Depuis plus de 2 ans, la guerre en Ukraine donne lieu à un torrent de désinformation. La propagande coule à flots et empêche de livrer un véritable décryptage du conflit. C’est le défi que relève l’ouvrage du CF2R : dresser un tableau réaliste et objectif de ce conflit aux portes de l’Europe (La Guerre Russo-Ukrainienne, réalités et enseignements d’un conflit de haute intensité, sous la direction d’Eric Denécé et Olivier Dujardin : disponible ici sur la boutique TVL : https://boutiquetvl.fr/tous-les-livres/eric-denece-et-olivier-dujardin-la-guerre-russo-ukrainienne-realites-et-enseignements-d-un-conflit-de-haute-intensite).
Analyse de l’armement, de l’aide occidentale et des mensonges sur le conflit, l’ouvrage revient sur les causes réelles de l’explosion de cette guerre ouverte sous l’impulsion américaine et explique pourquoi l’Ukraine ne pourra pas gagner.
Eric Dénécé, fondateur et directeur du CF2R, nous livre une analyse pointue du conflit ukrainien et de la géopolitique explosive actuelle où Washington joue toujours un rôle crucial, de l’Ukraine à Israël…
Analyse de l’armement, de l’aide occidentale et des mensonges sur le conflit, l’ouvrage revient sur les causes réelles de l’explosion de cette guerre ouverte sous l’impulsion américaine et explique pourquoi l’Ukraine ne pourra pas gagner.
Eric Dénécé, fondateur et directeur du CF2R, nous livre une analyse pointue du conflit ukrainien et de la géopolitique explosive actuelle où Washington joue toujours un rôle crucial, de l’Ukraine à Israël…
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00:00 [Générique]
00:15 Bonjour à tous, bienvenue dans ce nouveau numéro du samedi politique.
00:18 J'espère que vous serez nombreux au rendez-vous.
00:21 Alors chaque jour, nous assistons à un monde qui s'embrase un peu plus.
00:25 Alors que le Proche et le Moyen-Orient font peser de nouvelles menaces sur notre planète,
00:29 les portes de l'Europe sont en feu depuis plus de deux ans.
00:33 Le conflit en Ukraine a ramené sur notre continent une guerre conventionnelle,
00:37 une réalité que l'on croyait peut-être dépassée au point de ne plus savoir l'appréhender.
00:42 Alors nous allons interroger toutes ces grandes questions
00:45 et tenter de renouer avec une analyse objective et clairvoyante.
00:49 Mais avant toute chose, vous le savez, je compte sur vous pour partager cette émission,
00:54 pour cliquer sur le pouce en l'air parce que ça améliore le référencement.
00:57 Et puis n'oubliez pas de laisser vos commentaires que je lis chaque semaine
01:01 et auxquels je tente de vous répondre.
01:03 A tout de suite.
01:04 [Générique]
01:15 Et à mes côtés aujourd'hui, Eric Denessé. Bonjour Monsieur.
01:18 Bonjour.
01:19 Merci beaucoup d'être avec nous.
01:20 Vous êtes docteur en sciences politiques, ancien analyste du renseignement
01:23 et directeur du CF2R que vous avez fondé en l'an 2000.
01:27 Il me semble.
01:28 Le CF2R, je précise pour nos téléspectateurs qui ne vous connaîtraient pas,
01:32 c'est le centre français de recherche sur le renseignement.
01:35 Alors le CF2R est très prolixe, il publie beaucoup d'ouvrages.
01:38 Je vais présenter le dernier, "La guerre russo-ukrainienne,
01:41 réalité et enseignement d'un conflit de haute intensité".
01:44 C'est sous votre direction, ainsi que celle d'Olivier Dujardin.
01:48 Quand on ouvre cet ouvrage, Eric Denessé, on tombe dès l'introduction
01:51 sur une phrase qui pourrait aussi figurer dans la conclusion, si je ne m'abuse.
01:55 "La Russie ne peut pas perdre et l'Ukraine ne peut pas gagner",
01:59 mais vous ajoutez "surtout en dépit du soutien de l'Occident".
02:03 Eh oui, on le voit bien, les dés sont jetés aujourd'hui.
02:07 Alors on ne connaît pas exactement ce que va être l'avenir,
02:10 est-ce que les Russes vont aller plus loin ?
02:12 Mais en tout cas, ce qui est clair, c'est que les Ukrainiens ont perdu,
02:14 les Américains le disent, les Américains le savent.
02:17 Ils ne le disent pas officiellement, mais ils savent que l'affaire est pliée.
02:21 Les Russes savent aussi qu'ils ont eu gain de cause.
02:24 On n'est absolument pas par contre au courant de ce que sont les buts de Vladimir Poutine
02:29 qui n'ont cessé d'évoluer depuis le début du conflit.
02:31 Veulent-ils aller plus loin ? Veulent-ils maintenant négocier ?
02:34 Si, bien sûr, Zelensky a accepté d'entrer dans des négociations.
02:37 Voilà, c'est le point d'interrogation, mais j'ai envie de dire,
02:39 le match est plié, mais on ne connaît pas le score.
02:42 Est-ce qu'aujourd'hui vous avez l'impression que la résurgence du conflit israélo-palestinien
02:46 a empêché les États-Unis d'aider encore davantage l'Ukraine
02:50 pour se recentrer sur le Proche et le Moyen-Orient
02:52 et que ça a été, j'allais dire, le "game changer" dans le mauvais sens pour Kiev ?
02:56 Alors, ça n'a pas été le "game changer" parce que malheureusement, sur le terrain,
03:00 l'Ukraine était déjà en difficulté et encore une fois, malgré le soutien de l'OTAN,
03:04 on a vu à plusieurs reprises la totalité des effectifs être renouvelée.
03:09 Donc, ils ont un problème réel sur le plan militaire.
03:11 Le différentiel est très marqué.
03:13 Mais les événements, les tristes événements du 7 octobre
03:16 et l'engagement assez disproportionné d'Israël dans cette guerre
03:20 contre le Hamas et la population palestinienne
03:24 a été le vrai facteur d'accélération.
03:27 On l'a vu très clairement aux États-Unis où, en quelques jours,
03:30 le Congrès s'est totalement désintéressé de la situation d'Israël.
03:33 Alors, pour des tas de raisons, bien sûr, parce qu'Israël et les États-Unis
03:36 sont des alliés proches, il y a un lobbying, encore une fois,
03:39 tout à fait légitime de l'IPAC, la communauté juive,
03:41 qui a fait énormément de pression.
03:43 Bien sûr, un certain nombre de munitions et de moyens de renseignement
03:48 ont quitté le théâtre ukrainien pour être donnés aux Israéliens.
03:51 Et puis, c'est aussi le pétrole, c'est aussi le terrorisme, le Moyen-Orient.
03:56 Donc, les enjeux internationaux pour les États-Unis sont beaucoup plus importants
04:00 autour d'Israël et de ses voisins.
04:03 Et donc, ça n'a fait qu'accélérer le désintérêt
04:06 et le ralentissement du soutien pour les Ukrainiens.
04:10 J'ajoute à cela que la proximité des élections présidentielles
04:13 et la guerre entre les Républicains, les Démocrates, les pro-Trump,
04:16 les anti-Trump a aussi pesé dans la balance.
04:19 Mais je pense que nous aurions peut-être un décalage de quelques mois
04:22 s'il n'y avait pas eu la guerre à Gaza, mais que malheureusement,
04:26 le sort finalement de ce conflit russo-ukrainien aurait été dans le même sens.
04:30 – Vous dites que le conflit israélo-palestinien a précipité le désengagement américain.
04:34 Est-ce que finalement, il n'a pas constitué un prétexte idéal ?
04:37 – Alors, probablement.
04:38 Pour l'instant, les Américains ne le disent pas encore comme ça
04:41 parce qu'ils sont aussi embêtés qu'Israël réagisse à se défendre.
04:45 Réagisse à se défendre, c'est tout à fait légitime.
04:47 Mais je le disais à l'instant, il y a quand même une disproportion des moyens.
04:50 Et même si on soutient l'État hébreu, même si on est philosomite,
04:52 à un moment donné, on doit se dire, c'est quand même assez disproportionné.
04:56 Donc le prétexte les a effectivement bien arrangés.
04:59 On a vu les Démocrates au sein du Congrès essayer de mettre ensemble,
05:03 lors des votes, l'aide à l'Ukraine et l'aide à Israël.
05:06 Bien sûr, les Républicains ont bloqué.
05:07 Ils sont en train de séparer les deux, je dirais, les deux packages
05:10 pour bien sûr faire passer le vote de munitions et d'armes pour Israël
05:14 et essayer de le déconnecter de l'affaire ukrainienne.
05:17 Oui, ça aurait été pour eux le prétexte idéal si les choses s'étaient passées,
05:21 on va dire, s'étaient mieux passées.
05:23 – Oui, quitte un bourbier pour un autre bourbier finalement.
05:25 – Alors, ce n'est pas ça.
05:26 C'est que les Américains sont finalement à la fois des apprentis sorciers,
05:29 on l'a vu dans les origines de cette guerre, on en reparlera peut-être.
05:32 Mais ce sont aussi des gens extrêmement pragmatiques.
05:34 Quand ils sentent que ça ne marche pas, ils n'hésitent pas à faire machine arrière
05:37 et à faire un virage à 180 degrés.
05:39 Et ce qu'ils préparaient de faire, on ne le voit pas encore,
05:43 à mon avis on va prendre la direction, c'est refiler la patate chaude aux Européens
05:47 en disant "maintenant c'est votre conflit",
05:49 alors que ce sont eux qui l'ont déclenchée, qui ont contribué à la déclencher.
05:52 Moi je le réaffirme avec force, l'extension de l'OTAN
05:55 et les provocations dans le Donbass sont poussées à l'intervention de Moscou.
05:59 Il y a bien sûr une intervention russe qui est indéniable, qu'on peut condamner,
06:02 mais elle n'est pas spontanée.
06:05 Et à partir de ce moment-là, c'est nous Européens qui allons nous retrouver
06:08 à gérer une situation que nous n'avons pas provoquée, dont nous ne voulions pas,
06:12 parce que les Américains…
06:14 – Dont nous ne voulions pas, mais on sait qu'on était garant du respect des accords de Minsk,
06:17 ce qu'on n'a pas du tout veillé à faire.
06:19 – Oui, vous avez tout à fait raison, mais on ne voulait pas arriver à ce conflit.
06:22 On le voit très bien dans les semaines qui précèdent l'intervention russe
06:26 du mois de février, il y a un double jeu de bluff finalement qui n'a pas marché.
06:31 Les Américains n'ont cessé de pousser, en espérant que Moscou ne réagirait pas,
06:35 parce que dès le 17 février, l'opération militaire dans le Donbass
06:38 de la part des Ukrainiens se déclenche, et les Russes de leur côté,
06:41 depuis septembre, octobre 2021, avaient massé des forces à la frontière
06:45 en espérant que ce soit dissuasif pour les Américains.
06:48 Et puis, finalement, dans les deux cas, ça n'a pas marché,
06:51 on est rentré en confrontation.
06:53 Voilà, donc c'est quelque chose qui s'est joué à peu,
06:56 mais, j'ai envie de dire, les Russes ne pouvaient pas faire autrement.
06:59 – Un petit détail, une petite parenthèse peut-être,
07:01 on évoque bien sûr le 24 février l'entrée des troupes russes en Ukraine,
07:04 vous venez d'évoquer le 17 février avec une opération spéciale ukrainienne dans le Donbass,
07:08 est-ce que ce n'est pas un enjeu de guerre informationnelle,
07:11 ce début de la guerre, parce qu'on oublie aussi que l'Ukraine
07:14 était dans une situation très particulière depuis 2014 ?
07:17 – Oui, alors, évidemment, la guerre de l'information est la principale guerre
07:22 qui s'exerce aujourd'hui autour du conflit ukrainien,
07:24 parce qu'il y a une différence fondamentale entre ce que l'on voit dans les médias,
07:27 et je dirais aussi mieux dans les médias occidentaux que dans les médias russes,
07:30 et la réalité de terrain, il y a un fossé entre les deux.
07:33 Nous avons nous-mêmes du mal à le combler, même si, aujourd'hui,
07:37 on a les moyens de s'informer, bien qu'il y ait eu la censure de tous les médias russes,
07:41 il y a d'autres moyens de pouvoir lire l'agent Stas, Spoutnik,
07:45 et bien sûr en faisant la part des choses.
07:47 Donc, je pense que le public français et le public occidental en général
07:51 n'a pas une vision réelle de ce qui se passe sur le terrain,
07:54 finalement, quel que soit le camp que les uns ou les autres peuvent choisir.
07:57 – Ni réel, pardon de vous interrompre, ni réel, ni global,
08:00 c'est-à-dire que le fait de ne pas revenir aux débuts de ces conflits,
08:04 et ça vaut également pour le conflit israélo-palestinien, si je ne m'abuse,
08:08 qui remonte beaucoup au 7 octobre, mais bien entendu,
08:10 les choses n'étaient pas apaisées auparavant.
08:12 – Tout à fait, non, mais en plus, dans le cas de l'Ukraine,
08:15 il y a une volonté délibérée de faire commencer le conflit en 2022 et pas en 2014,
08:19 il faut rappeler en permanence, alors moi, je m'en souviens,
08:23 j'étais jeune officier pendant la guerre froide,
08:25 donc je n'avais aucune tendresse pour l'expansion de la dictature du prolétariat
08:31 et l'armée rouge, mais une fois qu'un conflit est fini,
08:34 on remet les choses en question, on essaie de regarder les faits
08:37 et de regarder les choses de manière assez transparente.
08:39 Et c'est vrai qu'on passe sous silence ces 12, 14, 16 000 morts,
08:43 on ne sait pas exactement, qui ont eu lieu dans le Donbass,
08:45 c'est-à-dire qu'à partir du coup d'État de Meïdan,
08:48 qui rappelons-le, un coup d'État antidémocratique,
08:50 puisque Yanukovitch avait été élu légalement,
08:52 avec des observateurs de l'OSCE sur place,
08:55 et que c'est bien un renversement organisé par les États-Unis
08:59 avec le soutien de différentes ONG, fondations et services,
09:03 puis la validation de l'Allemagne et de la France
09:05 à travers le non-respect des accords de Minsk,
09:07 tout était fait pour affaiblir la Russie en espérant qu'elle ne réagisse pas.
09:10 Ça a marché pendant 8 ans et puis en 2022, ils ont décidé de réagir.
09:14 Encore une fois, on passe sous silence ces morts du Donbass
09:17 et nous qui prenons la démocratie, nous qui prenons le respect des minorités,
09:22 le respect des langras, on ferme les yeux sur les massacres qui ont eu lieu,
09:25 sur le fait que la langue russe ait été interdite,
09:27 et puis on ferme aussi les yeux sur les origines historiques.
09:30 Et le débat c'est qu'on dit toujours qu'à partir du moment
09:33 où Poutine dit quelque chose, il ment, il faut s'en méfier.
09:35 Malheureusement, qu'on aime ou qu'on n'aime pas Poutine,
09:37 ce n'est pas la question que je me pose,
09:39 ces arguments sont souvent fondés et donc on essaie de les détruire
09:44 par tous les moyens mais ce n'est pas le cas.
09:46 Et puis surtout on voit la somme des mensonges occidentaux
09:50 depuis de nombreuses années.
09:52 Moi je me souviens d'une anecdote, c'est en 2014,
09:54 après que les petits hommes verts russes aient remis la main
09:57 avec le soutien de la population criminelle,
09:59 parce que ça n'a pas été une prise de vie-force,
10:01 les Criméens souhaitaient rejoindre la Russie,
10:04 les Américains ont débarqué à peu près partout dans les pays de l'OTAN
10:07 en disant "vous allez voir, les Russes vont envahir l'Ukraine".
10:10 Dès 2014, ce qui était bien sûr totalement faux,
10:12 et à l'époque, Christophe Gomart qui était le patron de la DRM,
10:15 elle l'avait expliqué en disant "les Américains c'est de nous enfumer".
10:19 Et c'est aussi pour ça qu'en 2022, les services français étaient très méfiants,
10:23 parce que les Américains nous racontent ce qu'ils veulent entendre,
10:26 ce qu'ils veulent que nous entendions,
10:28 afin que nous agissions dans le sens de leur politique.
10:30 Alors, on a évoqué ce désengagement américain,
10:33 j'aimerais qu'on écoute à présent le secrétaire général de l'OTAN,
10:36 Jens Stoltenberg, on va voir que ce désengagement est très progressif.
10:40 Mais l'Ukraine a besoin d'encore plus.
10:44 C'est pourquoi si l'on se trouve face au choix
10:46 entre réunir les objectifs capacitaires de l'OTAN
10:49 et fournir davantage d'aide à l'Ukraine,
10:52 mon message est clair, envoyez davantage à l'Ukraine.
10:57 Donc c'est très clair, il faut privilégier les intérêts ukrainiens,
11:06 du moins de leur point de vue, aux intérêts otaniens.
11:10 Comment voyez-vous cela ?
11:11 Est-ce qu'on ne continue pas dans cette fuite en avant pour le moment ?
11:13 Mais si, de toute façon c'est un discours qu'il faut analyser, décrypter,
11:18 qui est totalement artificiel, pour plusieurs raisons.
11:21 D'abord, rappelons-le, l'OTAN aurait dû être dissous à la fin de la guerre froide,
11:24 ce que nous n'avons pas fait.
11:26 L'OTAN n'aurait jamais dû s'étendre, ce qui a été le cas.
11:29 Et puis on voit, et aujourd'hui l'OTAN intervient même dans la zone indo-pacifique,
11:32 donc on est en plein délire.
11:34 C'est un bras armé de la politique internationale américaine
11:37 à laquelle nous adhérons malheureusement.
11:40 Maintenant, avec des individus comme Stoltenberg, mais Rasmussen avec lui,
11:44 pourquoi est-ce que beaucoup de secrétaires généraux de l'OTAN
11:46 sont des membres des petits pays de l'Alliance,
11:48 notamment des Norvégiens ?
11:49 C'est qu'ils sont à 200% sur la ligne américaine.
11:52 Aujourd'hui, il faut regarder Stoltenberg comme le porte-parole des États-Unis.
11:56 Et sur ce qui se passe en Ukraine aujourd'hui,
11:58 vu que les Américains se désengagent,
12:00 ils sont d'une certaine manière embêtés
12:02 parce qu'ils ont tellement poussé les Ukrainiens dans ce conflit,
12:04 parce qu'il faut aussi le dire,
12:06 la population ukrainienne, d'ailleurs des Deborg,
12:08 qui meurt aujourd'hui sur le combat,
12:10 les civils, eux n'y sont pour rien.
12:12 C'est la responsabilité des acteurs étrangers
12:14 qui est à l'origine de ce conflit.
12:16 Donc les Américains essaient quand même de sauver un petit peu la face,
12:19 de faire en sorte que l'OTAN et derrière les Européens
12:23 se substituent à eux, même si c'est d'une manière plus modérée.
12:26 Il faut aussi rappeler que jamais l'aide américaine à l'Ukraine
12:29 n'a dépassé l'équivalent de 5% du budget des dépenses américaines.
12:34 Donc c'est en réalité une forme d'échec américain
12:38 puisqu'ils n'ont pas réussi à affaiblir la Russie,
12:40 mais c'est un succès parce que ça ne leur a pas coûté si cher que ça.
12:43 Et surtout, ils ont mis l'Europe à genoux
12:45 puisque maintenant nous achetons tous du gaz naturel liquéfié
12:49 en grande partie aux États-Unis mais aussi en Norvège,
12:51 il faut le rappeler.
12:52 Nous achetons aussi de plus en plus d'armement américain
12:54 puisque les Américains poussent au réarmement et au réarmement rapide.
12:57 Donc nous n'avons pas le temps de remettre en place
12:59 nos propres chaînes de production.
13:01 Et on voit l'économie américaine en ce moment extrêmement florissante.
13:04 Si on regarde le New York Stock Exchange,
13:06 on voit que la bourse repart à la hausse.
13:09 – Ce dont ils ont besoin au vu de leur dette à incommensurable.
13:13 – Non seulement ça, mais aujourd'hui c'est un facteur de prolongement du conflit
13:16 parce que si le conflit ukrainien se terminait trop vite,
13:19 il y aurait probablement un effondrement boursier.
13:21 Donc ce ne sont presque plus uniquement les facteurs militaires
13:24 qui aujourd'hui sont les plus déterminants,
13:26 c'est aussi cette économie et cette bourse
13:29 qui est montée très très vite et très haut.
13:31 Et on ne veut pas "flinguer" l'économie
13:34 en mettant un terme à ce conflit trop vite.
13:37 – Alors dans cet ouvrage collectif, j'allais dire,
13:40 il y a de nombreux articles, notamment de la personne qui dirige l'ouvrage avec vous,
13:44 Olivier Dujardin, sur la question des armes.
13:47 Certains articles sont extrêmement précis.
13:49 D'ailleurs ce n'est pas un roman, il faut le dire à nos téléspectateurs,
13:52 c'est extrêmement précis.
13:54 On note, grâce à Olivier Dujardin,
13:57 l'importance capitale de l'artillerie dans ce conflit.
14:01 Comment expliquer ça ?
14:02 – Alors ce n'est pas nouveau.
14:05 Je dirais qu'il y a un auteur qui s'appelle Michel Goya,
14:10 qu'on voit beaucoup sur les plateaux mainstream,
14:12 et dont je dirais que les compétences en géopolitique me paraissent limitées,
14:16 mais qui est un auteur remarquable sur les questions militaires.
14:18 Il faut vraiment faire la part des choses.
14:20 Et dans un ouvrage précédent, il a fait quelque chose de tout à fait remarquable,
14:24 vraiment sur des années historiques,
14:25 qui montre que dans tous les conflits depuis l'apparition de l'artillerie,
14:28 c'est l'artillerie qui fait 90% des victimes.
14:31 Il n'est pas le seul à le dire.
14:33 Et finalement, on redécouvre ça en Ukraine,
14:36 parce que depuis la fin de la guerre froide,
14:39 nous ne connaissons que des conflits asymétriques de type antiterroriste,
14:42 où finalement c'est presque du combat d'homme à homme
14:44 entre des unités spéciales et des terroristes en face.
14:47 Mais là, on retrouve les vieilles lois de la guerre,
14:49 où effectivement, depuis la guerre de 1914, même sous l'Empire,
14:53 l'essentiel des victimes dans un conflit sont liées aux obusiers,
14:56 aux mortiers, aux canons automoteurs, aux missiles.
14:59 Et bien évidemment, aujourd'hui, avec en plus les drones
15:01 que l'on évoque aussi dans cet ouvrage,
15:03 on voit que la grande majorité des morts et des blessés
15:07 sont le fait des bombardements,
15:09 et que les combats corps à corps ne représentent en général que 10% des victimes.
15:13 Donc finalement, on retrouve les vieilles constantes qui réapparaissent.
15:17 Et c'est ce que nous avons voulu faire dans ce livre,
15:20 parce que plus de la moitié de nos chercheurs au CFDZ
15:22 sont des anciens du renseignement.
15:24 C'est le cas d'Olivier Dujardin,
15:25 qui est un excellent spécialiste d'un certain nombre de questions.
15:28 Et nous nous penchons, nous, sur les faits.
15:30 Bien sûr, comme tout analyste,
15:32 on peut avoir à un moment donné un biais cognitif,
15:34 et ça, le nier serait faux.
15:36 – Le caractère collectif de l'ouvrage, j'imagine, vient pour ça aussi.
15:39 – Voilà, et aussi on le minimisait au maximum.
15:41 Et là, sur ce livre-là, qui est vraiment un livre sur la partie militaire de ce conflit,
15:45 on a vraiment travaillé les uns et les autres sur les faits,
15:47 la guerre électronique, les drones, un petit peu le renseignement
15:51 qui n'est pas ce qu'il y a de plus évoqué dans ce rapport,
15:53 mais bien sûr tout ce qui est l'artillerie, la défense antiaérienne, voilà.
15:56 Donc c'est le but, c'est de travailler de manière le plus objective possible,
15:59 à partir de faits, avec des spécialistes, sur les différents aspects du conflit.
16:03 – Alors sur cette question de l'artillerie, et sur cette supériorité russe,
16:07 on a le sentiment, c'est parce que l'Occident a décidé de rompre
16:10 avec la guerre conventionnelle telle qu'on la connaissait auparavant,
16:13 vous l'avez dit justement, pour se jeter à corps perdu dans l'antiterrorisme
16:16 qui a besoin d'armes différentes.
16:18 Est-ce que finalement la Russie n'a pas été plus prévoyante ?
16:21 – Alors oui, bien sûr.
16:23 D'abord elle a conservé tous ses stocks,
16:26 l'immensité du territoire russe leur permet d'avoir des entrepôts,
16:29 et puis ils ont une logique assez particulière.
16:32 On l'a découvert à la fin de la guerre froide,
16:34 alors que nous étions des adversaires patentés,
16:37 c'est que l'armée russe était essentiellement, l'armée soviétique,
16:39 était essentiellement une armée défensive.
16:41 Et surtout, leurs niveaux technologiques étaient plus faibles que le nôtre,
16:44 mais ils avaient une capacité de remplacement et de substitution qui était terrible.
16:47 C'est-à-dire, leur moteur d'avion ou leur moteur de char
16:49 était beaucoup moins bon que les nôtres, seulement ils en avaient 4.
16:52 Donc dès qu'un char avait un problème, on changeait les moteurs.
16:55 Et puis ce conflit montre que l'aéotechnologie n'est pas la réponse à tout.
16:59 Et donc oui, ils ont été plus prévoyants, et surtout ils se sont préparés.
17:05 Depuis 2002, Vladimir Poutine a réformé l'armée.
17:08 Depuis 2002, ils ont réorganisé un certain nombre d'unités,
17:11 ils ont réamélioré la formation.
17:13 On a souvent dit "il n'y a pas de sous-officier efficace dans l'armée russe",
17:16 c'est en grande partie faux.
17:18 Donc il y a eu une remontée en puissance de la part de l'armée russe
17:21 qui reste une petite armée, même s'ils ont remobilisé,
17:24 mais ce n'est pas l'armée la plus importante,
17:26 ni comparée à la Chine ni aux États-Unis bien évidemment.
17:29 Mais ils sont remontés en puissance pour une raison simple,
17:31 c'est que, encore une fois, depuis la fin de la guerre froide,
17:34 nous ne cessons, nous occidentaux, de bafouer les droits russes.
17:38 On leur a menti sur la non-extension de l'OTAN.
17:41 Rappelons qu'à l'issue de la guerre froide, et moi je m'en souviens très bien,
17:45 il y avait des représentants du FBI au sein de la milice russe,
17:47 donc ils avaient vraiment ouvert les portes.
17:49 Il y avait des représentants de la CIA qui coopéraient en interne
17:51 avec les gens du SVR, il y avait des gens du FBI
17:53 qui travaillaient aussi avec les polices criminelles,
17:55 il y avait le traité ciel ouvert où on envoyait des militaires occidentaux
17:58 pour surveiller un certain nombre de choses.
18:00 L'économie russe était quasiment pilotée par l'économie occidentale
18:05 et notamment par l'ambassade américaine.
18:07 Voilà, donc ils avaient vraiment ouvert le jeu et à partir de 2002,
18:10 donc dix ans après la fin de la guerre froide,
18:12 ils se sont rendus compte, en tout cas c'est ce qu'ils jugent,
18:14 que nous ne jouions pas, nous, le jeu.
18:17 Et donc à partir de ce moment-là, ils ont commencé à se dire,
18:19 voilà, si nos partenaires ne jouent pas le jeu,
18:21 on va être obligés petit à petit de se protéger.
18:24 Voilà, c'est début des années 2000,
18:27 Poutine demande à rentrer dans l'OTAN, Clinton, Tergivers,
18:31 Angela Merkel s'y opposent et puis 2006, 2007, 2008,
18:34 ils commencent à dire aux Européens, écoutez, vous ne respectez pas
18:37 un certain nombre de choses qui ont été convenues,
18:40 toutes ne sont pas écrites, c'est vrai,
18:42 mais on a maintenant suffisamment de témoignages.
18:44 Et puis ils se sont, ben oui, ils ont essayé de prévoir l'avenir,
18:46 petit à petit, on redynamise l'économie, on la restructure,
18:49 on recrée des forces armées.
18:51 Ce n'est pas une surprise ce conflit.
18:53 Je fais partie des gens qui pensaient que les Russes n'iraient pas,
18:55 mais comme je le dis, le bluff des deux côtés n'a pas vraiment fonctionné,
18:59 mais en réalité, ce n'est pas une surprise.
19:01 – Vous avez évoqué très rapidement le rôle des drones,
19:04 dans le livre, vous en parlez beaucoup,
19:06 vous dites que finalement, c'est le deuxième conflit
19:08 après celui en Arménie, au Haut-Karabagh,
19:10 où le drone prend une telle ampleur dans un conflit,
19:13 en quoi change-t-il la donne ?
19:15 Quelles sont ces particularités de combat ?
19:17 – Alors, il y a deux choses, il y a les drones,
19:21 on l'a vu dans la guerre du Haut-Karabagh,
19:23 mais on en a tiré des mauvaises leçons,
19:25 parce que le déséquilibre entre les Arméniens du Haut-Karabagh
19:27 et les Azéries était tel que les deux camps ne pouvaient pas rivaliser.
19:31 Là, on voit beaucoup de créativité de deux côtés,
19:34 des drones de toute nature, qui généralement
19:38 coûtent assez peu cher en réalité, et qui transforment,
19:41 en plus des moyens d'enseignement électroniques et satellitaires,
19:44 le champ de bataille, finalement, en un théâtre totalement ouvert.
19:47 On ne peut quasiment pas déplacer plus d'une dizaine d'hommes
19:50 sans que tout le monde le voit.
19:52 Non seulement ça, les drones d'observation jouent un rôle très important,
19:55 mais la miniaturisation et l'efficacité des drones
19:58 sur lesquels on met une grenade, on met un obus de 90 mm ou de 60 mm
20:01 pour le faire tomber sur une ambulance, sur un véhicule blindé,
20:04 sur un groupe de trois personnes qui est en train de courir dans un champ,
20:07 a multiplié les vulnérabilités des combattants.
20:10 Et ça, c'est quelque chose qui est très nouveau,
20:12 qui est étudié aujourd'hui par tous les États-majors.
20:14 Et surtout, on se rend compte que finalement, avec des moyens assez faibles,
20:17 on peut créer des drones.
20:18 Il y a bien sûr les éléments du commerce que l'on trouve,
20:21 mais on voit la grande créativité des Ukrainiens en la matière.
20:24 Bon, les Russes ne sont pas tellement au reste,
20:26 mais c'est vrai que nos médias nous parlent plus de ce que font les Ukrainiens.
20:29 Ça change beaucoup de choses, parce qu'on voit tout,
20:31 on peut à peu près frapper n'importe où, et de manière très précise,
20:34 parce que le drone, vous le pilotez jusqu'à ce qu'il percute,
20:36 le pare-brise de la Jeep que vous avez envie d'avoir,
20:40 et ça ne nécessite pas des chaînes industrielles lourdes.
20:43 Alors, il y a quelque chose qui est très intéressant avec le drone,
20:45 c'est qu'on a une forme de déshumanisation,
20:47 on a l'impression vraiment qu'on est sur du jeu vidéo,
20:49 et quelque part, l'essor de ce drone, vous l'avez dit,
20:52 dans le conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie,
20:55 entre l'Ukraine et la Russie,
20:57 on a le sentiment que ça vient aussi combler le caractère fratricide
21:00 de ces conflits, qui transforment quelque chose de très difficile,
21:04 avec des hommes qui sont frères et qui doivent s'entretuer,
21:07 la barrière, j'allais dire vidéo, désincarnée, aide beaucoup là-dedans.
21:12 – Oui, ça c'est indéniable, mais en même temps, vous notez une chose,
21:15 elle ne crée pas de traumatisme, comme les Américains l'ont connu
21:18 pendant la lutte antiterroriste qu'ils ont conduite à peu près partout dans le monde,
21:21 où ils avaient des drones à très long rayon d'action,
21:24 où les pilotes géraient leurs drones depuis la Californie
21:27 ou le Nevada pour aller frapper au fin fond de l'Irak ou de l'Afghanistan,
21:30 ça c'était du jeu vidéo, et ça a entraîné une forme de déshumanisation,
21:33 ça a entraîné une forme de traumatisme psychologique chez eux.
21:36 Là, on est sur des individus qui sont sur les lignes de front,
21:39 donc qui sont régulièrement bombardés, qui voient leurs camarades mourir,
21:42 qui ne rentrent pas chez eux le soir, comme faisaient les pilotes américains,
21:45 – Ils ne font pas ça depuis le salon.
21:47 – Voilà, qui retrouvent leur femme et leurs enfants le soir
21:49 et qui vont au match de baseball.
21:50 Là, on est vraiment sur des combattants en uniforme,
21:52 qui sont dans le froid, qui sont dans les bouts, qui sont dans les tranchées,
21:55 et puis on est sur des drones en majorité de très faible portée,
21:58 ils vont frapper à 2, 3, 5 kilomètres,
22:01 et en même temps, ce sont aussi des frappes qui sont assez précises
22:04 et qui vivent essentiellement des combattants.
22:06 Il y a eu beaucoup de victimes collatérales des frappes de drones américaines,
22:09 en Syrie, au Yémen, en Irak et au Pakistan, entre autres.
22:14 Donc là, ça ne génère pas finalement cette déconnexion entre l'individu
22:19 qui est dans son univers occidental en Californie
22:22 et qui va frapper un village au fin fond de l'Afghanistan,
22:24 là, les gens sont sur la ligne de front,
22:26 et ont perdu des camarades autour d'eux et sont dans des conditions de combat.
22:30 – Presque, ils entendent l'impact.
22:32 – Presque, et puis, à partir du moment où on est en situation de guerre,
22:34 on est content de renvoyer, c'est terrible à dire,
22:37 mais de renvoyer une réponse à l'agresseur du camp d'en face
22:41 pour essayer de remettre les pendules à l'heure.
22:43 Donc, d'abord, ça marche, on se rend compte que c'est une grande part
22:47 des frappes et d'origine des victimes, mais en même temps,
22:51 ça ne génère pas de traumatisme comme on a pu le voir
22:53 avec les pilotes de drones américains.
22:55 – J'ai insisté sur ce caractère fratricide,
22:58 vous vous rapprochez beaucoup à la Russie,
23:00 d'avoir voulu faire une guerre éclair, quelque part,
23:02 qui se règle très rapidement, en quelques jours,
23:04 parfois, en quelques semaines.
23:06 Est-ce que, finalement, le caractère fratricide de se confier avec l'Ukraine
23:09 n'est pas précisément le point qui empêchait la Russie
23:11 de faire une entrée en guerre à l'américaine,
23:14 avec le carpet bombing qu'on a connu en Irak,
23:17 et des méthodes qui auraient empêché toute reconstruction
23:21 dans la fraternité, j'allais dire, après ?
23:24 – Non, vous avez tout à fait raison.
23:25 Encore une fois, je crois qu'on ne le mesure pas assez,
23:27 c'est la retenue des Russes dans ce conflit.
23:29 Le nombre de victimes civiles en deux ans, à peu près 30 000,
23:33 est équivalent au nombre de victimes civiles
23:35 que les Israéliens ont fait en 4 ou 5 mois à Gaza.
23:38 Donc ça montre bien…
23:40 Alors, par contre, le nombre de victimes militaires
23:42 est évidemment très, très élevé des deux côtés.
23:44 Mais ça montre bien que les Russes ont pris en considération,
23:47 dès le début, le fait que les zones qu'ils voulaient libérer,
23:50 le but, c'était de les rattacher à la Russie.
23:52 Donc il ne s'agissait pas de faire des massacres aveugles.
23:56 Leur politique dans le Nord, vu qu'elle n'a pas duré tellement,
23:59 puisqu'au bout d'un mois et demi, ils se sont retirés de la région de Kiev,
24:03 ça ne s'est pas non plus traduit par du carpet bombing
24:08 et de la destruction partout où ils sont passés.
24:11 Donc on doit avoir cette idée-là.
24:13 Et malgré les frappes aveugles que déclenchent
24:15 un certain nombre d'unités ukrainiennes,
24:17 où là ils visent délibérément des villes comme Belgorod
24:20 ou des immeubles à Moscou,
24:22 il n'y a jamais eu de réaction de même nature côté russe.
24:25 Tout est toujours ciblé.
24:27 Ce sont des centrales électriques, ce sont des postes de commandement,
24:29 ce sont des nœuds ferroviaires.
24:32 Et on est obligé de constater une certaine mesure chez eux.
24:36 Et de la même manière, être un prisonnier en situation de guerre
24:40 n'est jamais très agréable, surtout quand on a identifié
24:43 que vous appartienniez à une unité qui a fait quelques exactions.
24:45 Et ça c'est valable des deux côtés.
24:47 Mais la façon dont on voit les désertions
24:49 et dont sont traités les prisonniers ukrainiens par l'armée russe
24:52 est quand même là aussi beaucoup plus humaine
24:56 que ce qui se passe côté ukrainien.
24:59 On est dans cette logique.
25:01 On sait qu'au début du conflit, il y a eu un certain nombre de malaises
25:05 dans l'armée russe sur le fait qu'ils avaient l'impression
25:07 de combattre leurs frères.
25:09 C'était à la fois vrai en termes linguistiques,
25:11 il y a effectivement beaucoup de familles qui sont présentes
25:13 des deux côtés de la frontière,
25:15 mais c'était aussi bien sûr un discours
25:17 qu'ont encouragé les autorités russes en disant
25:19 à la fois pour pousser leurs hommes à ne pas se comporter
25:22 de manière je dirais bestiale sur le terrain
25:25 et aussi pour solidifier la nation dans ce conflit.
25:29 Ce qui malheureusement n'était pas le cas côté ukrainien.
25:32 Au début du conflit, quand nous avions encore des échanges avec les russes,
25:35 parce que c'est notre rôle au centre,
25:37 nous avons des échanges avec beaucoup d'eux,
25:39 ils nous ont fait part de trois remarques très intéressantes.
25:41 Ils nous avaient dit "Nous pensions qu'ils restaient
25:45 au plus haut niveau dans l'armée ukrainienne,
25:47 et qu'il y avait encore des gens qui avaient été formés à la soviétique
25:49 avec qui on aurait pu négocier".
25:51 Donc ils ont dit "On a fait une erreur, le système avait tellement été otanisé
25:54 que nous n'avions plus de personnes avec qui nous avions des valeurs communes".
25:58 Deuxième aspect, nous pensions qu'il y avait une dichotomie
26:01 beaucoup plus marquée entre les régiments néo-nazis
26:03 et le reste de l'armée ukrainienne qui était une armée patriotique,
26:06 et ils se sont aperçus assez rapidement qu'il y avait des patriotes ukrainiens
26:09 dans les régiments à dominante néo-nazie,
26:11 puis qu'il y avait des éléments d'extrême droite, d'ultra droite,
26:14 dans les forces territoriales.
26:17 Et puis le troisième aspect qui les a déstabilisés,
26:20 c'est qu'ils ne s'attendaient pas à ce que les ukrainiens
26:22 mettent leur poste de commandement, leur batterie de tir
26:24 dans des supermarchés, dans des immeubles civils,
26:26 et tirent eux-mêmes sur un certain nombre de leurs prisonniers,
26:29 de leurs soldats qui avaient été prisonniers par les russes,
26:31 justement pour pas qu'il y ait de témoignages.
26:33 Donc voilà, on a des bribes d'informations,
26:35 quand on avait encore un petit peu d'échange avec eux,
26:37 qui nous permettaient, nous, de mieux comprendre le conflit.
26:39 – Bon ça c'est des points évidemment qui pourraient vous être commentés
26:41 comme étant de la propagande russe.
26:43 – Oui, mais tout à fait, mais sur le terrain,
26:46 nous ce qui nous intéresse c'est de voir les points de vue des uns et des autres.
26:48 Après, on ne le met pas dans le livre en tant que tel,
26:51 mais on se dit voilà, c'est intéressant d'avoir un élément
26:54 qui va de ce côté-là.
26:57 En tout cas, on ne peut pas juger une situation
26:59 si on n'écoute qu'une seule des deux parties,
27:01 donc on a essayé le plus longtemps possible de voir ce qui nous venait de l'autre camp.
27:04 – Sur ce point, sur l'état-major ukrainien,
27:06 on sait que le général Zalouzhny a été limogé par Zelensky,
27:09 au profit du général Sirsky,
27:11 qui est réputé pour être plus soviétique
27:13 et peut-être plus compatible pour discuter avec l'état-major russe.
27:16 – Oui, alors ça je n'y crois pas.
27:18 Sirsky était surtout réputé pour être plus bouché,
27:20 et finalement depuis qu'il a pris la tête de l'état-major,
27:23 bien sûr la situation est plus difficile,
27:25 mais il est beaucoup plus prudent que son prédécesseur finalement.
27:27 Mais je pense que l'essentiel de la stratégie ukrainienne
27:31 est décidé par l'OTAN, il faut être très clair.
27:33 Alors, il y a bien sûr une capacité d'influence des Ukrainiens eux-mêmes
27:36 sur cette opération-là, mais dans la mesure où ils sont financés,
27:39 parce qu'il ne faut pas oublier l'argent, il n'y a pas que les munitions,
27:41 où ils sont formés et armés par le temps,
27:43 ils sont bien obligés de respecter un certain nombre de directives
27:46 que leur donnent l'Alliance Atlantique et les Américains.
27:49 Donc, pour moi la différence entre les deux ne joue pas beaucoup,
27:52 elle doit jouer sûrement en interne sur le moral des troupes,
27:54 parce qu'eux ne voient pas nécessairement à tous les niveaux
27:58 l'interférence des officiers otaniens, polonais, américains, britanniques principalement,
28:02 et d'ailleurs ne parlent pas tous, ne parlent souvent d'ailleurs pas la langue.
28:06 Ils peuvent entendre le discours de leur chef d'état-major,
28:08 mais je pense que ce n'est pas au niveau du terrain
28:11 qu'ils mesurent cette influence occidentale de manière la plus frappante.
28:15 – Alors, on a parlé tout à l'heure du désengagement américain,
28:18 vous avez dit que finalement l'Europe semblait aller combler
28:21 ce désengagement progressive parmi cette Europe qu'on évoque.
28:25 Il y a évidemment un chef d'État qui est très engagé pour le sort de l'Ukraine.
28:31 Je vous propose d'écouter tout de suite Emmanuel Macron,
28:33 il a pris la parole jeudi au sortir d'un conseil européen.
28:35 – Hier soir, nous avons concentré nos échanges sur les grands enjeux internationaux.
28:39 D'abord, pour ce qui est de l'Ukraine, nous restons plus que jamais unis
28:44 et déterminés dans notre soutien, aussi longtemps qu'il le faudra
28:47 et aussi intensément que nécessaire.
28:50 La priorité est très clairement celle du soutien militaire à l'Ukraine,
28:54 et c'est ce qui est ressorti de nos échanges avec le président Zelensky.
28:59 Concrètement, il s'agit de mettre en œuvre ce sur quoi nous nous sommes engagés
29:02 ces derniers mois et qui a été reprécisé et densifié le 26 février dernier,
29:07 en particulier fourniture de munitions, production conjointe de matériel militaire,
29:11 cyberdéfense, déminage, sécurisation des frontières,
29:15 avec un axe aussi particulier pour renforcer, vous le savez,
29:18 la coalition qui est menée par l'Allemagne et la France sur la défense solaire.
29:25 Nous avons chacun une responsabilité de faire mieux avec nos capacités
29:28 pour que nous soyons collectivement efficaces en soutien de l'Ukraine.
29:32 Et au-delà et compte tenu des enjeux stratégiques pour notre Europe,
29:36 nous devons aussi nous doter sans attendre d'instruments européens pérennes
29:39 pour renforcer nos capacités de défense, y compris en recourant à des voies
29:43 de financement innovantes, et c'est tout le sens des travaux
29:46 qui ont été confiés à la Commission et au Conseil en vue du Conseil européen de juin prochain.
29:57 – Bon alors c'est un discours récurrent, plus d'armes pour l'Ukraine,
30:00 mais aussi plus de préparation presque, j'allais dire, au niveau européen
30:03 en cas d'invasion russe, puisque maintenant c'est à peu près
30:06 l'argument de tous les grands dirigeants européens.
30:09 Est-ce que finalement l'Ukraine aujourd'hui, ce n'est pas devenu
30:11 un argument politique en France pour ne pas parler de tous les sujets
30:14 qui sont sujets à question justement ?
30:16 – Oui, alors là on sort de notre domaine de compétence qui est plutôt géopédique,
30:19 mais c'est vrai qu'on a le sens, on a le sentiment quand on voit
30:22 l'instrumentalisation du conflit ukrainien, surtout dans la période…
30:26 en perspective des élections européennes qui vont venir,
30:29 on voit que dans la grande majorité des pays de l'OTAN,
30:32 il y a cette peur de l'arrivée du populisme au pouvoir,
30:34 et qu'une des façons peut-être d'empêcher finalement une majorité conservatrice,
30:40 voire liée à la droite extrême à Bruxelles, c'est d'utiliser l'argument
30:46 du conflit ukrainien et de la menace russe pour faire basculer le scrutin,
30:52 et bien sûr en reprochant à toutes ces parties dites de droite ou d'extrême droite,
30:56 des liens avec Moscou, pour essayer d'influer les électeurs.
30:59 Sincèrement, je ne vois pas trop comment ça va marcher,
31:03 parce que les problèmes internes que nous avons dans l'ensemble de nos pays,
31:06 ce qui n'est pas ma spécialité, mais ce sont les facteurs principaux
31:09 sur lesquels les électeurs vont se prononcer.
31:11 – Alors, il y a une autre question, c'est qu'évidemment Emmanuel Macron
31:14 parle d'aide à l'Ukraine financière, d'aide en termes d'armes, d'artillerie, etc., de munitions,
31:19 mais il a également évoqué cette possibilité d'envoyer des troupes au sol.
31:23 Cette question pose une question qui se pose presque depuis le début du conflit,
31:28 c'est celle de la co-belligérance, celle que vous évoquez également dans cet ouvrage.
31:32 Aujourd'hui, on a le sentiment finalement que ce grand sujet de la co-belligérance
31:36 est un jeu de dupe, c'est une grande hypocrisie,
31:39 hypocrisie que partagent aussi les Russes puisqu'ils n'ont pas envie d'une guerre totale.
31:43 – Bien sûr, les Russes n'ont absolument pas envie d'une guerre totale,
31:45 les Américains non plus, personne n'a envie que ça dérape,
31:48 donc je pense qu'on peut dire que le risque de conflit nucléaire,
31:51 tout le monde y a pensé dès le début et il a été clairement, je dirais,
31:55 discuté entre les deux parties pour que ce risque soit écarté,
31:58 même si de temps en temps les uns et les autres l'utilisent dans leur discours
32:02 et les médias en font des tonnes.
32:05 Maintenant effectivement, nous sommes concrètement des co-belligérants,
32:08 tous les pays de l'OTAN, tous les pays de l'Union Européenne
32:10 qui soutiennent l'Ukraine à ce niveau-là,
32:12 qui forment des Ukrainiens sur notre territoire, ce qui est notre cas,
32:15 qui leur donnent du matériel, des munitions,
32:17 qui ont imposé des sanctions vis-à-vis de Moscou,
32:19 qui interdisent les médias russes,
32:21 on ne peut pas dire qu'on n'est pas un co-belligérant.
32:23 Alors c'est terrible parce que, au sens propre, ce n'est pas notre guerre.
32:26 Quand je dis ça, il faut faire attention à deux choses,
32:29 c'est que dès qu'on évoque ça, les gens vont dire "oui mais c'est de la lâcheté".
32:32 Non, il y a des situations où pour défendre le pays, on doit se battre,
32:35 mais ce conflit ne nous concerne pas depuis le début.
32:38 Il faut rappeler que l'Ukraine était un État failli,
32:40 52 millions d'habitants en 1991 lors de l'indépendance,
32:44 43 millions au début du conflit.
32:46 C'est le seul exemple que nous ayons dans le monde occidental
32:49 d'un État qui perd 9 millions d'habitants sans connaître de situation de guerre
32:53 parce que c'était un pays qui était tellement criminel,
32:56 tellement corrompu que les habitants partent.
32:58 Aujourd'hui, on est probablement aux alentours de 30 millions d'habitants,
33:01 c'est-à-dire que ça a continué.
33:02 Juste quelques chiffres, nous cherchons à défendre l'Ukraine,
33:05 mais les Ukrainiens ne se défendent pas eux-mêmes comme ils le devraient.
33:08 Quand vous avez un pays de 43 millions d'habitants,
33:10 ce qui correspond à peu près à la population française en 1939,
33:13 nous avons en 1939, je crois 41 millions et demi à l'époque,
33:16 mobilisé 5,8 millions d'hommes face à une armée allemande
33:19 qui en avait presque le double, je crois que c'était 11 millions.
33:21 Qu'est-ce qui aurait empêché les Ukrainiens de mobiliser
33:24 5 ou 6 millions d'hommes en fonction de la pyramide des âges et de la démographie ?
33:28 Donc ça veut dire aujourd'hui qu'on est quand même dans une logique
33:31 où nos amis ukrainiens ne se battent pas autant qu'ils le devraient
33:34 et je crois que beaucoup d'entre nous, moi je vis en province
33:37 et je peux vous assurer qu'on voit des très belles voitures de luxe
33:39 avec des plaques ukrainiennes dans nos stations de ski, sur la côte d'Azur.
33:42 Donc il y a quand même un paradoxe qui fait sourire quand on voit ce qui se passe.
33:48 Il y a un deuxième élément, on l'évoquait à l'instant,
33:50 c'est l'instrumentalisation de la menace russe.
33:52 Alors depuis le début du conflit, on essaie de nous faire croire
33:55 que les Russes voulaient envahir l'Ukraine avec beaucoup de paradoxes,
33:59 d'ailleurs beaucoup aujourd'hui disent "non finalement, leur opération éclair a échoué".
34:03 Donc ça veut bien dire, encore une fois, peu importe qu'on soit d'accord ou pas,
34:06 que c'était une opération limitée, 60 000 hommes sur la première vague d'assaut,
34:10 entre 120 et 140 au total, c'est pas avec ça qu'on envahit un pays
34:14 qui est plus grand que la France et qui compte 40 millions d'habitants.
34:17 Et puis depuis quelques semaines maintenant, on vous dit
34:20 "il va y avoir un conflit avec la Russie à échéance de 2005-2008".
34:24 Tous les chiffres demandent cela.
34:26 La Russie compte 143 millions d'habitants,
34:28 risque de perdre encore 1 ou 2 millions d'habitants pendant 5 ans.
34:31 Ils ont un territoire immense à protéger, y compris contre la Chine,
34:35 il ne faut pas se faire d'illusions,
34:36 même si nous avons poussé les Russes dans les bras des Chinois,
34:39 ils se méfient quand même de leurs alliés,
34:40 notamment sur la Sibérie et ses ressources,
34:43 et sur l'immigration chinoise qui s'y trouve.
34:45 Ils ont aussi des frontières à protéger en Asie centrale
34:48 avec ce qui se passe au Tadjikistan, au Kazakhstan,
34:50 et bien sûr avec le Haut-Karabakh et l'Arménie.
34:53 Donc 140 millions d'habitants, nous sommes 450 millions en Europe.
34:57 Nous sommes, je ne crois pas loin de 900 millions,
34:59 si on met la totalité des pays de l'OTAN.
35:01 Donc vous voyez, le rapport de force est incroyablement disproportionné.
35:06 Et pareil en termes de forces armées.
35:07 L'armée russe a un peu plus d'un million d'hommes,
35:09 mais elle doit défendre des frontières plus importantes.
35:11 L'ensemble des pays de l'OTAN va tourner à 3 ou 4 millions d'hommes.
35:13 Je n'ai plus le chiffre immédiat en tête.
35:15 Donc là, très sincèrement, on nous désinforme, on nous ment.
35:18 On utilise ça pour nous faire peur.
35:20 Et même en termes de budget, le budget de la France et de l'Allemagne,
35:23 au début du conflit, était globalement,
35:25 le budget de défense était globalement équivalent au budget de la défense russe.
35:28 Aujourd'hui, le budget de la défense russe s'est accru,
35:30 mais les budgets français, anglais, britanniques…
35:32 – Enfin, j'allais dire à parité parce que…
35:34 – À parité, oui. Et les budgets de défense français, britanniques et américains,
35:37 aujourd'hui, à parité, équivalent au budget de la défense russe.
35:40 Donc, il ne s'agit pas de dire que Poutine est un homme respectable,
35:42 que tout va bien dans le milieu des mondes,
35:44 mais arrêtons de raconter des histoires quand les faits les démentent de manière extrêmement claire.
35:48 – Alors, vous avez évoqué tout à l'heure la question des sanctions
35:51 qui galopent et qui galopent toujours plus.
35:53 La semaine dernière, on en a parlé tout à l'heure,
35:56 je recevais à votre place Alain Juillet, l'ancien patron de la DGSE.
36:00 Je vous propose d'écouter tout de suite ce qu'il me disait.
36:03 – C'est les américains qui nous ont amené les sanctions,
36:05 qui en ont fait la liste et que nous, nous avons appliqué.
36:08 Bon, dans le même temps, qui fournit l'uranium aux centrales nucléaires américaines ?
36:14 Les russes ? Personne n'en parle ?
36:17 [Rires]
36:20 C'est bien la preuve, si vous voulez, qu'il y a deux poids, deux mesures.
36:23 – On peut imaginer que si c'était les centrales françaises
36:25 qui étaient fournies par les russes, ça aurait posé plus de problèmes.
36:27 – D'ailleurs, actuellement, ils veulent faire un vote aux États-Unis, au Congrès,
36:31 pour nous empêcher de travailler avec les russes
36:34 sur le recyclage de carburants nucléaires usés.
36:39 Ils sont en train de préparer une loi pour nous l'interdire,
36:42 alors qu'ils ne se gênent pas pour travailler directement avec les russes
36:45 en achetant du produit, du combustible nucléaire.
36:50 [Générique]
36:56 – Alors, petite correction, simplement Alain Juillet,
36:58 comme je le disais la semaine dernière, était patron du renseignement à la DGSE,
37:02 et pas patron de la DGSE.
37:04 Alors, Éric Dénessé, encore une fois, on a bien vu que les États-Unis
37:08 défendent leurs intérêts, mais poussent aussi à la roue les Européens
37:11 pour multiplier les sanctions, et on voit bien qu'il y a encore une fois
37:15 du double standard.
37:16 – Complètement, complètement.
37:18 Et c'est finalement dans la stratégie américaine autour de ce conflit,
37:21 la grande victoire des Américains, c'est d'avoir réussi à vassaliser l'Europe,
37:25 parce que l'une des rares choses pertinentes qu'avait dit Emmanuel Macron,
37:28 c'est qu'effectivement l'OTAN était en état de mort cérébrale,
37:31 et en faisant remonter cette menace russe, en déclenchant ce conflit,
37:34 ils ont réussi à resserrer les rangs de l'ensemble des pays
37:37 de l'Union Européenne et de l'OTAN autour d'eux.
37:39 Deuxième chose, ils ont réussi à couper le lien qui existait entre l'Allemagne
37:43 et la Russie, qui était leur préoccupation et leur crainte principale,
37:46 qu'un axe fort Moscou-Berlin, mais voire Paris-Moscou-Berlin existe,
37:52 et donc ça ils ont réussi à le déstructurer totalement,
37:55 et puis surtout, en nous forçant à imposer des sanctions de toute nature,
38:00 ils ont réussi à, non pas à affaiblir l'économie russe,
38:04 mais à affaiblir l'économie européenne, à nous rendre encore plus dépendants
38:07 dès lors, et puis surtout, eux, faire des bénéfices tout à fait substantiels,
38:11 je le disais, surtout dans le domaine énergétique,
38:14 grâce à leur exploitation de gaz et pétrole de schiste qu'ils nous vendent,
38:17 mais également sur la partie de l'armement, où ils relancent leurs industries,
38:22 parce qu'ils ont fait quelque chose de très astucieux.
38:25 On savait depuis quelques années que les Américains,
38:28 pour se préparer à un futur conflit avec la Chine dans une ou deux décennies,
38:32 avaient besoin de transformer totalement leur appareil militaire,
38:34 qui depuis 2001 était un appareil militaire orienté principalement
38:37 dans la lutte antiterroriste.
38:39 Donc il leur fallait du matériel lourd, et non pas le type de matériel léger qu'ils avaient.
38:43 Et pour ça, encore une fois, on retrouve tous les enjeux sont politiques,
38:47 le Pentagone avait besoin d'une situation qui lui permette de faire passer cela au Congrès.
38:51 Donc le fait de faire monter la tension avec la Russie,
38:53 je ne parle pas encore de la guerre, mais le fait de faire monter la tension avec la Russie
38:56 était un prétexte extrêmement favorable, qui leur permettait de dire,
38:59 "Vous voyez, si ça explose un jour avec la Russie, nous ne sommes pas dimensionnés pour faire face."
39:05 Donc jusqu'à un certain point, souvent les armées utilisent cet argument
39:10 en faisant monter la menace de l'adversaire pour réformer,
39:13 mais ce sont souvent les plus réticentes à ouvrir le combat,
39:15 parce que les généraux, les officiers et les sous-officiers
39:18 savent très bien ce que c'est que de perdre des hommes.
39:20 – Mais donc les États-majors jouent aussi un jeu dangereux.
39:23 – Voilà, ils jouent un jeu dangereux pour avoir les budgets,
39:25 mais ils sont souvent beaucoup plus mesurés que les politiques
39:27 quand il s'agit d'entrer en guerre pour avoir une bonne connaissance de leurs moyens.
39:31 Et donc on l'a bien vu, et les industriels généralement fonctionnent bien avec eux.
39:36 Et voilà, c'est ce qui s'est passé avant le conflit,
39:38 et finalement je dirais que c'est un des points sur lesquels
39:41 ce conflit a été tout à fait bénéfique pour les États-Unis.
39:44 Alors il y a d'autres choses, ils ont bien sûr la monnaie de référence
39:47 et la planche à billets, une économie qui est quand même plus flexible
39:50 et plus dynamique que l'économie européenne.
39:54 Mais en tout cas, ils tirent un certain nombre de marrons du feu de ce conflit.
39:59 – Comment expliquez-vous finalement qu'il n'y ait pas de pression
40:02 de la part des pays européens, si tant est qu'ils puissent faire pression,
40:05 comment on laisse ce double standard s'appliquer ?
40:08 Comment d'ailleurs les médias occidentaux, enfin les médias européens
40:11 ne disent rien et ne soulèvent pas ces questions qui sont pourtant totalement objectives ?
40:15 Il suffit de regarder.
40:16 – Je crois qu'il y a plusieurs choses.
40:18 Si je mets de côté les politiques un instant,
40:20 quand je pense aux journalistes voire même à certains universitaires,
40:23 personne n'étudie sérieusement les États-Unis.
40:25 Il y a quelques personnes bien sûr, mais...
40:28 Or depuis la fin de la guerre froide, nous avons monté, nous au CF2R,
40:31 une cellule qui ne travaille que sur les États-Unis,
40:33 comme nous travaillions pendant la guerre froide sur l'URSS,
40:37 en regardant tout ce que publiaient l'agence TASS, l'Égypte Vestia,
40:41 les communiqués du Parti, le Comité central du Parti communiste.
40:46 Depuis des années, nous travaillons sur tous les textes du département d'État,
40:49 du département du Commerce, alors bien sûr...
40:52 – C'est à considérer que vous, enfin vous estimez aujourd'hui
40:54 que les États-Unis sont un adversaire européen
40:56 de la même façon que l'URSS l'était pendant la guerre froide ?
40:59 – Non, sans cesse jusque-là, nous considérons qu'à partir du moment
41:01 où l'URSS est la seule puissante, on doit décrypter en permanence ce qu'ils font.
41:04 Et malheureusement, la guerre économique que les Américains nous livrent
41:07 depuis principalement le début des années 90,
41:10 montre que nous avons raison de regarder ça.
41:12 C'est ce qui nous a permis de détecter la préparation du conflit
41:15 et les raisons pour lesquelles les Américains ont poussé, je dirais, à cette situation.
41:20 À partir du moment où on regarde ça, on voit très bien quelle est la politique américaine.
41:23 Donc on arrive à la décrypter, on voit les blocages qui existent au Congrès
41:28 en termes budgétaires avec ce qu'on appelle les séquesters,
41:30 puisqu'il faut rappeler que le Congrès, ce que nous n'avons pas en France,
41:34 peut bloquer les budgets de l'administration, mais aussi les budgets militaires.
41:38 Et ces dernières années, sous Trump d'une part, mais surtout depuis que Biden a été élu,
41:42 la première année notamment, 2021, il s'est retrouvé avec des engagements de budget
41:47 qui ne dépassaient pas trois mois, parce qu'il était bloqué au Congrès.
41:50 – Et des menaces de shutdown dont on a beaucoup parlé.
41:53 – Et des menaces de shutdown. Donc le Patagone faisait savoir,
41:55 disons, on ne peut pas faire des engagements de dépense en munitions,
41:57 en matériel vis-à-vis de Boeing, de Gérard Électrique, de McDonnell.
42:00 – De Boeing d'ailleurs, ils auraient peut-être dû, parce que visiblement c'est…
42:03 – Voilà, mais donc à partir de ce moment-là, il fallait débloquer cette situation interne
42:06 en créant ou en favorisant une tension, voire une crise extérieure.
42:10 Ça, il ne faut pas l'oublier, le jeu se fait toujours à deux niveaux,
42:14 et c'est d'abord la politique intérieure américaine qui,
42:16 lorsqu'elle est en situation de blocage, les amène à trouver une substitution par une tension.
42:21 Alors, je ne dirai jamais qu'ils ont déclenché délibérément la guerre en cette manière,
42:25 mais l'attention, enfin, augmenter la tension avec la Russie
42:28 était quelque chose qui leur était favorable, et après les événements se sont enchaînés.
42:32 – Comment expliquez-vous que cette grille de lecture que vous nous expliquez
42:35 depuis votre arrivée à TV Liberté, soit si peu diffusée sur les grands médias européens ?
42:42 Est-ce que finalement, on ne pourrait pas considérer que s'il y a bien une guerre
42:45 que la Russie a déjà perdue, c'est celle de l'information ?
42:47 – Alors, je ne suis pas d'accord, parce que je crois que les Russes ont compris dès le début
42:51 qu'ils n'arriveraient pas à gagner la guerre de l'information en Occident.
42:54 Alors, bien sûr, ils font des tentatives de hacking, de circuler des mauvaises nouvelles,
42:59 mais je n'ai pas le sentiment, on en parlait avec l'équipe,
43:02 je crois qu'ils ont compris qu'ils n'avaient pas les moyens d'inverser le choc.
43:06 En revanche, quand on regarde leur politique de communication en interne
43:10 vis-à-vis de leur propre population, mais aussi vis-à-vis des pays du sud,
43:13 que ce soit au Maghreb, en Afrique noire, elle est beaucoup plus dynamique
43:16 et beaucoup plus active, et c'est pour ça qu'ils ont un soutien international
43:20 beaucoup plus fort qu'on ne l'imagine.
43:22 Mais inversement, nous, Occidentaux, nous n'avons pas gagné
43:25 la guerre de l'information en Russie.
43:27 On est finalement dans deux mondes qui vivent parallèlement,
43:30 et j'ai même envie de dire que certains journalistes qui me disent
43:34 "il y a de la désinformation russe", moi je leur dis "oui, parce que je la vois
43:37 quand je lis les médias russes, mais le public français ne le voit pas".
43:40 Et inversement, alors bien sûr, les Russes ont plus accès facilement
43:44 à nos grands médias occidentaux, mais on est sur deux domaines
43:49 qui sont finalement adjoints l'un à l'autre et qui ne se pénètrent pas beaucoup.
43:54 Et je dirais que malheureusement, c'est en France où on a finalement
43:58 le plus de matraquage médiatique dans un seul sens, parce que même
44:01 lorsque je regarde la presse américaine, ou parfois les grands journaux
44:04 sont vraiment des chambres de cohes du Pentagone et de la CIA,
44:07 mais dans d'autres cas, il y a vraiment des articles et des points de vue
44:10 très intéressants qui n'hésitent pas à remettre en cause certaines réalités,
44:13 ce que je ne vois absolument pas dans les médias en France.
44:15 Est-ce que c'est lié à la qualité des journalistes et de la formation
44:19 des jeunes journalistes ? Est-ce que c'est lié au type d'experts
44:22 que nous voyons sur les plateaux de télévision ?
44:24 Est-ce que c'est lié surtout à nos politiques et à ceux qui dirigent
44:28 les grands groupes de presse en France, qui font en sorte que ça aille
44:31 dans un sens ou dans l'autre ? Il y a sûrement un petit peu de tout ça,
44:34 mais il n'y a pas une raison qui explique tout, qui soit simple.
44:38 – En France, on entend beaucoup les membres de l'exécutif du gouvernement
44:42 agiter cette influence russe qui s'immisce un peu partout.
44:45 Je vous propose d'écouter quelqu'un que vous connaissez sans doute,
44:48 Nicolas Tenzer, qui était invité à une commission sénatoriale
44:51 sur les influences étrangères. On l'écoute.
44:53 – Vous avez la création d'officines ou de médias en ligne qui poussent
44:59 les récits favorables au Kremlin, ce qu'on appelle parfois
45:02 les médias dits de réinformation, mais en général la réinformation,
45:06 c'est l'information pro-russe, soyons parfaitement clairs.
45:08 Vous avez une presse complotiste comme France Soir,
45:11 vous avez des organismes aussi directement liés à la Russie,
45:14 le journal Omerta en particulier, un exemple, on ne comprend pas
45:18 comment ce journal n'est encore, quelle que soit la liberté d'expression,
45:22 soit encore disponible. Vous avez par exemple des officines
45:27 Géopragma dirigées par Madame Galakteros, ancienne conseillère politique
45:32 étrangère de M. Zemmour pendant la campagne électorale.
45:35 Vous avez le Centre français du redit du renseignement,
45:38 officine pro-russe bien connue, dirigée par un certain Éric Deneyssez.
45:43 Vous avez également parfois un certain nombre d'organismes aussi,
45:49 l'Observatoire franco-russe par exemple.
45:51 [Générique]
45:57 – Alors un observatoire pro-russe bien connu, c'est donc le CF2R,
46:00 vous étiez au courant ?
46:01 – Oui, oui, je remercie Nicolas de me faire autant de publicités,
46:04 nous nous connaissons depuis plus de 30 ans.
46:08 Au début on n'a pas voulu réagir à cela, je crois que,
46:12 pour ceux qui veulent regarder cette vidéo, ce qui est très drôle,
46:14 c'est qu'il est devant une commission du Sénat et sa réaction c'est de dire
46:18 "puisque nous sommes ici protégés par l'immunité, je vais dire un certain
46:21 nombre de choses", c'est-à-dire qu'il se doutait bien que s'il tenait
46:23 ce discours-là dans les médias, nous l'aurions attaqué pour diffamation.
46:27 Je pense que cet individu ne représente que lui,
46:30 moi il se trouve que nous nous connaissons depuis 30 ans,
46:32 nous avons même travaillé ensemble tout au début,
46:34 ce n'est pas un spécialiste des relations internationales,
46:36 c'est un garçon qui a été entrepreneur, qui a fait des choses intéressantes
46:40 à un moment donné, mais alors il est passé par l'Aspen Institute,
46:43 qui est quand même un des principaux instituts américains,
46:46 dont il a été lui-même le trésorier en France,
46:48 par une autre organisation politique qui suit les questions européennes.
46:53 – On l'a vu en photo à côté de Madeleine Albright.
46:56 – Oui, on l'a vu en photo, moi je connais un certain nombre
46:59 de ces relations personnelles en France, donc il a tout à fait le droit de le faire,
47:02 mais ne prenons pas, il n'exprime qu'un point de vue personnel, c'est très bien,
47:05 moi ce n'est pas ça, ce n'est pas tant lui qui me choque,
47:07 parce que c'est assez stupide.
47:08 – C'est quand même devant la représentation nationale.
47:10 – Oui voilà, mais c'est la réaction des sénateurs,
47:12 parce que nous nous sommes du coup rencontrés avec Caroline Galactéros
47:15 et l'équipe d'OMERTA, et nous avons, les uns et les autres,
47:20 fait des courriers au président de cette commission, à son secrétaire
47:24 et au site du Sénat pour demander un droit de réponse.
47:27 Le site du Sénat nous a répondu de façon tout à fait, à mon avis, normale,
47:31 qu'il ne faisait que diffuser les compte-rendus vidéo des commissions,
47:36 donc il n'avait pas à nous accorder en tant que tel un droit de réponse,
47:39 qui est tout à fait recevable, par contre, ni le président,
47:41 ni le secrétaire de cette commission n'ont dénié pour l'instant
47:44 à ne répondre à aucun d'entre nous trois, et ce que je trouve scandaleux,
47:47 c'est que des parlementaires, dont le rôle est d'étudier une crise,
47:51 évidemment, n'invitent que des personnes qui vont dans un sens.
47:54 Donc, soit ils sont totalement naïfs et stupides, soit ils sont totalement marqués.
47:58 Donc, nous attendons toujours la réponse, mais en tant que parlementaires,
48:03 inviter des gens qui ont travaillé à l'Aspen Institute,
48:06 autant inviter les représentants du département d'État,
48:09 ou de l'Institut républicain, ou du National Endowment for Democracy,
48:14 c'est du même niveau.
48:15 Donc, c'est pour ça que c'est assez pathétique, mais c'est ce que je disais tout à l'heure,
48:18 pour l'instant, les médias vont dans un seul sens.
48:20 Il y a une partialité sur ce conflit qui est terrible,
48:23 et finalement, dès qu'on n'est pas dans le mainstream médiatique,
48:26 on est d'horribles personnes qui sont pro-russes.
48:28 Voilà, moi je regrette, je n'ai pas encore reçu de chèque de Moscou,
48:32 ni de caisse de vodka, ni de boîte de caviar.
48:36 – Alors là, j'allais dire, c'est quelque chose, c'est grave, bien entendu,
48:39 parce que c'est de la diffamation, ni plus ni moins,
48:42 mais pour autant, il n'y a pas mort d'homme, j'allais dire.
48:46 On a d'autres choses qu'on a vues naître depuis le début du conflit en Ukraine,
48:51 des listes noires, le fameux site des "miros de Voret",
48:54 qu'on ne va même pas afficher à l'écran,
48:57 puisque on ne voit que des cadavres sur la page d'accueil.
49:00 Ces sites appellent ni plus ni moins au meurtre,
49:03 contre certains ennemis de l'Ukraine.
49:06 Certains de ces sites livrent des informations personnelles,
49:10 y compris sur des personnalités politiques de premier plan,
49:12 on pense à Marine Le Pen, on pense à Éric Zemmour et bien d'autres,
49:16 je crois qu'il y a Florent Philippot aussi sur d'autres.
49:19 – Comment on explique que les autorités françaises
49:22 ne s'intéressent pas à ce phénomène ?
49:25 – Alors, sur cette fameuse liste qui a été publiée
49:27 quelques mois après le début du conflit,
49:29 vous avez cité bien sûr beaucoup de politiques français qui s'y trouvaient,
49:32 je crois que les français étaient les plus nombreux,
49:33 mais il se trouve qu'Olivier Dujardin et moi étions sur cette liste aussi.
49:36 Et nous en sommes ouverts à la direction de la sécurité des Frances,
49:41 qui est chargée, entre guillemets, de nous protéger en tant qu'anciens militaires.
49:46 Alors je ne sais pas quelles ont été les suites,
49:48 parce que je n'ai pas fait grand cas de cela,
49:50 mais je sais qu'il y a eu des pressions d'un certain nombre de pays occidentaux
49:53 contre cette liste et en direction du gouvernement ukrainien,
49:55 parce qu'on y trouvait aussi bien des Allemands, des Italiens, des Belges,
49:59 tous ceux qui finalement s'opposaient au narratif diffusé par Kiev,
50:04 qui a quand même été largement un narratif mensonger sur les origines de la guerre,
50:08 mais ça s'inscrivait dans une vraie guerre de l'information.
50:11 Alors je ne pense pas que, je peux me tromper,
50:15 je ne crois pas qu'aucune des personnes citées sur cette liste ait trouvé la mort depuis.
50:19 C'est-à-dire qu'elles n'ont pas fait ce qui a été fait contre Dougin en Russie.
50:23 Donc je pense que des messages ont été passés et que d'ailleurs cette liste a disparu.
50:27 Mais effectivement c'était vraiment assez édifiant de voir ceci étant publié,
50:33 où le gouvernement ukrainien désignait les journalistes, les politiques, les experts,
50:37 qui finalement contestaient ces propos et les présentaient comme des ennemis de la cause ukrainienne,
50:43 sans dire nommément qu'il fallait les éliminer.
50:45 Mais voilà, si on lisait entre les lignes, on était en droit de se poser la question.
50:50 – Vous avez fait référence à l'assassinat de Daria Dougin, la fille d'Alexandre Dougin.
50:54 Là on peut considérer que c'était un attentat ?
50:56 – Oui c'est un attentat, c'est un acte terroriste.
50:58 Alors il y a toujours ce débat, à partir du moment où on est en guerre,
51:02 et c'est le cas des ukrainiens, donc ils sont en véritable guerre contre les russes,
51:06 éliminer les dirigeants adverses, est-ce que c'est du terrorisme ?
51:10 – Celui-là on ne parlait pas de dirigeants adverses, si je peux me permettre.
51:12 On parlait de la fille de quelqu'un qui était influent,
51:15 ou du moins qu'on considérait comme influent auprès de Vladimir Poutine.
51:19 – C'est vrai, mais c'était son père qui était d'abord visé,
51:21 Dougin, alors dont les relations avec Poutine sont beaucoup moins importantes
51:24 qu'on a essayé de nous faire croire, mais imaginons-nous en 1940-42,
51:28 alors que la France était envahie, et que nos services spéciaux de l'époque
51:32 décident d'éliminer des dignitaires du parti nazi,
51:34 qui sont des idéologues et pas nécessairement des chefs militaires,
51:37 on n'aurait pas trouvé ça très choquant.
51:39 – Ça ne se justifie en aucun cas, je suis obligé de faire attention,
51:42 la mort de Madame Douguina, parce que c'est effectivement scandaleux,
51:46 mais rappelons-nous que pour eux, ils sont en situation de guerre,
51:50 que les Russes le dénoncent c'est une chose,
51:52 c'est vrai qu'il y a eu beaucoup plus d'éliminations ciblées dans le Donbass,
51:57 c'est-à-dire que les services ukrainiens ont éliminé toute une série de maires,
52:00 d'hommes politiques, et inversement, les Russes l'ont fait,
52:02 donc là il faut se dire qu'on est dans un conflit et beaucoup de coups sont permis.
52:06 – Comment voyez-vous la suite de ce conflit justement ?
52:08 Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui, l'Occident petit à petit va reprendre pied
52:13 avec la raison et la réalité du terrain ?
52:16 Est-ce que finalement le sort de l'Ukraine dépend de l'élection américaine
52:20 et va donc se dénouer à l'hiver prochain ?
52:22 Comment voyez-vous les choses ?
52:24 – Alors d'abord je suis obligé de faire attention,
52:25 le renseignement n'est pas l'astrologie,
52:27 donc évoquons quelques pistes, quelques réflexions, mais en restant prudent.
52:32 D'abord je crois effectivement que l'année à venir avec les élections américaines
52:34 va être déterminante.
52:36 Je ne pense pas qu'on arrive à une solution avant ces élections-là
52:39 parce que tout le monde a intérêt à ce que ça reste figé
52:41 pour que ça n'influence pas le scrutin.
52:44 Mais il peut se passer des tas de choses.
52:46 Vous le disiez en commençant, moi je pense qu'il n'y a aucun doute là-dessus,
52:50 la Russie ne peut pas perdre cette guerre,
52:52 elle l'a quasiment gagnée, jusqu'à quel point ?
52:54 Est-ce qu'il va y avoir d'autres offensives ?
52:56 Est-ce que les Ukrainiens vont totalement s'écrouler ?
52:58 Les moyens que peuvent apporter les Occidentaux sont très très limités.
53:01 Aujourd'hui il faut le dire, on a un discours bien sûr très belliciste,
53:05 très belliciste du Président de la République,
53:08 en disant "il faut produire des munitions"
53:10 mais nous n'avons pas les chaînes pour produire des munitions.
53:12 Et aujourd'hui lorsqu'on dialogue avec les industriels,
53:15 ils nous disent "le gouvernement est bien gentil en nous demandant de produire
53:18 mais pour l'instant nous n'avons aucune commande".
53:20 Et puis avec un autre élément que les auditeurs doivent connaître,
53:23 c'est que c'est nous, c'est notre déficit, ce sont nos impôts
53:26 qui pour l'instant financent cela.
53:29 Les Ukrainiens, je ne sais pas à quel moment ils nous rembourseront,
53:32 leur économie est en tel déliquescence.
53:34 Donc là aussi la responsabilité du chef de l'État doit être questionnée.
53:37 Alors après qu'est-ce qui va se passer ?
53:40 Autant il y avait une stratégie très forte de la part des Américains
53:43 au début du conflit, piéger les Russes, les affaiblir,
53:46 autant les Russes étaient dans la réaction,
53:48 ils n'ont cessé depuis deux ans d'être dans la réaction,
53:50 donc leur but de guerre évolue de manière beaucoup plus circonstanciée,
53:54 ce qui ne veut pas dire qu'ils ont une stratégie,
53:56 leur stratégie c'est se défendre.
53:57 Mais ils n'avaient pas prévu d'envahir l'Ukraine en totalité,
53:59 ils n'ont absolument pas, en tout cas à mon sens, l'envie d'envahir l'Europe.
54:04 Donc il reste une zone grise qu'on ne mesure pas.
54:07 Est-ce qu'ils vont aller jusqu'à Kharkov et prendre cette province-là ?
54:10 Est-ce qu'ils vont aller jusqu'à Odessa ?
54:13 Voilà, quel va être le sujet des négociations ?
54:15 L'OTAN joue pour eux, et il joue contre les Ukrainiens.
54:19 Les Russes ont réussi, ils ne sont pas tout à fait en économie de guerre,
54:23 contrairement à ce que l'on dit.
54:24 C'est-à-dire que tout ce que l'on voit,
54:26 et moi je dialogue avec des gens qui rentrent de Moscou,
54:29 ils ont une industrie de guerre,
54:31 mais ils n'ont pas encore une économie de guerre au sens propre.
54:33 C'est-à-dire que les gens vivent encore assez normalement.
54:36 Donc ils ont une marge de progression,
54:38 mais eux aussi ont un intérêt à terminer le conflit.
54:40 Ils ne veulent que ça en réalité, ils ne veulent que ça pour eux.
54:43 Et ils voudraient arriver à une solution négociée en Ukraine.
54:49 Ce que les Ukrainiens d'une certaine manière voudraient aussi,
54:52 mais ce à quoi les Occidentaux s'opposent.
54:55 On l'a vu dès fin avril 2022,
54:58 lorsque les négociations étaient en passe d'aboutir à Ankara,
55:04 et que Naftali Bennett, l'ancien Premier ministre israélien,
55:07 jouait entre eaux le go-between,
55:09 et que Boris Johnson est venu interférer.
55:11 Et il y a eu, il y a quelque temps encore,
55:13 des dialogues dont la presse américaine s'est faite l'écho,
55:18 très très clair en disant,
55:20 les Américains cette fois disant aux Ukrainiens,
55:22 si vous négociez, on arrête tout.
55:25 Donc on se retrouve de manière assez symétrique,
55:29 en Ukraine comme en Israël, dans la même situation,
55:32 où le destin des dirigeants de ces deux pays,
55:35 le destin personnel, leur envie de ne pas être poursuivie en justice,
55:40 pour Netanyahou, de ne pas être éliminée par des plus radicaux,
55:43 côté Zelensky, va avoir un impact,
55:46 est déterminant pour l'issue du conflit.
55:49 Donc si Zelensky négociait entre les pressions américaines,
55:52 et peut-être la volonté de l'éliminer physiquement,
55:55 pourrait afficher un certain nombre d'éléments extrémistes ukrainiens,
55:59 ça a un impact énorme sur ces décisions,
56:02 de la même manière que les risques de poursuite en justice pour Netanyahou,
56:06 est un des éléments déterminants de son comportement dans le conflit avec Gaza.
56:10 – Pour autant, si Zelensky était éliminé par sa branche dure,
56:14 sans doute que les Américains diraient qu'il s'agit des Russes.
56:17 – Alors oui, ce genre de choses existera toujours,
56:21 donc on est en droit de penser qu'il y aura une guerre de l'information,
56:26 comme les Russes pourraient le faire d'ailleurs,
56:28 s'il était éliminé par des éléments d'extrême-date,
56:30 de dire "ce sont les services américains qui l'ont fait".
56:32 Ce sera difficile à déterminer, mais je ne suis pas certain,
56:36 moi ce qui m'intéresserait c'est de voir qui pourrait faire ça,
56:40 et quel impact ça aurait sur la structure de l'état-major des forces ukrainiennes,
56:45 dans les relations avec l'OTAN, donc tout ça on ne le mesure pas,
56:48 mais ce qui montre aussi que toute la stabilité est côté ukrainien.
56:51 On ne craint pas aujourd'hui un renversement de Poutine,
56:54 même s'il était renversé, l'état russe est structuré,
56:58 donc ça ne changerait probablement quasiment pas d'impact sur la politique russe.
57:02 Tandis que côté ukrainien, oui, on pourrait s'attendre à des revirements assez majeurs.
57:08 – Je vous remercie beaucoup Eric Dénessay d'être venu jusqu'à nous,
57:12 je vous rappelle le nom de cet ouvrage "La guerre russo-ukrainienne,
57:15 réalité et enseignement d'un conflit de haute intensité".
57:18 Bien entendu c'est disponible sur la boutique de TVL, sur TVL.fr.
57:22 Chers amis, j'espère que cette émission vous a plu,
57:25 j'espère d'ailleurs que vous allez la partager,
57:27 que vous allez inscrire juste en dessous vos commentaires auxquels je réponds,
57:30 je vous l'ai dit, et puis bien sûr pensez à cliquer sur le pouce en l'air
57:32 si ce n'est pas déjà fait, ça améliore le référencement,
57:35 et puis vous pouvez aussi en profiter pour vérifier si vous êtes toujours abonné
57:39 à la petite chaîne de TV Liberté sur YouTube,
57:41 parce que YouTube vous désabonne très fréquemment comme par magie.
57:45 Rendez-vous la semaine prochaine, à bientôt et portez-vous bien.
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