Du lundi au jeudi, rendez-vous, dès 6h30 avec Thomas Sotto et Marie Portolano. Et du vendredi au dimanche, c'est au tour de Damien Thévenot et Maya Lauqué de dynamiser le réveil.
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00:00Vous recevez Mgr Patrick Chauvet, c'est l'ancien recteur de Notre-Dame de Paris et actuel curé de la Maghreb.
00:04Merci Mgr Patrick Chauvet d'être avec nous ce matin, et bonjour.
00:08Alors il y a cinq ans, jour pour jour, Notre-Dame prenait feu,
00:11les images impressionnantes qui ont marqué le monde entier.
00:14Vous étiez recteur de Notre-Dame en 2019, alors déjà vous étiez où quand l'incendie s'est produit ?
00:19Eh bien quand l'incendie s'est produit, j'étais sur le parvis.
00:22J'étais dans la rue du Cloate, juste à côté,
00:25et en une minute, j'étais sur le parvis, on ne pouvait même plus rentrer dans la cathédrale.
00:30Quelqu'un vous a appelé, vous a prévenu ?
00:32Non, c'est quelqu'un, oui, qui m'a prévenu dans la rue.
00:34On me dit « Mais Monseigneur, regardez, il y a de la fumée ».
00:38Donc immédiatement j'ai téléphoné en disant « Il doit y avoir le feu dans la cathédrale ».
00:42Et on m'a assuré qu'on avait appelé les pompiers, qu'on a évacué la cathédrale, Dieu merci,
00:48et que tout s'est bien passé, et puis je suis allé tout de suite sur le parvis,
00:53et j'ai regardé ce triste spectacle.
00:56Qu'est-ce que vous avez ressenti, vous ?
00:58Ce que j'ai ressenti, c'est une dépossession, un drame.
01:03Vous savez, je ne regarde pas les photos de la cathédrale en feu, encore maintenant.
01:09Vous ne pouvez pas voir les images ? Qu'est-ce que ça vous procure ?
01:12Ça ravive une blessure très profonde qui a marqué ma vie,
01:17et pour moi, je pense que même dans ma vie de tous les jours,
01:21ma vie spirituelle, il y a un avant et un après.
01:24Même si aujourd'hui je suis dans l'espérance,
01:27et que je sais que le 8 décembre 2024, la cathédrale sera de nouveau là,
01:33toute belle, encore plus belle, comme avait dit le Président,
01:36j'en suis convaincu, il n'empêche que j'ai été profondément marqué.
01:41Comme la plupart des Français d'ailleurs, il y a eu un élan de compassion,
01:46ça a vraiment marqué tout le monde.
01:47Une fois l'incendie maîtrisé, vous êtes entré dans la cathédrale
01:51avec Emmanuel Macron, le Président de la République.
01:53Qu'est-ce que vous vous êtes dit à ce moment-là ?
01:55Quel est le sentiment qui prédomine ?
01:58Juste avant, le capitaine des pompiers, le général Gallet,
02:05m'avait dit, Monseigneur, regardez la façade.
02:08La tour Nord avait pris feu, et la façade risque de disparaître.
02:14Vous savez, pendant 20 minutes, vous regardez, vous fixez les yeux,
02:18intérieurement, vous priez.
02:20Non, je ne disputais pas le bon Dieu.
02:23Vous priez pour quoi ? Vous disiez quoi ?
02:26Monseigneur, fais que la cathédrale tienne debout, au moins.
02:30Et donc, c'est vrai qu'au bout de 20 minutes,
02:33ça a été quand le général Gallet m'a dit, ça y est, la cathédrale est sauvée.
02:40Donc, il y avait un sentiment de décompression.
02:43Je suis rentré avec le Président Macron et son épouse,
02:49et le premier mot, c'était un spectacle apocalyptique,
02:54mais le premier mot de M. Macron, c'était de dire,
03:00regardez, Monseigneur, la croix est là.
03:02Et moi, j'ai vu la Vierge, et j'ai dit, regardez,
03:05la statue de la Vierge qui aurait dû être écrasée, éclatée,
03:09elle était là. Marie était là.
03:11Est-ce que vous avez tout de suite pensé à l'après, à la reconstruction ?
03:16Pas tout de suite. Pas tout de suite.
03:19Vous savez, je n'ai pas dormi cette nuit-là, vous imaginez bien,
03:22et je me suis retrouvé seul sur le parvis le lendemain.
03:25Et là, je me suis dit, mais voilà, il y a eu ce mot de Bernanos,
03:30France, réveille-toi.
03:32Je me suis dit, mais oui, il faut qu'on se réveille.
03:34On ne va pas rester devant ce tas de ruines.
03:37Il faut qu'elles renaissent.
03:39Et c'est vrai que c'est ce qui m'a...
03:42Voilà, le combat que j'ai mené avec un général qui nous a quittés,
03:46malheureusement, le général Georgelin, mais il disait toujours,
03:49c'est une guerre, Monseigneur.
03:51Oui, je crois que j'ai vécu au moins trois années de guerre.
03:55La première guerre, c'était d'abord le licenciement de tout le personnel.
03:59Ça n'a pas été simple.
04:01La seconde guerre, c'était le plomb, une autre affaire.
04:05Oui, parce qu'il y a eu toute une polémique sur la reconstruction
04:08de la flèche à l'identique avec du plomb.
04:10Vous étiez pour ça ?
04:11Oui, j'étais pour.
04:12Pourquoi ?
04:13Je pensais qu'on ne pouvait pas mettre quelque chose d'étrange
04:18sur une cathédrale qui est la cathédrale.
04:21Je pense qu'il fallait être fidèle.
04:23Vous voulez la reconstruire à l'identique.
04:25Est-ce que c'est important aussi pour les fidèles, ça ?
04:28Je crois que c'est important parce que les fidèles,
04:32d'abord, ont découvert affectivement la cathédrale.
04:36Oui, c'est ça.
04:37Il y a eu un élan de solidarité derrière.
04:39Ça représente quoi Notre-Dame pour les Français, selon vous ?
04:42Je pense que c'est leur histoire, c'est la patrie, c'est leur vie.
04:49Vous savez, je disais à Mme Hidalgo, ce n'est plus Notre-Dame de Paris,
04:53c'est Notre-Dame, Notre-Dame tout court.
04:56Quand je voyage dans le monde, on parle toujours de Notre-Dame.
05:00Elle a été transformée et c'est bien.
05:04Elle n'est pas rebaptisée, n'ayez crainte.
05:06Elle sera toujours dans l'île de la Cité,
05:08elle sera toujours Notre-Dame de Paris.
05:10Mais c'est vrai qu'il y a eu une dimension internationale.
05:13Oui, c'est vrai.
05:14Et c'est vrai que ça m'a aidé aussi de voir qu'elle était aimée.
05:18Moi, je l'aimais.
05:19On se souvient qu'Emmanuel Macron avait promis que Notre-Dame
05:22serait reconstruite en cinq ans, donc on y est.
05:25On en est où, là ?
05:26Alors, naturellement, mon successeur pourrait parler plus abondamment
05:31de tous les travaux.
05:33Ce que moi, j'ai vu, c'est d'abord ce travail inouï de tous ses compagnons.
05:40C'est un travail exceptionnel.
05:42Certes, nous avions l'argent, mais c'est vrai que c'est un chef-d'œuvre
05:47de restauration et je pense que ça sera utile à la fois
05:51pour naturellement la cathédrale qui en profite,
05:53mais aussi pour tous ces gens qui travaillent.
05:57On a participé à la restauration.
06:00Je me rappelle de rencontrer des jeunes qui travaillaient
06:04à cette restauration.
06:05On n'aurait jamais pu imaginer travailler à la restauration de Notre-Dame.
06:11Oui, c'est tout le patrimoine français.
06:12Donc, on restaure le patrimoine français, c'est quelque chose.
06:15Et c'est une belle vitrine.
06:16Et c'est une belle vitrine.
06:17Alors, vous parliez tout à l'heure du 8 décembre 2024.
06:20Qu'est-ce qui va se passer le 8 décembre 2024 ?
06:22Eh bien, le 8 décembre, j'espère que les portes vont s'ouvrir.
06:25Les portes vont s'ouvrir et que, comme je suis rentré
06:29avec le président Macron dans une situation apocalyptique,
06:33là, je vais découvrir un joyau.
06:36Vous y serez ?
06:37J'y serai, oui.
06:38Oui, naturellement que j'y serai.
06:40Les travaux ne seront pas terminés, en revanche ?
06:42Alors, les travaux à l'extérieur ne seront pas finis,
06:44mais vous savez, il y en a pour 10 ans, 15 ans, 20 ans.
06:47Quand j'ai commencé les travaux, c'était parce que le chevet
06:51était très abîmé.
06:53Déjà, les arcs boutants se détachaient.
06:56Donc, il fallait absolument...
06:57C'était une urgence.
06:58Donc, après l'ouverture, il faudra restaurer le chevet.
07:03Et on pense donc à ce 8 décembre 2024,
07:05où normalement, les portes de Notre-Dame vont rouvrir.
07:08Merci beaucoup, Monseigneur Chauvet, d'avoir été avec nous.
07:11Je souligne la sortie de votre prochain livre sur l'écrivain
07:14Georges Bernanos.
07:15Vous l'avez cité tout à l'heure, Bernanos sans concession.
07:18C'est publié chez Fayard.
07:19Ce sera le 2 mai prochain.
07:20Oui, et je peux vous dire que c'est un petit peu une clé
07:23pour comprendre, au fond, ce que j'ai vécu.
07:26J'ai demandé à Bernanos, à travers son œuvre,
07:29de dire, mais essaye de m'éclairer sur ce que nous sommes
07:32en train de vivre.
07:34On parle d'une décivilisation.
07:36Moi, je parlerais plutôt de la fin d'une civilisation.
07:40Merci beaucoup.
07:41Merci.
07:42Merci beaucoup, Monseigneur.