Nincemon Fallé, écrivain originaire de Côte d'Ivoire, est l'invité Nouvelle Tête de Mathilde Serrell pour son premier roman "Ces soleils ardents" publié aux éditions JC Lattès et Prix Voix d’Afriques 2024. Il sera présent au Festival du Livre de Paris le samedi 13 avril.
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00 Place aux nouvelles têtes avec vous Mathilde Serrel et ce matin c'est une nouvelle voix
00:04 de la littérature francophone qui est dans notre studio, le jeune écrivain ivoirien
00:08 Nins Monfalet, portrait sonore.
00:11 Ce ne sont pas des grands-pères mais des dragon balls.
00:14 Des dragon balls ? Et ta boule de cristal est en parpétunion avec les deux autres.
00:20 Alors les enfants, aujourd'hui c'est la première manche, de petit à petit à dos bas.
00:25 Est-ce qu'on peut applaudir la population de Dadaji ?
00:28 Naruto ? Je voulais juste te dire que si tu te dépêches de faire disparaître ces graffitis,
00:32 je t'emmènerai manger un bol de nouilles.
00:33 Qu'est-ce que tu en dis ? Génial !
00:35 Au départ, la lecture, c'est pas son truc.
00:39 Il passe des heures devant la télé à regarder ses mangas animés préférés mais aussi
00:44 le jeu Petit à Petit, un quiz où s'affrontent des élèves de différents villages.
00:49 Pour le décoller de l'écran, son grand-père lui offre un grand classique de la littérature
00:53 ivoirienne.
00:54 J'ai relu plusieurs fois la lettre de Muriel.
00:57 J'ai essayé de comprendre chaque mot, j'ai cherché à saisir un message secret qui
01:03 me fut favorable mais il fallait que je fusse bien idiot pour ne pas comprendre que ce message
01:11 était la sentence fatale.
01:14 Les frasques d'ébainteau d'Amadou Kone, voilà enfin un roman qu'il lit jusqu'à
01:20 la fin.
01:21 Il en sort bouleversé avec l'envie de lire davantage et même d'écrire.
01:25 Des histoires, il sait en raconter depuis qu'il griffonne toutes ses planches de BD
01:33 et se voit même en faire son métier.
01:35 Je me trouve actuellement au sein de l'université Félix Foué-Boigny à Bijan.
01:39 Bâti sur 205 hectares, plus de 50 000 étudiants et plus de 2000 enseignants-chercheurs fréquentent
01:45 ce campus.
01:46 Créé en 1964, cet établissement public administratif d'enseignement supérieur et de recherche
01:51 a joué jusqu'à les années 80 d'une excellente réputation en Afrique de l'Ouest francophone.
01:56 C'est à Bijan, dans la fameuse université Félix ou Foué-Boigny, qu'il fait ses études
02:01 de lettres et en magazine la matière de ce qui fera son premier roman.
02:06 Mais il ne le sait pas encore.
02:07 Il vise un job de graphiste et démarre comme stagiaire dans une imprimerie.
02:11 Prenant connaissance du prix Voix d'Afrique, il décide de se lancer et de réfléchir
02:21 à une idée de manuscrit.
02:22 Trois ans de travail plus tard, le voilà lauréat et édité chez J.C.
02:26 Lattès pour son premier roman, Ses soleils ardents.
02:30 N'insemont fallait, bonjour !
02:31 - Bonjour Mathilde !
02:33 - Voilà votre parcours.
02:35 En son, n'insemont, ça signifie « enguerrer », langue des montagnes ivoiriennes, le feu
02:40 n'est pas éteint.
02:41 Comment vous l'avez entretenu ce feu d'écrire ?
02:44 - Alors, il faut dire que c'est une passion qui est là depuis l'enfance.
02:50 C'est une passion qui d'abord naît de mon désir de raconter des histoires et de découvrir
02:57 de nouvelles histoires.
02:58 Donc j'entretiens cette passion et je commence avec la bande dessinée, puis le cinéma
03:03 et finalement j'arrive à la littérature un petit peu grâce au prix Voix d'Afrique.
03:07 - Ça aurait pu être la bande dessinée ou le cinéma.
03:10 C'est parce que ce prix a existé que vous avez décidé d'écrire un roman ?
03:14 - Non, j'ai commencé à écrire bien avant.
03:16 - Sur Whatpad, entre autres, vous publiez quelques textes.
03:20 - Oui, j'écrivais sur Whatpad, j'ai écrit sur Facebook.
03:24 J'ai commencé à écrire mais je me disais que vu la difficulté que c'est de publier
03:30 un livre, surtout en Afrique, je ne me voyais pas poursuivre dans cette carrière-là.
03:35 Et il y a le prix Voix d'Afrique qui arrive, qui me donne cette opportunité, qui me donne
03:40 la chance de poursuivre ce manuscrit jusqu'à la fin et de le voir aujourd'hui publier.
03:45 - Vous avez quitté d'ailleurs votre job de graphiste.
03:48 - C'est ça.
03:49 - Donc ça, vous entrez dans la littérature et la carrière littéraire.
03:54 Ce prix Voix d'Afrique 2024, avec un jury présidé de l'écrivain sénégalais Mohamed
03:59 Mbougar Sarr qui a eu le prix Goncourt en 2021.
04:01 Ça a une signification particulière pour vous que ce soit lui le président du jury
04:05 à ce moment-là ?
04:06 - Oui, jusqu'à hier encore, je ne l'avais jamais rencontré.
04:09 Le simple fait de le voir, qu'il me félicite, qu'il me parle, ça a provoqué quelque chose
04:14 en moi, quelque chose de l'ordre de la validation un petit peu.
04:17 Et pour moi, ça a été une difficulté supplémentaire de savoir que c'était lui le président du
04:21 jury parce que je me suis dit "Ah, c'est Mbougar, est-ce qu'il n'y a jamais chance
04:25 toujours ?" Mais voilà, finalement ça s'est très bien passé et j'ai été très content
04:30 de le rencontrer et je suis très content que ce soit lui le président.
04:34 - Son roman "La plus secrète mémoire des hommes" parle entre autres de ce qu'est l'arrivée
04:37 d'un jeune écrivain dans la vie littéraire francophone et du rôle que l'on veut lui
04:41 faire jouer.
04:42 - C'est ça.
04:43 - Ça vous parle, ça ? - Un petit peu.
04:45 - De ses rôles ? Parce que votre roman aussi, c'est soleil ardent, il est sur des rôles
04:50 qu'on vous fixe à l'avance.
04:51 - Oui, il parle de déterminisme, de l'adulte qu'on devient avec les influences familiales,
04:59 les influences de la société, etc.
05:01 Et voilà, c'est de ça que je voulais parler à travers ces jeunes étudiants.
05:05 - Iro et Thierry.
05:06 - Oui, exactement.
05:07 Qui arrivent à l'université, Félix-Sophie Brognié, et qui partagent sa chambre universitaire,
05:12 qui partagent leur destin, leur misère, leurs rêves, leurs espoirs.
05:16 Et pour moi, c'était important d'aborder ce sujet-là, du point de vue des étudiants.
05:21 - Le rêve, c'était très important pour vous.
05:23 Vous dites "on nous dit de faire ci ou ça, on ne nous demande jamais à quoi on rêve".
05:29 C'est ce que portaient vos personnages, principalement.
05:32 - C'est exactement ça.
05:33 Parce que j'ai longtemps nourri plusieurs rêves, je suis quelqu'un de très passionné,
05:37 j'ai fait un petit peu de la photographie, du dessin.
05:41 J'étais toujours en quête de la grande passion qui ferait que j'arriverais à une version
05:47 accomplie de moi-même.
05:48 - Enfin la vie rêvée, c'est écrit en toutes lettres.
05:54 - C'est ça.
05:55 Et lorsque tu as ce prix qui arrive, pour moi c'est une grande porte qui s'ouvre.
06:01 Parce que jusqu'alors, je m'étais résolu à faire mon petit travail de graphiste dans
06:07 mon agence de com.
06:08 Et voilà.
06:09 - Et finalement, vous avez pu vous y autoriser à faire autrement, vous questionner ce qui
06:16 empêche.
06:17 Qu'est-ce qui empêche ? Il y a aussi les pères, il y a aussi le village dont viennent
06:21 les étudiants l'un et l'autre.
06:23 Ils ont des parcours différents.
06:24 Mais Thierry Heiraud, ils viennent d'un village où Lali, le grand frère d'Hieraud, dit
06:28 "tu fais semblant de ne pas voir que dans ce village, personne ne veut notre bonheur".
06:33 Ce sont ces filiations et ces entourages les freins principaux à l'accomplissement des
06:39 rêves ou à s'autoriser à rêver sincèrement ?
06:41 - Alors cette phrase vient d'une scène du chapitre 8 qui laisse entrevoir une discussion
06:49 entre le père et le fils aîné.
06:51 Et voilà, tu as cette confrontation de ce fils aîné qui décide de partir à l'aventure
06:57 pour se réaliser, pour chercher ses rêves.
07:01 Et donc tu as un petit peu cette confrontation qui arrive.
07:05 Et pour moi c'était important de parler de cette scission qui peut arriver entre le père
07:09 et le fils, des inspirations et des aspirances que le père peut avoir par rapport au fils.
07:15 Et voilà comment on se construit différemment.
07:17 - Il y a aussi quelque chose, je voudrais qu'on en parle avant de finir, qu'on découvre
07:20 dans ce livre, dans ce Mont-Fallet, c'est les Kosovars.
07:23 C'est comme ça qu'on appelle les étudiants à l'université au Fouette-Boigny qui dorment
07:28 le soir dans les amphithéâtres ?
07:29 - C'est ça.
07:30 C'est un petit nom qu'ils ont trouvé pour se désigner.
07:35 Et c'est une réalité parce qu'il faut dire qu'il n'y a pas suffisamment de place à
07:40 l'université Philosophe-Au-Fouette-Boigny.
07:42 C'est quelque chose dont on se plaint depuis longtemps.
07:45 Et tu as ces étudiants qui viennent un petit peu des quatre coins de la Côte d'Ivoire
07:49 qui se retrouvent un petit peu malgré eux dans cette université à devoir se débrouiller.
07:53 Et lorsque tu es seul face à ton destin, face à cette réalité, tu ne peux que passer
07:58 par des chemins détournés.
08:01 Et donc ils dorment parfois dans des amphithéâtres, parfois dehors, etc.
08:04 - Il faudra lire davantage.
08:07 C'est « Soleil ardent », votre premier roman d'insmon Fallet.
08:10 Vous serez en première dédicace au Festival du Livre de Paris ce samedi 13 avril.
08:16 Tout Radio France y sera d'ailleurs.
08:17 Bonne route à vous !
08:18 - Merci beaucoup.
08:19 Hâte de vous retrouver !
08:20 *Rires*