Le marché des fusions-acquisitions français a connu un violent retournement depuis le début 2022. Hausse des taux, incertitudes géopolitiques, dégradation des perspectives de croissances, coup de frein du capital investissement ont porté un rude coup aux opérations de croissance externe. La France demeure néanmoins un pays leader du point de vue du nombre et du périmètre de ses multinationales, du point de vue aussi de la balance des revenus qu’elle tire des investissements directs, avec un excédent nettement positif et croissant, avec 12 multinationales non financières classées dans le top 100, en termes de taille d’actif détenu à l’étranger, avec les banquiers d’affaires les plus actifs d’Europe. Pays cible des investisseurs internationaux, la France est aussi un pays prédateur, signe d’une reconfiguration permanente de ses groupes. [...]
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00:00Le marché des fusions-acquisitions français a connu un violent retournement depuis début 2022.
00:14Hausses d'étaux, incertitudes géopolitiques, dégradations des perspectives de croissance,
00:19coups de frein du capital-investissement ont porté un rude coup aux opérations de croissance externe.
00:25La France demeure néanmoins un pays leader du point de vue du nombre et du périmètre de ses multinationales,
00:32du point de vue aussi de la balance des revenus qu'elle tire des investissements directs,
00:36avec un excédent nettement positif et croissant,
00:40avec 11 multinationales non financières classées dans le top 100 en termes de taille d'actifs détenues à l'étranger,
00:46et avec des banquiers d'affaires parmi les plus actifs d'Europe.
00:50Pays cible des investisseurs internationaux, la France est aussi un pays prédateur,
00:55signe d'une reconfiguration permanente de ses groupes.
00:59Financiarisé, ces derniers privilégient la croissance externe à la croissance organique,
01:04pour renforcer leur pouvoir de marché et pour garder leur leadership en termes d'innovation.
01:10Et cette plasticité joue un rôle clé dans le repositionnement de l'économie française
01:16et sa résistance qui défie les diagnostics les plus noirs sur sa perte de substances productives
01:22et le caractère inhospitalier de son territoire.
01:24Bref, le capitalisme hexagonal prend une part très active dans le grand mécano financiaro-industriel mondial.
01:33Le recensement, certes perfectible, des opérations de fusion-acquisition depuis près de huit ans témoigne de leur activisme,
01:41aussi bien en termes d'acquisition de pépites de la tech que d'achat de concurrents étrangers.
01:46Au-delà de LVMH, qui a bâti le leader mondial du luxe, on retrouve au sommet de la hiérarchie les grands paquebots hexagonaux,
01:54Total, Engie, Saint-Gobain, Accor, Vinci, L'Oréal, Michelin et notamment nos énergéticiens confrontés aux défis climatiques.
02:03Mais on y trouve aussi des groupes moins connus du grand public,
02:06notamment le laboratoire d'analyse eurofine scientifique, avec 62 000 employés déployés à travers le monde,
02:13surfant sur les besoins de la santé, de l'alimentaire et du climat.
02:18SPIE ensuite, dans le génie électrique, mécanique et climatique,
02:22multi-implanté qui compte 48 000 collaborateurs à échelle monde,
02:26ou encore Élis, dans le nettoyage et l'hygiène, forte de 50 000 collaborateurs.
02:32Ces services B2B, peu visibles, où la France excelle.
02:36Avec à la clé des opérateurs qui renforcent la position concurrentielle hexagonale,
02:41mais qui défraient moins la chronique que lorsqu'une entreprise star française change de contrôle.
02:47Pourquoi une telle financiarisation du capitalisme hexagonal ?
02:51On ne peut se livrer ici qu'à un jeu d'hypothèses à défaut d'enquêtes rigoureuses et comparatives.
02:56Ce sont les entraves domestiques, qu'elles soient fiscales, sociales, réglementaires, financières ou la rareté des compétences,
03:03qui sont le plus fréquemment évoqués pour justifier la préférence française pour la croissance externe.
03:09Les grandes entreprises iraient chercher leur oxygène ailleurs,
03:13ou préfèreraient l'acquisition d'un projet déjà éprouvé,
03:17se détournant de la prise de risque et privilégiant l'optimisation et les synergies.
03:22C'est aussi la quête de déboucher en forte croissance, en dehors de la vieille Europe,
03:27qui pourrait expliquer que le capitalisme français prend le large.
03:30C'est ensuite la nature même de la spécialisation hexagonale,
03:34son repositionnement sur les services B2C ou B2B, qui pousserait à la multi-implantation.
03:41Par nature, ce type d'activité ne peut se déployer qu'en développant une relation de proximité avec l'utilisateur final.
03:49Mais cela ne nous dit pas pourquoi la France, pays d'ingénieurs, de tradition entrepreneuriale,
03:55tente à délaisser l'industrie en dur et développe une telle appétence pour le mécano des industries plus dématérialisées.
04:03Peut-être faut-il alors s'interroger aussi sur la sélection de nos élites.
04:06Entre des ingénieurs qui ont été longtemps happés par les sirènes de la finance et du conseil,
04:12délaissant les grands corps de l'État et la R&D,
04:15des écoles de commerce qui survendent la promesse d'un réseau,
04:18d'un entre-soi où se développent des passerelles entre la finance, l'État et la sphère productive,
04:24au détriment de l'acquisition de compétences techniques,
04:26ou encore un enseignement qui privilégie la version anglo-saxonne de l'entreprise,
04:32conçue comme un portefeuille d'actifs diversifiable,
04:35nos élites sont profilées pour être des assembleurs, plus que des créateurs, des inventeurs ou des développeurs.
04:43De ce cocktail est né un capitalisme hexagonal,
04:46designé par une élite déconnectée des métiers de la production,
04:50qui a finalement plus de parenté avec celui des États-Unis qu'avec celui de l'Allemagne ou de l'Italie.