Avec Shakiba Dawod, Militante pour les droits des femmes en Afghanistan et fondatrice de l'association "Le Cercle Persan"
Retrouvez Muriel Reus, tous les dimanches à 8h10 pour sa chronique "La force de l'engagement" sur Sud Radio.
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##LA_FORCE_DE_L_ENGAGEMENT-2024-10-06##
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NewsTranscription
00:00Agipi, association d'assurés engagées et responsables présente Sud Radio, le grand
00:06matin week-end, la force de l'engagement, Muriel Reyes.
00:10Bonjour Muriel.
00:11Bonjour Jean-Marie.
00:12S'engager pour la liberté des femmes partout, on va en parler avec votre invitée du jour
00:16qu'on accueille avec plaisir sur Sud Radio, nous serons avec Shakiba Davod, militante
00:21féministe afghane, fondatrice de l'association Le Cercle Perçant, évidemment la liberté
00:26des femmes vous tient à cœur Muriel.
00:28Oui, bien sûr, s'engager pour la liberté des femmes, c'est une évidence et notamment
00:32en Afghanistan et en Iran.
00:34L'Iran et l'Afghanistan partagent un passé commun enraciné dans l'Empire perse qui
00:39pendant des siècles a uni ces deux régions sous une culture, une langue et une identité
00:43commune.
00:44Aujourd'hui, ces deux pays partagent une réalité tragique, celle de la répression
00:48absolue des droits des femmes.
00:50Deux des combats les plus emblématiques pour cette liberté se déroulent en Afghanistan
00:55et en Iran.
00:56Et bien que les contextes politiques diffèrent, les points de convergence entre la lutte des
01:00femmes afghanes sous le régime taliban et celle des iraniennes contre leur gouvernement
01:04théocratique sont frappants.
01:05En Iran, les femmes luttent contre un régime qui les oblige à porter le voile, qui impose
01:10des lois strictes en matière de mœurs et de religion, des restrictions sur leur liberté
01:14personnelle et professionnelle.
01:16Dans une société civile relativement organisée, avec une population urbaine instruite, les
01:21iraniennes mènent malgré la répression leur résistance de manière visible.
01:25Elles peuvent s'appuyer sur une longue tradition d'activisme civil et culturel sur les réseaux
01:30sociaux et les manifestations pour amplifier leur voix.
01:33Depuis la mort tragique de Masha Amini en 2022, le mouvement Femmes, Vies, Libertés
01:39est devenu un cri de ralliement pour la quête de justice, de dignité et de droits égaux.
01:43En Afghanistan, la situation est encore plus extrême.
01:46Les femmes font face à une interprétation extrême de la loi islamique.
01:52Privées du droit de travailler, d'étudier, de s'exprimer en public, de se déplacer librement.
01:56Confinées à la sphère domestique, on ne doit plus voir leur visage, leurs mains, leurs
02:01chevilles, leurs yeux.
02:02En fait, 28 millions de femmes sont condamnées à l'invisibilité.
02:05Ces afghanes ne peuvent résister que dans l'ombre de manière clandestine.
02:08Toute forme de contestation conduit à des arrestations, des tortures, des exécutions.
02:13La lutte des femmes afghanes et iraniennes se rejoignent.
02:16Elles combattent un patriarcat institutionnalisé qui utilise la religion comme outil de contrôle.
02:21Dépossédées de leurs droits les plus élémentaires, de leur dignité, elles subissent une répression
02:26implacable.
02:27Le silence et l'oubli sont des ennemis mortels dans cette lutte des femmes.
02:31Bien que leur courage et leur force soient immenses, elles ne peuvent mener ce combat
02:34seules.
02:35Elles ont besoin de soutien, clairement affirmé, et de condamnation ferme de ces violations
02:40du droit humain.
02:41Elles doivent être soutenues, ici et partout dans le monde.
02:44S'engager pour ces femmes, c'est s'engager pour la liberté de toutes les femmes.
02:48Eh bien, parlons-en avec votre invitée qu'on accueille avec plaisir, Shakiba Davoud.
02:52Bonjour.
02:53Bonjour.
02:54Merci beaucoup de m'avoir amenée.
02:55Soyez la bienvenue sur Sud Radio.
02:56Vous êtes militante féministe afghane, vous êtes aussi la fondatrice de l'association
02:59Le Cercle Persan et vous êtes l'invitée de Muriel Reus.
03:02Bonjour Shakiba.
03:03Bonjour.
03:04Merci d'être là aujourd'hui.
03:06Alors, vous êtes née en Iran de parents afghans.
03:08Vous avez quitté l'Afghanistan en 2009 après avoir été menacée.
03:14Vous avez mis en scène une pièce de théâtre, le Tartuffe de Molière, à Kaboul.
03:18Ce projet, qui devait être un projet artistique, est devenu un symbole de résistance contre
03:22la censure et la répression, notamment après l'assassinat d'une actrice de la troupe.
03:28Vous pouvez nous parler de ce qui s'est passé à ce moment-là et de l'impact de cet événement,
03:34de cette pièce de théâtre et des réactions qui ont suivi pour votre décision de quitter
03:40l'Afghanistan ?
03:41Bien sûr.
03:42Merci beaucoup, Muriel, de m'avoir invitée.
03:44Alors, comme vous avez évoqué, je suis née et grandie en Iran.
03:49Jusqu'à mes 19 ans, j'ai vécu dans la ville de Isfahan où j'ai pu fréquenter le théâtre
03:54de la ville et j'ai rencontré des comédiens, ce qui m'a fait que j'ai décidé soudainement
04:01de m'intéresser au théâtre, de lire des pièces de théâtre.
04:04C'était un rêve, mais je ne pouvais pas me permettre ce luxe d'aller jouer en tant
04:10qu'une femme réfugiée, une étudiante d'origine afghane, de faire du théâtre à cette époque-là.
04:18Mon père a été raflé par les gardiens de la République et on a dû retourner en
04:25Afghanistan.
04:26Au début de l'arrivée des OTAN et de l'armée internationale en Afghanistan, il y avait
04:33une ambiance de paix.
04:35On pensait qu'il y aura une sorte de paix pérenne et il y aura encore de la prospérité
04:43qui va venir dans le pays, en Afghanistan.
04:47J'ai commencé à fréquenter l'université de Kaboul où j'ai fait la rencontre d'Ariane
04:53Mouchkine en 2005 pour pouvoir participer à un stage de théâtre qu'elle donnait
05:01avec la troupe de Tête du Soleil.
05:04J'ai été acceptée par la suite en tant que comédienne et puis je me suis formée
05:12à l'art du spectacle.
05:14On a continué cette aventure, on a fait plusieurs pièces de théâtre dont Tartuffe de Molière.
05:20Par contre, cette pièce, on l'a adaptée à l'environnement et à l'actualité de
05:27l'Afghanistan.
05:29On a essayé de critiquer un peu le régime des Mollahs qui n'étaient pas encore complètement
05:36séparés de la politique parce que, comme vous savez, on avait toujours une république
05:42islamique en Afghanistan.
05:45Sauf que cette pièce n'a pas plu aux groupes insurgés, aux talibans, donc on a commencé
05:53à recevoir des lettres de menaces mais comme nous étions protégés par la France et on
06:01travaillait à la Fondation Française de Kaboul, on pensait que ça ne sert à rien
06:08de s'inquiéter parce que de toute façon, ils ne vont pas pouvoir dépasser les portails
06:14et nous sommes en sécurité.
06:16Sauf que chacun des comédiens de la troupe était identifié, on savait où on habitait,
06:22quel était le rythme de nos répétitions et un jour, cette comédienne qui faisait
06:28membre de notre troupe, elle s'appelait Roya, elle a disparu.
06:32Soudainement, on a cru qu'elle avait abandonné le théâtre, qu'elle ne vient plus à la
06:38répétition mais malheureusement, ce n'était pas le cas.
06:43Deux mois plus tard, la police criminelle est venue enquêter la Fondation, on nous a
06:50demandé si on avait plus d'informations à ce sujet parce qu'ils avaient retrouvé
06:56son corps décapité dans une puille et malheureusement, c'était à cause de ses cousins talibans.
07:03Donc vous quittez l'Afghanistan et en 2022, vous arrivez en France, en 2009 d'ailleurs
07:11et en 2022, vous fondez le Cercle Persan, c'est une association et vous avez ressenti
07:16le besoin d'aider les femmes afghanes en France dans leur processus d'intégration,
07:21en particulier celles qui arrivent par le biais des demandes d'asile ou de regroupements
07:26familiales.
07:27Comment vous les aidez ces femmes afghanes qui se retrouvent en France ?
07:29Je pense qu'à travers mes expériences en tant qu'interprète à la Cour nationale
07:36de droit d'asile, à la CNDA et par la suite à l'OFPRA, j'ai pu fréquenter beaucoup
07:42de femmes et j'ai réussi à entendre leurs cris, leurs problèmes, ce qu'elles vivent
07:48encore en France mais dans un contexte familial très traditionnel.
07:57Je sais qu'après l'arrivée des talibans, il y a beaucoup de femmes qui ont dû quitter
08:02l'Afghanistan, aller se réfugier dans les pays limitrophes comme le Pakistan et l'Iran,
08:08attendre que leur mari les invite en France ou dans d'autres pays.
08:12Mais une fois arrivées, elles sont encore isolées parce qu'un nouveau pays, une nouvelle
08:19culture, la confrontation immédiate est un peu violente.
08:23J'ai compris qu'il y a beaucoup de femmes qui arrivent et qui tombent enceintes immédiatement.
08:30Il n'y a pas un plan ou un planning familial pour pouvoir restructurer un petit peu leur
08:38arrivée.
08:39Je pense que la politique de l'accueil en France n'est pas forcément adaptée non plus
08:44à toutes ces formes de migration, en tout cas qui est une migration ou une exile forcée
08:53parce que les femmes afghanes ne comptaient pas forcément s'exiler, quitter leur pays.
08:58Elles voulaient rester sauf que malheureusement les enjeux internationaux ont fait que les
09:06Américains ont laissé l'Afghanistan dans les mains des talibans suite aux négociations
09:12à Doha.
09:13Donc ces femmes-là se retrouvent en France et elles ont beaucoup de besoins, donc l'accompagnement
09:20administratif, l'accompagnement juridique, le planning familial, l'apprentissage de
09:29la langue.
09:30Le plan d'accompagnement est mis en place par différentes associations et j'essaie
09:36aussi, en tant qu'une franco-afghane en tout cas, de rajouter ma pierre à l'édifice.
09:44Alors vous dites que beaucoup de femmes afghanes en exile continuent d'intérioriser les normes
09:49patriarcales.
09:50C'est vrai là-bas, évidemment, puisque la loi des hommes est terriblement imposée,
09:58mais même en France, elles ont du mal à s'extraire de ces normes patriarcales.
10:02Je pense que quand on vit dans un pays très traditionnel comme l'Afghanistan, parfois
10:11on n'a pas forcément conscience de ce que la société nous impose.
10:17Il y a certaines valeurs traditionnelles que la société impose aux femmes et si elles
10:25ne les respectent pas, elles sont exclues, elles ne sont plus acceptées au sein de leur
10:29famille.
10:30Les belles-mères, par exemple, continuent parfois à opprimer leurs belles-filles et
10:42leur imposer des choses où, par exemple, le coût des mariages est très très haut.
10:47On dépense plusieurs milliers de dollars pour marier dans des grandes villes les jeunes
10:57couples et je pense que ça, ça vient aussi d'une idée que la femme est une marchandise.
11:07Quant à la mariée, c'est comme une marchandise qu'on vende et à la place, il faut la valoriser,
11:15il faudrait payer beaucoup d'argent.
11:17Et tout ça, moi, je considère que ça fait partie de cette culture patriarcale qui continue
11:22à exister en Afghanistan à cause de la tradition et de la religion.
11:27Alors, on sait de la situation en Afghanistan, ce que les médias nous révèlent, parce
11:31qu'évidemment, nous n'y sommes pas.
11:34Vous, vous pensez que les femmes en Afghanistan peuvent continuer à résister face à cette
11:38violence qu'on leur impose, face à ce contrôle patriarcal ? Est-ce que vous pensez, est-ce
11:43que vous savez s'il existe encore des réseaux de résistance féminine qui existent malgré
11:47les risques terribles que les femmes encourt ?
11:49Bien sûr.
11:50Dès l'arrivée des talibans, il y a eu beaucoup de fronts de résistance qui ont été formés
11:57à la fois par des hommes et par les femmes.
12:00Les anciens combattants de l'armée ont formé des groupes armés pour résister contre les
12:08talibans et les femmes ont décidé de sortir dans la rue, de crier non aux talibans, on
12:16n'accepte pas ce régime.
12:18Mais apparemment, aujourd'hui, elles ne peuvent plus le faire.
12:22Elles ne peuvent plus le faire, c'est difficile.
12:24Moi, j'ai encore vu quand même des manifestations qui ont eu lieu, mais de plus en plus, avec
12:31les nouvelles lois, les nouvelles restrictions, les femmes, en fait le combat des femmes recule
12:39dans les maisons ou dans des cours, il y a des cours qui se sont formés, ça peut être
12:46des cours de théologie, des cours de couture, mais les femmes en profitent pour se retrouver
12:52et s'organiser, et puis poster des photos, des images, lire un peu leurs réclamations
13:01à la communauté internationale et les diffuser sur les réseaux sociaux.
13:05Ce que nous pouvons faire, c'est de les soutenir et d'être leur voix, de permettre de circuler
13:11cette voix à travers les médias, de ne pas les oublier.
13:15Alors, on sait en Iran que des hommes se sont engagés dans le mouvement des femmes en Iran.
13:20Est-ce que les maris, les frères, les filles de ces femmes en Afghanistan arrivent à les
13:26soutenir ou est-ce qu'ils ont terriblement peur et ils ne le font pas ?
13:29Je pense que les talibans ont compris comment ils peuvent contrôler en tout cas cette résistance
13:36en Afghanistan, parce que ce n'est pas non seulement les filles militantes qui sont arrêtées,
13:44tribalisées, emprisonnées, violées, mais les talibans s'en prennent aussi à leur famille,
13:52s'en prennent à leur père, à leur mari.
13:55Donc, il y a malgré cela une partie des hommes afghans qui soutiennent leurs femmes, qui
14:01leur permet de porter leur voix, de communiquer, de s'organiser, mais d'autres parties qui
14:13sont malheureusement peut-être très influencées par les talibans et préfèrent rester et
14:20vivre de façon traditionnelle.
14:22Alors, je sais que vous avez évidemment des réseaux toujours en Afghanistan, les tensions
14:27au Moyen-Orient qui existent aujourd'hui, qui sont devenues absolument très fortes.
14:31Est-ce que ces tensions-là, vous pensez que ça accentue davantage la pression sur les femmes ?
14:36Je pense que oui, je pense que les femmes sont les premières victimes, les femmes et les enfants.
14:40Évidemment aussi la communauté LGBT qui fait partie des premières victimes de toutes les guerres.
14:48Il y a beaucoup de femmes afghanes qui sont réfugiées et évidemment, dès qu'il y a une
14:55guerre qui est déclenchée, on abandonne les femmes ou il y a encore plus de pression,
15:02elles ont plus de responsables parce que les responsables sont obligés d'aller soit en
15:09guerre ou sont extradés vers leur pays.
15:12Donc, les femmes sont abandonnées, elles doivent toutes seules s'occuper de la vie
15:16et de la famille des enfants.
15:18Vous préparez un grand projet pour le 21 décembre, une pièce de théâtre avec des
15:23femmes afghanes, des femmes iraniennes, des femmes françaises, vous pouvez nous en dire
15:26deux mots ?
15:27Oui, bien sûr.
15:28Alors moi, je pense que ce que nous entendons de loin de la France, c'est que la France
15:37est un pays de l'art et de la culture.
15:40Loin des stéréotypes dont j'ai toujours entendu parler, la baguette, etc. ou le fromage
15:48ou le vin.
15:49Moi, la première chose dont j'ai entendu parler, c'était l'art, les musées, le spectacle,
15:56le théâtre, etc.
15:58Donc, comme j'étais une passionnée du théâtre, je pense que la meilleure manière pour moi
16:05de m'exprimer, c'est encore l'art de la scène.
16:09Donc, j'ai décidé, comme l'année dernière, de travailler avec les femmes réfugiées.
16:15Il n'y a pas que des femmes, je n'ai pas envie de faire une distinction entre les femmes
16:20et les hommes.
16:21Il faudrait qu'on apprenne à travailler main en main, à cohabiter ensemble.
16:26Donc, cette pièce de théâtre va mettre en scène une des histoires de Shahnameh ou
16:32le Livre des Rois, qui est le plus grand chef-d'oeuvre de Ferdowsi, qui a réussi
16:38à transcender un peu notre histoire et qu'aujourd'hui, on arrive à encore vivre ça.
16:50Donc, pour créer cette pièce, on a besoin de soutien, de trouver des moyens techniques,
17:00des comédiens, faire des costumes.
17:03Je vais essayer de faire une campagne de crowdfunding pour pouvoir retrouver les moyens financiers
17:11afin de payer les artistes et vous permettre de vivre ce moment avec nous.
17:17Merci Shakiba.
17:18Donc, pour vous aider, c'est assez simple.
17:21Vous allez sur Google, vous cherchez le Cercle Persan et vous pourrez soutenir l'association
17:27de Shakiba Dawood, militante féminine afghane.
17:31Merci beaucoup pour cet entretien.
17:32Merci à vous.
17:33Merci à vous Shakiba Dawood et merci à vous Muriel Reuss.
17:36On vous retrouve dimanche prochain sur Sud Radio.
17:37À dimanche Jean-Marie.