avec Sonia Mabrouk.
30:54 11h42, à tout de suite.
30:56 Vous pouvez réagir avec Pascal Prodot,
30:58 d'11h à 13h sur Europe 1 au 01 80 20 39 21

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