Faut-il faire des réunions d’anciens élèves ? La question de David Castello-Lopes

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David Castello-Lopes est allé aux 25 ans de sa promo de lycée.  Retrouvez la question de David Castello-Lopes dans le 7/10 (8h55 - date) Retrouvez toutes les questions de David Castello-Lopes sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes

Transcript

00:00Bonjour David Castello-Lopez, faut-il faire des réunions d'anciens élèves ?

00:05Oui.

00:06Il y a un peu plus de 25 ans, le 14 juin 1999, je suis sorti tôt le matin, retrouvé dans

00:11la rue deux de mes camarades de classe, Guillaume et Alexandre.

00:15Je suis sûr que vous êtes complètement dans le cliché et que vous vous dites « tes

00:18potes s'appelaient Guillaume et Alexandre, toi mon kiki tu devais pas être en zèpe ».

00:22Bon ben j'étais pas en zèpe, voilà ! Alors Guillaume et Alexandre, on a marché

00:26en direction du lycée Jacques-de-Cours à Paris où avaient lieu les épreuves du bac

00:29et j'avais à la main un petit dictaphone avec lequel j'ai enregistré quelques mots.

00:34« Donc on passe notre bac philo n'est-ce pas ? C'est le premier jour lundi.

00:36Vous vous foutez de ma gueule là, mais je vous jure si je vous fais écouter ça dans

00:3910 ans vous avez une érection. »

00:41Voilà.

00:42Alors je suis désolé, j'étais pas hyper fin quand j'avais 17 ans, mais j'étais

00:45déjà un nostalgique professionnel, un mola du souvenir et je préparais patiemment tous

00:50les jours le délice futur de regarder en arrière.

00:53Donc autant vous dire que quand il a été question cette année d'organiser la réunion

00:56des anciens élèves de la promotion 1999 de mon lycée, j'étais comme on dit « fébrile

01:02ma grosse race ».

01:03Le jour de la réunion, je suis entré dans le lycée et là immédiatement vertige.

01:07Vertige à cause de la contradiction entre la familiarité totale de l'endroit et le

01:12quart de siècle qui m'en séparait.

01:13Les rebords des fenêtres du rez-de-chaussée où j'embrassais Adrien, mon premier amour,

01:18et où le proviseur adjoint avait dit « écoutez, c'est pas l'endroit pour faire ça ».

01:22Mais là, Madame Berthaud, la prof de français qui avait fait mai 68, elle a dit « écoutez,

01:26c'est l'est à qui ça fait du mal ». La cour d'honneur où pendant les grèves

01:30lycéennes d'octobre 1998, j'avais hurlé « allègre, serre les fesses, on arrive à

01:35toute vitesse » pour des raisons que je suis incapable d'expliquer aujourd'hui.

01:40Et puis après, j'ai observé les gueules et j'ai été bouleversé de voir à quel

01:45point le temps frappe au hasard.

01:47Il y a des visages pratiquement identiques, à peine affaissés, des chevelures dont la

01:51densité est restée inaltérée et à côté de ça, il y a des gens en ruine.

01:56Alors, tu ne me reconnais pas ? Eh ben non ! Et tu as l'air proche de la mort.

02:01Et puis, il y a les élus suprêmes, la frange minuscule des gens que le temps a bonifié.

02:08Je les voyais arriver de loin et je me disais « attends, mais c'est Philippe ça ? Mais

02:12où sont ces neuf mentons ? ». Alors bien sûr, dans une réunion d'anciens élèves,

02:17on ne fait pas que regarder, on est aussi regardé nous-mêmes.

02:19On est regardé en particulier par un monsieur, socialement secondaire, en 1999, mais qui

02:25a créé depuis une entreprise qui, selon ses propres mots, a levé 150 millions.

02:30J'étais vraiment pas en zèpe.

02:32Le même monsieur qui me dit « mec, wow, qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ? Tu

02:36te drogues ou quoi ? Dis, il paraît que tu es humoriste, tu vas me mettre dans une chronique

02:40? ». Je sais pas, devine, connard ! Un autre vertige, c'est celui de voir se dégager

02:47de ses corps, pour la plupart dégradés, des personnalités qui, elles, sont restées

02:50identiques.

02:51Ceux qui étaient ennuyeux à mourir quand ils te parlaient du contrôle de maths en

02:541999 en disant « ouais, trop relou les cossinus », ils sont ennuyeux au même degré 25 ans

03:00plus tard quand ils t'expliquent pourquoi ils ont déménagé à Nantes.

03:03Les gestes des gens aussi sont restés les mêmes, les plis sur leur visage quand ils

03:09rigolent sont placés au même endroit qu'il y a 25 ans, sauf qu'aujourd'hui, les plis,

03:12ils restent là quand ils ont fini de rire.

03:14Moi, je suis parti à 2h du matin en ayant bu suffisamment pour essayer de régler avec

03:19certains des engueulades qui dataient du passage à l'euro et dont il s'avère que j'étais

03:23le seul à me souvenir.

03:24Voilà, c'était mouvementé, c'était intense, mais franchement, pour un drogué de la nostalgie,

03:29c'était de la très très très bonne cam !

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