• il y a 8 mois
Dans Destins de femmes, Judith Beller reçoit Albina du Boisrouvray, philanthrope et fondatrice de l'ONG François Xavier Bagnoud

"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.

Une émission de Judith Beller.

Merci au Groupe Connect Travail Temporaire !

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##DESTIN_DE_FEMMES-2024-04-13##

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Transcription
00:00 Le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
00:03 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout en France.
00:08 Le groupe Connect présente...
00:10 Sud Radio, Destin de Femme, Judith Bellet.
00:13 Bienvenue à toutes et à tous dans Destin de Femme sur Sud Radio,
00:16 une émission inspirée par le livre au même titre de Valérie Pérez-Enouchi.
00:20 Comme tous les samedis à 13h30, vous allez découvrir aujourd'hui
00:23 le destin d'une femme française hors du commun.
00:25 Albina Dubois-Rouvray est une philanthrope.
00:28 Son engagement envers les causes humanitaires l'a conduit à travailler dans des zones difficiles
00:32 et à créer des programmes qui visent à améliorer les conditions de vie des populations les plus vulnérables.
00:37 Albina, vous avez fondé l'association François-Xavier Bagnou FXB
00:40 qui est nommée en hommage à votre fils,
00:42 le pilote d'hélicoptère qui est décédé dans un accident en 1986
00:46 aux côtés de Daniel Bellavoine notamment.
00:48 Et puis depuis, vous œuvrez pour aider les enfants et les familles touchées par la pauvreté,
00:52 la maladie et l'exclusion sociale dans de nombreux pays du monde.
00:55 D'autant souligner que votre destin est une ode à la résilience.
00:58 Vous avez toute votre place dans "Destin de femme", bienvenue à Albina.
01:01 C'est parti !
01:02 Sud Radio, "Destin de femme", Judith Beller.
01:06 Albina Dubois-Rouvray pour commencer les quatre questions de "Destin de femme".
01:09 Alors la première, quel destin de quelle femme vous inspire le plus ?
01:13 Il y en a deux.
01:15 Il y a Simone Veil, ça c'était assez évident, tout le monde.
01:18 Elle est souvent citée dans cette émission.
01:20 Bien sûr, bien sûr.
01:21 Et François Giroux.
01:22 Oui, pour quelle raison ?
01:24 Parce que François Giroux, quand j'avais quinze-seizans, c'est le début de la guerre d'Algérie.
01:28 Et je lisais ses éditos dans l'Express,
01:30 et j'étais absolument impressionnée par ses positions politiques
01:34 et par le fait que c'était une femme
01:36 qui avait cassé le plafond de verre du journalisme et de la direction d'un journal.
01:40 C'est une des premières d'ailleurs.
01:41 Ah c'est même la seule.
01:42 La première, oui.
01:44 À part quelques mois, quelques jours.
01:47 Non, c'était la première.
01:48 À l'époque, c'était impensable, c'est incroyable.
01:50 Donc c'était un peu un exemple pour vous.
01:52 C'était totalement un exemple, et c'était, je veux dire que
01:55 j'avais une grande affection et admiration pour elle.
01:58 Vous la connaissez bien.
01:59 Elle est devenue mon amie.
02:00 Je crois qu'elle était très touchée
02:02 par cette affection et cette admiration que je lui portais.
02:06 J'ai énormément passé de temps de vacances avec elle.
02:10 Et en fait,
02:12 je crois que je suis la dernière amie
02:15 d'avoir vu vivante avant qu'elle ne tombe dans le commun.
02:18 Ah, c'est beau ça.
02:19 Ouais.
02:19 C'est un beau dernier regard.
02:21 Un très beau dernier regard, surtout que
02:23 elle m'a interviewée parce qu'elle voulait faire un livre sur moi.
02:27 Et je ne voulais pas du tout qu'elle continue
02:30 parce qu'elle avait une équimose ici.
02:32 Et je me disais qu'elle n'allait pas bien.
02:35 J'ai dit "Françoise, je t'emmène, on fait une radio".
02:37 Non, non, non, la radio elle ne voulait pas du tout.
02:40 Elle programmait pour samedi.
02:43 Et à un moment donné, j'ai dit "écoute Françoise, on va aller faire du thé.
02:45 Moi j'ai très soif, on arrête.
02:47 On va aller faire du thé".
02:48 Et elle m'a raconté sa recette du foie gras.
02:52 Incroyable.
02:53 Et quand je suis partie, elle m'a dit
02:55 "Alors, je réécris tout ça, je te l'envoie
02:58 et on reprend rendez-vous pour la suite".
03:01 Et une heure à peu près plus tard,
03:02 elle est tombée dans le commun quand son médecin est arrivé au son kiné.
03:05 C'est fou ça.
03:06 Ouais, incroyable.
03:07 Elle a ouvert la porte et paf, elle s'est écoulée.
03:10 La vie est quand même...
03:10 Elle me manque beaucoup.
03:11 Ouais, j'imagine.
03:12 Et puis cette surprise comme ça de la mort
03:15 qui peut arriver à n'importe quel moment, c'est quand même...
03:17 Ouais.
03:17 Alors, votre plus grand succès Albina, du pas au vrai ?
03:22 Eh bien, quand j'étais dans le cinéma, je dirais que c'est Forzagan.
03:25 Et dans l'humanitaire, dans ma vie de l'humanitaire,
03:28 c'est le modèle des villages FXB.
03:30 On va en parler tout à l'heure.
03:31 Parce que quand j'ai imaginé et mis en place ces villages FXB,
03:35 j'ai fait une transgression immense qui était une révolution
03:39 et qui a changé l'élu humanitaire.
03:42 Car ce que j'ai remplacé le micro-crédit par le micro-don.
03:45 C'est ça.
03:46 Donc les personnes qui étaient dans l'extrême pauvreté,
03:49 elles ont fait un pas rapide de plus pour arriver,
03:53 comme disait un de nos membres du conseil, au rez-de-chaussée.
03:56 Et là, elles pouvaient rentrer dans le micro-crédit.
03:58 Moi j'admire beaucoup ce qu'a fait Mohamed Yunus,
04:01 mais il n'a pas travaillé à l'époque avec des populations
04:03 dont les finances étaient impactées par cette épidémie du sida.
04:07 Tandis que là où je me trouvais, en Ouganda,
04:09 c'était l'horreur de l'extrême pauvreté
04:12 avec toute une génération qui était morte, les parents,
04:14 et les grands-parents qui s'occupaient des enfants comme ils pouvaient.
04:17 Ce n'était pas culturellement leur truc à faire.
04:20 - Alors les villages FXB par exemple,
04:23 ça encourage aussi l'entrepreneuriat local.
04:27 Je le dis pour les auditeurs, il y a 100 familles qui se vont offrir un capital de départ
04:30 pour développer des micro-entreprises, ainsi qu'un accès aux soins de santé
04:33 et à l'éducation pendant 3 ans.
04:35 - C'est-à-dire que j'ai entouré cette transgression
04:38 de donner au lieu de prêter pour qu'ils aient une entreprise,
04:41 du paradigme des liens inextricables entre la santé et les droits du Dr Jonathan Mann.
04:47 Et qui s'est aperçu que l'un ne pouvait pas laisser en l'autre.
04:50 En effet, si vous donnez accès à la nourriture,
04:53 si vous donnez accès à l'information, le sida était le plus bel exemple,
04:57 vous pouvez faire des programmes de santé publique qui fonctionnent et qui sont durables.
05:01 Donc j'ai entouré cette petite entreprise,
05:03 donné, donc,
05:05 j'aime ajouter en fond un lien économique au paradigme de Jonathan.
05:10 Et c'est pour ça que ça marche. - Bah évidemment.
05:12 - Et donc d'un paradigme de santé publique, c'est devenu un paradigme de développement.
05:16 - Alors par exemple, pour vous parler de l'Ouganda,
05:18 le premier village il a été ouvert en 1991.
05:22 Et entre 1991 et 2016, il y a 165 de ces programmes qui ont été mis en place.
05:26 Ça a bénéficié à 82 000 personnes, c'est incroyable ce que vous arrivez à faire.
05:29 - Je crois que depuis ça a bénéficié même à plus, à plus de 100 000 personnes.
05:32 - Oui parce qu'on est en 2024 là.
05:34 - Et ça c'est vraiment, c'est très plaisant. - Bravo.
05:39 - Votre plus grande déception ?
05:41 - Eh bien justement, à propos du VHFXB,
05:44 comme je pensais que dans le monde humanitaire, les gens étaient loyaux, solidaires, etc.
05:49 Nous étions une toute petite organisation à l'époque,
05:52 et moi j'ai partagé notre méthode et nos réussites
05:55 avec des gens qui siégeaient sur les bords de grandes organisations,
05:58 et qui étaient soit des amis, soit qui siègeaient même sur notre propre borde.
06:02 - Oui, et qu'est-ce qui s'est passé ? - Et qui se sont empressés de répliquer cela
06:07 en s'attribuant le mérite de l'avoir imaginé, inventé, alors que c'était fixé.
06:11 Et qui à ce jour ne veulent pas le reconnaître.
06:14 Et ça c'est vrai que c'est une grande déception,
06:15 parce qu'on n'est jamais mieux trahi que par les siens. - Parce que vous croyez en l'humain quoi.
06:18 - Oui, et je croyais en l'humanitaire aussi,
06:21 c'était quand même un autre monde que la politique ou les affaires,
06:24 ou même le show business. - Mais finalement non.
06:26 - Non, pas du tout. - D'accord.
06:28 - J'irais même que c'est presque pire. - Ah oui ?
06:29 - Ah oui oui oui. - C'est-à-dire que les gens tirent la couverture à eux quoi.
06:32 - Vous ne pouvez pas savoir combien.
06:34 - Et c'est toujours une question de fric aussi.
06:36 Alors ces grandes organisations évidemment se sont attribué le mérite de ça,
06:40 et elles ont été dans la lumière avec le crédit et les fonds,
06:45 sans nous inclure, alors que je trouve que même logiquement,
06:49 ils auraient dû nous accueillir parce qu'ils auraient gagné du temps,
06:52 ils auraient eu le know-how direct,
06:53 nous aurions été trop contents de participer avec eux.
06:57 Donc c'est vrai que c'est une grande déception humaine.
06:59 - Oui, bien sûr.
07:00 - C'est vrai qu'on s'attend à mieux de la part d'humanitaire effectivement.
07:03 - Oui, absolument.
07:05 - Alors votre plus grande joie Albina Dubois, c'est quoi ?
07:07 - Ça évidemment, c'est la naissance de mon fils François-Yvier.
07:12 Mais en dehors de ça, je dirais que c'est ce que vous venez de citer,
07:15 c'est-à-dire que ces familles,
07:17 c'est des dizaines de milliers de familles
07:21 qui ont été sorties de l'extrême pauvreté,
07:23 et qui ont élevé non seulement leurs enfants
07:25 qui étaient à cause du sida dans le même état de destitution immense,
07:29 mais aussi les orphelins du sida et de la guerre,
07:32 parce qu'il y a eu beaucoup de guerres en Ouganda.
07:34 Et donc ça c'est une grande satisfaction de savoir qu'ils ont pu donner,
07:37 grâce à cette méthode, grâce à ce lien supplémentaire économique,
07:41 non seulement une vie digne à leurs enfants,
07:44 leur faisant accéder à la nourriture, à l'école, à la santé, à l'hygiène, à une maison,
07:50 mais en plus qu'ils leur ont donné un futur, un avenir avec une entreprise.
07:55 Ça c'est vrai, c'est une grande joie.
07:57 - Vous le dites avec le sourire.
07:58 - Oui, avec un peu de rafraîchisme.
08:00 - Albina Dubor-Ouvray, je l'ai dit tout à l'heure,
08:02 donc vous avez créé cette association, ONG FXB,
08:05 c'est en 1989, après le décès de votre fils François-Xavier Bagnou.
08:10 Et une fois n'est pas coutume, je vais vous dire ce que j'en pense.
08:12 Je suis impressionnée par la force de la résilience qui vous habite,
08:16 et qui vous fait oeuvrer finalement pour les enfants des autres,
08:18 puisque le vôtre n'est plus là.
08:19 C'est ça.
08:21 - Oui, pour les enfants en général, parce que François était notre enfant,
08:26 et donc les enfants, ils faisaient du sauvetage.
08:29 Donc j'ai essayé, nous avons essayé avec son père et les autres qui nous ont rejoints dans l'association,
08:35 de continuer ce sauvetage au sens large du terme,
08:38 et de sauver les enfants, les plus vulnérables.
08:40 - Et puis aussi ça continue à faire vivre son esprit quoi.
08:44 - Tout à fait.
08:44 Moi je veux dire, c'est fou, je vois des gens qui ont perdu leurs enfants,
08:48 et qui n'en parlent plus jamais.
08:50 Mais nous au contraire, ça fait 35 ans que François est toujours avec nous.
08:54 - Et vous le faites vivre.
08:56 - Alors je ne sais pas, je ne dis pas ça par hasard aussi,
09:00 parce qu'il y a aussi une autre chose que vous avez faite,
09:02 Albina Dubois, au vrai je le dis pour les auditeurs, c'est une information,
09:04 c'est quand même que vous avez cédé la majorité de votre fortune à cette fondation.
09:08 - Oui, les trois quarts de ce que je possédais à l'époque, mais ça me paraissait normal.
09:11 Moi je veux dire, mon père est mort 5 ans avant mon fils.
09:15 Moi je n'ai jamais compté sur quoi que ce soit,
09:18 et ça me paraissait normal, et François-Xavier aussi, puisqu'il était encore vivant,
09:23 que nous fassions quelque chose pour les autres,
09:26 que nous rendions ce que nous avait été donné,
09:30 et que nous partageions surtout.
09:32 Moi j'ai toujours été, quand j'étais militante, quand j'étais très jeune,
09:34 la guerre d'Algérie, tous mes mouvements gauchistes dans lesquels je me suis impliquée,
09:39 le partage était quelque chose pour moi de très important.
09:43 Donc c'est très joli d'avoir le goût du partage quand vous n'avez rien,
09:46 et tout à coup il vous tombe du ciel plein de trucs,
09:49 ben c'est le moment de partager.
09:50 - Vous n'étiez pas obligé d'en donner autant quand même ?
09:52 - Si, parce que je trouvais qu'on n'avait pas besoin de plus.
09:56 Alors j'ai beaucoup travaillé avec mon quart après,
09:59 parce que j'ai gardé pour moi, pour nous,
10:01 enfin non pas pour nous, puisque François n'était plus là,
10:04 j'ai tout géré très bien comme une bonne gardienne de musée et de finance pour mon fils,
10:11 en me disant surtout si jamais je passe sous un autobus,
10:13 le pauvre, il ne faut pas qu'il reste avec toutes les dettes que mon père avait,
10:15 les comptages compliqués, les trucs...
10:18 Et moi j'ai gardé pour moi les hôtels de mon père,
10:23 qui à l'époque ne marchait pas du tout, ils se lancent rouge, sauf un.
10:27 Alors j'ai énormément travaillé, sans rien connaître à l'hôtelerie.
10:31 - Et vous les avez sauvés ? - J'apprends vite.
10:33 - C'est quoi ces hôtels ?
10:34 - C'est à Genève en Suisse, il y avait le plus vieil hôtel d'Europe qui était les Trois Rois,
10:40 où d'ailleurs a été signé l'état d'Israël par...
10:45 - D'accord.
10:47 - J'ai oublié l'année.
10:48 - Ça date... je ne vais pas dire de bêtises.
10:52 - Je crois que c'est les années 20.
10:54 - Je crois que c'est ça, exactement, je crois que c'est les années 20.
10:56 Et puis mon père était ravi d'avoir le plus grand Cinq Étoiles et le plus vieil hôtel d'Europe,
11:02 et le plus petit hôtel, Cinq Étoiles, qui était à Genève.
11:06 Et celui-là je l'ai gardé, j'ai remonté les quatre.
11:09 Il y en a un qui faisait juste...
11:11 Et j'en ai vendu deux, pour vivre un peu mieux.
11:15 - En fait, vous avez créé votre propre argent, on peut le dire.
11:21 - Oui, absolument, tout à fait.
11:22 Mais même avant, dans le cinéma, j'ai créé mon propre argent, mon propre salaire, etc.
11:27 Et c'est très important, ça.
11:29 Alors ça, quand on vient d'une famille qui a de l'argent, il faut savoir être indépendant
11:34 économiquement et pas du tout dépendre de qui que ce soit.
11:36 C'est l'esclavage, je trouve.
11:38 - C'est un message pour nous tous, vous le savez, Sud Radio, c'est votre radio, on parle
11:42 de vrai ce soir avec...
11:43 Aujourd'hui, plutôt, pas ce soir, on est en pleine journée.
11:46 Destin de Femmes avec Albina Dubois-Rouvray, fondatrice de l'association FXV, qui œuvre
11:51 pour un monde meilleur.
11:52 Tout simplement, vous restez avec nous.
12:08 Si vous nous rejoignez, bienvenue dans l'émission du féminisme positif.
12:12 C'est Destin de Femmes sur Sud Radio.
12:14 Aujourd'hui avec nous, la fondatrice de l'association FXV, du nom de son fils, François-Xavier Bagnou.
12:20 On est avec Albina Dubois-Rouvray.
12:22 Alors, Albina Dubois-Rouvray, on parlait justement de FXV et de vos actions.
12:27 J'avais envie que vous nous racontiez un exemple concret, par exemple, quelqu'un que vous avez
12:30 sauvé, quoi.
12:31 Vous en avez forcément pléthore ?
12:33 Alors, mon plus grand étonnement, je dirais, et ma plus grande preuve concrète, ça a été
12:40 quand je visitais l'Oganda à nouveau, et avec de nouveaux villages FXV, des années
12:46 plus tard, après 91, et qu'une femme vient vers moi et me dit "Ah, il faut absolument
12:52 que tu viennes voir ma maison et que tu viennes voir ce que j'ai fait avec la vache que
12:56 tu m'as donnée".
12:57 J'ai dit "Écoute, Naïd, j'ai pas le temps, j'ai toutes les autres nouvelles
13:02 femmes à voir, toi tu habites très très loin, je crois pas que je pourrais, le crépuscule
13:06 arrive".
13:07 Elle a insisté, insisté, elle a bien fait d'insister.
13:10 Alors je suis allée, et j'ai vu que cette femme, qui devait avoir été dans le village
13:15 FXV il y a à peu près, je sais pas, c'était peut-être 12 ans, à peu près 10-12 ans,
13:20 elle avait d'une vache un petit troupeau de 4, elle avait des chèvres, elle avait
13:26 4 morceaux de terrain où elle cultivait les fruits de la passion, un peu de café, je
13:31 sais plus quoi d'autre encore, elle avait un autre terrain plus loin, elle m'a montré,
13:35 elle m'a dit "J'ai construit une maison pour mon fils aîné".
13:37 Incroyable.
13:38 - Ça, ça doit vraiment, y'a pas plus agréable pour vous, j'imagine.
13:43 - C'est extraordinaire, c'est la preuve de la réussite et de la réussite durable
13:45 tant d'années après.
13:46 - Et alors surtout, c'est la valorisation de la femme, parce que c'est des femmes que
13:50 vous rendez indépendantes, c'est important de le dire aussi.
13:52 - Voilà, exactement.
13:53 - Puisque vous dites qu'on doit être indépendants.
13:54 - Il y a eu des hommes, il y a eu quelques hommes qui étaient en charge d'orphelins
13:57 et à qui on a donné une entreprise, mais c'était surtout des femmes et c'est toujours
14:02 surtout des femmes, parce que moi je suis tellement heureuse de voir que nos villages
14:06 efficacés continuent dans différents pays aussi, pas seulement dans les vieux pays,
14:10 et que c'est le courage des femmes, c'est elles aussi, leur esprit de résilience et
14:15 leur confiance qu'elles nous ont fait, parce que c'était pas la tradition habituelle
14:20 justement de prêter de l'argent que les femmes devaient rendre.
14:24 Et là je voyais bien qu'elles ne pouvaient pas rendre, c'était beaucoup plus rapide
14:28 en trois ans d'arriver à les faire arriver à être des petits entrepreneurs de l'économie
14:33 locale.
14:34 - Et en fait finalement n'importe qui peut donner à FXB, faire un micro-don et avoir
14:38 un serfa, c'est-à-dire avoir une remise d'impôts par exemple, c'est intéressant
14:41 à dire aux auditeurs.
14:42 - Ah bah bien sûr, absolument.
14:43 - Même si on donne 10 euros quoi.
14:45 - Bien entendu, bien sûr.
14:47 - Donc ça c'est important.
14:48 - Nous sommes une organisation qui est inscrite.
14:50 - Alors vous avez aussi fait avec FXB le premier centre de soins palliatifs à domicile.
14:56 C'était important d'en parler parce qu'on est en plein dans le projet de loi sur l'aide
15:00 à mourir qui a été présentée ce mercredi 17 avril.
15:01 - Et moi je vous remercie beaucoup Judith d'en parler parce que ça me fait mal au coeur
15:04 de voir que très souvent ils sont en train de débattre pour réinventer les roues.
15:07 - Qui existent déjà.
15:08 - Alors s'écoute, moi j'ai fait que ça en 91-92 en Suisse, j'ai répliqué en 94 en
15:17 France.
15:18 - C'était à Sion et alors ce qu'on voit c'est que vous étiez quand même très en
15:22 avance sur votre temps parce que finalement on en parle maintenant en ce moment.
15:26 - Oui mais je suis toujours trop en avance sur mon temps.
15:28 - Mais pas trop, tant mieux vous avez ouvert la route, vous avez montré que c'est possible.
15:31 - Oui j'ai montré que c'était possible mais j'aimerais bien que les gens soient là encore.
15:34 Pourquoi est-ce qu'ils ne prennent pas...
15:36 Vous savez, à un moment donné quand le ministre de la Santé a changé, c'est Bernard Kouchner
15:41 à moi, et que j'ai un peu piégé pour qu'il comprenne ce qu'on faisait en emmenant déjeuner
15:45 dans notre bureau, vu les infirmières et les médecins, il a compris.
15:48 Il nous a donné l'agrément qu'on n'avait pas et il nous a donné des subsides.
15:53 Et bien quand il a été viré, quand le gouvernement a changé, la dame de l'AP est venue me voir
16:00 en disant "vous devez réintégrer une de mes HAD parce que vous êtes la plus petite
16:04 et vous ne me faites pas faire d'économie d'échelle".
16:06 Alors j'ai l'image que madame Patrice ne comprend pas l'économie d'échelle.
16:09 Une journée chez nous ça coûte tant et une journée prise en charge par l'AP ça coûte
16:15 beaucoup plus.
16:16 "Non, non, non, vous devez rejoindre".
16:18 Nous avons rejoint, nous devions former toutes les équipes d'HAD de France et de Navarre.
16:24 Bon ça c'était très bien.
16:25 Elles n'ont pas toutes été formées.
16:28 Quelques-unes ont été formées, mais certainement pas toutes.
16:30 Et on le voit maintenant, parce qu'il y a tellement d'endroits où il y a une ignorance
16:34 totale des soins palliatifs à domicile et une incapacité de les mettre en place.
16:38 - Et alors sur cette loi qui est discutée en ce moment, comme on dit, qui vient de passer
16:44 sur le dos, l'aide à mourir ils appellent ça comme ça.
16:47 - Oui, ils ont raison.
16:48 - Qu'est-ce que vous en pensez vous, c'est nécessaire ?
16:50 - Oui mais c'est nécessaire.
16:52 Mais encore une fois, faire des lois légiférées, vous coulez des trucs dans le bronze, vous
16:57 les limitez.
16:58 C'est pas si simple, chaque cas est un cas particulier.
17:01 Il y a des cas où vous devez aider les gens jusqu'au bout, jusqu'au bout de la vie et
17:06 c'est possible sans douleur, avec les médicaments qui existent aujourd'hui, avec l'aide psychologique,
17:11 avec tout ça.
17:12 - Finalement c'est bien d'avoir le choix aussi.
17:15 - Bien sûr.
17:16 - Ce qu'on n'a pas pour l'instant en France.
17:17 - Mais non, on n'a pas le choix, quand vous faites une loi, vous n'avez plus le choix,
17:20 c'est couler dans du bronze.
17:21 Et c'est très limitant.
17:23 Et je pense que cette aide à mourir est indispensable.
17:27 Mais encore, bien sûr que si vous faites une loi, il y a des pièges avec.
17:32 Mais je pense que c'est aux médecins et c'est à une concertation entre le médecin, les
17:38 familles, comme nous faisions d'ailleurs, et les infirmières qui sont les premières
17:43 à être sur le champ, pour arriver à déterminer à quel moment c'est de l'acharnement thérapeutique
17:50 dont une personne d'ailleurs ne voudrait pas si elle pouvait avoir sa voix, et que c'est
17:54 humain de pouvoir simplement l'aider à mourir, l'aider plus rapidement à partir.
18:01 Quand il y a une souffrance, c'est insupportable, ce n'est pas possible de laisser les gens
18:05 mourir en souffrance.
18:06 - Albina Dubois-Ouvray, vous avez écrit un livre autobiographique qui s'appelle "Courage
18:12 de vivre, se rebeller, perdre l'essentiel, tout donner".
18:14 C'est sorti chez Flammarion, je crois que c'était il n'y a pas très longtemps, il
18:16 y a deux ans.
18:17 - Il y a 22, en mars 2022.
18:18 - En deux ans, c'est ça.
18:19 Et alors vous nous racontez votre drôle de vie, c'est vous qui le dites.
18:23 Alors vous êtes la fille unique du comte Guy de Jacques-Lau de Dubois-Ouvray, issu lui
18:28 de la vieille tradition bretonne et aussi vergnate.
18:31 - Jacques-Lau, le canon à tiroir.
18:33 - Et votre maman, c'était Luz Mila Patino Rodriguez qui elle venait d'une espèce de
18:38 bourgeoisie.
18:39 - Non pas de bourgeoisie, ma mère était la fille d'un nouveau riche qui était un orphelin
18:46 bâtard, on n'a jamais su qui était son père, qui était d'origine Tcholo-Quechua, c'est-à-dire
18:52 un métis local.
18:54 - Il a fait fortune quoi.
18:56 - Qui a fait fortune, qui a fait fortune par son... d'intelligence, le manque de loi justement
19:02 qui bétonne et qui vous empêche d'avancer.
19:04 C'était le Far West les Angles à cette époque-là.
19:09 Et sa chance, il a eu énormément de chance.
19:12 Il a su la saisir.
19:13 - Et alors vous, vous avez toujours revendiqué ce métissage quand même.
19:16 - Bien sûr, d'autant plus que c'était l'omerta dans ma famille.
19:19 - C'est ça.
19:20 - Et ma mère en a énormément souffert.
19:22 Parce que c'était une petite indienne charmante, futile, infantile, qui aimait danser, chanter.
19:31 Et elle était dans un carcan d'aristocratie française qui ne lui convenait pas du tout.
19:37 C'était comme d'être dans un corset mal ajusté.
19:40 Et elle a souffert énormément.
19:42 Alors comme elle était très agressive avec moi, elle n'a jamais pris son parti.
19:46 Vous avez dit que j'étais résiliente, moi ma façon, on me déteste, je rends les coups.
19:50 Alors on se détestait.
19:52 Mais si elle avait su faire de moi son amie, j'aurais été, comme j'étais avec François
19:59 Jorret, que j'avais adopté un peu comme une mère de substitution, une idéale, j'aurais
20:04 été sa plus grande défenseuse.
20:06 Parce que c'était une victime.
20:09 C'était une victime d'être dans ce rôle.
20:12 - Vous vous avez rendue odieuse au lieu de la rendre aimante.
20:15 - Voilà, exactement.
20:16 Odieuse, jalouse.
20:17 - Pas facile de se construire comme mère après une mère pareille.
20:22 - Non, c'est ça qui était...
20:24 - C'est la mère de Serge, ma grand-mère, la mère de ma mère, qui était une indienne
20:29 beige, ridée, charmante, grosse, adorable, maternelle.
20:34 Je pense que c'est à travers elle que j'ai appris la méparegité.
20:37 - Que vous avez l'image de la maternité.
20:39 Il ne nous reste plus beaucoup de temps ensemble.
20:41 J'aurais bien continué cet échange longtemps, Albina Dupont-Bret.
20:44 - Moi aussi, je suis dite merci.
20:46 - Cette expérience personnelle, ces racines diverses, forcément ça enrichit votre perspective
20:51 sur les problèmes, les questions de pauvreté, d'inégalité.
20:54 - Absolument.
20:55 - C'est ça qui vous a donné envie d'aider les gens.
20:57 - Ça m'a beaucoup aidée.
20:58 Il y a beaucoup de femmes âgées, en Asie surtout, et en Afrique parfois, qui ont le
21:05 faciès de ma grand-mère.
21:07 J'ai l'impression d'être en famille, de les connaître.
21:10 Et c'est vrai que ça me donne vraiment la capacité de comprendre et de ressentir, bien
21:16 que je suis là en visiteuse puisque je repars dans un pays privilégié et confortable,
21:22 et ça me permet pendant le temps que je suis là de comprendre complètement ce qu'elles
21:25 vivent, ce qu'elles ressentent.
21:27 - Et puis c'est quelque chose que vous rendez à votre mère aussi, je crois, un peu Albina
21:30 Dupont-Bret.
21:31 - Ça je ne crois pas.
21:32 - Non, vous ne croyez pas ?
21:33 - Pas à ma mère, non.
21:34 Pas à ma grand-mère plutôt.
21:35 - A votre grand-mère.
21:36 Bon, on a compris.
21:37 Maman, ce n'était pas simple.
21:38 - Mon pauvre maman, ce n'était vraiment pas simple.
21:40 Mais c'est une femme que je plains énormément, énormément.
21:43 Et je plains toutes les femmes qui sont jetées dans une culture qu'elles ne connaissent
21:48 pas, qui n'ont pas les codes et qui sont obligées de toujours avoir l'air d'être
21:53 dans la dignité et de savoir.
21:55 C'est horrible.
21:56 Et qui ne peuvent pas être elles-mêmes.
21:58 - Tout à semblant.
21:59 - Parce que c'est révélateur.
22:00 - C'est le propre de beaucoup de femmes, hélas, encore autour du monde, Albina.
22:04 - Bien entendu.
22:05 - C'est bien pour ça qu'on fait cette émission aussi.
22:06 - Bien sûr.
22:07 - Pour leur donner la parole.
22:08 En quelques secondes, si vous aviez un souhait, Albina Dupont-Bret.
22:12 - J'ai le souhait de la paix, Judith.
22:16 Qui est un souhait, maintenant un souhait utopique.
22:19 Je pense que mon opinion sur l'humanité a beaucoup dégringolé.
22:25 - Oui.
22:26 Et puis, particulièrement depuis quelques mois.
22:28 - Oui, depuis toutes les guerres entre la guerre de l'Ukraine, la Russie, ce qui se
22:34 passe au Moyen-Orient.
22:35 Les haines, je trouve ça non seulement atroce, mais je pense qu'on est arrivés à une telle
22:41 capacité d'intelligence technologique, c'est impensable qu'on garde encore en soi des haines
22:48 aussi meurtrières des deux côtés, chaque fois.
22:52 Alors vraiment, je souhaite la paix.
22:56 - La belle mot de la fin avec Albina Dupont-Bret.
22:58 Au vrai, ça rime en prime.
22:59 On adore.
23:00 Merci d'être venue dans "Destin de Femme".
23:02 - Merci.
23:03 - Revenez quand vous voulez, vous êtes chez vous.
23:04 - Merci beaucoup.
23:05 - Alors, pour ceux qui ont envie de le lire, le livre autobiographique "Courage de vivre",
23:09 rebellé par l'essentiel et tout donné, qui est sorti chez Flammarion en 2022, il est
23:13 tout à fait disponible dans le commerce, le livre d'Albina Dupont-Bret.
23:16 Et puis alors, toutes les infos sur l'association François-Xavier Bagnou, FXB, c'est à retrouver
23:22 tout bêtement sur fxb.org.
23:23 Nous, on a rendez-vous samedi prochain à 13h30 pour un nouveau "Destin de Femme".
23:28 Et puis demain, c'est excellent à 19h, comme tous les dimanches, le podcast "Destin de
23:32 Femme".
23:33 Tous nos autres rendez-vous sont à retrouver sur sudradio.fr, le site de Sud Radio, donc
23:36 la chaîne YouTube, les réseaux sociaux.
23:39 Merci à Thomas Cligny qui réalise pour vous, comme d'habitude, on l'aime bien Thomas.
23:42 Et puis bisous aux équipes de Sud Radio.
23:44 Merci, à la semaine prochaine et à demain.
23:47 Sud Radio, Destin de Femme, Judith Beller.
23:51 Avec le groupe Connect, expert en recrutement intérimaire.
23:55 Rejoignez les 35 agences du groupe Connect pour des opportunités de carrière partout
23:59 en France.
23:59 [Musique]

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