Concilier décroissance et investissement - par Jancovici - Vidéo Dailymotion

Éthique et tac

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Transcript

00:00 [Musique]

00:08 J'ai envie de poser une question d'ordre économique.

00:11 Alors récemment, on a vu en fait que la transition écologique,

00:15 elle va nécessiter énormément d'investissements pour rénover les bâtiments,

00:19 changer nos modes finalement d'être au monde.

00:22 Et même en mettant de côté la mauvaise volonté des fois qu'il peut y avoir chez les financiers,

00:28 finalement dans un monde où il n'y a pas de croissance,

00:32 on est même éventuellement dans une logique de décroissance,

00:34 comment est-ce qu'on contracte un prêt ?

00:36 Puisque l'idée de la dette et du prêt, c'est justement de supposer par définition

00:41 que demain il y aura plus d'argent et des possibilités de remboursement

00:44 pour le prêt contracté à l'instant T.

00:46 Du coup, comment on fait en fait ?

00:47 Comment est-ce qu'on concilie les investissements qui sont nécessaires pour le climat

00:51 et la logique de décroissance qui risque de s'imposer à nous ?

00:54 Alors, le premier élément de réponse, c'est que tout...

00:58 Alors, il y a une... Dans le discours sur les actions qui sont à faire en matière de climat,

01:03 d'abord, tout ne passe pas par des investissements.

01:06 Tout ne se passe pas par des investissements.

01:09 Il y a une publication qu'on a faite à Carbone 4,

01:12 il y a maintenant 6 ou 8 mois, qui s'appelle "Faire sa part",

01:16 où on a chiffré le gain potentiel en émissions au niveau de l'empreinte carbone d'un individu

01:22 lié à un certain nombre d'éléments de comportement

01:25 qui ne supposent aucun investissement.

01:27 Alors, le premier, beaucoup de notre cette salle le connaissent,

01:30 consiste à modifier son régime alimentaire.

01:33 Si on modifie son régime alimentaire pour manger moins de viande,

01:36 typiquement, on va baisser son empreinte carbone sur l'alimentation,

01:39 ça ne suppose aucun investissement.

01:41 Enfin, si éventuellement, vous achetez un cuiseur à vapeur pour les haricots verts,

01:44 mais... Enfin voilà, c'est un investissement quand même assez modeste.

01:48 Si vous avez des comportements vertueux dans lesquels vous avez des désinvestissements,

01:53 par exemple, si vous évitez d'acheter une voiture,

01:56 et que vous achetez un vélo électrique à la place,

01:58 parce qu'il se trouve que votre voiture vous sert essentiellement pour aller faire les courses et au boulot,

02:01 et que tout ça est à 10 bornes de chez vous,

02:03 et c'est pas un cas de figure fictif ce que je suis en train de dire,

02:06 parce que c'est typiquement le genre de bascule qu'on est en train de voir en ce moment.

02:11 Ça ne suppose aucun investissement supplémentaire, ça suppose un désinvestissement au contraire.

02:14 C'est-à-dire que vous aviez une bagnole qui vous coûte 5000 euros par an,

02:17 et vous achetez un vélo qui vous en coûte 1000 à l'achat,

02:19 et derrière, en termes d'entretien, ça ne va pas vous coûter grand-chose.

02:23 Donc l'idée que tous les comportements qui sont vertueux sur le plan des émissions

02:28 passent par désinvestissement, c'est faux.

02:31 Après, vous avez un deuxième point à voir,

02:35 c'est que tous les investissements qui sont à faire ne passent pas nécessairement par du crédit.

02:40 Vous avez en particulier, ou plus exactement, ne passent pas nécessairement par un supplément de crédit.

02:46 Pour être précis.

02:48 Vous avez actuellement en France, chaque année, 50 milliards d'euros de mémoire

02:54 qui sont réalisés dans les travaux chez les logements des particuliers.

02:58 Vous pouvez très bien obliger à ce que ces travaux soient prioritairement fléchés sur la décarbonation des bâtiments.

03:06 Donc les gens feront moins d'extension de pavillons et de je ne sais pas quoi,

03:10 et ils feront plus d'isolation des combles et de pompes à chaleur.

03:14 Ce n'est pas nécessairement quelque chose qui suppose de dépenser plus.

03:18 Par contre, vous n'avez pas la même chose à l'arrivée.

03:20 Mais c'est une réorientation des investissements existants.

03:24 Vous pouvez très bien décider que les collectivités locales qui ont dépensé une somme coquette en rond-point ces dernières années

03:32 continuent à payer des gens du BTP, mais au lieu de leur demander de rajouter des routes,

03:36 ce qu'on continue à faire aujourd'hui, il leur demande de rajouter des pistes cyclables.

03:39 Donc la notion même de ce que c'est qu'un investissement qui est pertinent pour le climat

03:44 est quelque chose où la métrique aujourd'hui est extrêmement imparfaite.

03:48 Parce qu'on n'arrête pas de penser que c'est des éoliennes qu'on va rajouter en plus,

03:51 mais en fait c'est une vision extrêmement parcellaire et tronquée du problème.

03:54 Le vrai sujet, c'est de rendre la totalité des flux d'investissement compatibles

03:58 avec la baisse globale des émissions de gaz à effet de serre.

04:02 Alors un chiffre que je rappelle là quand même, même pour ceux qui m'ont déjà entendu,

04:05 il faut savoir que la compatibilité avec les 2 degrés de limitation de la hausse de la température planétaire,

04:11 actuellement on est à 1 à peu près, et les incendies qui auront lieu sur 12 mois courants sur la planète,

04:18 c'est la superficie de la France.

04:20 Si vous rajoutez l'Australie, la Sibérie et ce qui est en train de se passer en Californie,

04:23 pour ne parler que de ça, où le changement climatique a joué un rôle déterminant dans tous ces feux,

04:29 vous obtenez la superficie de la France.

04:32 Ça fait quand même un paquet de millions d'hectares, et nous ne sommes qu'à 1 degré.

04:36 Donc pour se limiter à 2, il faut que les émissions planétaires baissent d'environ 4 à 5% en commençant demain.

04:44 4 à 5% de baisse, c'est ce qu'on va avoir en 2020 grâce au Covid.

04:47 Donc retenez un truc très simple, c'est que l'accord de Paris, pour le respecter, c'est un Covid supplémentaire par an.

04:53 C'est ça l'ordre de grandeur qu'il faut avoir en tête.

04:56 Et comme on ne sait pas faire de l'efficacité énergétique et décarboner l'industrie à la bonne vitesse,

05:02 rien qu'avec des améliorations technologiques,

05:04 peut-être quelqu'un qui va me demander ce que je pense de l'avion à hydrogène, puisqu'en ce moment tout le monde en a,

05:08 j'en pense que vos petits-enfants seront morts et que vous n'aurez toujours pas une aviation commerciale à hydrogène significative,

05:13 voilà, pour vous donner la réponse.

05:15 Ça veut dire en gros qu'effectivement on va devoir se palucher si on fait ça, une économie qui se contracte de 3% par an.

05:24 Voilà, c'est ça que ça veut dire.

05:26 Respecter l'accord de Paris, c'est en gros une économie qui se contracte de 3% par an à l'échelle planétaire,

05:30 pour vous donner un ordre de grandeur.

05:32 Donc c'est clair que dans ce contexte-là, contracter des emprunts supplémentaires, on se dit où sera l'argent pour rembourser ?

05:40 Voilà, donc effectivement il n'y aura pas d'argent.

05:43 Et c'est très clair qu'une partie du supplément d'endettement qu'on a créé depuis 2008,

05:49 on a en gros doublé, entre ça et le Covid, on a doublé la dette aux acteurs non financiers, explosée, je crois qu'elle n'est pas loin de doubler.

05:59 Donc effectivement à un moment, il n'y aura pas d'argent pour rembourser tout ça.

06:02 Alors il y a deux manières de ne pas rembourser l'argent, c'est le défaut et l'inflation.

06:06 Alors une variante de l'inflation, c'est les taux négatifs, pareil, c'est une variante de l'inflation.

06:11 Mais effectivement, si on demande à ce que les gens empruntent de l'argent pour payer les investissements qu'on va leur demander de faire,

06:22 on peut leur demander d'emprunter, ça ils vont le faire, et du reste les banques vont leur prêter.

06:26 La bonne question après c'est de savoir quelle est la part qui sera remboursée, c'est ça la bonne question.

06:30 Mais j'insiste sur le fait qu'une bonne partie des comportements et une bonne partie des actions ne supposent pas un supplément d'argent en circulation,

06:41 par contre ça suppose qu'on réoriente l'affectation de l'argent.

06:45 Et ça aujourd'hui, la comptabilité de ce truc là est très mal faite.

06:49 Mais donc les quasiment 130% de dette du PIB de la France aujourd'hui, concrètement qu'est-ce qu'on en fait demain ?

06:55 Vous avez parlé soit d'inflation...

06:56 Ah bah on est parti, on va pas la rembourser. En fait c'est une pyramide de Ponzi.

07:01 C'est une pyramide de Ponzi.

07:03 Donc on la rembourse, en gros ce qu'on a fait, c'est depuis que la dette a commencé à se creuser, après les chocs pétroliers,

07:09 c'est qu'on a remboursé la dette, on a remboursé le principal et les intérêts en s'en détendant encore plus.

07:15 C'est exactement le principe d'une pyramide de Ponzi.

07:19 Mais historiquement on voit que les états qui ont tendance à pas rembourser leurs dettes, pour la stabilité de leur monnaie et leur crédibilité...

07:26 Si votre question c'est "d'ici à ce que je meurs je vais vivre dans un monde stable", là je vous réponds tout de suite "non".

07:33 Le monde va devenir progressivement de plus en plus instable.

07:37 Il faut se faire astider.

07:39 Donc ça veut dire que les plans de transition qui flottent, sont des plans qui flottent dans un monde qui va devenir de plus en plus instable.

07:46 Malheureusement c'est une donnée du problème.

07:49 Il ne faut pas s'imaginer que demain la stabilité va revenir, etc. Je n'y crois pas une seconde malheureusement.

07:56 Merci.

07:58 Les facteurs de déstabilisation ne font que s'amplifier.

08:01 Donc le monde va être de plus en plus instable. Malheureusement.

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