• il y a 9 mois
Avec Lenaig Bredoux et Valentine Oberti de Médiapart

Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.

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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2024-03-31##

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News
Transcription
00:00 AGP, Association d'assurés engagés et responsables présente
00:05 Sud Radio, le grand matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reus.
00:10 Bonjour Muriel. Bonjour Laurence.
00:12 Avant de recevoir vos invités, Lénaïque Broudoux et Valentine Auberti,
00:16 les co-directrices éditoriales de Mediapart,
00:18 votre édito ce matin, comme d'habitude, s'engager pour la liberté de la presse
00:22 et pour l'indépendance des rédactions.
00:24 Oui, au cœur des médias cette semaine, l'état du journalisme en France
00:27 et son avenir ont mobilisé le monde des médias cette semaine.
00:30 Au cœur des discussions, des questions essentielles,
00:33 la concentration des médias aux mains d'industriels, aux ambitions questionnables,
00:37 l'indépendance des rédactions, la liberté des journalistes.
00:40 De Vincent Bolloré avec Canal+, CNews, C8, Le Journal du Dimanche, Europe 1,
00:45 RFM, Paris Match, Capital, Gala, à Bernard Arnault et le groupe Les Echos,
00:50 le parisien investir et Radio Classique.
00:52 En passant par Rodolphe Saadé avec La Provence, La Tribune Dimanche,
00:56 Corse Matin, BFM, RMC récemment acquise,
00:59 et Daniel Kretinsky qui détient Elle, Marianne, Télé 7 Jours, Front Tireur,
01:03 sans oublier bien sûr le groupe Dassault avec Le Figaro et ses déclinaisons.
01:07 L'influence s'achète et les sphères du luxe, de la logistique,
01:11 de l'énergie, du transport maritime, de l'armement,
01:13 se retrouvent à la tête de nos médias.
01:15 Interrogée alors la liberté et le pluralisme de notre presse,
01:18 fondement de notre démocratie devient une nécessité.
01:21 Près de 70 sociétés de journalistes ont interpellé avec raison cette semaine
01:25 la ministre de la Culture Rachida Dati pour lui demander
01:29 de prendre position sur cette nécessaire indépendance des journalistes.
01:33 Dans ce paysage où se confondent informations et opinions,
01:36 où des acteurs extérieurs au journalisme, motivés par leurs intérêts
01:40 et par ceux de leur écosystème, imposent des atteintes à l'indépendance des rédactions,
01:44 il est crucial de réaffirmer le journalisme comme pilier démocratique.
01:48 Un journalisme factuel, rigoureux, sourcé, vérifié,
01:53 qui enrichit le débat public plutôt que de s'en écarter ou de s'y soustraire.
01:57 L'enjeu dépasse la confrontation d'opinion ou de préjugés,
02:00 d'identité ou de communauté.
02:02 Il s'agit de vouloir, de demander et d'obtenir
02:05 un journalisme qui est clair, qui résiste à l'instrumentalisation,
02:09 à la banalisation, à la spéculation et aux pressions politiques ou économiques.
02:14 Un journalisme qui nous aide à décrypter le monde,
02:16 à initier des débats publics, à nous concentrer et à nous recentrer dans le réel,
02:20 dans l'analyse, la raison et qui nous incite par conséquence à faire bouger les lignes.
02:25 Un journalisme d'enquête et d'impact, fidèle à la vérité des faits.
02:28 En tant que citoyen, notre devoir est de soutenir et de renforcer
02:32 notre lien de confiance avec la presse indépendante,
02:34 avec des journalistes libres, engageant-nous toutes et tous,
02:37 car lorsque cette indépendance est menacée ou bafouée,
02:40 c'est l'intérêt général qui est atteint.
02:42 - Merci beaucoup Muriel.
02:44 Justement pour continuer à parler liberté de la presse et engagement,
02:47 on a invité ce matin Lénaïque Bredoux et Valentine Auberti,
02:51 les co-directrices éditoriales de Mediapart. Bonjour.
02:54 - Bonjour.
02:55 - Eh bien bonjour Lénaïque et Valentine.
02:57 Alors Lénaïque, vous êtes journaliste depuis près de 20 ans,
03:00 à Mediapart depuis 14 ans, et oui déjà,
03:03 et vous avez été la première responsable des questions de genre
03:06 dans un journal en France,
03:08 expert des enquêtes sur les violences sexuelles et sexistes.
03:11 Valentine, 15 ans à Mediapart,
03:13 vous y avez développé le pôle vidéo et émission.
03:16 On vous souvient d'ailleurs toutes de cette émission à peu près fantastique
03:19 où vous avez réuni près de 20 des victimes de l'affaire PPDA,
03:22 et vous êtes aussi réalisatrice.
03:24 Et depuis 2023, vous êtes toutes les deux co-directrices éditoriales de Mediapart.
03:29 Et aujourd'hui, elle y pleine elle, ayant passé la main,
03:32 ce sont quatre femmes qui dirigent ce journal.
03:34 Et alors ce n'est vraiment pas rien dans cette industrie
03:37 où les femmes se comptent sur le doigt de la main à des postes de direction.
03:40 Alors qu'est-ce que ça signifie pour Mediapart
03:43 d'avoir un quatorze femmes à la tête d'un journal d'investigation ?
03:47 Est-ce que c'est le résultat d'un processus naturel au sein d'une organisation ?
03:51 Alors je pense que la place des femmes ne résulte jamais vraiment d'un processus naturel
03:55 car on le voit bien, les statistiques des médias français
03:58 qui sont très très majoritairement encore aujourd'hui dirigées par des hommes le montrent,
04:02 rien n'est jamais acquis, tout est encore une bagarre
04:04 comme dans tout le reste de la société.
04:06 Après, nous ça n'a pas été un choix volontaire,
04:08 on ne s'est pas dit "tiens, on va mettre que des femmes à la tête de Mediapart".
04:11 C'est pas du tout ça qui s'est produit,
04:13 mais c'est en fait le résultat, une part de hasard,
04:16 et le résultat logique d'un engagement de longue date du journal
04:20 pour la place des femmes dans son équipe, dans l'entreprise Mediapart
04:24 et dans sa rédaction, d'avoir une direction éditoriale paritaire,
04:28 un comité de direction paritaire, ça a été une bataille parfois,
04:32 ça n'a pas toujours été simple,
04:34 mais ça a été vraiment un engagement pris depuis très longtemps
04:37 et l'aboutissement finit par faire qu'en résultat,
04:40 si on ne discrimine plus les femmes finalement,
04:42 elles arrivent en position de responsabilité.
04:44 Ça c'est un point important,
04:46 et l'autre point c'est aussi, je pense, lié au travail éditorial
04:50 que nous avons fait, à l'engagement éditorial
04:52 dans les contenus du journal qui a pu permettre cette situation,
04:56 parce que depuis plusieurs années,
04:58 on a beaucoup investi sur ces questions,
05:00 notamment sur les violences sexistes et sexuelles
05:03 et sur les enquêtes sur ces sujets,
05:05 mais aussi plus largement sur les questions de genre en général
05:08 et de réfléchir à, comme journal,
05:11 notre responsabilité de journaliste, de journal,
05:14 à porter ces questions haut dans l'agenda public,
05:17 dans le débat public,
05:18 et que c'est toute cette conséquence-là qui en réalité
05:21 fait que le symbole est finalement parfait
05:23 par cette direction très féminine.
05:27 Alors, les interventions des propriétaires de titres de presse
05:31 cette dernière semaine, avec la dernière d'ailleurs en date,
05:33 c'est la mise à pied du directeur de la rédaction de la Provence,
05:36 détenu par Rodolphe Saadé,
05:38 ont mis le feu aux poudres,
05:39 auprès de réunir 70 sociétés de journalistes,
05:42 médias, syndicats et collectifs,
05:44 dans une tribune publiée cette semaine dans Libération,
05:46 tribune qui évidemment vous avez signée.
05:49 Vous avez interpellé Rachida Dati,
05:51 vous y croyez-vous, à une prise de position de la ministre
05:54 sur ce sujet de concentration de médias
05:56 et de respect de la liberté des journalistes ?
05:58 Je ne sais pas si on est là pour y croire ou pas y croire,
06:00 mais en tout cas, c'est dans son portefeuille,
06:02 donc c'est attendu.
06:03 On attend de savoir ce que la ministre pense de ça,
06:07 si elle a un avis.
06:09 Vous savez, sa prédécesseuse, Rima Abdul-Malak,
06:13 qui était encore en poste au moment du rachat du JDD
06:16 par Vincent Bolloré,
06:17 avait été relativement muette
06:20 sur un nouvel acte de concentration
06:23 et un nouvel achat de l'ogre breton,
06:26 si je puis dire,
06:27 et elle s'est effondrée d'un tweet déplorant
06:29 de ne plus pouvoir trouver son JDD dans son kiosque.
06:32 Je pense que ce n'est pas suffisant, en effet,
06:34 quand on a une responsabilité politique,
06:36 un pouvoir politique,
06:37 on doit l'utiliser pour l'intérêt général.
06:40 Parce qu'en fait, les faits se multiplient,
06:42 il faut le dire.
06:43 40 jours de mobilisation au JDD
06:44 après le rachat de Bolloré,
06:45 qui n'a d'ailleurs rien donné,
06:46 parce que les équipes ont fini par partir
06:47 et elles ont été renouvelées.
06:48 Et d'ailleurs, elles sont concentrées
06:50 avec les autres équipes du groupe.
06:53 On retrouve les mêmes à peu près partout.
06:55 Pour la pluralité de l'information, on s'interroge.
06:57 Une très forte mobilisation, évidemment,
07:00 sur la mise en retrait du directeur éditorial de la Provence.
07:03 On avait eu la demande de retrait de la Une de Marianne
07:07 par Daniel Kretinsky,
07:09 la commission d'enquête qui est en cours.
07:11 Alors, qu'est-ce qu'on peut dire
07:13 des conséquences sur la pluralité de l'information
07:15 dans ces circonstances ?
07:17 On voit quand même une difficulté
07:19 dans le contrat de confiance
07:20 avec les lecteurs et les lectrices,
07:21 avec les citoyens et les citoyennes.
07:23 Les journalistes sont au service de l'information,
07:25 en fait au service du public.
07:26 Public des informations pour éclairer le débat public.
07:29 Ce n'est pas une question corporatiste,
07:31 ce n'est pas une question de défendre des journalistes.
07:33 Ça peut être le cas de défendre des salariés,
07:35 comme dans toute entreprise.
07:36 Les entreprises de presse sont aussi des entreprises
07:38 où il faut parfois défendre le droit des salariés.
07:41 Mais c'est là une question d'intérêt général,
07:43 de débat public, d'intérêt public.
07:45 Et parce qu'une information pluraliste,
07:48 documentée, factuelle,
07:50 elle est essentielle pour éclairer
07:52 le débat public, le débat politique,
07:54 au sens de la vie de la cité.
07:55 Éclairer les citoyens et les citoyennes.
07:57 C'est une liberté fondamentale des citoyens et des citoyennes
07:59 d'avoir accès à l'information.
08:01 C'est ça qui est en jeu.
08:02 Ce n'est pas, encore une fois, des dégais-guerre,
08:04 de boutique, entre-rédaction.
08:06 Ce n'est pas ça l'enjeu vraiment.
08:07 Et évidemment, quand il y a une concentration
08:09 de la presse entre les mains de quelques-uns,
08:11 il est évident que des milliardaires investissent
08:14 dans les médias pour s'acheter de l'influence.
08:17 Et que cette influence réduite à 3 ou 4 personnes
08:20 limite drastiquement les conditions
08:22 d'une libre information du public.
08:24 - Et d'ailleurs, vous êtes aussi un des...
08:26 Parce qu'il y a cette question de la concentration,
08:28 mais il y a aussi cette question de la nomination
08:30 des journalistes choisis par des équipes.
08:34 Ça, c'est aussi extrêmement fondamental.
08:37 Vous êtes d'ailleurs un des rares organes de presse
08:39 à avoir à sa tête des femmes, on l'a dit,
08:41 des journalistes, mais aussi des journalistes
08:43 qui ont été choisis par la rédaction.
08:45 Un petit peu comme Le Monde d'ailleurs,
08:46 si je ne me trompe pas.
08:47 Et ça, c'est fondamental pour préserver une autonomie,
08:50 une liberté de temps ?
08:51 - Oui, fondamental, avec un petit truc en plus,
08:53 par rapport au Monde, sauf erreur de ma part,
08:56 c'est que nous, Lénaïck et moi,
08:58 on a été choisis par la direction
09:01 pour présenter un projet éditorial
09:04 qu'on a présenté à la rédaction,
09:06 qui l'a validé,
09:07 et qui aurait pu ne pas le valider,
09:08 le valider par un vote.
09:09 Donc, de fait, on a en effet été validés
09:12 par un vote de la rédaction.
09:14 C'est ce qui assoit notre légitimité,
09:16 ou en tout cas notre capacité
09:18 à diriger cette rédaction
09:19 et à mettre en oeuvre ce projet.
09:21 Mais cette même rédaction est tout à fait en mesure
09:23 de nous démettre par,
09:26 je n'ai pas forcément le terme précis en tête,
09:28 mais un vote de défiance ou une motion de censure,
09:30 enfin en tout cas,
09:31 il y a un droit de révocation
09:33 dont dispose la rédaction.
09:36 Et ça, on pourrait le décider,
09:38 puisque ces médias, aujourd'hui,
09:40 sont possédés par des milliardaires
09:42 qui ont fait fortune dans tout un tas de secteurs
09:44 que vous avez rappelés dans votre édito.
09:46 Bon, c'est un état de fait,
09:47 mais ce n'est pas parce que c'est un état de fait
09:49 qu'il faut être fataliste et dire qu'on ne peut rien faire.
09:51 Ce qu'on peut faire, c'est faire en sorte
09:53 que l'indépendance des rédactions
09:55 possédées par ces milliardaires soit réelle,
09:57 et pas juste des paroles en l'air.
09:58 Donc ce droit d'agrément,
10:00 comme il existe au monde,
10:01 et de révocation,
10:02 on pourrait décider de l'appliquer
10:03 à toutes les rédactions de France, par exemple.
10:05 Ça, ce serait un vrai gage.
10:07 Donc ça, ce serait par exemple une des possibilités.
10:10 - Alors, chez Mediapart, vous avez 16 ans,
10:12 on l'a un petit peu oublié,
10:13 le temps a passé très très vite,
10:14 et vous dites régulièrement
10:16 qu'un de vos objectifs,
10:17 c'est de représenter la société
10:18 composante.
10:19 Et à ce titre d'ailleurs,
10:20 vous soulignez aussi
10:21 l'importance de recruter des personnes,
10:23 des journalistes, va-t-on dire,
10:25 issues du milieu, du parcours,
10:26 de cultures différentes,
10:28 et qui donc ont accès, de fait,
10:29 à des sources diversifiées.
10:31 Est-ce que c'est ça
10:32 qui permet de lutter
10:33 contre la banalisation des idées ?
10:35 Est-ce que c'est vital
10:36 dans la pratique du journalisme ?
10:37 - Oui, c'est vital,
10:39 et c'est la même prise de conscience
10:43 et le même travail de longue haleine
10:45 qu'on mène sur la question
10:47 de la diversité,
10:48 qu'on a mené sur la question
10:49 des femmes, en fait.
10:50 Et voilà, c'est même pas un effort,
10:53 en fait, c'est une prise de conscience,
10:54 et se dire que, évidemment,
10:56 que plus on multiplie les profils
10:58 dans notre rédaction,
10:59 plus nos sources seront différentes,
11:00 plus nos regards se croiseront,
11:02 et le pluralisme,
11:03 il n'est pas qu'externe,
11:04 il est aussi interne.
11:05 - Alors c'est important pour vous,
11:06 parce que vous le savez,
11:07 mais c'est important pour nos auditeurs,
11:08 parce qu'on ne se rend pas compte
11:09 de l'importance de ces faits,
11:10 de pouvoir choisir des personnes
11:12 que la rédaction s'implique,
11:13 qu'il y ait une pluralité des profils
11:15 dans les organes de presse,
11:17 parce que, franchement,
11:18 si on regarde le JDD,
11:19 il est où le pluralisme ?
11:20 - Après, ils font leur recrutement
11:22 comme ils l'entendent,
11:23 moi, voilà, on n'est pas là
11:24 forcément pour les contraires.
11:25 - Bien sûr, on n'est pas là,
11:26 mais ça veut dire que ce pluralisme
11:27 est indispensable.
11:28 Je vais revenir sur le mouvement #MeToo.
11:30 Vous avez été le premier journal
11:32 à documenter les violences sexuelles
11:34 et sexistes,
11:35 avant même ce mouvement #MeToo,
11:37 en 2016, avec l'affaire de Nibopar.
11:39 De fait, vous avez ouvert un champ
11:41 d'investigation extrêmement sérieux,
11:44 je peux en témoigner,
11:45 documenté et sourcé
11:47 sur les violences sexuelles.
11:48 Est-ce que cette initiative
11:50 a influencé la ligne éditoriale
11:52 de Mediapart ?
11:53 - Oui, je pense qu'on peut dire que oui.
11:55 Après, quand on a commencé à travailler,
11:58 donc c'était une enquête, effectivement,
11:59 qui a commencé en 2015
12:00 et qui a réussi à aboutir en 2016,
12:02 parce que ce sont des enquêtes
12:03 souvent très longues,
12:04 qui étaient en binôme à l'époque
12:05 avec France Inter,
12:07 on ne s'est pas dit qu'on allait ouvrir
12:10 un nouveau champ d'investigation.
12:11 On a juste essayé de faire notre enquête.
12:13 - Mais d'autant, vous l'avez fait.
12:15 - Tout à fait.
12:16 On a défriché un terrain
12:18 qui était relativement vierge.
12:20 Non pas qu'il n'y avait pas de sujet
12:22 dans la presse sur les violences sexuelles,
12:24 mais il n'y avait pas d'enquête
12:26 journalistique sur ces questions,
12:28 comme ça peut exister sur la corruption,
12:30 sur la fraude fiscale, etc.
12:32 Donc de ce point de vue-là,
12:33 on a ouvert un nouveau champ
12:35 d'investigation,
12:36 qui ensuite, on a vu au moment de #MeToo,
12:39 qui également part d'une enquête de presse,
12:41 puisque le mouvement #MeToo en automne 2017,
12:44 c'est une enquête du New York Times
12:46 et du New Yorker sur le producteur Harvey Weinstein.
12:48 C'est très intéressant de voir le rôle moteur
12:50 qu'a eu la presse dans ce mouvement social
12:52 qu'est #MeToo.
12:53 Et donc à Mediapart, on a commencé en 2016
12:55 en essayant d'appliquer les mêmes standards
12:58 journalistiques que ce que nous faisions
13:00 sur la corruption,
13:01 sur les affaires politico-financières
13:02 sur lesquelles nous avons beaucoup travaillé,
13:04 aux violences sexuelles.
13:07 Donc d'appliquer la même chose,
13:08 la même rigueur,
13:09 la même méthode journalistique,
13:10 évidemment avec des déclinaisons un peu différentes
13:12 parce que l'identité de nos sources,
13:14 la qualité de nos sources n'est pas la même,
13:16 mais de se dire,
13:17 on va faire le même travail de révélation
13:20 avec le même sérieux
13:22 et la même exigence de rigueur journalistique
13:24 que ce qu'on faisait sur le reste.
13:25 Et ce que la suite nous a de fait donné raison,
13:29 puisqu'on a vu qu'on pouvait raconter,
13:32 documenter une histoire
13:33 pour attester d'un fait social
13:35 qui concerne toute la société.
13:37 Alors certains, parce que tout n'est pas rose,
13:39 certains vous reprochent votre acharnement
13:41 sur certains partis politiques,
13:43 sur le contenu par exemple éditorial
13:45 de votre newsletter "In Extremis"
13:47 qui rassemble tous vos contenus
13:49 sur l'extrême droite par exemple.
13:50 Votre volonté, c'est de faire front,
13:53 de vous opposer,
13:54 ou de questionner la société.
13:56 En fait, un peu plus directement,
13:57 Mediapart c'est un journal politique
13:59 ou un journal généraliste ?
14:00 Alors tout est politique,
14:01 on est un journal généraliste et politique.
14:04 Politique, pas au sens partisan du terme,
14:06 mais parce qu'on s'inscrit dans une société
14:08 avec ses mouvements et avec une ligne éditoriale.
14:11 On est au service du droit de savoir,
14:13 donc on enquête les faits
14:14 et puis après on leur donne du sens.
14:16 Sur le cas particulier de l'extrême droite,
14:18 car de notre point de vue,
14:19 c'est un cas particulier,
14:21 on ne le traite pas comme les autres partis.
14:24 Je m'explique.
14:26 On n'invite pas l'extrême droite dans nos murs
14:29 pour des entretiens,
14:30 qu'ils soient vidéos ou écrits.
14:33 Voilà, ça c'est une ligne rouge pour nous.
14:36 Ce qui ne nous empêche pas, bien évidemment,
14:38 de parler à ses dirigeants,
14:39 d'écrire des analyses sur les idées de l'extrême droite,
14:42 de parler aux électeurs,
14:43 d'aller en reportage sur les terres conquises
14:45 par l'extrême droite
14:46 et de faire un travail journalistique
14:51 depuis le service politique,
14:52 mais aussi un travail d'enquête
14:54 sur les financements, par exemple, du Front National.
14:57 On a révélé les Prairies Russes, etc.
14:59 Bref, on fait le même travail journalistique,
15:04 mais on estime que c'est un parti d'une autre nature.
15:08 Il est d'une autre nature
15:09 parce qu'il continue de prôner la préférence nationale.
15:11 Ça nous semble être un concept mortifère
15:13 pour notre démocratie.
15:14 - J'ai envie de vous demander,
15:16 vous toutes les deux,
15:17 c'est quoi vos enquêtes emblématiques ?
15:19 Celles qui vous ont marquées
15:20 et celles qui, au cœur du débat public,
15:23 ont fait avancer la société pour chacune d'entre vous ?
15:26 - On parlait de MeToo.
15:27 C'est sûr que le travail que j'ai fait depuis 2016,
15:30 et heureusement pas tout seul au journal,
15:32 puisqu'on est nombreux et nombreuses,
15:34 je pense notamment à Marine Turki,
15:36 qui a aussi beaucoup travaillé sur la question.
15:38 C'est sûr que ces enquêtes-là, pour nous,
15:40 enfin pour moi,
15:41 ont été vraiment très différentes du reste,
15:44 parce qu'elles ont à la fois rencontré beaucoup d'échos
15:48 et aussi accompagné un mouvement dans la société.
15:50 Et quand on est journaliste,
15:51 on essaye de raconter ce que nous voyons.
15:55 On a quand même une chance immense
15:56 de parler à des dizaines, des centaines de personnes
15:59 à qui on n'aurait pas forcément l'occasion,
16:01 la chance de pouvoir parler
16:03 et de témoigner de leur vie, de leur réalité,
16:05 de ce qui se passe.
16:06 Et vraiment, ce travail sur MeToo
16:09 a à la fois été très intéressant
16:13 à construire journalistiquement,
16:14 construire ces standards journalistiques d'enquête rigoureuse
16:17 et à la fois étaient des rencontres incroyables
16:20 et des chemins vraiment très enthousiasmants,
16:23 très intéressants, nouveaux,
16:25 et de se sentir un peu utile.
16:30 Et ça, ça n'arrive pas si souvent en réalité quand même.
16:33 En tout cas, d'avoir cette espèce de conscience
16:35 que là on se dit "là, je pense que ce que je fais est utile
16:39 et moi, ce que ça m'apporte est par ailleurs utile à moi-même".
16:42 C'est pas si souvent.
16:44 - Et vous, Valentine, pour terminer cette conversation ?
16:46 - Alors moi, je dirais que ces dernières années,
16:49 effectivement, MeToo fait partie des champs d'enquête
16:53 et de discussions les plus passionnants.
16:56 Évidemment, j'ai en mémoire l'émission "Un PPDA"
16:58 qui était quand même un sacré moment à vivre.
17:02 Et ce qu'on construit à Mediapart autour de ces sujets-là
17:06 et de manière plus générale et plus transversale,
17:09 ce qu'on construit à Mediapart tout court
17:11 et la capacité à inventer des formats
17:14 et à tenter tout un tas de choses est assez réjouissant.
17:16 - Eh bien, je vous remercie toutes les deux
17:18 et on va continuer à lire Mediapart.
17:20 - Merci beaucoup.
17:21 - Merci beaucoup.
17:22 Je rappelle Lénaïque Bredoux et Valentine Huberti
17:24 que vous êtes co-directrice éditoriale de Mediapart,
17:27 La Force de l'Engagement.
17:28 C'est à réécouter bien sûr en podcast sur sudradio.fr
17:31 et on se retrouve dimanche prochain Muriel.
17:33 - A dimanche. Au revoir Laurence. - Merci.
17:35 Sud Radio, le grand matin week-end.
17:38 La Force de l'Engagement. Muriel Reuss.
17:41 Avec AGPI, Association d'Assurés Engagés et Responsables.

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