Le Monde a réuni 150 personnes dans un studio pour une photo Metoo français.
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00:00 Et le jeudi, l'édito culture, c'est avec Christine Angot. Christine, on vous écoute.
00:05 Le Monde a réuni 150 personnes dans un studio pour une photo #MeToo français.
00:10 Juliette Binoche avait donné une interview sur le sujet quelques jours plus tôt.
00:14 Elle y parlait de deux choses en même temps, à égalité, pour elle aussi importantes l'une que l'autre.
00:19 La protection de la personne, l'actrice, et la protection du personnage.
00:24 Pour l'un, il y a des comités de surveillance, des nouveaux métiers, des coachs d'intimité.
00:29 Elle rappelle qu'il y a deux fronts. Elle parle de la chose artistique, autrement dit.
00:34 On a revu récemment des extraits d'Apostrophe, l'émission de Bernard Pivot.
00:39 La plupart des interviews portaient sur le sujet. La personne, le personnage, la vie réelle, la vie fictive.
00:46 Pivot parle de Lolita perverse à Nabokov, qui dit "non, Lolita est une pauvre enfant".
00:53 Tout à coup, ça se complique. Il n'enferme pas son personnage dans une idée.
00:57 Sinon, pourquoi écrire 500 pages ?
01:00 Immédiatement, il oppose l'image contraire, sorte de "taisez-vous, arrêtez de tout réduire,
01:05 arrêtez de réduire la littérature à un témoignage de plus, dans un sens ou dans l'autre,
01:09 accessoire des tribunaux, perverse ou malheureuse.
01:13 La littérature n'a rien à voir avec la psychologie.
01:17 Il y a aussi l'extrait Mads Neff de Nisse-Bombardier.
01:20 À l'époque, comme aujourd'hui, on ne voit qu'un seul côté, là, le personnage à protéger, le livre.
01:27 Mais Bombardier rappelle qu'il y a aussi la personne, les jeunes filles ou garçons, et l'auteur qui est un sale type.
01:34 Tout le monde mérite la complexité.
01:36 Seule la protection à la fois de la personne réelle et du personnage le permet.
01:41 Juliette Binoche le sait.
01:44 La photo du monde représentait 150 femmes qui ont été victimes d'agressions sexuelles, de viols, d'incestes,
01:51 ou qui en sont solidaires, debout dans un univers tout blanc, les murs, le sol, j'y étais.
01:57 On devait être naturel, parler entre nous.
02:00 La photographe disait des petits mots.
02:02 Il ne fallait pas regarder l'objectif, mais les autres à côté de nous.
02:05 J'étais à côté d'Emmanuel Béart.
02:07 On pouvait se regarder, se parler, rire.
02:10 La photographe lançait un mot de temps en temps, pour nous booster.
02:14 À un moment, « Vous vous sentez bien ? »
02:17 Personne ne répond.
02:19 « Vous vous sentez bien ? »
02:21 La voix claire, joyeuse, « Vous vous sentez bien ? »
02:25 Elle le répète trois, quatre, cinq fois, pour nous booster.
02:30 « Est-ce que vous vous sentez bien ? »
02:32 Tribunal correctionnel de Lyon, janvier 2019,
02:37 procès de Mgr Barbarin, qui a été au courant des agissements du père Prénat,
02:42 accusé de viol sur mineur, et n'a rien dit.
02:45 Une des victimes, François Deveau, connue des médias,
02:49 cofondateur de l'association La Parole Libérée, est interrogée.
02:53 L'avocat du cardinal Barbarin ne lui dit pas « Vous vous sentez bien ? »
02:58 mais « Vous, maintenant, vous êtes une star ! »
03:02 Il répond « Star de la pédophilie ? On fait mieux ! »