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Pour clôturer la saison des prix littéraires, Mathilde Serrell reçoit deux Nouvelles Têtes : Lucie Le Bars, qui vient de remporter le "Prix Clara" des jeunes auteurs à seulement 13 ans, tandis que Juliette Beau, sa prof de latin, en a été la lauréate il y a 13 ans.

Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00 Il est 9h50, les nouvelles têtes Mathilde ce matin, elles sont deux, toutes deux lauréates
00:05 à 13 ans d'intervalle du prix Clara qui récompense des nouvelles écrites par des
00:11 ados.
00:12 L'une est prof de latin, l'autre son élève, Juliette Beau et Lucie Lebar sont dans notre
00:17 studio Portrait croisé.
00:19 Il était une fois… Mister G ! Avant de savoir écrire, Lucie l'élève discutait
00:29 et dictait des petites bandes dessinées à sa grand-mère, comme ces fameuses aventures
00:34 de Mister Gymme qu'on a essayé de mettre au monde le gymnaste anti-héros.
00:39 Avant de savoir lire, Juliette, la prof voulait être clown, une carrière qui n'enchantait
00:46 pas ses parents.
00:47 L'élève découvre le plaisir de jouer avec les mots en écoutant Henri Dès et son album
01:06 culte PoliSong.
01:08 La prof découvre elle la vie secrète des mots avec les vagues de Virginia Woolf.
01:14 « J'aime et je hais, mais quand nous sommes assis tout près, nous nous fondons l'un
01:21 dans l'autre avec des phrases.
01:23 Nous sommes un territoire sans substance.
01:26 Les mots sont isolés, me clouent au sol.
01:30 Toi, tu vagabonde, tu t'échappes.
01:32 »
01:33 Devenir professeur et écrivain, l'un ne va pas sans l'autre, se promet-elle alors.
01:39 À 17 ans, la pas encore prof de lettres classiques reçoit le prix Clara des jeunes auteurs et
01:44 13 ans plus tard, c'est son élève de 13 ans qui en est la lauréate.
01:49 Juliette Beau, Lucie Lebar, bonjour à toutes les deux.
01:51 - Bonjour.
01:52 - Magnifique.
01:53 Lucie, vous l'appelez encore Madame Beau, votre prof de lettres de 5ème.
01:59 Vous n'êtes pas passée au prénom, pas de Juliette.
02:01 - Elle a le droit en vrai, mais je pense qu'elle n'ose pas encore.
02:04 - Vous le saurez.
02:05 Juliette, vous êtes enseignante en lettres classiques au Collège Joseph Barrat de Palaiso
02:09 dans l'Essonne.
02:10 Vous y avez placardé partout des affiches du prix Clara qui récompense les très jeunes
02:15 auteurs.
02:16 Ce n'est pas le concours des collégiens, c'est vraiment un prix pour les auteurs en
02:19 herbe que vous aviez reçus vous-même il y a 13 ans.
02:22 Est-ce que vous pouvez nous raconter cette nouvelle que vous aviez écrite ? À ce moment-là,
02:25 vous avez 17 ans et vous recevez votre premier prix Clara.
02:28 - Alors, j'avais écrit sur un sujet pas très facile mais qui faisait beaucoup débat
02:33 à l'époque où j'écrivais, c'était le port de la Burqa.
02:36 Et il me semblait qu'on n'interrogeait pas trop les intéressés.
02:40 J'avais envie de me mettre à la place de ces femmes et j'avais écrit une nouvelle
02:44 sur une femme qui porte la Burqa.
02:46 J'ai mis les sujets un peu compliqués.
02:49 La nouvelle de Lucie est plus légère, plus drôle.
02:54 - Lucie, c'est en tombant sur une affiche qui a été placardée par votre prof de latin
02:58 que vous vous êtes lancée ?
02:59 - Oui, c'est ça.
03:00 Au début, je n'y avais pas fait très attention, mais c'est une amie qui est venue me proposer
03:05 d'y participer.
03:06 - Alors vous, vous écriviez, on l'a vu, déjà même avant d'écrire, parce que vous
03:10 dictiez des bandes dessinées à votre grand-mère.
03:13 Et là, vous vous êtes dit que vous teniez une histoire que vous aviez déjà de côté.
03:18 Vous êtes un peu comme Amélie Nothomb, vous avez des romans dans les tiroirs.
03:20 Vous aviez un truc et là vous l'avez envoyé au prix Clara.
03:23 - Oui, j'avais un vieux truc que j'ai dû beaucoup retravailler.
03:27 - On va parler de ce vieux truc.
03:29 Ça s'appelle l'histoire...
03:30 Alors, pardon, c'est "Policier à Sentiff sur Polochon".
03:33 C'est l'histoire de cette nouvelle.
03:34 Et c'est vraiment extrêmement drôle.
03:36 Je vais vous poser un petit peu l'inquipite.
03:38 15 ans, et oui, ça fait 15 ans que Bob est policier à Sentiff sur Polochon.
03:43 Selon vous, comment se passe le quotidien d'un policier ? Action, course, poursuite ?
03:46 Eh bien, pas pour Bob, ni pour les autres policiers à Sentiff sur Polochon.
03:51 En vérité, Bob et ses collègues faisaient des siestes.
03:53 Il leur arrivait parfois de chercher de la paperasse, oubliée, sans grand succès, car
03:58 il n'y en avait tout bonnement jamais eue.
04:00 On est dans un patelin où tout le monde fait la sieste.
04:04 Les policiers attendent vraiment désespérément qu'il se passe quelque chose.
04:08 Les habitants, les commerçants, il ne se passe jamais rien.
04:11 Et puis un jour, vous découvrirez dans votre nouvelle ce que fait Bob, le policier, pour
04:15 qu'il se passe enfin quelque chose.
04:16 Vous dites que pour vous, les mots c'est comme des playmobiles.
04:19 Lucie, c'est ça ? C'est votre rapport à l'écriture ?
04:22 - Oui, c'est ça.
04:23 Parce que quand j'étais petite, j'avais plein de playmobiles.
04:26 Je jouais vraiment tout le temps.
04:27 Et l'écriture, ça m'avait fait un peu repenser parce que j'ai un ou plusieurs personnages.
04:32 Je joue un peu avec eux.
04:34 Je leur fais faire ce que je veux, dire ce que je veux.
04:36 - Vous dites que vous essayez d'être sérieuse, mais c'est toujours la drôlerie qui prend
04:39 le dessus quand vous écrivez.
04:41 - Oui.
04:42 Par exemple, la dernière rédaction que j'ai faite en français, on avait un début de
04:47 nouvelle, il fallait écrire la suite.
04:48 Et c'était un peu triste.
04:49 Ça se passait dans Paris, il y avait une famine.
04:52 Et j'ai quand même réussi à faire un truc drôle sur une famine dans Paris.
04:56 - Vous avez fait un truc drôle sur une famine dans Paris dans votre rédaction.
04:59 Et la réaction de la prof de français ? Elle a validé ou pas ?
05:03 - Oui, elle m'a d'ailleurs répondu un truc drôle.
05:05 Parce que c'était l'histoire de quelqu'un qui voulait une pâtisserie.
05:07 Et à la fin, il l'a fait tomber.
05:08 Et du coup, j'ai dit "on peut donc dire que cette nouvelle se termine par une chute".
05:12 - De lequel appelle-t-on Clara pour rire ?
05:16 - Oui.
05:17 C'est extraordinaire.
05:18 Vous avez une passion commune, c'est Harry Potter.
05:21 Et c'est une génération que vous partagez.
05:24 Puisque vous avez 13 ans, Lucie, vous jettez 30 ans.
05:27 Et vous avez été totalement révélée à la littérature par Harry Potter l'une et l'autre.
05:33 Qu'est-ce qui s'est joué pour l'une comme pour l'autre ?
05:41 - Moi ce que j'aimais, c'était l'univers incroyable, la force des mots, le latin.
05:46 Ça a bien marché forcément, les sorts en latin.
05:49 Et j'aimais beaucoup les figures des professeurs.
05:51 Et je pense que ça a beaucoup joué le professeur Lupin dans la décision de devenir professeur.
05:55 J'aimais bien ça.
05:56 - C'est à cause Harry Potter.
05:58 - Voilà, sans doute.
05:59 Ça a joué.
06:00 - Ce qui a joué aussi, c'est que vous, vous avez pris une sorte de revanche historique
06:06 sur votre famille qui est descendante de réfugiés espagnols.
06:08 Et vous avez pris la langue qu'eux ont dû apprendre pour s'intégrer comme une langue
06:13 que vous alliez maîtriser, travailler et transmettre.
06:16 - C'est ça.
06:17 Pour moi, c'est important d'être professeur parce que je suis la première de la famille,
06:22 tout bêtement.
06:23 - Et Lucie, vous ne vous imaginez pas gagner un prix ? Vous disiez que c'était pour
06:26 les autres.
06:27 - Oui, j'ai envoyé ma nouvelle et je me disais que j'ai 13 ans et gagner un prix,
06:32 pour moi c'était le truc qui n'arrive qu'aux autres.
06:34 - Et puis on vous appelle.
06:35 - Oui.
06:36 - Et vous aussi vous voulez être prof quand vous aurez 30 ans ?
06:38 - Oui.
06:39 - Comme Juliette, vous voulez faire hippocamie, cagne à Henri IV ?
06:42 - Non, non, non.
06:43 - Elle dit non, vous pouvez faire moi.
06:44 - Quand j'étais en primaire, je voulais être professeure, mais maintenant, je serai
06:48 plus ingénieure.
06:49 Je ne sais pas encore tout à fait dans quel domaine.
06:50 - Heureusement, vous n'avez pas dit youtubeuse.
06:53 - Non.
06:54 - Ou booktoqueuse.
06:55 Bon, je rappelle qu'on est quand même à 202 milliards de vues sur TikTok pour Booktalk.
06:59 Alors, il est l'heure du sujet libre et vous n'êtes pas venu les mains vides, vous
07:03 êtes venu avec un petit spectacle de fin d'année, on peut le dire.
07:05 C'est le Bourgeois gentilhomme de Molière, acte de scène 5.
07:08 Monsieur Jourdain veut écrire à sa belle.
07:10 Allez-y.
07:12 - Je voudrais donc lui mettre dans un billet "Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir
07:19 d'amour", mais je voudrais que cela fût mis d'une manière galante, que cela fût
07:23 tourné gentiment.
07:24 - Mettre que les feux de ses yeux réduisent votre cœur en cendres, que vous souffrez
07:29 nuit et jour pour être ?
07:30 - Non, non, non, je ne veux point tout cela.
07:31 Je ne veux que ce que je vous ai dit.
07:34 Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.
07:37 - Il faut bien étendre un peu la chose.
07:39 - Non, vous dis-je.
07:40 Je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet, mais tournées à la mode, bien
07:44 arrangées comme il faut.
07:45 Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on peut les mettre.
07:50 - On les peut mettre premièrement comme vous avez dit.
07:53 Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.
07:56 Ou bien, d'amour mourir me font, belle marquise vos beaux yeux.
08:00 Ou bien, me font vos yeux beaux mourir, belle marquise d'amour.
08:05 - Mais de toutes ces façons-là, laquelle est la meilleure ?
08:08 - Celle que vous avez dite.
08:10 Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.
08:13 - Cependant, je n'ai point étudié et j'ai fait tout cela du premier coup.
08:17 Je vous remercie de tout mon cœur et vous prie de revenir demain de bonne heure.
08:21 - Je n'y manquerai pas.
08:22 - Et il sort !
08:23 Merci beaucoup, je rappelle que votre nouvelle « Policier » à Saint-Yves-sur-Polchon
08:28 s'est publiée par les éditions Héloïse d'Ormesson et par Fleurusse aux côtés des
08:31 autres lauréates.
08:32 Elles sont que des filles cette année du prix Clara.
08:34 - Merci Mathilde.

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