Retrouvez la question de David Castello-Lopes dans le 7/10 (8h55 - date) Retrouvez toutes les questions de David Castello-Lopes sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes
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00:00 David Castello-Lopez, bonjour !
00:02 Bonjour Nicolas !
00:03 Dans deux jours, les Portugais fêtent les 50 ans de la révolution des œillets et
00:07 vous vous demandez pourquoi on ne parle pas beaucoup de la dictature portugaise ?
00:12 Depuis que je suis enfant, je vois bien que mon pays, le Portugal, est une nation européenne
00:16 secondaire.
00:17 Et en particulier, je vois bien que quand on compare le Portugal à l'Espagne, c'est
00:22 toujours l'Espagne qui gagne.
00:24 En peinture par exemple.
00:25 Les Espagnols, ils ont Goya et Velázquez.
00:28 Les Portugais, ils ont qui ?
00:29 Ils ont Bernd Kuehl de Silveira.
00:31 Vous connaissez ?
00:32 Et ben non, vous ne connaissez pas parce que personne connaît !
00:35 En littérature aussi, les Espagnols, ils ont Cervantes.
00:38 Les Portugais, ils ont Luís Camões qui a principalement écrit un énorme poème un
00:43 peu imbitable sur les grandes découvertes que franchement, si vous le connaissez, vous
00:46 êtes super ponctu.
00:47 Même en dictature, les Portugais, ils sont en dessous.
00:51 Moi j'entends souvent « Oui, Franco, Hitler, Mussolini », mais j'entends jamais « Antonio
00:56 da Oliveira Salazar », notre dictateur portugais maison dont tout le monde se fout.
01:02 Et moi, je me suis demandé pourquoi ? Et pourquoi est-ce que tout le monde s'en fout
01:07 d'Antonio da Oliveira Salazar ?
01:08 Et je vais apporter à cette question des réponses personnelles.
01:12 La première raison, je pense, c'est que Salazar, c'était un type un peu ennuyeux.
01:16 Déjà, il était prof d'éco, relou, il portait des petits costumes gris de comptable
01:22 là, et en plus, il ne s'est jamais marié, parce que pour lui, se marier, ça aurait
01:27 été un peu comme tromper le Portugal avec une zouze.
01:30 Bon, en fait, on a appris depuis que c'était une façade, parce que dans les faits, il
01:34 a serré plein de gens, à commencer par une journaliste française qui s'appelait Christine
01:38 Garnier et qui était venue « ouvrer les guillemets », l'interviewer.
01:41 Mais ça, on ne le savait pas à l'époque.
01:44 Deuxièmement, une dictature, c'est souvent avant tout une police politique avec un nom
01:48 qui claque.
01:49 En Allemagne de l'Est, c'était la Stasi, en Roumanie, la Securitate, en Russie, le
01:54 KGB, au Portugal, c'était la PIDE.
01:58 La PIDE.
01:59 Je veux dire, moi, si on tape à ma porte en disant « ouvrez, monsieur le président
02:03 politique », mais qui est-ce ? C'est la PIDE.
02:06 Bon, pas crédible, vous voyez.
02:08 Troisièmement, est-ce que vous connaissez cet objet de cuisine que j'ai à la main ?
02:13 C'est une sorte de spatule souple qui permet de racler, par exemple, la pâte à crêpes
02:18 au fond des saladiers.
02:19 Et vous savez comment on appelle cet objet au Portugal ? Un salazar comme le dictateur.
02:24 Pourquoi ? Parce qu'on dit que « o salazar rapava tudo ». Traduction, « salazar » est
02:29 tellement avare qu'il raclait tout, comme on le fait avec cet objet.
02:33 Mais bon, un dictateur qui donne son nom à un ustensile de cuisine, et entre nous, pas
02:37 le plus glorieux des ustensiles, ça prouve bien qu'on n'est pas sur du gros dictateur.
02:41 Jamais on dirait « bébé, tu peux me passer le Hitler ? Je vais faire une tarte salée ».
02:45 Jamais on dirait ça.
02:46 Et enfin, avouons-le, Salazar était un petit peu moins méchant que d'autres dictateurs.
02:51 Pendant la seconde guerre mondiale, certes, il a partagé des petits pastéis de nata
02:55 avec les nazis, mais il a permis aussi aux alliés de construire une base aérienne aux
02:59 Açores, ce qui a contribué à nous faire gagner la bataille de l'Atlantique.
03:02 Puis il faut le dire, il a tué quand même moins d'opposants politiques que d'autres.
03:07 Probablement quelques milliers, dont un célèbre qui s'appelait Humbert Delgav et qui a donné
03:11 son nom depuis à l'aéroport de Lisbonne.
03:14 Quelques milliers de tués, c'est déjà énorme, mais c'est pas assez pour entrer
03:19 dans les annales de la méchanceté quand en face il y a Hitler, Mussolini, Ceausescu.
03:23 Alors il reste que si je fais beaucoup de blagues, c'est parce que moi-même j'ai
03:27 jamais connu la dictature, mais quand même c'était pas ouf de vivre sous Salazar.
03:32 Et j'ai pour le prouver une super anecdote personnelle inédite que je vous raconterai
03:37 la semaine prochaine.
03:38 On attend ça avec impatience.
03:40 Merci David Castello-Lopez.