Volodymyr Zelensky est en visite en France : après les cérémonies de commémoration des 80 ans du débarquement, le Président ukrainien va s'exprimer devant l'Assemblée nationale. Mais comment aider l'Ukraine ? Faut-il encore aider l'Ukraine ? Faut-il envoyer des instructeurs français, des troupes au sol ? Écoutez le Général Vincent Desportes, ancien directeur de l'école de guerre.
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 06 juin 2024
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 06 juin 2024
Category
🗞
NewsTranscription
00:00RTL, bonsoir, Julien Cellier et Cyprien Cygne.
00:05Les grands débats jusqu'à 20h dans RTL, bonsoir avec Valérie Trierveler, Pascal Perrineau, Guillaume Tabard
00:11et on accueille un nouvel invité maintenant, expert militaire, le général Vincent Deporte, ancien directeur de l'école de guerre, bonsoir.
00:17Recevoir Zelensky, ok, on vient d'en discuter, mais comment aider l'Ukraine ?
00:22Là, aujourd'hui, en ce 6 juin 2024, est-ce qu'il faut encore aider l'Ukraine ?
00:26Est-ce qu'il faut envoyer des instructeurs français ? Est-ce qu'il faut envoyer des troupes et de la logistique au sol ?
00:31On va s'interroger ensemble, Vincent Deporte, qu'est-ce qu'il va réclamer, qu'est-ce qu'il peut réclamer d'ailleurs,
00:36vous le dit Mirzalensky, selon vous, devant l'Assemblée Nationale demain matin ?
00:39Je crois que son discours ne sera pas surprenant, il est toujours sur deux thèmes,
00:43un, cette guerre est la vôtre, mais c'est moi qui la continue, désolé, vous allez faire ce que je veux,
00:49deux, j'ai besoin de vos armements, mais c'est moi qui déciderai comment je vais les envoyer,
00:53je ne vois pas ce qu'il pourrait dire de nouveau, il va nous expliquer qu'il y a le feu au lac, et il y a effectivement le feu au lac.
00:58Bon, donc moi je ne crois pas qu'il y ait, je ne vois pas très bien ce qu'il pourrait dire de plus,
01:04il va chercher à renforcer encore le lien entre l'Occident et lui, qui n'en fait pas encore partie, si vous le permettez pleinement,
01:12voilà, moi je ne crois pas qu'on ait de surprise particulière.
01:15Vous disiez à l'instant qu'il y a le feu au lac, sur le front exactement, on en est où Général Deporte ?
01:19Le front il est immense, est-ce que les Ukrainiens ils résistent correctement à la nouvelle offensive russe dans le Nord-Est par exemple ?
01:24Alors, mieux que nous ne le craignons, mieux que nous ne le craignons, mais c'est qu'il y a comme conséquence qu'ils résistent moins bien sur le front Est,
01:32parce qu'un des objectifs de Poutine, il avait de faire au feu, s'il avait percé à Kharkiv, l'affaire était pliée,
01:38le front est obligé de reculer de 100 kilomètres, en débandade, c'est la France de 40, il avait perdu.
01:44Mais il avait ça, ça n'a pas marché, il n'avait pas mis assez de troupes pour le faire d'ailleurs,
01:48mais Zelensky a été obligé de ramener des troupes du Donbass pour aller boucher cette possible percée.
01:57Et donc du coup il s'est affaibli, et donc dans le Donbass, les troupes russes avancent tous les jours.
02:03Donc il y a vraiment le feu au lac, et oui on doit et on peut encore aider Zelensky.
02:10Mais le problème de Zelensky, c'est qu'il a dans sa tête des objectifs qui sont irréalisables,
02:17et qu'il est aujourd'hui prisonnier de son personnage.
02:20Lui a bien compris qu'il ne pourrait pas tout faire, que très vraisemblablement,
02:24il ne reconquérera jamais le Donbass ni la Crimée, mais il est dans une posture tchartchilienne,
02:30qui fait que comme d'habitude la politique intérieure pollue les relations internationales et la stratégie,
02:36et il est bloqué dans son discours.
02:38Donc je pense que ce qui est important aujourd'hui, ce n'est pas de donner des armes,
02:41ce n'est pas d'allonger les portées de nos armes, parce que ça ce n'est pas de la stratégie.
02:45C'est de se mettre enfin à faire de la stratégie.
02:47Le drame de cette guerre, c'est depuis le 24 février 2022, nous sommes en gestion de crise,
02:53et non pas en démarche stratégique.
02:55C'est-à-dire que nous avons été infoutus de nous mettre d'accord sur ce qu'on pouvait attendre stratégiquement de cette guerre.
03:03Et donc chacun il va, tu donnes un char, moi j'en donne un, mais ça ce n'est pas de la stratégie.
03:08Mais il faut faire quoi ? C'est quoi de la stratégie ?
03:10Je vais vous dire. La stratégie, elle part d'une vision de l'avenir.
03:13Il faut donc être raisonnable. Que peut-on attendre de cette guerre ?
03:17Ce qu'on peut en attendre maintenant est rien d'autre.
03:19C'est avoir une armée ukrainienne qui tienne, un, et deux, qui dissuade.
03:24Pas plus que ça. Quel est le problème aujourd'hui ?
03:27Cette guerre, elle se terminera par une négociation, il n'y a pas d'autre choix.
03:30S'il n'y a pas de négociation, c'est que la Russie est tombée, qu'elle est par terre, et ce serait une très mauvaise nouvelle pour nous.
03:36Ou l'autre solution, c'est que l'Ukraine, que les troupes russes soient arrivées sur la frontière ukraino-polonaise.
03:42Et ça, on ne peut pas le permettre.
03:44Donc, il y aura une négociation.
03:46La négo ne commence que si les partis ont intérêt et croient en la négociation.
03:50Poutine ne croit pas en la négociation, il n'a pas besoin.
03:53Pour lui, la victoire est possible, et la victoire totale est encore possible.
03:57Peut-être que les troupes russes seront à l'ivre au mois d'octobre prochain.
04:00Donc, il n'a pas intérêt.
04:02On doit créer les conditions qui l'amèneront à se dire, au fond, j'ai plutôt intérêt à conserver ce que je peux conserver maintenant, et ne pas aller plus loin.
04:10Tant qu'une armée ukrainienne qui tienne, et j'en viens au débat qui fait polémique dans le débat politique aujourd'hui,
04:16ces fameux instructeurs français, ça sert vraiment à quelque chose, ça, sur le terrain ?
04:20Bien sûr, pas sur le terrain. Pas sur le terrain.
04:23L'objectif est d'abord un objectif politique.
04:26Je pense que le président Macron, quoi qu'on en pense, a raison de chercher à cristalliser un noyau de pays européens
04:35qui doivent constituer le noyau du front de la détermination.
04:39Depuis que la Russie existe, elle ne s'est jamais arrêtée que soit sur la mer, Baltique ou Pacifique, par exemple,
04:44ou sur la volonté des empires et des nations.
04:47Eh bien, il faut montrer, il faut construire ce front de la détermination,
04:50et montrer, d'ailleurs, les événements du 6 juin aujourd'hui y participent,
04:55montrer que nous sommes déterminés à ne pas le laisser gagner.
04:59J'entends bien la portée symbolique, mais opérationnellement, sur le terrain, les instructeurs français, ils serviraient à quoi ?
05:04Alors, je vais vous le dire, mais encore une fois, ça n'a pas beaucoup d'importance.
05:06Ce qui est important, c'est que l'Europe montre sa détermination.
05:10Alors, ça a quand même un intérêt, évidemment, mais ce n'est pas le but.
05:14L'intérêt est politique. Quel intérêt, ça ?
05:17D'abord, c'est plus facile de déplacer trois instructeurs que 400 soldats ukrainiens en France.
05:22Ensuite, il est important aussi de les former sur leur matériel que nous n'avons pas.
05:26Et quand on les forme en France, on les forme sur nos matériels, et pas sur les leurs.
05:30Et ensuite, il est intéressant de les former sur le terrain ukrainien,
05:33qui, vous le savez comme moi, est plat comme la main.
05:35Ce qui n'est pas vrai en France.
05:36Quand on les forme à Kanjer, ça ne ressemble pas du tout à l'Ukraine.
05:40Et donc, il y a un certain nombre d'intérêts à le faire.
05:43Pour aller former des démineurs, eh bien, il faut mieux les former là où ils sont, etc.
05:47Donc, c'est un certain nombre d'intérêts opérationnels,
05:50et je crois vraiment que ça n'est pas le but.
05:52C'est comme l'allongement des armes, la portée des armes qui est importante.
05:55Ça, c'est simplement dire à Poutine, tu n'iras pas plus loin.
05:58Tu n'iras pas plus loin. Je crois que c'est ça qui est vraiment important.
06:00Sur ces différentes questions, et le feu vert pour pouvoir, avec nos armes,
06:03aller taper les militaires russes et les instructeurs français,
06:07on sait qu'à chaque fois, Emmanuel Macron est très offensif,
06:11à la fois en Europe et dans le débat politique français.
06:15On sait que ça cristallise aussi les tensions,
06:17et il y a un sondage IFOP récent qui montre que les deux tiers des français
06:21sont opposés à l'envoi de militaires français en Ukraine.
06:24Ça veut dire, Pascal Perrineau, qu'il marche quand même sur des oeufs
06:27dans l'opinion publique, le chef de l'État, sur ce soutien très actif à l'Ukraine.
06:33On ne sait pas ce qu'il peut annoncer ce soir.
06:36L'opinion française, si vous voulez, se souvient, comme toujours,
06:39il y a des phénomènes de rémanence dans l'opinion, de drame passé.
06:43Et l'opinion française se souvient des soldats français
06:47qui sont revenus du Tchad,
06:50des soldats français qui sont revenus dans des bodybags,
06:54et ça a toujours énormément frappé l'opinion publique française.
06:58Là, si l'on écoute, en effet, le général Deporte,
07:03on se dit qu'il s'agit d'autre chose, il ne s'agit pas d'envoyer
07:06en masse des soldats ou des brigades de soldats français sur le terrain ukrainien.
07:11Il suffit de porter les fonctions de conseil, de logistique,
07:16sur le terrain, au travers d'instructeurs.
07:19C'est tout à fait différent. Là, je crois qu'il y aura, comment dire,
07:23une tolérance de l'opinion par rapport à cela.
07:26Si ça allait plus loin, en effet, là, oui,
07:29les français diront non, on n'ira pas mourir pour l'Ukraine.
07:33Nos enfants ne mourront pas pour l'Ukraine.
07:36C'est peut-être simplement, je vais vous dire, reporter l'échéance.
07:40Parce que la montée de la préoccupation de la guerre dans l'opinion est majeure.
07:45Valérie Triravella ?
07:46Moi, je ne vais pas m'improviser, experte militaire, surtout face à un général.
07:50Surtout face à ce général.
07:52Non, mais je voudrais dire, j'ai lu aujourd'hui
07:55l'accord de coopération entre l'Ukraine et la France
07:59qui a été signé le 16 février.
08:01Et dans ce rapport, il est bien dit que nous allons envoyer des instructeurs.
08:05Nous prévoyons, c'est un accord de coopération pour dix ans, pour dix ans.
08:09Et nous prévoyons donc de donner une contribution supplémentaire de 3 milliards.
08:14Donc ces 3 milliards, de toute façon, elles vont bien passer quelque part.
08:17Donc il est prévu que ces instructeurs, entre autres,
08:20parce qu'on va aussi fournir des armes, des munitions,
08:22ces instructeurs doivent aider justement à former les militaires sur le terrain
08:26pour se servir des armes que nous allons donner,
08:29y compris des missiles longs portés qui sont, paraît-il, difficiles à manipuler.
08:33Voilà ce que j'ai vu.
08:35Moi, en tout cas, dans ce rapport, faut-il aider l'Ukraine ?
08:38Nous avons prévu de l'aider encore dix ans jusqu'à son entrée,
08:42son éventuelle entrée dans l'OTAN.
08:44Ça c'est autre chose, mais c'est dedans.
08:47C'est quand même dans l'accord.
08:49Je pense que ce soir, Emmanuel Macron serait encore plus prudent sur ce terrain-là.
08:53On va voir tout à l'heure.
08:55J'ai l'impression que ce qu'il va annoncer dans les annonces qu'il va faire ce soir,
09:00il y aura peut-être de l'envoi de matériel,
09:02peut-être qu'il parlera de l'envoi d'avions supplémentaires,
09:05peut-être qu'il parlera de l'envoi de missiles supplémentaires.
09:08Mais il faudra savoir que sur les instructeurs,
09:13il insistera sur la formation d'instructeurs toujours sur le sol français.
09:18Peut-être qu'il dira que pour l'instant, on s'en tient à là
09:21et qu'il ne passera pas encore à l'étape de l'envoi d'instructeurs sur place.
09:26Général Deporte, le mot de la fin sur ce sujet ?
09:28Le mot de la fin, c'est qu'on a un véritable devoir.
09:31On a un véritable devoir aussi d'éducation des Français aux dangers qui les menacent.
09:36On se rappelle qu'une des raisons fondamentales pour lesquelles nous avons perdu la guerre de 1940,
09:40c'est que l'exécutif du moment n'a pas osé dire qu'il fallait faire quelque chose
09:45et donc on a subi cinq ans de bottes nazies sur le coin de la figure.
09:49Vous savez, il vaut mieux investir tout de suite.
09:51Il faut avoir le courage de dire les choses.
09:53Alain Churchill, mais il avait raison.
09:55Il était le seul, Churchill, mais du sang, de la sueur et des larmes, mais nous vaincrons.
09:59Et je crois qu'il est temps de dire aujourd'hui que oui,
10:02les Français, même au fin fond de l'Auvergne, au fin fond du Pays Basque,
10:06sont menacés par les menées actuelles de Poutine.
10:09Et si on ne veut pas que la guerre déferle jusque-là,
10:12comme elle a déferlé en 1942, finalement, vers le bas,
10:16après que les Américains aient débarqué en Afrique du Nord,
10:20il faut être suffisamment fort pour que Poutine comprenne que nous ne lâcherons rien.
10:25Mais il faut que le peuple français soit derrière le Président.
10:28Et je pense que le Président Macron est petit à petit en train de monter ce discours-là.
10:33Moi, je pense même qu'il devrait être, mais après les élections, évidemment,
10:37être plus clair.
10:38C'est votre guerre à vous, ça n'est pas la guerre des Ukrainiens.
10:41Il l'a dit aujourd'hui quand même.
10:43Il l'a beaucoup dit et il l'a dit encore aujourd'hui.
10:45Il a raison de le dire.
10:47Mais la contrepartie de ça, c'est que nous avons notre mot à dire dans la guerre en Ukraine.
10:52Nous n'avons pas à nous laisser diriger par Zelensky,
10:55qui, je pense, est devenu le plus grand danger pour l'Ukraine.
10:57Alors, on entendra le Président Macron d'ici une demi-heure, évidemment,
11:00lors de son interview à la télévision.
11:02Merci, Général Vincent Deporte, ancien directeur de l'école de guerre,
11:05d'avoir été notre invité dans les grands débats ce soir.
11:08Des grands débats qui continuent avec vous, Valérie, Pascal, Guillaume.
11:11Vous allez noter les candidats aux européennes dans un instant.
11:13La meilleure campagne, la pire.
11:15On va jouer au jeu des notes.
11:16Et surtout, vous allez devoir vous justifier.
11:18Quand on met une note, on justifie.
11:19C'est comme les professeurs à l'école.