À 8h20, pour discuter de la situation au proche orient, nous recevons Bernard Guetta, journaliste et député européen groupe Renew et Michel Goya, ancien colonel, historien militaire, auteur de "L'embrasement. Comprendre les enjeux de la guerre Israel Hamas" (Perrin/Robert Laffont). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-week-end-du-dimanche-14-avril-2024-4924232
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00:00 *Musique*
00:07 Promesses honnêtes, c'est le nom de code de cette attaque sans précédent de l'Iran contre Israël
00:13 dans la nuit qui vient de se terminer, qui continue peut-être, on va en parler dans un instant,
00:19 le grand entretien d'Inter ce matin pour comprendre les enjeux de cette guerre qui vient d'être déclarée
00:25 avec deux invités à notre micro avec Marion Lourdes, nous avons le plaisir de recevoir Bernard Guetta,
00:31 député européen du groupe Renew, membre de la commission des affaires étrangères au parlement de Strasbourg
00:36 et spécialiste de géopolitique et Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien militaire,
00:42 il vient de publier l'embrasement chez Perrin Robert Laffont.
00:46 Vos questions, chers auditeurs, au standard dès 7h au 01.45.24.7000 ou sur l'application France Inter.
00:53 Michel Goya, Bernard Guetta, bonjour. Bonjour.
00:56 Première question, elle est assez simple, quelle a été votre réaction dans la nuit en apprenant que l'Iran
01:02 créait cette attaque sans précédent sur le territoire d'Israël, qu'il frappait directement le territoire d'Israël ?
01:10 J'étais plutôt surpris, c'était une hypothèse qu'on pensait plutôt improbable,
01:18 tant la marche dans l'escalade était relativement haute, mais en même temps ce n'était pas complètement impossible,
01:26 c'est une première, on attend maintenant la réaction israélienne en fait.
01:33 Pour l'instant oui, c'est une première, cette attaque directe de l'Iran sur le sol israélien,
01:37 c'est la plus grande attaque de drone de l'histoire, en passage, d'un point de vue purement technique.
01:41 Oui, donc symboliquement c'est fort, c'était le but.
01:46 Maintenant oui, on est dans l'expectative en réalité.
01:50 C'est une première Bernadetta, est-ce que vous étiez vous aussi surpris ?
01:53 Non.
01:54 Non ?
01:55 Non, dans la mesure où le chef suprême de la République islamique avait annoncé très clairement
02:02 qu'il y aurait une riposte après la frappe israélienne contre le consulat iranien à Damas,
02:09 dans la mesure où les services secrets américains relayés par les autorités politiques des Etats-Unis
02:17 avaient annoncé que c'était en préparation,
02:20 dans la mesure où les Russes avaient annoncé que c'était en préparation,
02:25 dans la mesure où les Européens avaient annoncé que c'était en préparation,
02:29 et en appelant les ressortissants de l'Union Européenne à ne pas se rendre dans la région.
02:34 Non, ce qui est en revanche, je ne dirais pas surprenant,
02:39 mais ce qui est en revanche tout à fait, je pèse mes mots, affolant,
02:44 c'est l'engrenage dans lequel on vient d'entrer.
02:47 Parce qu'on imagine mal que les Israéliens ne veuillent pas aller riposter à cela,
02:55 malgré le quasi-véto des Etats-Unis.
02:58 Parce que cette nuit, la Maison-Blanche a fait savoir que le président des Etats-Unis
03:03 avait dit très clairement à Netanyahou,
03:05 "écoutez, vous avez gagné, vous avez arrêté cette attaque, prenez cette victoire,
03:09 et maintenant, arrêtez, n'allez pas vouloir riposter".
03:14 Manifestement, jusqu'à présent en tout cas, les Israéliens veulent aller riposter.
03:19 Alors où est-ce qu'on va ? Je ne sais pas.
03:21 - Répose significative.
03:23 - Michel Goya, si on regarde la situation telle qu'elle est à l'heure actuelle,
03:27 Israël assure avoir déjoué l'attaque, intercepté 99% des projectiles,
03:31 c'est-à-dire que l'Iran a perdu ?
03:34 - Oui et non.
03:35 Ça dépend, quel était l'objectif de l'Iran ?
03:38 - On se le demande.
03:40 - Il fallait que l'Iran réponde au moins à l'attaque du 1er avril contre son consulat à Damas,
03:47 qui est une attaque importante, qui est une attaque sur le sol iranien, en droit.
03:51 - Qui a fait plusieurs morts.
03:52 - Oui, qui a fait plusieurs morts, morts importants.
03:54 Donc oui, la riposte a été annoncée, ça c'est clair, il fallait faire quelque chose d'important.
04:00 Donc là ils ont fait quelque chose d'important, donc ça peut satisfaire.
04:05 Et en même temps, c'est une première d'attaquer directement le sol israélien,
04:11 mais ils auraient pu faire plus, c'est-à-dire qu'ils sont restés un peu au bas de l'échelle.
04:17 Une marche importante, mais en reste au bas de l'échelle.
04:19 Donc pour eux, ça peut les satisfaire, dire "nous avons répondu",
04:22 de la même façon qu'en 2019, lorsque le général Soleimani avait été tué par les Américains en Irak,
04:28 ils avaient lancé une série de raids, de frappes sur des bases américaines,
04:32 en disant "ben voilà, on a répondu, ça nous suffit".
04:34 Donc pour eux, c'est peut-être suffisant, mais reste à voir ce qui va se passer effectivement par la suite.
04:40 - Bernard Guetta, votre analyse, est-ce qu'on peut parler d'une erreur stratégique de l'Iran ?
04:44 Parce que dans un sens, elle donne aussi à Israël un prétexte pour s'attaquer à lui directement.
04:50 - Oui, c'est évident, mais d'un autre côté, il aurait été extraordinairement difficile pour le régime iranien
04:56 de ne pas riposter à l'attaque israélienne contre leur consulat à Damas,
05:03 dans la mesure où, comme Guetta vient de le dire,
05:05 une enclave diplomatique, c'est un morceau du territoire, en l'occurrence iranien.
05:17 Donc les Israéliens, à Damas ou pas, avaient frappé en territoire iranien.
05:22 Donc si le régime iranien ne répondait pas, c'était un aveu de faiblesse colossal à un moment où,
05:31 en termes de politique intérieure, le régime iranien est extraordinairement affaibli,
05:36 d'une part par une impopularité montante, notamment chez les femmes, mais dans toute la jeunesse également,
05:42 et extraordinairement affaibli par une dégradation brutale de la situation économique.
05:48 L'inflation aujourd'hui sur les produits alimentaires, notamment, atteint des sommets en Iran.
05:55 Il y a une fragilité du régime iranien.
05:58 Il y a aussi quelque chose qui est inquiétant, pour reprendre le mot de Bernard Guetta, peut-être d'affolant,
06:02 Michel Goya, c'est d'imaginer que l'Iran est au bord, pas loin d'avoir la bombe atomique,
06:08 et l'Iran attaque un pays qui a officieusement la bombe atomique.
06:12 Ça, c'est quelque chose de sans précédent ?
06:15 Ce n'est pas complètement sans précédent, mais effectivement, c'est un élément de l'équation.
06:20 Vous savez, il y a 20 ans déjà, j'étais en Israël, je discutais avec des généraux israéliens,
06:25 qui me disaient à cette époque, le problème palestinien est résolu,
06:29 pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus d'attentats, on a fait une barrière de sécurité, donc ce n'est plus notre problème.
06:35 Notre problème, c'est l'Iran.
06:36 On est en 2004, il y a 20 ans, et ils disaient, voilà, nous sommes à deux doigts d'attaquer l'Iran,
06:43 et nous ferons tout, absolument tout, pour qu'ils n'accèdent pas à l'arme nucléaire.
06:49 Et donc, depuis 20 ans, ça les démange, c'est simplement, plusieurs fois, ils ont été au bord,
06:54 freinés souvent par les Américains, qui ont refusé, par exemple, leur fournir des avions ravitailleurs
06:59 qui permettaient de faire des raids en profondeur en Iran, beaucoup plus important.
07:05 Parce que les Américains sont les seuls qui disposent du matériel et des bombes
07:09 capables de percer le coffrage des installations nucléaires.
07:12 Ce qui empêche pas les Israéliens d'avoir quand même des capacités de mener des raids aériens en Iran.
07:17 Donc on est dans cette situation où les Américains, qui sont entre les deux,
07:20 c'est une situation qui rappelle un petit peu 1991, au moment de la guerre contre l'Irak,
07:26 la première guerre du Golfe, où les Américains freinaient aussi les quatre-fers Israël.
07:31 "N'entrez pas dans la guerre, absolument, dans cette guerre, tant pis,
07:34 vous allez recevoir des missiles Scud irakien, mais on va vous protéger de ça,
07:41 mais n'entrez pas dans la guerre."
07:42 Au passage, cette époque aussi avait marqué beaucoup Israël,
07:45 c'est un véritable traumatisme en ce moment-là d'avoir subi ces attaques sans pouvoir riposter.
07:50 Donc là, on est à deux doigts, je pense, d'une escalade.
07:56 Et là maintenant, la balle est dans le camp des Israéliens, d'une certaine façon.
08:01 Et moi j'ai très peur, enfin je crains en tout cas, que les Israéliens n'aient pas l'occasion
08:06 au moins de frapper et essayer notamment de frapper les installations
08:12 participant au programme nucléaire iranien.
08:15 Il y a 2000 kilomètres qui séparent Téhéran de Tel Aviv et de Jérusalem-Bernard Guetta,
08:21 est-ce que c'est une équation qu'il faut prendre en compte ?
08:24 En l'occurrence, quel est le véritable enjeu géopolitique ?
08:28 Qu'est-ce qui se passe pour vous de plus important ?
08:31 Est-ce que c'est l'Iran par exemple qui pourrait décider de fermer le détroit d'Hormuz
08:35 par lequel passe 40% du pétrole mondial ?
08:39 Est-ce qu'il y a un danger sur la paix mondiale aujourd'hui ?
08:41 Écoutez, je n'aime pas dire cela, je n'aime pas vous répondre oui, mais oui peut-être.
08:48 Oui peut-être pour deux raisons.
08:50 La première, vous venez de la mentionner.
08:53 Si les Iraniens ou leurs alliés, peu importe, si le camp iranien bloque le détroit d'Hormuz,
08:59 ça signifie que le baril de pétrole atteint probablement 300 dollars le baril ou plus.
09:05 Ça signifie que l'économie mondiale est peut-être pas à plat,
09:09 mais très secouée, si ce n'est menacée.
09:14 Deuxièmement, je vous propose un regard sur la région.
09:19 Le régime iranien est considérablement affaibli.
09:22 Le Liban est presque, enfin c'est terrible à dire,
09:26 mais un pays tellement secoué qu'il est presque défunt.
09:29 Je ne sais pas si le Liban existe encore aujourd'hui.
09:32 L'Irak est un pays explosé.
09:36 Israël est un pays totalement divisé, et pas seulement entre sa population arabe et sa population juive.
09:41 Évidemment, dans la population juive israélienne, il y a au moins quatre Israëls aujourd'hui
09:49 qui, véritablement, sont en bagarre complète.
09:53 Ça signifie que nous avons une région là, de l'autre côté de la Méditerranée,
09:59 à nos portes, à nous, Européens, qui est prête d'exploser,
10:03 mais pas seulement, seulement si j'ose dire, dans un affrontement entre Israël et l'Iran,
10:09 mais qui est prête à exploser régionalement parlant.
10:12 J'oubliais de mentionner que la Syrie n'existe plus.
10:16 La Syrie n'existe plus, malgré tout, c'est une guerre défensive.
10:19 Israël est fondé légitimement à riposter Michel Goya.
10:24 Il y a aussi la présence considérable de la flotte américaine qui s'est rapprochée du territoire israélien.
10:30 Des centaines de milliers de soldats, le porte-avions Eisenhower, c'est considérable comme bâtiment.
10:36 Est-ce qu'on peut imaginer que les Américains entrent en guerre pour soutenir Israël ?
10:40 Pour le moment, ils disent qu'ils ne le feront pas.
10:42 Oui, on peut l'imaginer. Il faut pas oublier qu'il y a des bases américaines en Irak et en Syrie.
10:48 C'est-à-dire que vous avez des forces américaines qui sont imbriquées,
10:51 et notamment qui sont imbriquées avec des milices, quasiment ensiégées par des milices pro-iraniennes.
10:58 Et cet enjeu de la présence américaine en Irak et en Syrie, c'est aussi un élément à prendre en compte.
11:04 Tout ça a un parfum des années 80. Il faut quand même rappeler ce qui se passait à l'époque,
11:07 où, en pleine guerre entre l'Irak et l'Iran, l'Iran perturbait complètement,
11:13 essayait de prendre en otage tout le trafic maritime dans le golfe Arabo-Persie,
11:17 qui était en opposition également frontale avec les Etats-Unis.
11:20 Et nous, qui ont multiplié des attaques contre nous, contre nous Français au Liban,
11:26 et à Paris, jusqu'à Paris même, en organisant des attentats en 1986.
11:30 On est dans une situation de complexité qui est assez comparable.
11:34 Je rappelle aussi au passage que la France est présente dans le territoire discrètement.
11:37 On a des forces militaires, qui ont au moins deux bases aériennes,
11:41 sans même parler de la base de Djibouti, mais deux bases aériennes dans la région,
11:43 plus un bataillon qui est au milieu du Hezbollah, au sud du Liban, quasiment en position de cible.
11:51 On est également dans une position très délicate.
11:53 Donc oui, il y a un risque très clair d'extension du conflit,
11:58 que les Iraniens peuvent continuer à en profiter pour faire pression,
12:00 justement pour essayer d'obtenir le départ des Américains d'Irak et de Syrie,
12:05 et d'avoir ainsi un continuum complet de présence de Téhéran jusqu'à Beyrouth, pratiquement.
12:14 Donc on est vraiment dans une situation extrêmement compliquée et volatile.
12:18 Bernadette, je reviens sur la question des Etats-Unis,
12:21 puisque Joe Biden avait dit à l'Iran de ne pas attaquer, il a attaqué.
12:24 Il avait dit à Hezbollah de ne pas attaquer, il a attaqué également.
12:28 Il n'est pas entendu, clairement.
12:29 Est-ce que, comme le dit Donald Trump, l'ex-président des Etats-Unis,
12:33 c'est un signe de la faiblesse des Etats-Unis aujourd'hui ?
12:37 Non, c'est un signe de la situation d'anarchie dans laquelle est aujourd'hui le monde.
12:44 Le monde depuis la chute du mur de Berlin,
12:48 depuis la fin de cette époque où le monde était divisé en deux,
12:53 et puis il y avait deux chefs de camp, il y avait Moscou et Washington.
12:56 Eh bien, évidemment que depuis cette période-là, depuis la chute du mur,
13:00 les conflits gelés ou les conflits contrôlés par les Etats-Unis et l'Union soviétique ont éclaté.
13:09 Et évidemment, échappent à tout le monde.
13:11 Mais échappent aux Etats-Unis, échappent aux Européens, échappent aux Chinois, échappent aux Russes,
13:16 échappent à tout le monde.
13:17 Nous sommes dans une situation d'anarchie mondiale croissante.
13:21 On file au Standard. Bonjour Dominique, merci de participer au Grand Entretien.
13:26 Bonjour France Inter, bonjour à vos invités. L'Israël se défend, l'Iran se défend.
13:32 Alors, y a-t-il un point de mire, un conflit qui se dessine entre ces deux pays ?
13:38 Et à savoir si les Etats-Unis peuvent jouer un rôle de conciliateur pour rassurer la paix, la paix mondiale ?
13:45 Vous venez de le dire, paix la paix.
13:48 Merci Dominique pour votre question.
13:49 C'est vrai que tout le monde se tourne vers les Etats-Unis.
13:51 Ce sont les seuls à pouvoir véritablement changer la situation sur place de l'Algérie.
13:56 Ce sont les seuls à pouvoir essayer.
13:58 Mais regardez ce qu'a fait Joe Biden immédiatement.
14:01 Il a annoncé une convocation, d'ailleurs le mot est très étrange, une convocation du G7.
14:06 C'est-à-dire, il fait appel aux autres grandes puissances parce qu'il se rend bien compte que seul,
14:16 il n'y arrivera peut-être pas.
14:17 Il n'y arrivera peut-être pas.
14:19 Mais quand on regarde le point de vue israélien, d'un point de vue israélien,
14:22 ça fait depuis maintenant 1979, depuis que la République islamique d'Iran a été créée,
14:27 qu'Israël est menacée de destruction pour l'Iran.
14:31 Il y a un discours porté par les mollahs de détruire Israël.
14:36 On parle même de deuxième Shoah.
14:38 Ça, on vit avec cette peur-là quand on est israélien ?
14:42 Michel Gohia ?
14:43 Oui, bien sûr.
14:43 Et Ben Nagata ?
14:44 Oui, ce n'est pas la seule peur d'ailleurs.
14:46 Mais oui, bien sûr, l'Iran fait défiler tout le temps des filets militaires avec des missiles marqués,
14:53 des banderoles "Mort Israël", "Mort Israël" et tout ça.
14:57 C'est un peu...
14:59 C'est un axe de la politique iranienne qui s'est aussi concrétisé dès le début de la République des mollahs,
15:05 et notamment au Liban.
15:09 Le vrai premier front entre l'Iran et ses alliés et Israël,
15:12 ça a été le Liban dès 1982, la création d'U.S.B.O.L.A.
15:17 comme bras armés de l'Iran dans la région.
15:21 Bras armés puissants, efficaces, qui a lutté contre Israël.
15:25 Oui, comme je disais tout à l'heure, pour les Israéliens,
15:29 la menace la plus importante, on va dire plutôt comme ça,
15:34 c'était en tout cas même pas les organisations palestiniennes comme le Hamas,
15:39 c'était l'Iran.
15:40 C'est l'ennemi numéro un, incontestablement.
15:42 Et depuis des dizaines d'années.
15:43 Bernard Guetta, il y a eu beaucoup de réactions internationales,
15:45 majoritairement des condamnations évidemment.
15:47 Berlin qui dit que les frappes de l'Iran sur Israël pourraient plonger la région dans le chaos.
15:51 Il y a les Etats-Unis qui ont assuré l'état d'Israël de leur soutien inébranlable.
15:55 Le gouvernement britannique qui va envoyer des avions de combat supplémentaires.
15:59 Et puis il y a la France où il y a eu un simple communiqué
16:02 du ministre des Affaires étrangères sur le réseau social X.
16:06 Pourquoi est-ce qu'on est si discret ?
16:08 - Écoutez, on est discret mais on est présent comme le rappelait le colonel Goya à l'instant.
16:13 Un jour, j'étais en reportage en Israël et j'interview un numéro 3 ou 4, je ne sais plus,
16:19 des services secrets israéliens.
16:21 Et après une longue conversation, il me parle de la France et il me dit
16:27 "Vous savez, nous les Israéliens, nous apprécions beaucoup le charme discret des Français."
16:33 Et le charme discret des Français, ça voulait dire
16:35 "Vous parlez peu mais vous agissez et vous êtes sûrs."
16:39 - "Vous êtes sûrs, bon on verra en tout cas, ce conflit vient de démarrer."
16:44 Il y a Sergio qui nous écrit sur l'application France Inter
16:47 et qui vous pose la question suivante
16:50 "L'attaque iranienne n'avantage-t-elle pas Poutine
16:53 en détournant l'aide américaine vers Israël plutôt que vers l'Ukraine ?
16:57 L'Ukraine qui disparaît des radars médiatiques."
16:59 - La réponse est oui.
17:00 Je ne pense pas que l'Ukraine disparaisse complètement des radars
17:04 mais évidemment que la réponse est oui.
17:06 Cela étant, il y a un bémol à ce oui.
17:09 C'est que si les Israéliens frappent l'Iran,
17:13 que l'Iran et réellement, en tout cas son régime,
17:15 réellement secoué, menacé, haha !
17:18 À ce moment-là, M. Poutine va se trouver dans une situation délicate
17:22 parce que ou bien il laisse tomber cet allié devenu fondamental
17:26 qu'est le régime iranien
17:28 ou bien il essaye d'intervenir et là,
17:31 c'est à lui que se pose un véritable problème.
17:34 - Michel Goyat, vous voulez y réagir ?
17:35 - Non mais je suis effectivement...
17:37 La Russie est dans une position peut-être un peu délicate.
17:41 Il faut quand même rappeler qu'en réalité,
17:42 il y a des affrontements plus ou moins directs
17:45 entre l'Iran et Israël sur le territoire syrien depuis 2013.
17:51 - Par le biais de ces alliés dont on parle ?
17:53 - Oui, qui ont créé une véritable armée,
17:55 une armée de proxys,
17:57 on en parle beaucoup d'Ouest-Boulogne et beaucoup d'autres...
17:59 - Proxy, traduction ?
18:00 - Pardon, d'alliés locaux,
18:02 généralement des sous-traçants,
18:06 des milices qui peuvent être extrêmement bien équipées et puissantes
18:10 comme l'Hezbollah ou les Houthis,
18:11 mais il y en a d'autres en Iran et en Syrie.
18:13 Et depuis 2013, les Israéliens frappent et attaquent le territoire syrien.
18:19 C'était là le nouveau champ de bataille d'une certaine façon
18:21 entre l'Iran et Israël avec présence russe
18:25 et qui se trouvait à partir de 2015
18:28 dans une situation un peu délicate
18:31 qui globalement ménageait un peu la chèvre à l'absus
18:37 mais qui fermait un peu les yeux sur les attaques israéliennes
18:43 notamment, qui se plaçait d'ailleurs en porte-info vis-à-vis de l'Iran.
18:48 Donc oui, ça profite d'une certaine façon indirectement,
18:50 ça détourne la tension américaine notamment,
18:54 les moyens américains du front ukrainien je dirais,
18:58 mais c'est pas forcément un cadeau pour Vladimir Poutine.
19:01 Il ne reste pas de temps ?
19:02 Bernadette Guetta, ça peut avoir un impact sur la guerre entre Israël et le Hamas ?
19:06 Tout ça parce que cette nuit, le Mossad, les services de renseignement israéliens
19:10 ont dit que le Hamas venait de rejeter le dernier projet de trêve
19:13 qui avait été mis sur la table pour essayer de faire libérer les derniers otages.
19:18 Écoutez, avant même cette attaque iranienne contre Israël,
19:23 le Hamas acceptait un matin le compromis et le refusait le soir.
19:28 Il y avait une situation extraordinairement flottante.
19:31 Mais là, le timing est intéressant quand même.
19:33 Oui, bien sûr.
19:34 Non, ce qui me semble plus vrai encore,
19:38 c'est que pour les Israéliens, quoi qu'ils en disent,
19:42 se battre sur tant de fronts en même temps, ça peut devenir un peu compliqué.
19:46 Deux questions géopolitiques et une question d'ordre militaire.
19:50 Bernard Guetta, ça survient en plein contexte électoral américain.
19:53 On a vu la surenchère de Donald Trump dès hier soir.
19:57 Il accuse les États-Unis d'être devenus faibles sous Biden.
20:01 Est-ce que ça peut influer sur les rapports de force entre Biden et Trump
20:05 dans la perspective de la présidentielle ?
20:07 Je peux me tromper, mais moi je dirais plutôt que ça influencera en faveur de Biden.
20:10 Parce que dans une situation où les deux sont épaules contre épaules
20:14 et où le président finalement devient le chef de guerre,
20:18 enfin le commandant en chef, on se rallie au drapeau à ce moment-là.
20:22 Il y a une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU ce soir.
20:26 Qu'est-ce qu'on peut en attendre ?
20:28 Pas grand-chose.
20:30 Michel Goya, une question.
20:31 Qu'est-ce qu'Israël va faire pour riposter ?
20:35 Est-ce qu'elle doit frapper d'abord des cibles militaires en Iran ?
20:38 Est-ce qu'elle peut frapper des installations civiles ?
20:41 On a une idée de l'efficacité de la riposte ?
20:45 Israël peut organiser des raids aériens ou des frappes de missiles sur le sol iranien
20:51 en passant par le ciel syrien, notamment, nord-iraquien,
20:56 et frapper des objectifs militaires, des bases militaires,
21:00 ça paraît à peu près clair, évident.
21:04 Mais peut frapper aussi des installations participant au programme nucléaire.
21:09 C'est ça en fait, les deux types d'objectifs qui ne sont pas exclusifs
21:13 et qui pourront sans doute frapper.
21:16 Bernard Guetta, vous êtes eurodéputé.
21:18 Que peut faire l'Europe aujourd'hui ?
21:20 Parce que l'Iran est déjà sous le coup de sanctions européennes.
21:23 Est-ce que l'Europe a un quelconque levier à ce jour ?
21:26 Pas plus que les Etats-Unis, mais pas moins.
21:28 C'est-à-dire ?
21:29 C'est-à-dire pas grand-chose.
21:31 Parce que quand on voit ce que peut et ne peut pas M. Biden,
21:34 ce que peuvent et ne peuvent pas les Etats-Unis,
21:38 on voit bien que finalement, les Israéliens échappent aux pressions des grandes puissances.
21:46 Exactement d'ailleurs comme le Hamas échappe largement
21:50 aux pressions de ses alliés arabes dans la région.
21:54 Il y a aujourd'hui une autonomisation des acteurs
21:58 qui est véritablement un des éléments les plus effrayants de la situation.
22:02 Damo il pourclore ce grand entretien,
22:05 est-ce que l'Iran a commis une erreur stratégique en frappant le territoire israélien ?
22:09 Vous hausser les épaules de les deux ?
22:12 L'avenir le dira en fait.
22:14 C'est à la fin que l'on juge des succès et des erreurs.
22:18 C'est une erreur stratégique mais pouvait-il faire autrement ? Non !
22:21 Les prochaines heures en tout cas seront décisives
22:24 et elles seront évidemment à suivre sur France Inter.
22:27 Merci messieurs d'avoir été nos invités.
22:29 Michel Goyat, je rappelle ce livre,
22:32 "L'embrasement, comprendre les enjeux de la guerre israél-hamas"
22:35 c'est publié chez Perrin.