• il y a 6 mois
Thibault de Montbrial et Benoît Hamon sont les débatteurs de ce lundi 6 mai. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-lundi-06-mai-2024-1620418

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00:00Débat ce matin sur le pacte européen sur l'immigration et l'asile, définitivement adopté par les
00:06eurodéputés il y a un peu moins d'un mois. Il entrera en vigueur en 2026, il comprend un certain nombre de
00:15dispositions, deux volets notamment, le durcissement du contrôle des arrivées aux frontières et la mise en
00:21place d'un système de solidarité et de répartition des migrants entre États membres. Ce pacte est-il bon ?
00:28Est-il équilibré ? Trop laxiste comme disent les uns ? Trop punitif comme disent les autres ? On va en débattre
00:35ce matin avec Benoît Hamon qui est directeur de Synga Global, ONG internationale dédiée à l'inclusion des
00:43nouveaux arrivants par l'hébergement, l'entreprenariat et les activités interculturelles, vous êtes également
00:50ancien ministre, et Thibaut Demond-Brial, avocat et président du centre de réflexion sur la sécurité intérieure.
00:58Bonjour à tous les deux, et merci d'être au micro d'Inter ce matin, c'est un jour historique, s'est félicité la
01:06présidente de la commission, Ursula von der Leyen, le jour du vote du pacte migratoire, historique on va voir,
01:13avant d'entrer dans les détails, comment jugez-vous pour commencer l'esprit de ce texte, son équilibre général ?
01:22Vous n'êtes pas d'accord sur le sujet, on va voir pourquoi. Votre lecture à vous pour commencer, Benoît Hamon.
01:29Écoutez, c'est un texte qui est conforme aux obsessions européennes de vouloir faire de l'Europe une citadelle,
01:38conforme aussi aux paniques identitaires qui sont celles d'une grande partie des élites européennes.
01:43Le sentiment aujourd'hui que nos modes de vie, nos modèles économiques, sociaux seraient menacés par les migrations,
01:52quand en réalité, quand on regarde la démographie européenne, quand on regarde les enjeux économiques,
01:57nous savons pertinemment que si nous voulons conserver un haut niveau de protection sociale, un haut niveau de service public,
02:03ce qu'on appelle le solde naturel des naissances, c'est-à-dire la démographie européenne, ne nous permettra pas
02:07de le conserver et que nous aurons besoin demain de migrations légales si nous voulons ne serait-ce que conserver
02:15nos niveaux de vie et notre train de vie. Et c'est pour ça que c'est un mauvais texte, et un mauvais texte qui, de surcroît,
02:23et c'est cela qui m'inquiète, durcit à nouveau ce que sont les politiques publiques en matière d'entrée et de contrôle des entrées
02:31aux frontières de l'Europe et va s'affranchir d'un certain nombre de textes internationaux.
02:35La Convention de Genève, un certain nombre de textes sur les droits internationaux maritimes.
02:40Plus on durcit, plus on s'affranchit des droits fondamentaux qui faisaient la spécificité du modèle européen.
02:44— Alors, l'esprit des lois, sur l'esprit des lois, l'esprit de ce texte, Thibaud de Montbrial, avant de vous faire débattre avec Benoît Hamon.
02:51Quelle en est votre lecture ? — C'est un tout petit pas dans la bonne direction. Voilà, la lecture très synthétique.
02:59Et pour entrer dans le débat, moi, je trouve que c'est très intéressant, ce que dit Benoît Hamon, parce qu'il invoque
03:04la prétendue obsession identitaire européenne pour lui opposer aussitôt, sans parler des questions d'identité,
03:10une nécessité économique. Et pour finir par quelque chose qui, pour le coup, est juste... Je vous avais dit avant le débat
03:15qu'il y a un point sur lequel on serait d'accord. C'est que l'Europe aura besoin d'immigration légale.
03:21Et le mot a été prononcé par Benoît Hamon. La question, aujourd'hui, c'est qu'il n'y a absolument aucun contrôle sérieux
03:28à ce jour des entrées illégales en Europe, et que pour tout un tas de raisons dans lesquelles on ne va pas rentrer maintenant,
03:35il est quasiment impossible, en pratique, d'expulser les gens qui sont en situation irrégulière. Donc tout l'enjeu pour l'Europe,
03:43aujourd'hui, c'est de maîtriser l'immigration. Il y a toujours eu et il y aura un besoin d'immigration. La question, c'est qui,
03:52comment et dans quelles conditions ? Et je pense qu'on ne peut accueillir correctement que si on maîtrise le nombre des gens qui entrent.
04:00Moi, je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin, mais je suis quelqu'un de pragmatique et je pense que c'est déjà un petit pas dans la bonne direction.
04:07Songez quand même à une chose que beaucoup de gens n'ont pas à l'esprit, c'est qu'à ce jour, l'immense majorité des gens qui rentrent sur le territoire européen
04:15ne sont pas contrôlés, c'est-à-dire qu'on n'a pas leur identité, on n'a pas leurs empreintes, etc. En 2015,
04:21quand il y a eu cette fameuse vague migratoire de septembre 2015, les Allemands, finalement, ont accueilli à peu près un million de personnes,
04:27dont seulement 68 000 identités ont été vérifiées.
04:30Benoît Hamon, sur ce point ?
04:32Non, mais il y a beaucoup de choses. Une chose est sûre, c'est que les politiques migratoires, elles ne sont pas liées à nos capacités d'accueil.
04:38C'est qu'il n'y a pas de problème d'accueil. On est parfaitement capable d'accueillir. La preuve, c'est que nous avons réussi à accueillir 6 millions de réfugiés ukrainiens
04:44en quelques mois, ce qui montre que l'Union Européenne, quand elle se dote de la capacité à accueillir le droit au travail, le droit à la formation et la possibilité d'héberger,
04:52elle peut le faire. Le sujet, c'est qu'elle ne veut pas le faire. Elle ne veut pas le faire aujourd'hui et elle ne veut pas le faire, me semble-t-il, de mauvaise raison.
05:01J'ajoute que, bon, M. de Montbrial est extrêmement modéré dans ce qu'il dit là par rapport à ce qu'il écrit habituellement,
05:07mais il est partisan de politiques qui sont défendues par ailleurs par le Rassemblement national, par les extrêmes droits en Europe,
05:12qui visent à repousser, déporter parfois, les demandeurs d'asile, externaliser l'examen de leurs demandes d'asile dans des pays tiers.
05:20Et au bout du compte, il y a un durcissement de ces politiques qui ne marchent pas. Dois-je vous rappeler, par exemple, que depuis le Brexit 2016 construit et obtenu sur le rejet de l'immigration,
05:30les migrations vers l'Angleterre ont été multipliées par deux. Depuis que Mélanie a été élue en Italie, les migrations ont été multipliées par deux.
05:37Ces politiques ne marchent pas. Non seulement elles ne marchent pas, mais elles se traduisent par quoi derrière ?
05:42Par le fait qu'on durcit encore plus les politiques de contrôle aux frontières. On a invisibilisé des personnes.
05:48Et quand on parle de migration, juste se rappeler qu'on parle d'êtres humains, comme nous, de femmes, d'enfants, d'hommes qui ont des projets, des histoires, des espoirs,
06:00et dont nous considérons aujourd'hui que ce sont des nombres avec lesquels nous jouons, sans par ailleurs jamais leur donner la parole dans le débat public.
06:07Sur le fait que les politiques de durcissement ne marchent pas, Thierry de Montbrial...
06:11C'est Thibault de Montbrial.
06:12Pardon.
06:13Les politiques de durcissement ne marchent pas pour une raison très simple, c'est qu'elles ne sont pas coordonnées.
06:17Si nous avions une politique communautaire, et le pacte dont on parle, et c'est pour ça que je dis que c'est un premier pas dans la bonne direction,
06:24si nous avions une politique harmonisée, non seulement sur les contrôles aux entrées, la façon dont l'asile est examiné,
06:33avec une véritable politique d'expulsion des gens qui ne sont pas accueillis et qui n'ont pas l'asile,
06:41mais vers les pays sûrs, vers tous les pays, si c'est voulu.
06:44Alors d'accuser, il faut qu'il soit d'accord pour les accueillir.
06:46Mais justement, c'est pour ça qu'il y a beaucoup de choses très intéressantes.
06:50Mais pas contre un chèque, contre le fait...
06:52On sous-traite notre besoin de sécurité.
06:54Mais contre le fait, par exemple, que si l'Union Européenne, si la Commission décidait de demander aux pays d'origine de reprendre tous les expulsés,
07:05tous les expulsables des pays de l'Union Européenne, faute de quoi une partie de l'aide au développement ne serait pas payée,
07:14vous verrez que ça marcherait très bien.
07:16La question... En fait, on a un problème.
07:18La différence fondamentale de vision entre Benoît Hamon et moi,
07:21c'est que Benoît Hamon est dans une vision d'une générosité totalement déconnectée de la réalité,
07:27qui consiste à dire qu'à partir du moment où il s'agit d'être humain...
07:29Moi, je travaille sur le terrain, c'est une question d'âme.
07:31À partir du moment où il s'agit d'être humain, on peut l'oeil dessus.
07:35Mais alors, on va parler de terrain.
07:36Moi, l'autre jour, j'étais, puisqu'il m'arrive d'aller sur le terrain à peu près tous les dix jours,
07:40j'étais à Bressuire, qui est une ville des Deux-Sèvres,
07:43dans laquelle, il y a dix ans, il n'y avait quasiment pas d'immigration.
07:46Et aujourd'hui, il y a une immigration qui, d'ores et déjà à Bressuire,
07:51est considérée localement comme non maîtrisée,
07:54qui est extra-européenne, avec une explosion d'un certain nombre de délinquances,
07:58et notamment de trafic de drogue, qui sont liées à des réseaux
08:02qui sont totalement connectés avec l'immigration étrangère.
08:05Donc, moi, je veux bien que vous me parliez de terrain.
08:08Moi, je vous dis simplement, je termine simplement sur un point,
08:12c'est que, là, d'abord, le rôle d'un gouvernement, au sens large,
08:17c'est de protéger sa population, et non pas la population mondiale,
08:21et qu'il y a, pour l'Europe, oui, vous l'avez dit, en partant directement sur l'économique après,
08:26une question identitaire, et que si ce ne sont pas des gens raisonnables
08:30qui mettent en place ces politiques, comme il y a 80% de la population européenne qui la veut,
08:34elle sera mise en place autrement.
08:35Donc, on a le choix entre le raisonnable et l'irraisonnable.
08:38Mais on ira vers ces politiques.
08:40La réalité, c'est qu'aujourd'hui, quand on parle d'immigration,
08:43on ne parle que d'exclusion.
08:45On ne revient pas sur le potentiel incroyable,
08:49qui est celui des nouveaux arrivants,
08:51et les chances que nous offriraient des politiques d'inclusion.
08:5315% des créateurs d'entreprises, chaque année en France,
08:57sont des étrangers.
08:58Qui le dit ? Personne.
08:59On regarde le niveau de diplôme, au-delà de Bac plus 2,
09:02le nombre d'immigrés diplômés au-delà de Bac plus 2
09:05est aussi nombreux que les Français.
09:07C'est une vraie chance pour nous,
09:10un potentiel de performance de nos entreprises,
09:12d'innovation pour notre économie,
09:14mais ça, on n'en parle jamais.
09:15J'ajoute que ce qui est intéressant...
09:17On peut parler de délinquance, on peut parler de droits...
09:20Ce qui est intéressant, c'est que quand on parle de délinquance,
09:22on convoque l'origine seulement quand il s'agit de la délinquance des immigrés.
09:25Est-ce que si, par exemple, on regarde la délinquance financière
09:27qui est réalisée aujourd'hui, qui est en augmentation de 28%,
09:31uniquement par des riches blancs,
09:33on dit qu'ils sont riches et blancs au moment où ils sont délinquants ?
09:35Non. Pourquoi est-ce qu'on la convoque uniquement pour les étrangers ?
09:38Est-ce qu'il n'y a pas un fond d'intolérance, de xénophobie et de racisme, M. de Montréal ?
09:42Pourquoi est-ce que 80% des Européens ne sont pas d'accord avec vous ?
09:45Si, c'était si formidable.
09:46Pourquoi est-ce que 80% des Européens en moyenne ne sont pas d'accord avec moi ?
09:51Sur toutes les questions sur l'immigration...
09:5560% des Français disent qu'ils sont mal informés sur l'immigration.
09:57Seulement 6% qu'ils sont très informés.
09:59Alors ils sont 6% comme vous, à être très informés,
10:01sauf à choisir de ne parler que d'exclusion et pas d'inclusion.
10:04J'observe, j'écoute, je travaille sur le terrain et j'écoute ça.
10:08Je suis fasciné par la récurrence de la déconnexion totale du réel de certaines équipes de gauche.
10:15Pour l'instant, vous n'avez pas raconté grand-chose de très concret.
10:17Écoutez-vous non plus, vous êtes sur une vision en expliquant que l'immigration est une chance pour la France et pour l'Europe,
10:21ce qui est une entiène qu'on entend depuis 40 ans,
10:24et ce qui amène dans toutes les études d'opinion sur la question migratoire,
10:28sur la question de sécurité, sur la question d'identité,
10:31y compris dans l'électorat, c'est très intéressant, de la France insoumise,
10:33qui à 45% considère qu'il y a un problème sur ce sujet.
10:37Je vous redis, je vais vous donner un point d'accord.
10:40Si vous permettez un point d'accord, mais j'aimerais aussi que c'est vraiment un point d'accord.
10:44Qu'on entende le point d'accord.
10:45C'est que le problème, il existe, que l'angoisse et la peur à l'égard de la migration, elles existent,
10:50mais elle a des explications.
10:51Savez-vous par exemple, c'est le haut commissariat aux réfugiés qui le donnait dans un rapport,
10:55que les réfugiés en France, seulement 12% d'entre eux déclarent avoir une relation
10:59ou connaître un français qui n'est pas payé pour leur parler.
11:02Que 66% des français disent n'avoir aucun immigré dans leur cercle de leur relation personnelle.
11:08Le sujet, c'est qu'on ne se connaît pas.
11:10Et à partir du moment où on se connaît, je peux vous dire qu'un boulanger kurde dans un petit village,
11:15il change complètement le narratif et les représentations sur les migrations.
11:18Le problème, c'est que vous n'en parlez jamais de ces femmes et ces hommes.
11:20Mais bien sûr que si !
11:21Ce que je dis, j'ai commencé par ça, et je vais donc finir par ça vu l'heure,
11:25c'est que pour accueillir bien, il faut être en capacité que les choses se fassent
11:31d'un point de vue du nombre, de façon raisonnable.
11:34Mais c'est quoi le seuil ?
11:36Mais aujourd'hui, ça ne marche pas.
11:39Aujourd'hui, ça marche quand les gens qui sont élisibles aux droits d'asile peuvent être accompagnés
11:44et que tout peut être fait pour l'insertion.
11:46Allez regarder aujourd'hui, depuis 2022, il y a une politique qui a été mise en place par l'État.
11:51En Europe, ce n'est pas possible, en fait, à vous entendre.
11:55Vous dites qu'il faut aller voir là où c'est possible, et en Europe, ce n'est pas possible.
11:59C'est possible dans des proportions raisonnables et dans des proportions maîtrisées,
12:03pour protéger les plus vulnérables, qui sont d'ailleurs les premiers demandeurs.
12:07C'est très intéressant.
12:09La génération des gens qui ont 40 ou 50 ans et qui sont issus de l'immigration extra-européenne
12:13sont les plus demandeurs d'une politique de fermeté et de maîtrise.
12:17La question, c'est la maîtrise.
12:18Il ne s'agit pas de fermer, il s'agit de maîtriser.
12:20Mais moi, je pense qu'il faut-il n'avoir pas confiance dans son pays,
12:25son histoire et la force de ce pays, la République,
12:28pour aujourd'hui avoir à ce point peur de la migration.
12:32C'est fascinant de voir comment le déclassement de la France à l'international
12:36est lié aussi à ces politiques de fermeture des frontières.
12:40Quand vous voyez l'évolution et les conséquences culturelles, sécuritaires, sociales de l'immigration
12:47et la façon dont tous les peuples européens y répondent,
12:55on peut ouvrir.
12:57C'est très bien.
12:59Je vous pose la dernière question, je vous l'ai promis.
13:01Quel serait l'âge légal de départ à la retraite en France
13:05s'il n'y avait pas les cotisations des travailleurs étrangers ?
13:07A quel âge on devrait demander aux Français de partir ?
13:0967, 68 ans, vous assumez ça ?
13:11Politique d'expulsion, mais aussi augmentation de l'âge légal de départ à la retraite à 68 ans.
13:15Vous assumez ça ?
13:17Est-ce que vous assumez les revendications ?
13:19Moi, je vous réponds, vous assumez...
13:21Moi, je défends l'État de droit et la République.
13:24Je réponds à une question par une autre question.
13:26Pendant votre campagne électorale,
13:28vous n'étiez pas gêné par les bars où les femmes n'étaient pas accueillies.
13:30Ça a encore considérablement augmenté depuis.
13:32Nous sommes face à un fait qui, en Europe,
13:36est un fait qui est une conséquence directe de l'immigration.
13:38C'est qu'il y a une évolution culturelle
13:40qui, je pense, ne correspond ni à notre modèle,
13:42ni au vœu des populations européennes.
13:44Exemple de la panique identitaire des élites.
13:46Merci à tous les deux.
13:48Thibaud de Montbrial et Benoît Hamon.
13:50Merci encore.

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