Emanuel Macron persiste et signe : il n'exclut pas un envoi de troupes occidentale au sol en Ukraine. C'est ce qu'il a répété dans l'hebdomadaire britannique "The Economist". Un envoi de troupes "sous condition" a précisé le Président. Quelles sont ces conditions ? Est-ce réaliste et cela peut-il vraiment arriver ? Pour en parler, le Général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, et notamment l'auteur de "Ce qui nous attend, l'effet papillon des conflits mondiaux".
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 02 mai 2024
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00:00 (Générique)
00:04 Allez, bonne fin de journée, RTL bonsoir, votre émission se poursuit.
00:07 On va accueillir maintenant, on en a bien besoin, notre invité pour tout comprendre.
00:11 Emmanuel Macron persiste et signe, il n'exclut pas un envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine.
00:16 C'est en tout cas ce qu'il a répété aujourd'hui dans l'hebdomadaire britannique The Economist.
00:20 Envoi de troupes sous conditions précise le président.
00:23 Alors quelles sont ces conditions ? Est-ce que c'est réaliste ? Est-ce que cela peut vraiment arriver ?
00:28 Pour nous éclairer, on est avec le général Dominique Trincan, ex-chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, bonsoir.
00:34 - Bonsoir.
00:35 - Vous êtes notamment l'auteur de "Ce qui nous attend, l'effet papillon des conflits mondiaux".
00:40 Alors, le président a émis des conditions pour l'envoi de troupes au sol.
00:43 La première, je le cite, "que la Russie perce des lignes de front et que l'Ukraine nous demande de venir".
00:49 C'est possible ça, comme configuration, général Trincan ?
00:52 - Oui, alors les deux conditions répondent à deux problématiques différentes.
00:58 La première, que l'Ukraine le demande.
01:01 Je rappelle que selon l'article 51 de la Charte des Nations Unies, tout pays agressé a le droit de se défendre
01:07 et on a le droit de lui venir en secours.
01:10 Et donc ça répond à cette problématique-là.
01:12 Et donc une assise légale, si j'ose dire.
01:15 La deuxième, la percée russe.
01:17 Je pense que ça c'est une possibilité qu'il faut toujours envisager.
01:21 Comme vous le savez, dans les planifications militaires, on envisage toujours le pire.
01:25 Mais je pense aussi que le déclaré à l'avance par le président Macron est un avertissement à la Russie.
01:31 "Attention à la Russie de ne pas aller trop loin, sinon vous risquez de vous retrouver à plus forte affaire que uniquement l'Ukraine".
01:38 Et je pense que c'est un effet dissuasif que le président cherche à avoir envers la Russie.
01:45 - Vous dites "il faut envisager le pire", mais là, à l'instant T, à l'instant où on se parle,
01:50 à court terme, la Russie a-t-elle la possibilité de percer certaines lignes de front ukrainiennes ?
01:55 - Alors aujourd'hui, la situation sur le terrain est difficile pour les Ukrainiens,
01:59 qui font face à une offensive russe qui progresse très doucement,
02:05 avec des succès tactiques minimes,
02:08 mais qui n'empêchent pas qu'à un moment, il puisse y avoir une percée.
02:12 Et donc c'est pour envisager la solution la pire, que cette déclaration a été faite.
02:17 Le pire n'est jamais certain, dit-on.
02:19 Oui, mais il faut le préparer.
02:20 - Et une percée en termes militaires, ça veut dire quoi en gros ?
02:24 Ça veut dire qu'il passe une ligne, ou qu'il fasse une grosse offensive ?
02:27 - Ça veut dire une grosse offensive.
02:29 À mon avis, il y a deux directions qui seraient extrêmement dangereuses,
02:33 et qui nécessiteraient probablement une intervention extérieure.
02:36 C'est une percée en direction de Kiev, ou une percée en direction d'Odessa.
02:41 Alors pour Odessa, actuellement, il n'y a pas de risque de ce côté-là pour l'instant,
02:45 parce que le front ne bouge pas de ce côté-là, il est arrêté par le Nièvre, il faut le rappeler.
02:50 En revanche, dans le Donbass, aujourd'hui, il y a des avancées très minimes,
02:57 et ma perception, c'est que stratégiquement, la Russie n'a pas intérêt à aller au-delà du Donbass.
03:02 C'est-à-dire qu'elle a intérêt à dire "voilà, j'ai conquis les populations russophones, et on s'arrête là".
03:08 - Mais général, c'est trop au sol. Ce serait pour faire quoi ?
03:11 Emmanuel Macron a parlé de mission logistique, pas de combat.
03:14 Ça peut changer la donne, ça, sur le terrain ?
03:16 - Eh bien écoutez, actuellement, l'Ukraine a un grand déficit de soldats.
03:21 Et il y a des soldats qui sont retenus ailleurs, soit dans des données logistiques,
03:27 soit dans de la défense antiaérienne sur l'arrière, soit face à la Biélorussie,
03:32 dont l'intervention en Ukraine est quasiment nulle,
03:35 mais toutefois, ça mobilise des troupes, et ça permettrait de libérer ces troupes pour aller combattre sur le front.
03:41 - Et quand Emmanuel Macron avait émis pour la première fois la possibilité d'envoi de troupes au sol en février dernier,
03:47 la plupart des pays européens et les États-Unis, d'ailleurs, n'avaient pas adhéré.
03:51 Dans les faits, est-ce que la France peut y aller toute seule ?
03:54 - Alors le premier point, c'est que vous vous souviendrez que les pays ont fait une levée de boucliers le lendemain de l'annonce,
04:01 et dans les trois semaines qui ont suivi, la moitié des pays a dit que finalement, oui, il fallait étudier toutes les options.
04:07 Je rappelle que la France est le seul pays en Europe dans lequel un président a autorité directe pour s'exprimer comme cela.
04:15 Les autres sont des premiers ministres qui doivent s'adresser d'abord à leur parlement.
04:20 C'est ce qui s'est passé.
04:21 Alors je mets les Américains de côté parce que, évidemment, il vaut dire que c'est un sujet européen,
04:26 et qu'il n'y aura pas un soldat américain sur le sol, même si c'est un secret de polychinelle, il y en a déjà.
04:32 Mais pour les autres pays, on a déjà, par exemple, la Pologne et les Pays-Bas, qui sont tout à fait d'accord avec cette position-là.
04:38 Donc la France ne serait pas seule.
04:40 - Des troupes occidentales, des troupes européennes, sur le sol ukrainien, même si ce n'est pas pour combattre,
04:46 est-ce que c'est une ligne rouge pour Vladimir Poutine ?
04:50 - Alors écoutez, depuis deux ans, on n'arrête pas de craindre les lignes rouges de Poutine.
04:55 Il est temps que ce soit M. Poutine qui craigne les lignes rouges occidentales.
05:01 Et la ligne qui a été tracée par le Président est une offensive majeure russe qui casse le front ukrainien.
05:08 C'est à ça que doit penser M. Poutine. Il est temps que ce soit lui qui doute, et non pas nous.
05:13 - Général Trinquant, certains de vos confrères, alors je pense au général Lecointre par exemple,
05:17 disent que la Russie veut vraiment la guerre avec l'Occident, et qu'on finira bien par y arriver un jour ou l'autre.
05:22 Vous partagez ce point de vue, qui n'est pas hyper optimiste ?
05:25 - Oui, mais je pense que la guerre, elle a commencé.
05:27 Simplement, on ne reçoit pas des obus en France, mais on a des attaques de communication, de cyber,
05:32 on a des six lignes au GPS qui sont brouillées du côté des Pays-Baltes et du nord de l'Europe.
05:40 On a de multiples attaques, on a l'attaque actuelle en Géorgie par le biais du Parlement georgien
05:46 qui veut empêcher la Georgie d'accéder à l'Europe.
05:50 On a un certain nombre d'attaques qu'il faut prendre sérieusement en compte dès aujourd'hui,
05:55 avant que ça ne devienne effectivement des obus qui tombent sur le territoire européen.
05:59 - Merci beaucoup Général Dominique Trinquant pour vos explications ce soir,
06:03 après ces déclarations du Président de la République.
06:05 Merci d'avoir été notre invité pour tout comprendre dans RTL Bonsoir.
06:09 Émission qui va se poursuivre, tout autre chose dans un instant,
06:13 la bouffée d'oxygène avant 19h, cet grand match des infos pour briller au dîner,
06:17 entre vous deux d'ailleurs Isabelle et Cyprien, ce soir on va faire le plein d'anecdotes avant de passer à la table.
06:22 Julia Selye, Isabelle Choquet et Cyprien Séni.