Plein Cintre

  • il y a 4 mois
Pendant presque deux siécles, du 11° au 12° siécle, l’architecture romane va couvrir l’Europe Occidentale d’églises et de monastères. Le pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle devient alors presque aussi important pour un chrétien que celui de La Mecque pour un musulman.
En reprenant sept siècles plus tard la route de Compostelle, on est amené à constater combien l’Orient et l’Afrique ont influencé l’architecture et la sculpture, et donnés ainsi aux églises de l’ouest de la France une place à part dans l’art roman.
Transcript
00:00 [Bruit de moteur]
00:30 [Musique]
00:42 Dix siècles de pierre.
00:44 Dix siècles d'un vide souterrain sans cesse approfondi.
00:49 Tout ce qui pouvait être fait avec de la pierre, les hommes l'ont tenté.
00:57 Mais comment sont-ils parvenus à cette richesse qui rappelle l'art de l'islam ?
01:01 Tout étonné de voir le monde debout après l'an 1000,
01:08 émerveillé d'entendre encore le bruit de la vie,
01:12 stupéfait de voir des murs à la verticale.
01:16 Les hommes de ce temps allaient se mettre au travail.
01:23 Et en deux siècles, passer des pierres très modestes de leurs églises
01:27 aux pierres très savantes des cathédrales,
01:30 aux derniers feux de l'art roman,
01:33 aux premiers flamboiements du gothique, à Chartres.
01:37 [Musique]
01:52 Les cultes étaient alors anonymes,
01:54 comme les tailleurs de pierres,
01:56 comme les sculpteurs.
01:58 Mais tous ont solidement planté dans le sol
02:02 une œuvre où la grâce et la raison se mêlent harmonieusement.
02:06 Les clochers étaient massifs.
02:11 Les porches s'ouvraient sur des nefs simples comme des épures,
02:18 faites pour la prière et le chant.
02:22 L'art des lignes unissait déjà dans son jeu
02:25 le plein cintre et l'arc outrepassé.
02:30 [Musique]
03:00 La sculpture se réfugiait au sommet des colonnes
03:03 et son exubérance n'éclatait que rarement.
03:06 Des ouvriers venus de partout,
03:11 et c'est cela qui est important car beaucoup avaient suivi les croisades,
03:15 ont travaillé ces pierres mourant aujourd'hui d'un mal mystérieux
03:19 ou de la morsure des plantes.
03:21 Ouvriers devenus fantômes,
03:26 dont les marteaux résonnent comme un écho.
03:29 Elles ont été neuves ces pierres,
03:34 semblables à celles-ci que nos ouvriers remettent en état comme ils peuvent
03:39 et qui aident notre regard à rajeunir de sept siècles.
03:43 [Musique]
03:52 Écoutons, des pas, sur les routes de l'Est, des pas,
03:57 des pas sur les routes du Nord,
03:59 des pas sur les routes du Sud,
04:02 des pas vers le pays d'Ouest.
04:04 [Musique]
04:09 Le pays aux mille clochers,
04:11 le pays aux mille portails,
04:14 le pays où les routes se rejoignent pour n'en faire qu'une,
04:19 vers Saint-Jacques-de-Compostelle.
04:22 Un pèlerin cherche sa route en enfant perdu,
04:27 guidé par les pierres posées au bord du chemin ou le long des rivières.
04:31 [Musique]
04:42 Venu de Paris, il vient de franchir la Loire.
04:46 [Musique]
04:49 L'abbaye de Saint-Benoît l'accueille.
04:51 [Musique]
04:54 Les moines le font monter dans le chauffoir après l'avoir épouillé et il s'endort.
05:00 Au-dessus du porche déjà célèbre, le porche aux seize piliers.
05:06 [Musique]
05:14 L'angélus le réveille.
05:16 Il faut repartir.
05:19 [Musique]
05:21 L'abbaye bénédictine le regarde s'éloigner.
05:24 Pendant des jours et des jours, il va descendre vers l'Espagne.
05:30 [Musique]
05:43 Un soir encore, il arrive à l'étape.
05:45 C'est Olnay.
05:47 Olnay de Saint-Onge, porte des merveilles, porte d'or.
05:53 [Musique]
05:55 Saint-Pierre d'Olnay fleurit de pierre comme une mosquée.
05:59 [Musique]
06:01 Il s'allonge au transept sur une dalle pour dormir.
06:05 [Musique]
06:11 Son regard bascule et sous la coupole, avant de sombrer dans le rêve,
06:16 revient sans cesse à sa découverte aux éléphants d'Afrique.
06:21 [Musique]
06:26 Dans son rêve, le bestiaire d'Olnay va déployer ses sortilèges
06:33 comme au regard stupéfait des vieillards de l'Apocalypse.
06:38 [Musique]
07:06 Le jour dissipe les fantômes de la nuit.
07:08 [Musique]
07:17 Voici donc Olnay tel qu'elle est, chef-d'œuvre d'équilibre.
07:22 Ligne sage et craint solide pour ses richesses sorties d'un creuset
07:29 où toutes les civilisations ont versé leur part.
07:33 [Musique]
07:44 Le pèlerin qui s'en va se retourne encore une fois,
07:48 puis c'est de nouveau la longue marche vers Compostelle.
07:52 Le climat annonce le midi,
07:56 la couleur et le soleil du midi,
08:01 l'éblouissement du midi,
08:04 les pierres sont dorées au bord du chemin,
08:08 une prière à Feniu,
08:12 une prière à Varese,
08:16 une prière à Riu.
08:19 [Musique]
08:25 Riu, dont l'abside se pare des grâces de l'art musulman,
08:30 grâces uniquement géométriques,
08:33 géométrie savante de l'appareil.
08:37 Voici les rouleaux arabes,
08:42 les palmettes savantes,
08:46 les entrelaques délicats.
08:51 Voici les clous des coffres d'Espagne.
08:56 [Musique]
09:00 Voici, haut perché, les griffons de Perse venus à Grands Coudels
09:05 et voici les oiseaux d'une île embarquées pour l'Occident.
09:09 [Musique]
09:14 Voici le rêve d'un pays du sud.
09:17 Voici les terres d'Afrique,
09:20 leur soleil,
09:22 leur chaleur,
09:25 leur musique.
09:26 [Musique]
09:52 Douce charante, sur ta rive,
09:55 le sculpteur romand fait vivre ce rêve
09:58 qu'il n'a connu que sur l'ivoire d'un coffret arabe.
10:01 [Musique]
10:14 Les pas s'éloignent à jamais.
10:17 Sept siècles passent.
10:21 Un autre bruit.
10:23 [Bruit de moteur]
10:30 [Musique]
10:42 Les poules logent maintenant dans un poulailler, ce qui est normal.
10:47 Roman mosarab, ce qu'il est moins.
10:51 Mais le pays d'ouest est si riche.
10:54 Le linge y sèche sous les coupoles byzantines.
10:59 Plein cintre sur plein ciel.
11:03 [Musique]
11:05 Tout est calme, de cognac jusqu'à la mer.
11:10 [Musique]
11:28 Nous voici venus là où les ruines meurent.
11:31 L'abbaye de Châtres est seule.
11:36 Elle n'a plus dans sa nef noire comme la nuit qu'un hôtel de fortune, de mauvaise fortune.
11:41 Mais il s'en dégage comme un encens tenace.
11:44 Un parfum venu d'ailleurs.
11:47 Un charme de comte arabe qui flotte dans les vieilles carrières.
11:50 Les carrières des mille et une merveilles.
11:54 [Musique]
12:14 [Musique]
12:15 [SILENCE]