Thierry Laget vient d’obtenir le prix Alexandre Vialatte 2024 pour son livre "L’Assemblée nationale et Moi."
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00:00Clédito Culture, Arnaud Vivian. Arnaud, vous nous parlez ce matin du livre qui vient d'obtenir
00:05le prix Alexandre Viala 2024, il s'intitule « L'Assemblée nationale et moi » et il
00:12est signé Thierry Lager. Oui, les Proustiens et Mérites, ce pléonasme,
00:17connaissent bien Thierry Lager. Sous la houlette de Jean-Yves Tadier, il fut l'un des artisans
00:22de l'édition dans la Pléiade de la Recherche du Temps Perdu. En 2019, il a publié un essai
00:28très documenté sur le prix Goncourt, attribué en 1919 à Marcel Proust pour « À l'ombre
00:35des jeunes filles en fleurs ». Il a écrit des romans, des récits, traduit de l'italien,
00:39mais comme tout cela ne nourrit pas son homme, pour gagner sa croûte, Thierry Lager a été
00:44pendant 25 ans rédacteur du compte-rendu de l'Assemblée nationale. Désormais à
00:50la retraite, libéré de son devoir de réserve, il raconte ce métier qui consiste à rapporter
00:57tous les débats qui se tiennent au Palais Bourbon avant publication au journal officiel.
01:02Un métier qui offre, dans l'hémicycle, un point de vue inégalé sur les chaussettes
01:06des députés, auquel Lager consacre tout un chapitre, où l'on apprend, sans étonnement,
01:12qu'Edouard Balladur et François Fillon les achetaient à Rome, chez Gammarelli, le fournisseur
01:18des papes, ou qu'il arrivait à François de Rugy, avant qu'il ne préside l'Assemblée,
01:23de porter, je cite, « une paire de demi-bas bleus frappés de la faucille et du marteau ».
01:29Ce métier de rédacteur obéit, selon Lager, à une triple divinité, la grammaire, la
01:36fidélité, la clarté. On ne fait pas de politique chez les rédacteurs. La seule querelle
01:42dont Lager sera le témoin en 25 ans de service, mais alors extrêmement violente, fut de savoir
01:48si, l'informatique aidant, il fallait mettre des accents sur les lettres en capital, ce
01:53qu'on négligeait de faire auparavant par fainéantise. L'affaire finit par se régler
01:58quand les deux chambres se réunirent en congrès à Versailles, parce que « congre » de Versailles
02:03eut été pour le moins ambiguë. Bien sûr, notre Proustien souffre du nombre croissant
02:09d'anglicismes qui s'introduisent comme des reptiles dans la langue parlementaire.
02:13Tout en notant qu'en 1793, Joseph de Maistre se plaignait déjà d'un emprunt à la langue
02:19anglaise qui lui trouait les tympans, le mot « budget ».
02:23Et Thierry Lager vient donc de recevoir, Arnaud, le prix Alexandre Vialat.
02:27Oui, un mot sur ce prix littéraire remis à Clermont-Ferrand, dont Thierry Lager est
02:31natif, est doté de 6105 euros, chiffre qu'on obtient en additionnant la longueur du fleuve
02:38Congo, 4640 kilomètres et la hauteur du puits de Dôme, 1465 mètres. Vous allez me dire
02:45mais pourquoi le fleuve Congo ? Parce que Vialat, homme extraordinaire, premier traducteur
02:50de Kafka en France, a écrit un roman, « Les fruits du Congo », dont l'insuccès le
02:56conduira à devenir chroniqueur au quotidien « La Montagne ». Il y rédigera près de
03:02mille chroniques, dont chacune, quel que soit le sujet, se terminait par la formule « Et
03:08c'est ainsi qu'Allah est grand ». Et on se dit que pour cette obstination, il serait
03:13sans doute aujourd'hui accusé de manque de loyauté et licencié pour faute lourde.