• il y a 6 mois
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Béatrice Brugère, magistrate à la tête du syndicat unité magistrats SNM-FO et auteure de "Justice : la colère qui monte" aux éditions de l’Observatoire, répond aux questions de Sonia Mabrouk au sujet de la multiplication des actes d’ultra-violence et de barbarie, des mesures d’intérêt éducatif pour les mineurs de 13 à 16 an sur le modèle des travaux d’intérêt général pour les majeurs et de la possibilité de réinsertion pour tous.

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Transcription
00:00Bienvenue et bonjour Béatrice Brugère.
00:05Bonjour, merci de votre invitation.
00:07Et merci de votre présence.
00:08Vous êtes magistrate, secrétaire générale du syndicat Unité Magistrat FO
00:12et vous êtes l'auteur d'un livre remarqué au titre sans doute révélateur de la situation qui est la nôtre,
00:17la colère monte aux éditions de l'Observatoire.
00:19Il y a quelques semaines, Béatrice Brugère, nous parlions ici même de Philippe
00:23battu à mort en Grande-Synthe par des adolescents de 14 et de 15 ans.
00:27Depuis quelques jours, c'est Matisse, malheureusement,
00:29poignardé par un mineur du même âge qui fait tragiquement la une de l'actualité.
00:33Ces faits de société s'enchaînent aujourd'hui au-delà des statistiques et des chiffres.
00:37Est-ce que déjà, du haut de votre expérience et de votre carrière,
00:40vous avez déjà connu, non pas tant dans la répétition des faits,
00:45plutôt que dans leur intensité, un tel enchaînement ?
00:48Alors oui, votre question est intéressante parce qu'en fait,
00:51les chiffres ne disent pas grand-chose sur l'augmentation de la violence.
00:57C'est surtout l'intensité qui est intéressante.
00:59C'est-à-dire que ce que l'on constate, c'est qu'on a des faits de plus en plus graves
01:03commis par des gens de plus en plus jeunes et souvent avec des actes quasi de barbarie
01:08et surtout une absence totale d'empathie.
01:11Donc ça, c'est assez marquant parce que c'est vrai que sur l'augmentation des violences,
01:18on voit aussi un changement majeur.
01:20C'est-à-dire qu'on a de plus en plus de gens qui sont incarcérés,
01:24non pas pour des atteintes aux biens, mais pour des atteintes aux personnes.
01:28Donc on voit très bien que là, on est sur un changement
01:31sur la nature de la violence et sur la nature de la délinquance
01:35qui doit interroger de toute façon notre société dans sa globalité.
01:39Et j'allais dire, dans ce cas-là de plus sacré,
01:41si je peux dire, quand vous avez dit manque d'empathie,
01:43le pédopsychiatre Maurice Berger, à propos de ces très jeunes
01:46capables d'ultra-violence, voire de barbarie, vous l'avez dit,
01:49décrit une atrophie presque d'absence totale d'empathie.
01:52C'est comme si l'autre n'était plus humain.
01:54Est-ce que vous diriez ça aussi, Hébert?
01:56Oui, c'est intéressant parce que lui, il approche d'un médecin
01:59et il décrit très bien comment justement le cerveau fonctionne
02:03et comment on peut justement, j'allais dire, atrophier une partie de son cerveau
02:08parce que c'est le rapport déjà à la compréhension, à l'éducation,
02:13mais c'est aussi le rapport à la langue,
02:16c'est-à-dire quand on ne maîtrise pas la parole, il reste les coups.
02:20Quand on ne sait pas parler, il reste la violence.
02:23Et donc on voit très bien qu'un enfant qui n'a pas eu un développement non plus
02:27ou en tout cas qui était lui-même aussi victime de violences
02:29ou qui n'a pas eu un développement neurobiologique dans un environnement affectif,
02:34on crée déjà, d'une certaine façon, les conditions d'une violence.
02:39Je ne dis pas que tout le monde est conditionné pour être violent,
02:41mais en tout cas on ne l'aide pas à pouvoir développer ce qu'on appelle la parole
02:46qui justement stoppe la violence.
02:48Absence totale d'empathie, ça veut dire déchaînement parfois de barbarie,
02:52mais alors dans de telles conditions, je ne vais pas être caricatural,
02:55il y a sans doute beaucoup de solutions qui seront apportées
02:57ou de premières pistes du gouvernement,
02:59mais une circulaire qui prévoit des mesures d'intérêt éducatif
03:02pour des minaires de 13 à 16 ans,
03:04sur le modèle un petit peu des travaux d'intérêt général pour les majeurs,
03:08tel qu'elle a été annoncée par le garde des Souillards,
03:10dit-il pour endiguer la violence.
03:13Est-ce que ça vous paraît être un bouclier aujourd'hui face à ce que vous venez de décrire ?
03:17Non, ce n'est pas du tout un bouclier, mais on voit très bien
03:19qu'on est dans l'urgence de trouver des solutions et de faire des annonces.
03:23Ce qui est important aujourd'hui, et le Sénat d'ailleurs l'a dit,
03:25mais il n'y a pas que le Sénat,
03:26c'est qu'il faut réinvestir intellectuellement ce champ-là.
03:29C'est-à-dire qu'il faut arrêter de sortir des recettes
03:31ou d'avoir des idées simplices ou réductionnistes sur les causes de la violence.
03:36Elles sont complexes, elles sont multiples,
03:38et elles sont toujours celles d'un parcours individuel.
03:40Mais ça ne nous autorise pas à ne pas travailler non plus sur ce que la société produit,
03:47sur le délitement sociétal, sur ce qu'est une cellule familiale,
03:52comment aider une cellule familiale sur la place de l'éducation,
03:54sur la place des réseaux, sur la place de la pornographie, etc.
03:59Mais le ministère de la Justice, et ce n'est pas du fait de ce ministre-là,
04:04c'est depuis des années, n'a pas investi le champ intellectuel
04:08pour comprendre ce qui se passe.
04:09Donc, conclusion...
04:11Il n'a pas investi quand même.
04:13C'est ce que dit le Sénat.
04:14Oui, d'accord.
04:15Dans le fameux rapport qui est extrêmement détaillé.
04:17Extrêmement, qui est un rapport d'octobre 2021
04:19sur la prévention de la délinquance.
04:20Ils disent non seulement les chiffres, les statistiques ne sont pas fiables,
04:24c'est une photographie partielle, voire partielle.
04:26Ça, c'est déjà un problème.
04:28C'est-à-dire que ceux qui s'appuient sur les chiffres pour dire
04:30non, regardez, ça n'augmente pas,
04:32ou oui, ça augmente.
04:33En fait, ces chiffres ne sont pas fiables.
04:35Ce sont de vagues indicateurs.
04:37Ils ne sont pas complets.
04:38Donc, ça ne suffit pas.
04:40Et en plus, intellectuellement, on ne fait pas d'évaluation
04:43des politiques publiques.
04:44On légifère à l'aveugle.
04:45On vient encore de réformer, il y a à peine deux ans,
04:49le Code de justice des mineurs.
04:51En deux temps.
04:52Et en plus, on n'arrête pas de le réformer.
04:54Donc, on légifère à l'aveugle.
04:56Il n'y a pas d'analyse criminelle.
04:58C'est important, ce que vous dites.
04:59Pour répondre à un problème, si on n'a pas la bonne base,
05:02si on n'a pas le bon diagnostic, c'est un sujet, quand même.
05:05Nous, on a tiré la sonnette d'alarme.
05:06Le problème de la justice des mineurs,
05:08particulièrement de la justice des mineurs,
05:10c'est qu'on est sur des totems et des tabous en permanence.
05:14C'est-à-dire qu'il y a des idées toutes faites,
05:16il y a des espèces de tabous, de dénis,
05:19et on a l'impression qu'il faut toujours faire la même chose.
05:22Or, faire toujours la même chose produit
05:24ce que l'on constate aujourd'hui,
05:25c'est-à-dire une délinquance des mineurs
05:27qui est de plus en plus violente, qu'on n'arrive pas à stopper,
05:30des juges des enfants qui sont débordés.
05:32Et en plus, on a légiféré,
05:34en tout cas, c'est ce que nous pensons dans notre syndicat,
05:36à contre-temps et à contre-sens.
05:38Avec la fameuse justice à deux temps, c'est bien ça.
05:40C'est ce que dit d'ailleurs notre consultant et ancien magistrat,
05:43Georges Fenech.
05:44Il parle quand même d'une justice contre-productive.
05:47Oui, parce qu'en fait, la construction d'un mineur
05:50a quelque chose d'encore plus important
05:53dans la construction de l'interdit.
05:55L'interdit, c'est qu'il faut,
05:56et c'est ce que dit encore le pédopsychiatre Maurice Berger,
05:59qu'il rencontre la réalité de la sanction.
06:01Les paroles n'ont aucune importance.
06:03On est, par exemple, sur aussi un présupposé
06:05que la première fois, c'est gratuit.
06:06Vous savez, ce qu'on appelle une forme de sursis
06:08qui fout une progressivité.
06:09Il dit non, c'est faux.
06:10Si les faits sont très graves, au contraire,
06:12le mineur a besoin de ce qu'il appelle la butée.
06:14La butée, c'est la rencontre physique
06:16avec une vraie sanction.
06:17Donc, c'est pour ça que nous, on dit
06:19que toutes les mesures qui ont été prises
06:23sont contre-productives.
06:24Parce qu'on a coupé en deux.
06:26En fait, c'est quoi la césure ?
06:28C'est qu'on a fait deux audiences au lieu d'une audience.
06:31Donc, on dit plus vite, vous êtes coupable,
06:33mais on attend plus longtemps la sanction.
06:35Et donc, ça ne va pas.
06:36Parce qu'un mineur, un an,
06:38déjà, un an, c'est passé depuis très longtemps,
06:41il ne comprend pas,
06:42et on confond le temps judiciaire et le temps éducatif.
06:46Béatrice Brugère, vous avez parlé de totem et de tabou,
06:51aussi une forme de déni, parlons-en.
06:53Qui sont ces mineurs et comment expliquer
06:55ces nouvelles formes de violences ?
06:56Y a-t-il aussi un aspect culturel qui est mis de côté ?
07:01Quand on sait, par exemple, que cette famille afghane,
07:04dont le fils est donc suspect dans le meurtre de Mathis,
07:07est décrite dans notre micro,
07:09et par l'entourage, par le quartier,
07:11comme étant extrêmement violente aujourd'hui.
07:13Est-ce qu'il y a aussi une forme de déni
07:15à ne pas tenir compte d'un aspect culturel
07:17contre lequel il faudrait d'ailleurs lutter
07:19par l'intégration, l'assimilation ?
07:21On ne peut pas lutter contre des choses
07:23qu'on ne comprend pas ou que l'on ignore.
07:25Encore aujourd'hui, on ne le comprend pas ?
07:26Mais on l'ignore.
07:27C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'études, il n'y a rien.
07:29On ne fait pas ça.
07:30Le seul qui, à peu près, ou en tout cas,
07:32mit le point sur ce que vous êtes en train de dire,
07:34c'est-à-dire des pratiques, des rapports à la violence
07:38qui sont différents,
07:39homme-égalité, égalité homme-femme exactement,
07:43ou des familles monoparentales
07:45où il n'y a pas de figure paternelle,
07:47ou des exportations de violences
07:50dans la manière de sanctionner,
07:52ou des expositions à la violence, etc.,
07:54ou tout simplement une déstructuration
07:56de certaines familles.
07:57Tout ça est totalement dans le déni.
07:59Et si on n'est pas prêt à regarder les choses
08:02comme elles sont,
08:03à ce moment-là, on ne pourra pas y répondre.
08:05Bien évidemment qu'il y a des spécificités
08:07qui sont très intéressantes.
08:09Encore une fois, Maurice Berger
08:11le raconte dans son livre
08:13sur justement la violence des mineurs,
08:15sur cette extrême violence
08:17qu'il faut comprendre.
08:18Et si on ne la comprend pas,
08:19on ne pourra pas la combattre.
08:20Ce qui est incroyable,
08:21ce n'est pas une question politique,
08:23mais c'est plus que de la politique.
08:24C'est très important.
08:25Il en va quand même presque
08:27du non-assistance à mineurs en danger.
08:29Quand le Premier ministre dit
08:30qu'il faut s'attaquer aux racines
08:33de cette violence,
08:34alors si on ne la connaît pas ?
08:35Oui, et quand vous parlez de non-assistance
08:37à mineurs en danger,
08:38c'est très intéressant
08:39parce qu'on ne peut pas non plus
08:41comprendre la violence du mineur d'un linquan
08:44sans mettre en parallèle
08:45l'affaissement aujourd'hui
08:46de la protection des mineurs
08:48sur les mineurs en danger.
08:50C'est-à-dire qu'une des causes majeures
08:54de la violence des mineurs,
08:55c'est des mineurs qui sont maltraités.
08:57La maltraitance peut être extrêmement large.
08:59Et là, vous savez qu'aujourd'hui,
09:01les juges des enfants
09:02n'ont plus les moyens,
09:03les départements n'ont plus les moyens
09:05pour faire tous ces placements.
09:07C'est un sujet extrêmement important.
09:09Donc là, on a des dysfonctionnements
09:11systémiques qui sont majeurs.
09:14On a un deuxième problème
09:15qui est la déscolarisation.
09:17Et là, ça interroge quand même
09:19ce que notre éducation nationale
09:20est capable de faire ou de ne plus faire.
09:22On a le problème de la prévention
09:24des addictions avec un taux
09:26de consommation de cannabis
09:28qui est extrêmement important,
09:29qui à la fois joue sur la santé mentale,
09:32sur la déscolarisation,
09:34sur le trafic de stupéfiants
09:35et sur la violence.
09:36Il n'y a à chaque fois
09:37que des questions de moyens.
09:38Est-ce qu'il n'y a pas aussi
09:39un prisme idéologique parfois
09:41à se dire c'est un mineur,
09:43pas de passage évidemment
09:45par la case prison,
09:47pas de comparution immédiate ?
09:49Est-ce qu'il faudrait
09:50changer totalement ce logiciel ?
09:51Oui, mais complètement.
09:52Par exemple, on a des totems.
09:53Il ne faut jamais, quasiment,
09:55pas incarcérer un mineur.
09:56Pourquoi ?
09:57On est contre les ultra-courtes pertes.
09:59Je pense qu'au contraire,
10:01il faut tout de suite stopper
10:02les parcours de délinquance.
10:04On est en train d'opposer
10:06l'éducatif et le répressif
10:08sur une espèce de partition
10:10complètement solide, idéologique.
10:12Si vous êtes répressif,
10:16ça veut dire que vous êtes autoritaire.
10:18Si vous êtes gentil,
10:19vous n'êtes que sur l'éducatif.
10:21On a un problème aussi
10:22parce qu'on a un trou noir
10:23sur les mineurs de moins de 13 ans.
10:25Or, aujourd'hui, on s'aperçoit
10:26que la délinquance
10:27est de plus en plus jeune.
10:28Or, un mineur qui a moins de 13 ans
10:30ne peut absolument pas
10:32être sanctionné, etc.
10:35On a désarmé aussi
10:37la capacité des parents
10:38à sanctionner.
10:39On a désarmé la capacité
10:41des professeurs
10:42à faire régner l'ordre.
10:44Regardez sur l'espace...
10:45Vous avez désarmé.
10:46C'est un désarmement
10:47que vous décrivez,
10:48parce qu'il est vrai
10:49que s'il n'y a aucun territoire
10:50qui n'est plus épargné
10:51ou sanctuarisé,
10:52l'école ne l'est plus du tout.
10:53Et malheureusement,
10:54quand on dit école,
10:55sanctuaire,
10:56ça, c'est du passé.
10:57Oui, et regardez, par exemple,
10:59même sur la voie publique,
11:01la difficulté des policiers
11:02à faire régner l'ordre public.
11:05Regardez la problématique
11:06des bailleurs sociaux
11:07à faire régner...
11:08C'est le vaste sujet de l'autorité.
11:10C'est la question de l'autorité.
11:11C'est la question de l'autorité.
11:12Mais comment on la décrète ?
11:13Ça, c'est autre chose.
11:14L'autorité,
11:15ce n'est pas l'autoritarisme, déjà.
11:17L'autorité, c'est l'exemplarité,
11:18c'est la légitimité de votre action
11:20et c'est l'efficacité.
11:22C'est-à-dire que ce n'est pas
11:23que la parole.
11:24Or, aujourd'hui,
11:25le discrédit de la parole publique
11:27est la crise de l'autorité.
11:29Parce qu'à force de dire
11:30qu'il faut faire
11:31et ne pas donner les moyens
11:32ou les outils pertinents
11:33pour agir,
11:34et ce n'est pas que
11:35des moyens financiers,
11:36c'est des moyens intellectuels,
11:38c'est la capacité de sanctionner,
11:41etc.
11:42Les lois sont,
11:43je veux dire,
11:44notre code pénal est plutôt,
11:45et même il est bien fait,
11:46être responsable.
11:47J'en reviens par exemple
11:48à l'affaire Matisse.
11:49Comment veut-on
11:50que les Français comprennent,
11:51et je fais référence d'ailleurs
11:52au titre de votre livre,
11:53la colère montre
11:54que ce mineur d'origine afghane
11:55qui est connu des services de police
11:56pour des faits de vols aggravés
11:58n'est pas été davantage sanctionné
12:02et n'est pas passé
12:03par même une case prison ?
12:05Eh bien voilà,
12:06quand je dis qu'on a réformé
12:07à contretemps et à contresens,
12:09il est étonnant
12:10que sous le même,
12:11j'allais dire,
12:12la même présidence,
12:13c'est-à-dire Emmanuel Macron,
12:14on vient de voter un code
12:16qui empêche de plus en plus
12:18de mettre en détention,
12:20qui retarde en vrai
12:21l'application de la sanction,
12:24pas de la culpabilité,
12:25mais de la sanction,
12:26et qui a supprimé la possibilité
12:28de faire des audiences rapides.
12:30Alors vous ne décrivez
12:31des pompiers pyromanes ?
12:32Exactement.
12:33Et là, vous avez un Premier ministre,
12:34et il a raison de le dire,
12:35qui reprend ce que nous,
12:37on avait déjà proposé
12:38au moment du vote de la loi,
12:39à savoir regarder de près
12:42l'excuse de minorité
12:43pour les 16-18 ans,
12:45faire des comparaisons immédiates
12:47si nécessaire pour des faits
12:48extrêmement graves
12:49pour les 16-18 ans,
12:50or on vient de voter
12:51exactement l'inverse.
12:52Donc c'est vrai
12:53qu'il y a une incohérence,
12:54mais c'est une incohérence
12:55qui n'est pas propre
12:56à la justice des mineurs,
12:57qui est propre
12:58à la justice tout court.
12:59D'accord,
13:00mais avec une urgence quand même,
13:01là, avec cet enchaînement
13:02qui laisse...
13:03Ce que vous nous dites,
13:04c'est-à-dire qu'on a fait
13:05exactement l'inverse
13:06de ce qu'on aurait dû faire.
13:07En fait, il faut revoir
13:08tout le logiciel
13:09de l'exécution des peines,
13:10et ce n'est pas simplement
13:11pour les mineurs,
13:12c'est pour toutes les peines.
13:13C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
13:14on punit trop tard
13:16et parfois trop longtemps,
13:18et on a un problème
13:19de saturation, vous le savez,
13:21dans tous les lieux
13:22où on pourrait contenir,
13:23que ce soit la prison,
13:24mais ce n'est pas que la prison,
13:25c'est aussi les internats,
13:26les centres fermés,
13:29il n'y a pas de place, etc.
13:30Ce qui fait qu'aujourd'hui,
13:31on fait de la régulation
13:33et on ne fait plus
13:35de l'exécution des peines.
13:36J'ai une question
13:37qui peut paraître philosophique,
13:38mais qui est très concrète.
13:39Est-ce que tout le monde
13:40est vraiment réinsérable ?
13:41Je veux dire que lorsque
13:42vous vous acharnez sur Philippe
13:43à Grande-Synthe,
13:44quand vous êtes à deux ou à trois,
13:45vous vous acharnez sur une personne,
13:46et pardon de donner les détails,
13:48mais cet homme a été diffiguré
13:50à coup de batte de baseball,
13:51je veux dire,
13:52quel adulte serez-vous
13:54et quels parents
13:55serez-vous plus tard
13:56dans cette même société ?
13:57Cette question est pertinente
13:58parce que c'est la question
13:59de la réversibilité.
14:00C'est-à-dire que
14:01quand vous attendez trop tard,
14:02trop longtemps, pardon,
14:03parfois il est trop tard pour faire.
14:05Et c'est pour tous les sujets,
14:06ce n'est pas que pour la délinquance.
14:08Mais la délinquance,
14:09c'est là où je dis
14:10qu'il faut changer totalement
14:11de logiciel.
14:12Sinon ?
14:13Il faut au contraire
14:14agir très vite,
14:15y compris pour les mineurs.
14:16Sinon, on n'a plus de prise.
14:19Mais on n'a plus de prise,
14:20c'est-à-dire que les parcours
14:21de délinquance que vous venez de dire
14:22où les gens sont déjà
14:23sans empathie,
14:24ancrés dans un parcours
14:25de délinquance,
14:26les mesures de réinsertion
14:28sont quasi impossibles.
14:29C'est exactement la même chose
14:30pour le terrorisme.
14:31Si vous êtes extrêmement
14:34endoctriné,
14:35c'est très compliqué
14:36de vous faire sortir
14:37d'un endoctrinement.
14:38Donc la prévention,
14:39c'est la bonne sanction
14:41dès le départ,
14:42au bon moment.
14:43Ce n'est pas nécessairement
14:44quelque chose de violent,
14:45c'est quelque chose
14:46qui arrive vite,
14:47bien, proportionnel
14:48et surtout certain.
14:50C'est surtout la certitude.
14:52Pour conclure, Béatrice Roger,
14:53qu'est-ce qui manque
14:54pour appliquer ce que vous dites
14:56et qui, je le précise,
14:57est demandé
14:58par vraiment une majorité
14:59écrasante de Français
15:00et je le dis,
15:01quelles que soient
15:02leurs convictions politiques
15:03aux Français,
15:04qu'est-ce qui manque aujourd'hui ?
15:05Du courage ?
15:06Oui, peut-être
15:07qu'il manque du courage,
15:08une vision aussi,
15:09c'est-à-dire arrêter
15:10de penser avec l'événement,
15:12avoir une vision stratégique
15:14à long cours,
15:15investir le champ
15:16intellectuel
15:17pour ne pas légiférer
15:18à l'aveugle
15:19et sous l'émotion
15:20et surtout,
15:21ce qui manque,
15:22c'est de faire des évaluations
15:24des politiques publiques,
15:25c'est-à-dire que la loi
15:26sont derrière des moyens
15:28et une évaluation
15:29de sa pertinence
15:31et de son efficacité
15:32ne sert à rien.
15:33Évaluation et courage.
15:35Merci beaucoup,
15:36Béatrice Brugère.
15:37Je vous rappelle le titre
15:38de votre ouvrage,
15:39La colère monte,
15:40aux éditions de l'Observatoire.
15:41Je vous remercie,
15:42c'était votre grande interview.
15:43Merci beaucoup d'être invitée.

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