Voiture VS Vélo - Match arbitré par Jancovici et Schneider - Vidéo Dailymotion

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Transcript

00:00 [Musique]

00:08 Au chevet de notre planète, Jean-Marc Jancovici nous parle environnement le samedi matin sur RTL,

00:12 nous sensibilise notre ingénieur énergie-climat.

00:15 Bonjour Jean-Marc.

00:16 Bonjour Stéphane et bonjour à toutes et à tous.

00:18 Tiens sur la table ce matin un dossier qui vous intéresse et un sujet particulièrement intéressant pour vous,

00:22 ce sont les pistes cyclables.

00:24 Alors en France, nous avons à peu près 20 000 kilomètres de pistes cyclables,

00:26 selon les derniers chiffres qui viennent d'être publiés par le ministère de l'écologie,

00:30 alors que nous avons 1,1 million de kilomètres de routes.

00:34 Ces routes, il y en a à peu près 15 mètres par français

00:36 et si on regarde la superficie qu'elles occupent au sol,

00:39 vous et moi et tous les gens qui nous écoutent,

00:41 nous en possédons à peu près 75 mètres carrés par personne,

00:45 alors que dans le même temps, nous avons un peu plus de 40 mètres carrés de logements habitables par personne

00:49 et nous avons à peu près 25 mètres carrés de tertiaires par personne,

00:53 les hôpitaux, les écoles, les bureaux, les commerces, etc.

00:56 Donc ce n'est pas complètement négligeable le réseau routier dans ce pays

00:59 et on pourrait se demander si les pistes cyclables sont à la hauteur

01:02 des ambitions que nous avons pour ce mode de déplacement.

01:04 Alors si on regarde aujourd'hui ce que pèse le vélo dans les déplacements,

01:07 c'est 2,5% des déplacements, c'est 1% des kilomètres parcourus.

01:12 Donc on pourrait se dire, bon, 2% du réseau routier pour les vélos,

01:15 on est à peu près dans les clous.

01:16 Sauf que c'est une pratique qui augmente rapidement,

01:19 16% des français disent aujourd'hui l'utiliser comme mode de déplacement principal,

01:23 ça commence à faire beaucoup plus que 2%,

01:25 et 30% des actifs disent s'en servir très régulièrement pour aller au travail,

01:30 voire s'en servir comme mode principal pour aller au travail.

01:33 Donc 2% face à ces 16 et 30%, là on peut se dire que vraiment, c'est pas beaucoup.

01:38 - Alors faire du vélo et le multiplier pour la planète, c'est très très bien, on est d'accord.

01:41 Il faut multiplier ces pistes cyclables et les vraies pistes cyclables.

01:45 - Alors avoir plus de pistes cyclables, à mon avis,

01:47 c'est un investissement qui est gagnant sur tous les plans.

01:50 D'abord, toutes les enquêtes montrent que c'est le premier facteur de basculement vers le vélo,

01:54 c'est-à-dire que la cohabitation avec les voitures est un truc qui, à juste titre,

01:57 terrorise les cyclistes et encore plus les parents de cyclistes.

02:00 Si vous avez des enfants qui ont l'ambition d'aller à vélo à l'école,

02:03 ce qui est excellent, ça leur fait faire un peu d'exercice, etc.,

02:06 vous n'aurez aucune envie de les laisser faire s'ils doivent partager la voirie avec des voitures.

02:10 Le deuxième sujet, c'est que ça ne coûte pas cher.

02:11 La piste cyclable, ça coûte, on va dire, 100 000 euros le kilomètre,

02:15 et donc c'est peu, peu onéreux pour les finances publiques,

02:17 alors que ça fait gagner de l'argent aux finances publiques et notamment à la sécurité sociale,

02:21 parce que chacun sait que la sédentarité est devenue aujourd'hui un des premiers facteurs de mortalité évitable.

02:26 Il faut rappeler aux gens que de rester assis toute la journée, ça nous tue,

02:29 et donc de ce point de vue, c'est quelque chose d'excellent pour les finances publiques.

02:32 C'est également quelque chose d'excellent pour la pollution,

02:34 parce qu'un vélo pollue un tout petit peu, il y a l'abrasion des pneus sur la chaussée, etc.,

02:37 mais quand même beaucoup moins qu'une voiture,

02:39 et donc pour tout ça, c'est très bien de faire des pistes cyclables, et il faut en faire des vraies.

02:43 Alors, les vraies, idéalement, c'est totalement séparer de la circulation des voitures,

02:46 avec une séparation physique, et c'est aussi, vous pouvez peut-être vous surprendre,

02:49 séparer de la circulation des piétons.

02:51 J'emprunte assez souvent une voie mixte,

02:54 et cette voie mixte, bien évidemment, chacun considère qu'elle est à lui.

02:57 Donc, le piéton considère qu'elle est à lui,

02:59 et donc il y fait promener son chien, avec l'alès qui occupe toute la largeur de la voie,

03:02 on y met des gens qui font jouer leurs enfants,

03:05 des groupes qui se déplacent en occupant toute la largeur de la piste,

03:08 de dos avec la musique dans les oreilles, enfin bon bref.

03:10 Le piéton, c'est pas un cycliste, on ne demande pas au piéton de descendre dans une rue

03:14 où la vitesse est limitée à 30 km/h pour les voitures,

03:16 et là, il faut aussi faire une vraie séparation.

03:18 Et je considère que c'est légitime, parce que la voirie est payée par mes impôts et les vôtres,

03:22 et ceux des gens qui nous écoutent, et non pas par l'usager.

03:24 Et comme je paye autant d'impôts qu'un automobiliste,

03:27 je ne vois pas pourquoi je n'aurais pas droit à autant de voiries que lui.

03:29 Le message du matin est destiné Jean-Marc Jancovici, le patron du Shift Project,

03:32 vous réécoutez tout ça tranquillement. Un podcast replay disponible sur la Play RTL.

03:36 Justement, quelle place elle a la voiture en ville ?

03:46 Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus ?

03:48 On voit que l'emprise au sol, on voit que même une voiture en roulant,

03:51 ça occupe énormément de place.

03:54 Quelle place aujourd'hui elle a en ville la voiture ?

03:57 Alors ça dépend énormément des villes,

04:00 mais ce qui est frappant, c'est quand c'est les heures où il y a des emboutées,

04:06 et notamment les ponts, où on se rend compte qu'aux heures de pointe,

04:11 sur un pont, on peut avoir à peine 15 ou 20% du pont qui est dédié au vélo,

04:19 et tout le reste, un peu des parcs congrus des deux côtés pour les piétons,

04:24 et le reste la circulation automobile.

04:27 Mais comme il y a trop de voitures,

04:29 ça fait comme quand vous voulez transvaser votre sac de riz à travers un entonnoir,

04:35 ça bloque et ça se congestionne totalement.

04:39 Et donc, vous avez cette chose paradoxale si on regarde la photo.

04:46 On prend une photo, qu'on compte le nombre de voitures,

04:49 qu'on compte le nombre de piétons et de cyclistes,

04:52 vous avez l'impression qu'il y a beaucoup plus de voitures,

04:57 de personnes dans les voitures, que de personnes sur les vélos ou que de piétons.

05:02 Mais si, au lieu de juste prendre une photo à un instant T,

05:06 vous faites un film et un comptage,

05:09 comme les vélos qui pourtant prennent beaucoup moins de place,

05:14 comme ils sont plus frugales en espace, ils ne se bloquent pas entre eux,

05:21 en fait vous regardez pendant une heure et vous constatez que,

05:24 alors qu'ils n'ont que 15% de la place,

05:26 ils constituent plus de 50% du flux en êtres humains,

05:31 en tonnes de ferraille déplacées inutilement.

05:34 Et donc aujourd'hui, alors qu'on pourrait avoir l'impression

05:38 qu'il y a à peine 3% de par modale en France,

05:42 avec les champions qui sont à peine à 15%,

05:44 donc c'est encore très loin de tonnes irlandais qui sont à 40 ou 50%

05:49 dans des villes comme Grenoble, dans le nord des Pays-Bas,

05:52 ou des Haute-Rerte dont on loue souvent le plus grand parking vélo lié à une gare, etc.

06:01 Mais en fait en France déjà, aux heures de congestion,

06:04 là où on a fait un peu d'aménagement cyclable,

06:07 le vélo peut déjà faire 50% du trafic dans certains points.

06:13 Et donc ça montre vraiment sa redoutable efficacité,

06:19 et c'est vrai que ça montre aussi un des pièges de la voiture,

06:22 parce que qu'elle soit électrique ou partagée,

06:25 ou tous les avantages matériaux recyclés,

06:28 tout simplement d'une part vous n'avez pas d'activité physique,

06:31 et donc il y a tous les méfaits de la sédentarité et du manque d'activité physique,

06:36 et par ailleurs c'est tout simplement peu efficace en espace.

06:39 Dans un système de transport "idéal" qui n'existe pas,

06:45 pour la voiture il faudrait qu'il y ait 4 fois plus de places de stationnement que de voiture,

06:52 à ce moment-là en effet il y aurait des immenses parkings partout,

06:55 ça ressemblerait à l'image qu'on a des Etats-Unis,

07:00 heureusement c'est pas partout comme ça.

07:02 - Pardon je vous coupe, mais aux Etats-Unis il y a une loi qui oblige à chaque fois qu'on crée un magasin,

07:11 un logement, etc. à avoir 4 places de parking,

07:14 c'est aussi pour ça que ça explique les parkings gigantesques ?

07:17 - Oui, et en fait l'automobile a un appétit insatiable en espace,

07:25 plus on lui en donne, plus il y a un appel d'air et il y a un effet rebond,

07:31 on construit une voie supplémentaire parce qu'il y a des embouteillages,

07:33 et on constate qu'il y a encore plus de voitures et que finalement la situation a empiré.

07:40 A l'inverse quand on enlève certaines voies,

07:43 on voit ce qu'on appelle l'évaporation du trafic parce que les gens ne sont pas stupides,

07:47 et ils vont dire "bon, pour 2 km je vais prendre mon vélo,

07:51 il y a un métro, tant pis je vais me serrer à d'autres gens et je vais prendre le métro".

07:59 Et en effet, il y a cette espèce d'image en France que les automobiles sont persécutés,

08:07 que ce sont des vaches à lait, etc.

08:10 Alors qu'en réalité on leur a abandonné une part majeure de l'espace,

08:14 d'ailleurs c'est ça qui a fait que les enfants n'allaient plus du tout,

08:20 notamment dans le rural, à l'école à vélo,

08:23 parce qu'il y a eu de plus en plus de voitures,

08:27 donc c'est devenu objectivement dangereux de se déplacer à vélo.

08:30 Donc on a mis en place des transports scolaires qui ont rendu encore plus dangereux le vélo,

08:35 parce qu'en plus des voitures, c'était des véhicules à grande gammerie,

08:38 donc on a tué le vélo comme ça, avec un cercle vicieux de la dépendance automobile.

08:47 Oui c'est vrai, mais moi mon grand-père me racontait que quand il était petit,

08:53 donc il y avait encore très peu de voitures, on était dans les années 40, un peu avant,

08:58 il faisait vous y est, Reims en vélo, ça doit faire je ne sais pas une trentaine,

09:02 quarantaine de kilomètres pour aller à son internat.

09:05 Ça c'est des choses qu'on ne voit plus par exemple.

09:06 La place de la voiture a rendu ces trajets-là impossibles ?

09:10 Ce genre de trajet était possible parce qu'on croisait quelques voitures,

09:14 c'était totalement épisodique.

09:17 Aujourd'hui, vu l'intensité du trafic, malgré la croissance du nombre de routes,

09:23 le kilométrage de route accrue moins vite que le nombre d'automobiles,

09:27 et donc en effet on a des phénomènes de saturation,

09:31 ou en tout cas aujourd'hui dans la situation actuelle,

09:35 il est inconcevable de juste mettre des collégiens sur la route

09:39 et de les laisser faire 10, 15 ou 20 kilomètres,

09:44 alors que leur organisme dans l'absolu pourrait le faire sans aucun problème,

09:50 parce qu'on n'avait pas anticipé, on n'avait pas simulé,

09:53 qu'est-ce que ça ferait 40 millions de voitures.

09:56 Quand on voit l'espace qu'il faut pour garer une voiture,

10:00 dégagement compris, pas juste les quelques mètres d'emprise au sol,

10:03 mais dégagement compris, et quand on imagine

10:07 qu'une voiture, quand elle a un mouvement, elle a besoin de ce qu'on appelle une surface dynamique,

10:11 c'est-à-dire la seconde devant vous et la demi-seconde derrière vous,

10:18 vous arrivez à 500 mètres carrés quand vous êtes à 130 km/h,

10:22 c'est ça qui fait qu'on peut diminuer la congestion juste en baissant les vitesses,

10:27 parce qu'on n'arrive pas à ce phénomène de grinderie qui se bloque dans l'entonnoir.

10:35 Donc aujourd'hui, vous connaissez cette suite d'images de Sanpé,

10:40 où au début il roule dans une voiture, il y a le riche qui arrive avec sa voiture,

10:47 ensuite il y a de plus en plus de voitures,

10:54 et à la fin c'est le riche qui prend le vélo et la classe moyenne qui est bloquée dans le trafic.

11:04 Et c'est vrai que la voiture fonctionnerait bien tant que c'est une élite qui l'utilise,

11:14 ou alors les gens qui l'utilisent quand ils vont à la gare comme un taxi,

11:18 quand ils vont à la gare, qu'ils ont des grosses valises une fois par an,

11:21 ça ne pose pas de problème.

11:22 Le problème c'est l'abus de voitures individuelles sur des distances courtes dans des zones saturées.

11:28 C'est ça qui pose vraiment problème, c'est pas les automobilistes,

11:32 c'est les habitudes de transport que tout le matraquage publicitaire

11:38 et toutes les politiques d'aménagement du territoire ont causé,

11:42 où finalement on a l'impression que c'est cette bulle de salon qu'on emmène partout où on veut avec soi,

11:48 et finalement on n'a pas envie d'abandonner cette bulle,

11:54 et en même temps on est frustré parce qu'on est dans les embouteillages et c'est la faute de tous les autres.

11:58 Si eux ils venaient pas en voiture, moi je pourrais avoir une circulation fluide.

12:02 Il y en a qui ont un discours souvent un peu différent,

12:04 c'est les commerçants qui disent "ouais mais si on enlève des places de parking,

12:07 en fait on va plus avoir de clients".

12:09 Est-ce qu'il y a des études qui attestent de ce qu'ils disent,

12:12 ou au contraire là ce que vous dites c'est que les vélos sont en fait plus efficaces,

12:16 peuvent permettre de transporter plus de gens d'un point A à un point B,

12:20 les villes qui ont diminué la place de la voiture en leur centre,

12:25 qu'est-ce qu'elles constatent vis-à-vis justement du commerce de centre-ville ?

12:30 Il y a un adage qui est vraiment faux, c'est "no parking, no business".

12:34 C'est en effet ce que vous avanciez sur les Etats-Unis,

12:37 l'obligation de créer un certain nombre de places quand il y a un commerce.

12:41 Aujourd'hui toutes les études montrent que la piétonnisation,

12:45 ou la réduction de la place de la voiture accroît l'attrait commercial des centres-villes,

12:52 et que le vrai problème des désertifications des centres-villes,

12:57 c'est pas qu'on ait facilité ou pas de se garer en voiture,

13:00 c'est qu'on ait autorisé la création de grandes surfaces alimentaires,

13:04 ou de grands groupes type galerie marchande à l'extérieur des villes.

13:09 C'est ça qui a tué le commerce local.

13:12 Alors après, on a toujours des biais cognitifs,

13:16 notamment ce qu'on appelle des biais de confirmation.

13:19 Quand vous avez l'impression que les gens ne viennent plus chez vous,

13:22 parce qu'avant ils pouvaient se garer, maintenant ils ne peuvent plus,

13:25 il suffit qu'il y ait deux personnes dans la journée qui vous disent sur vos 200 clients,

13:29 "j'ai eu du mal à me garer",

13:31 dans votre esprit ça veut dire qu'il n'y a plus personne qui vient chez vous à cause de ça.

13:37 Après il y a plusieurs autres biais,

13:39 c'est que les commerçants souvent raisonnent par "pagnes et moyens",

13:42 et en effet quand on est à vélo, on va plutôt faire du réassort tous les jours

13:46 que de faire des grandes courses une fois par semaine en remplissant un caddie puis un coffre de voiture,

13:51 donc il y a une chute du panier moyen,

13:52 mais généralement les clients cyclistes ou piétons sont des clients plus réguliers et plus fidèles,

13:59 et donc au final, que ce soit l'étude menée sur la piétonisation du centre de l'Orient,

14:06 que ce soit dans d'autres villes, les commerçants sont gagnants.

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