Délinquance des mineurs : «Sur les faits extrêmement graves, il faut une sanction très rapide», estime Béatrice Brugère

  • il y a 5 mois
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Béatrice Brugère, secrétaire générale d’Unité Magistrats FO et auteure de l’ouvrage "Justice : la colère qui monte" aux éditions de L'Observatoire, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils s'intéressent à l'augmentation de la délinquance des mineurs.
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Transcript
00:00 - Europain, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin la magistrate Béatrice Brugère.
00:04 - Bonjour Béatrice Brugère.
00:05 - Bonjour.
00:05 - Bienvenue sur Europe 1, vous êtes secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat Force Ouvrière.
00:09 Est-ce qu'il faut durcir la justice des mineurs ? Est-ce seulement possible ?
00:13 On en parle ce matin avec vous Béatrice Brugère, après toute cette série d'affaires de violence,
00:18 impliquant des adolescents, parfois très jeunes, jusqu'au meurtre.
00:21 On pense à celui de Philippe à Grande 5, massacré par des 14-15 ans.
00:25 On voit que les propositions fusent, notamment du côté de Gabriel Attal, on va en parler ensemble.
00:29 Mais peut-être une première question toute bête, est-ce qu'il y a urgence à changer la loi Béatrice Brugère ?
00:35 Je crois me souvenir qu'il y a eu une réforme de la justice des mineurs qui date de quoi ? Il n'y a même pas trois ans.
00:39 - Oui, c'est toujours étonnant et c'est assez classique maintenant, pour ne pas dire récurrent dans le ministère de la justice,
00:43 c'est qu'une loi à peine votée est déjà mise sur le grill en imaginant qu'elle n'est plus adaptée.
00:49 - Est-ce que c'est le cas ?
00:50 - Oui, c'est souvent le cas malheureusement, parce que les lois sont mal faites, mal pensées, mal ficelées,
00:55 mal dotées aussi en moyens, parce que derrière une loi il faut aussi des hommes et des femmes et des moyens.
01:01 Et notamment sur la justice des mineurs, c'est peut-être là où il y a une problématique très cruciale.
01:07 Pourquoi ? Parce que la moitié des mineurs délinquants sont aussi des mineurs qui sont pris en assistance éducative.
01:14 Or, aujourd'hui, le volet dont on ne parle pas qui est la justice mineure-assistance éducative est effondré.
01:21 On n'a pas les moyens.
01:23 - Comment ça s'est effondré ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
01:25 - Alors, c'est peut-être pas notre sujet, mais je vais le dire rapidement.
01:28 Vous savez qu'aujourd'hui on a une affluence de mineurs non accompagnés qui sont pris par les départements.
01:34 Or, c'est les départements qui pilotent en partie...
01:36 - Donc les MNAS, c'est-à-dire les mineurs étrangers sans leurs parents.
01:38 - Oui, qui pilotent aussi en partie l'assistance éducative.
01:42 Et aujourd'hui on a un système de saturation.
01:45 C'est-à-dire qu'aujourd'hui il n'y a plus de place, les départements n'ont plus de place.
01:48 - Les mineurs étrangers accaparent les moyens qui pourraient aller ailleurs.
01:51 - Mais en tout cas, ça renforce la faiblesse, si je puis dire, pour les mineurs sur la protection.
02:00 Et on a aussi une grande difficulté sur l'organisation de la protection de l'enfance, c'est un autre sujet.
02:05 Mais c'est un sujet qui n'est pas totalement anodin puisqu'on voit qu'un mineur sur deux qui est délinquant
02:11 est aussi un mineur qui est pris en charge, ou qui devrait être pris en charge.
02:15 Ce ne serait plus juste.
02:16 - J'aimerais que vous aidiez les auditeurs d'Europe 1 à évaluer bien la situation.
02:20 Parce que je vous avoue, hier j'étais un peu étonné d'entendre Laurent Nunez, le préfet de police de Paris,
02:25 nous livrer des données sur la délinquance des mineurs.
02:28 Il dit que la part des mineurs dans la délinquance en général est stable, voire en baisse.
02:33 Alors, il cite la région parisienne, mais je crois qu'on veut savoir qu'il y a des données du ministère de la Justice
02:37 qui confirment cette tendance plutôt baissière.
02:40 Il nous dit que les mineurs, finalement, c'était 13% des mis en cause en 2023.
02:44 Bon, circuler, il n'y a rien à voir d'une certaine manière.
02:47 On se ferait des idées, Béatrice Bougère.
02:48 - Sans vouloir contredire le préfet de police, qui est quelqu'un de très important,
02:51 ce n'est pas tout à fait juste.
02:52 Parce qu'en réalité, il faut regarder la courbe très longue.
02:55 Si on regarde depuis 30 ans, la hausse est significative.
02:59 On est quasiment au double des mineurs mis en cause.
03:02 En effet, si on regarde sur une toute petite période 2019-2021, c'est stable.
03:06 Sauf que, moi, je renvoie sur un rapport qui a été fait par le Sénat en 2022,
03:12 qui est très intéressant, qui dit en deux très rapidement,
03:15 1) les statistiques ne sont pas fiables,
03:17 2) elles sont sous-investies par le ministère de la Justice,
03:21 donc elles sont partiales et donc fausses,
03:23 3) on n'arrive pas à comprendre, parce que justement,
03:26 le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur
03:29 n'ont pas les mêmes statistiques, déjà, pour commencer,
03:31 et elles ne sont ni à jour, ni fiables.
03:35 Ce qui veut dire qu'en fait, ce que l'on sait aujourd'hui, surtout,
03:38 c'est qu'il y a une mutation, et ça c'est beaucoup plus important,
03:40 dans la forme de délinquance des mineurs.
03:43 Deux mots, 1) ils sont de plus en plus jeunes sur des faits ultra-violents,
03:47 2) c'est lié... - Alors ça, Lauren Hunaise l'a précisé en disant
03:49 "il n'y a peut-être pas plus d'actes, mais en revanche,
03:52 on trouve des enfants de plus en plus jeunes..."
03:54 - Parce que c'est pas parce qu'on les poursuit moins,
03:56 ou qu'on les condamne moins, qu'il n'y a pas plus d'actes.
03:58 Il y a aussi, il faut le savoir,
04:00 un mineur sur deux qui bénéficie d'une alternative aux poursuites.
04:04 Voilà, je ferme la parenthèse.
04:05 Donc tout ça devrait être regardé de très très près,
04:08 or c'est sous-investi par le ministère,
04:10 donc avant de vouloir réformer ou de tirer des conclusions,
04:13 faut-il encore avoir une cartographie fiable,
04:15 or ce n'est pas le cas.
04:16 Mais ce qu'on sait, c'est que par exemple,
04:18 il y a beaucoup de surreprésentations d'une forme de délinquance
04:22 dans les atteintes aux personnes, moins que les atteintes aux biens,
04:25 le narcotrafic est de plus en plus jeune,
04:27 et surtout, ce dont personne ne parle,
04:29 une surreprésentation très inquiétante
04:32 d'agressions sexuelles de mineurs sur mineurs,
04:35 en explosion,
04:36 dont des mineurs extrêmement jeunes,
04:38 c'est-à-dire moins de 13 ans.
04:39 Et ça, si on regarde les chiffres, ça fait extrêmement peur.
04:42 - Et des couteaux dans de plus en plus de dossiers,
04:44 ça tous les magistrats le disent.
04:46 Alors, il se trouve que Gabriel Attal,
04:47 parmi ses propositions jeudi dernier,
04:49 a annoncé vouloir remettre en cause le principe
04:51 d'une peine réduite de moitié
04:53 pour les adolescents de plus de 13 ans par rapport aux adultes.
04:56 C'est cette excuse de minorité
04:58 qui fait qu'on divise par deux en moyenne les peines
04:59 et on fait échapper aux mineurs à tout un tas de choses,
05:01 notamment les garde-à-vue avant l'âge de 13 ans, etc.
05:04 Est-ce que c'est ce qu'il faut faire aujourd'hui ?
05:06 Parce que quand on regarde dans le détail,
05:08 c'est vrai qu'on est un peu étonné,
05:09 on a l'impression qu'en dessous de l'âge de 16 ans,
05:12 pour faire simple, on est exempté de justice,
05:15 on est exempté de sanctions.
05:16 - Alors, ce n'est pas tout à fait ça,
05:17 mais disons que notre système veut privilégier
05:20 les sanctions éducatives.
05:22 En dessous de 13 ans, il n'y a pas de sanctions pénales,
05:24 ce ne sont que des sanctions éducatives.
05:26 - Or, vous nous avez dit que le système éducatif,
05:27 en l'occurrence, il est à bout de souffle.
05:30 - Oui, alors ce n'est pas tout à fait pareil.
05:31 Là, c'est la protection des mineurs,
05:33 mais c'est deux choses différentes.
05:35 Mais les sanctions éducatives aussi,
05:37 il faudrait les évaluer en réalité.
05:39 Notre difficulté aujourd'hui,
05:40 c'est qu'on n'a pas d'évaluation,
05:43 on n'a pas de cartographie,
05:44 donc tout le monde navigue un peu comme ça.
05:46 Donc c'est le fait divers qui, j'allais dire,
05:49 donne le baromètre.
05:50 Or, le fait divers, il n'est pas anodin,
05:52 parce qu'il dit aussi beaucoup de choses.
05:53 Moi, ce que je pense, c'est qu'en effet,
05:55 il faut revoir l'excuse de minorité,
05:57 c'est-à-dire qu'au lieu d'être la règle,
05:58 elle pourrait peut-être, pour les 16-17 ans,
06:02 devenir l'exception.
06:03 - C'est ce que propose Gabriel Attal.
06:04 - Mais je pense que c'est une très bonne mesure,
06:06 c'est-à-dire que ça permet d'avoir une visibilité
06:09 et puis une adaptation plus précise
06:12 par rapport à des faits de délinquance très graves.
06:13 Je pense aussi,
06:14 parce que c'est une de nos propositions,
06:16 qu'il faut tirer les leçons des émeutes
06:18 où on s'est aperçu qu'il y avait 30%
06:20 de jeunes extrêmement violents
06:22 sur lesquels il n'y a pas de possibilité
06:24 de comparution immédiate.
06:25 Or, la difficulté de la justice des mineurs,
06:28 c'est un temps trop long dans la réponse,
06:30 et parfois une réponse inadaptée.
06:32 - Par exemple, entre 16 et 18 ans,
06:33 il n'y a pas de comparution immédiate.
06:35 - C'est impossible, la loi ne le prévoit pas.
06:36 - Il faut y revenir là-dessus.
06:38 - Je pense que c'est un débat qui doit être ouvert
06:39 et qui est intéressant,
06:40 et je vois que Gabriel Attal l'a ouvert.
06:42 En tout cas, nous, on est favorables.
06:43 - Alors, dernière question.
06:45 Votre syndicat est très favorable à l'idée,
06:47 et vous n'êtes pas seul d'ailleurs,
06:48 à cette idée qu'il faut aller vers des sanctions,
06:52 même très courtes, même très brèves,
06:54 mais il faut marquer le coup.
06:55 Chose qu'on ne fait pas.
06:56 Alors, le ministère de la Justice nous dit
06:57 "Oui, mais attendez, les délais de traitement judiciaire
07:00 pour les mineurs,
07:01 ils sont passés de 15 mois à 9 mois,
07:03 bon ce serait beaucoup mieux,
07:04 c'est sans doute très insuffisant,
07:05 mais quand vous dites des sanctions très brèves
07:08 et qui arrivent très tôt dans le temps...
07:10 - Alors, j'essaie d'être très brève également.
07:11 En vérité, on voit encore que les statistiques,
07:13 on en fait un peu ce que l'on veut.
07:15 En fait, on a fait une césure.
07:16 C'est-à-dire que oui,
07:17 on a raccourci le temps de la culpabilité,
07:19 c'est-à-dire que l'audience de culpabilité est plus courte,
07:22 mais l'audience de la peine,
07:23 c'est-à-dire de la sanction,
07:24 n'est pas plus courte,
07:25 mais elle est voire plus longue.
07:26 Donc, vous voyez, on joue sur les mots.
07:28 Moi, je pense qu'en fait, ça n'a pas de sens
07:30 quand un mineur sur deux est jugé après sa majorité.
07:33 Voilà, ça c'est une autre aussi vision que l'on peut voir.
07:36 Donc, est-ce que ça a du sens d'être jugé
07:39 quand on est majeur et qu'on a fait des faits mineurs ?
07:41 Je ne crois pas.
07:42 Je pense que sur les faits extrêmement graves,
07:45 il faut une sanction extrêmement rapide
07:47 parce que ça, c'est de la pédagogie.
07:48 On voit quand même qu'on a aussi une frange de mineurs
07:51 très violente qu'il faut stopper dans les actes de délinquance.
07:53 J'ajoute aussi que le taux de récidive
07:55 est très important chez les mineurs,
07:57 donc c'est un échec.
07:58 Donc, il faut se remettre en question
07:59 et les peines ultra courtes,
08:01 c'est-à-dire entre 7 et 14 jours,
08:03 pourraient être une solution adaptée
08:05 à cette petite délinquance
08:06 qui terrorise la majorité des mineurs
08:09 car n'oublions jamais que les victimes des mineurs
08:11 sont des mineurs.
08:12 Merci beaucoup, Béatrice Brugère,
08:14 d'être venue nous voir ce matin au micro d'Europe 1.
08:16 Je rappelle que vous êtes la secrétaire générale
08:19 du syndicat Unité Magistrat Force Ouvrière.

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