• il y a 7 mois
Comment sortir de la crise ? Emmanuel Macron a-t-il choisi la bonne méthode ? Pourquoi la situation est si explosive en Nouvelle-Calédonie ? Écoutez les réponses de Jean-François Merle, conseiller de Michel Rocard pour les Outre-Mer lors de la négociation des accords de Matignon en 1988, aujourd'hui expert à la Fondation Jean Jaurès.
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 16 mai 2024

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00:00 (Générique)
00:06 Allez RTL bonsoir, 19h16, les grands débats maintenant,
00:09 trois quarts d'heure de discussion, d'opinion pour apprendre,
00:12 pour comprendre, pour se faire un avis aussi,
00:14 en tout cas vous pourrez vous forger un avis vous de l'autre côté du poste.
00:17 Evidemment ce soir la Nouvelle-Calédonie est au cœur des débats,
00:20 comment sortir de la crise, est-ce qu'Emmanuel Macron est en train de choisir la bonne méthode ?
00:24 Pourquoi la situation est si explosive ?
00:26 On a besoin de comprendre pourquoi ce territoire français s'embrasse sur fond
00:30 d'élargissement du corps électoral aux derniers arrivants.
00:33 On vous rappelle le bilan des émeutes, un gendarme tué,
00:36 un autre mort après un tir accidentel, trois civils ont perdu la vie
00:40 et on constate depuis 72h des débarrages, des pillages, des incendies et la création de milices.
00:45 Notre invité ce soir est Jean-François Merle, il est en ligne avec nous, bonsoir.
00:50 Bonsoir.
00:51 Vous étiez conseiller de Michel Rocart pour les Outre-mer
00:54 lors de la négociation des accords de Matignon en 88,
00:56 vous êtes aujourd'hui expert à la Fondation Jean Jaurès.
00:59 On accueille aussi autour de la table nos débatteurs du soir,
01:01 Étienne Gernel, directeur au Point, bonsoir.
01:04 Bonsoir.
01:05 Rocaïa Diallo, éditorialiste au Guardian, au Washington Post, bonsoir.
01:08 Bonsoir.
01:09 Et Tuck Duhaldoni, directeur de la rédaction de Valeurs Actuelles, bonsoir.
01:12 Avant d'entamer nos échanges, je voudrais vous faire écouter le témoignage de Goven,
01:16 c'est un auditeur de RTL en Nouvelle-Calédonie,
01:19 barricadé avec ses voisins dans son quartier depuis maintenant 4 jours.
01:22 Il a appelé à la mi-journée au 3210, les auditeurs ont la parole.
01:25 Alors nous on a une situation, on va dire un peu verrouillée,
01:28 on a bloqué complètement le quartier, je parle des barricades,
01:32 donc les hommes sont sur les barricades,
01:34 les familles sont dans les maisons cachées avec les femmes et les enfants,
01:38 et on observe, on attend et on espère qu'il n'y aura pas de passage,
01:43 mais on a des voitures qui circulent, qui sont annoncées circulant,
01:47 avec des voitures avec beaucoup de personnes à bord très armées,
01:50 qui canardent au passage.
01:53 Donc nous on a fait une barricade pour contrer les voitures béliers,
01:58 derrière on a deux rangées de voitures pour justement pouvoir absorber des balles s'il y a des tirs,
02:04 et on est derrière ces voitures là à l'abri.
02:07 Ici les gens, les discussions qu'on a sur les barrières,
02:10 c'est comment allons nous faire après ça ?
02:13 Comment allons nous faire ? Comment vivre ensemble ?
02:16 Jean-François Merle, tout d'abord on est frappé depuis maintenant 72 heures par le degré de violence.
02:21 Est-ce que vous il vous étonne ou est-ce que finalement la cocotte minute était prête à exploser ?
02:26 Écoutez, beaucoup de personnes qui connaissent un peu les nouvelles clé de nid
02:31 avaient depuis plusieurs semaines, même plusieurs mois,
02:36 alerté l'exécutif sur le fait que la méthode qu'il employait n'était pas la bonne,
02:42 et que les choses risquaient de dégénérer.
02:48 Moi j'ai été frappé au contraire que pendant les deux mois qui ont précédé,
02:53 il y a eu beaucoup de manifestations dans Nouméa,
02:56 des pro-indépendantistes, des anti-indépendantistes,
03:00 elles se sont toutes passées dans le calme.
03:02 Il y a eu un samedi où il y avait 10 000 manifestants d'un côté, 10 000 de l'autre,
03:08 il n'y a pas eu un affrontement.
03:10 Et malgré cela, malgré les messages que ça envoyait,
03:15 le gouvernement a continué de manière imperturbable comme si de rien n'était.
03:20 Et comme si les messages envoyés par les formations politiques,
03:24 finalement ça n'avait aucune importance.
03:27 Alors du coup, des gens qui se disent "seule la violence peut obtenir quelque chose".
03:33 Jean-François Merle, vous parlez de méthode, Emmanuel Macron appelle au dialogue,
03:37 mais il a donné jusqu'à fin juin aux loyalistes, aux indépendantistes,
03:41 en leur disant "bon maintenant entendez-vous sur l'avenir de l'archipel,
03:45 sinon je réunis le congrès et je valide cette fameuse révision constitutionnelle
03:48 pour élargir le corps électoral aux derniers arrivants pour les élections provinciales,
03:52 je la valide et on sait que c'est de cette révision qui a mis le feu aux poudres".
03:56 Ça peut fonctionner l'ultimatum ? Vous qui connaissez parfaitement les deux parties.
04:00 C'est une stupidité parce que le chantage au calendrier,
04:05 c'est quelque chose qui n'a jamais marché.
04:08 Il s'est passé la même chose pour le troisième référendum.
04:14 Les deux premiers avaient été organisés du temps d'Édouard Philippe
04:18 et ça s'était passé sans la moindre contestation.
04:21 Tout le monde avait accepté les résultats.
04:24 Le troisième a été organisé dans des conditions où,
04:27 d'abord sans accord de tous sur la date,
04:31 et lorsqu'il a été demandé, parce que la Calédonie à cette époque
04:35 était en pleine crise fluide, de le différer,
04:38 on a continué à faire le calendrier coup près.
04:41 Ça ne marche jamais.
04:43 M. Merle, vous avez évoqué la menace d'une guerre civile.
04:47 Vous pensez vraiment qu'on en est là ?
04:49 Je pense que, si vous voulez, on a recréé les conditions d'un affrontement
04:58 avec beaucoup d'armes en présence et en circulation entre les populations.
05:05 Et ça, ça va être compliqué après de remettre les gens autour d'une même table.
05:12 Comment vivre ensemble ?
05:13 Ensuite, disait notre auditeur, il y a quelque chose ensemble.
05:15 Oui, mais je le comprends tout à fait.
05:17 Vous restez avec nous, Jean-François Merle.
05:19 Je donne la parole à nos débatteurs autour de la table maintenant.
05:21 Je voudrais qu'on s'arrête, on commence à l'évoquer,
05:23 sur la stratégie de sortie de crise de l'Élysée.
05:25 À gauche, en parlant de cet ultimatum,
05:27 certains, et je pense à Fabien Roussel qui était avec nous dans l'émission hier soir,
05:30 disent que c'est une faute politique.
05:32 Etienne Gernel, votre regard sur cette gestion de crise,
05:34 là, à l'instant T, par Emmanuel Macron,
05:36 comment vous l'observez ?
05:38 Est-ce qu'il est dépassé déjà ?
05:40 Est-ce qu'il comprend ce qui est en train de se passer à l'autre bout du monde ?
05:42 Macron, il n'est pas de la génération qui a vraiment connu
05:46 la Nouvelle Calédonie 1988,
05:48 les agrotes d'Ouvéa, Chibau, Yeweneh-Owené, etc.
05:52 Moi non plus d'ailleurs, on a à peu près le même âge.
05:54 Et c'est des souvenirs assez lointains.
05:57 Donc ça fait probablement pas partie de sa culture, même s'il s'intéresse,
05:59 parce qu'il en parle souvent,
06:01 du Pacifique, de la Nouvelle Calédonie, etc.
06:03 Il s'intéresse à ça.
06:04 Après, ce qui est curieux, c'est qu'il a tendance à procrastiner sur beaucoup de sujets.
06:07 Par exemple, les retraites, il a mis très très longtemps à s'y faire,
06:10 pour faire une demi-réforme à la fin, parce que ça ne règle pas le problème.
06:13 Et là, il n'a pas procrastiné. Je ne sais pas pourquoi.
06:16 Peut-être que là, il aurait fallu, justement, procrastiner un peu.
06:19 Pourquoi ? Parce que quand on s'intéresse au fond de l'affaire,
06:22 c'est une complication extrême.
06:24 C'est un peu inexplicable. C'est très très difficile.
06:26 On voit bien des volontés qui sont contraires,
06:28 des difficultés, des contradictions qui sont absolument majeures.
06:31 En l'occurrence, il y a une contradiction majeure
06:33 entre une exigence démocratique,
06:35 c'est des gens qui vivent sur place, qui puissent voter,
06:37 et puis un problème de...
06:40 Oui, c'est un problème d'une tension qui est extrême,
06:43 de gens qui ont peur de disparaître.
06:45 Les canaques. C'est un peu ça le sujet.
06:47 Et donc, il y a quelque chose de politique,
06:50 de très difficile, et il aurait peut-être mieux valu,
06:52 finalement, faire quelque chose de gelé,
06:54 continuer à procrastiner. Parfois, la procrastination, c'est bon.
06:57 - On va retenir ça.
07:00 Vous parlez de gel. Emmanuel Macron, aujourd'hui,
07:02 il a proposé aux deux camps une visioconférence.
07:04 Les deux camps ont refusé. L'un des leaders indépendantistes,
07:06 il y a une heure, nous disait "non mais là, la situation
07:08 est beaucoup trop chaude pour qu'on se mette à discuter autour d'une table".
07:10 Ça veut dire que Tuck Duhalony, qu'à l'Élysée, on est un peu...
07:12 effectivement, un peu, un poil dépassé
07:14 par ce qui est en train de se passer ?
07:16 - C'est le moins qu'on puisse dire. Et moi, je fais le lien,
07:18 comme Vincent Trémolet de Villers, dans son éditorial du Figaro,
07:20 ce matin, entre ce qui s'est passé au péage
07:22 d'un quart-ville dans l'heure, et ce qui se passe
07:24 en ce moment à 16 000 kilomètres
07:26 de la France, en Nouvelle-Calédonie.
07:28 Euh... à 16 kilomètres de la métropole, pardon.
07:31 En fait, on voit bien que,
07:33 en termes d'autorité,
07:35 le macronisme
07:37 est complètement débordé,
07:39 et que, si on en est à cette situation-là,
07:42 aujourd'hui, c'est parce que l'autorité de l'État
07:44 n'est pas respectée.
07:46 Moi, je veux bien qu'on parle du fond de l'affaire,
07:48 et effectivement, des aspirations...
07:50 - On va en parler.
07:52 - ... du corps électoral, mais là,
07:54 à l'heure où on parle, je suis désolé, c'est des émeutes
07:56 qu'il faut gérer, c'est de la sécurité publique,
07:58 c'est des pillages de magasins, c'est comme
08:00 on l'a entendu avec votre auditeur tout à l'heure,
08:02 des civils qui se font des barricades,
08:04 et quelle image
08:06 cela renvoie de notre propre société ?
08:08 La force légitime, c'est celle de la police,
08:10 c'est pas celle des mercenaires
08:12 et des bandes organisées.
08:14 - Roca, Yadi Allo, on le sentait
08:16 venir ou pas ? Comme Jean-François Merle
08:18 dit, nous qui connaissons le dossier,
08:20 on avait prévenu l'Elysée,
08:22 et l'Elysée n'a pas procrastiné
08:24 pour le coup. Et puis, il y a eu, effectivement,
08:26 pendant des années, la France a semblé adopter
08:28 un certain principe de neutralité après les différents
08:30 accords. Il y a eu la nomination
08:32 de Sonia Baquès au gouvernement,
08:34 qui est loyaliste. Il y a eu le référendum
08:36 en plein Covid, alors que les interprétantistes voulaient le boycotter.
08:38 Il y avait des signaux, en fait,
08:40 qui annonçaient, en quelque sorte,
08:42 l'étincelle possible. - Bien sûr,
08:44 d'autant plus qu'après le référendum, bien que
08:46 prétendant être neutre, Emmanuel Macron s'est quand même
08:48 félicité du fait que le référendum
08:50 soit en faveur du maintien de la
08:52 Nouvelle-Calédonie en France. Je pense qu'il y a une question
08:54 de droit international qui n'est pas évoquée, c'est que
08:56 les Nations Unies, depuis 1986,
08:58 considèrent que la Nouvelle-Calédonie
09:00 est encore un territoire
09:02 à décoloniser, et que
09:04 les Kanaks bénéficient du droit
09:06 des peuples à disposer d'eux-mêmes.
09:08 - Et ils évoquent ce terme, le
09:10 "l'île est indépendante" si c'est l'île unie, on estime que
09:12 le processus de décolonisation n'est pas
09:14 terminé. - C'était le sens
09:16 des accords de Matignon
09:18 et des accords de Nouméa. Ils s'étaient inscrits
09:20 dans un processus de décolonisation à
09:22 moyen ou à long terme. Ça a toujours été
09:24 le sujet.
09:26 Les Nations Unies, depuis 1986,
09:28 font une résolution tous les ans.
09:30 La dernière a été publiée
09:32 le 7 décembre 2023. Donc, en fait, on ne se rend pas
09:34 compte du fait que ce n'est pas seulement
09:36 la question d'un peuple qui a peur de disparaître
09:38 mais vraiment d'un statut. Et le processus
09:40 de décolonisation avait été enterriné par
09:42 la direction qui avait pris les accords dans les années 80
09:44 et dans les années 90. Donc, aujourd'hui, la question
09:46 qui se pose, elle est bien plus importante
09:48 que la simple question. Et sur la question de la
09:50 violence, je veux juste dire que c'est
09:52 un territoire où il y a 100 000 armes en circulation
09:54 sur 270 000 habitants.
09:56 Et qu'il y a des milices, aussi, de personnes
09:58 qui ne sont pas des Kanaks mais qui sont des personnes qui se prétendent
10:00 loyalistes, qui sont non seulement organisées mais
10:02 protégées par les gendarmes. Donc, il y a une violence qui a été invisibilisée
10:04 pendant longtemps et aujourd'hui, on voit le résultat
10:06 de ces tensions très importantes.
10:08 - Jean-François Merle, je voudrais juste revenir sur l'un des
10:10 éléments de ces dernières heures.
10:12 Vous qui connaissez parfaitement le terrain, le gouvernement pointe
10:14 l'ingérence de pays étrangers et notamment de l'Azerbaïdjan.
10:16 Le socialiste Raphaël Glucksmann aussi
10:18 d'ailleurs a pointé cette ingérence.
10:20 Et c'est vrai qu'on a vu des manifestants sur
10:22 les barricades avec le drapeau azéri
10:24 à Nouméa, ce qui peut paraître complètement étonnant.
10:26 Ça vous semble crédible, ça ? C'est un fait ?
10:28 C'est une réalité ?
10:30 - Il faut
10:32 regarder dans cette affaire.
10:34 En 1988, Bernard Ponce
10:36 pointait les ingérences
10:38 de la Libye et de la Nouvelle-Zélande.
10:40 Avant le référendum
10:42 de 2021, on parlait
10:44 de celle de la Chine. Maintenant,
10:46 parce qu'il y a eu un faux pas
10:48 qui n'est vraiment
10:50 pas très digne d'une
10:52 partie du mouvement indépendantiste
10:54 qui a passé des accords avec
10:56 des formations en Azerbaïdjan.
10:58 - Ça, ça existe.
11:00 Je leur ai expliqué que
11:02 l'Azerbaïdjan s'était
11:04 comporté avec les Arméniens
11:06 d'une manière dont ils ne voudraient pas
11:08 que la France se comporte avec eux.
11:10 Mais de là à
11:12 penser qu'il y a derrière
11:14 ces émeutes la main de l'Azerbaïdjan,
11:16 c'est une...
11:18 En fait, ils ont cherché
11:20 un relais international
11:22 pour plaider leur cause
11:24 devant les Nations Unies
11:26 sur
11:28 le fait que
11:30 le troisième référendum ne s'était pas passé
11:32 dans les conditions où ça aurait
11:34 dû se passer. Ils auraient pu
11:36 s'adresser à Mme Dati, qui connaît bien
11:38 l'Azerbaïdjan.
11:40 - Jean-François Merle,
11:42 Etienne Gernel, Rokhaya Diallo, Thugdu Adoni,
11:44 vous restez tous autour de la table. On essaye de mieux
11:46 comprendre la Nouvelle-Calédonie. Vous restez avec nous.
11:48 À tout de suite.
11:50 - Isabelle Choquet et Cyprien Signy,
11:52 RTL Bonsoir.
11:54 - Julien Cellier,
11:56 Isabelle Choquet et Cyprien Signy,
11:58 RTL Bonsoir. - Les grands débats de RTL
12:00 Bonsoir au moment où la Nouvelle-Calédonie
12:02 s'embrase avec nos débatteurs du soir,
12:04 Etienne Gernel, Rokhaya Diallo, Thugdu Adoni,
12:06 Jean-François Merle en ligne avec nous, qui était
12:08 conseiller de Michel Rocard pour les Outre-mer
12:10 lors de la négociation des accords de Matignon
12:12 en 1998. Etienne Gernel,
12:14 je crois que vous vouliez revenir sur
12:16 ces accusations par le gouvernement
12:18 de la part de l'Azerbaïdjan. - Evidemment,
12:20 c'est pas l'Azerbaïdjan, ni même la Russie ou la Chine
12:22 qui ont la capacité de générer des émeutes. C'est pas comme ça
12:24 que ça se passe. Il y a un sujet local
12:26 qui est important. Mais néanmoins, il ne faut pas être
12:28 naïf. Ce sont des puissances impériales.
12:30 Je pense en particulier
12:32 à la Russie et à la Chine qui ont des
12:34 comportements impérialistes
12:36 et qui jouent un rôle très important,
12:38 qui sont très opportunistes,
12:40 qui sont très bons dans les nouvelles technologies
12:42 et que ce soit sur du
12:44 territoire français que la Nouvelle-Calédonie,
12:46 dans les endroits où on avait des bases militaires
12:48 par exemple en Afrique ou ailleurs,
12:50 cherchent à déstabiliser les pays occidentaux, y compris
12:52 à l'intérieur en soutenant des forces dites populistes.
12:54 Donc il ne faut pas être naïf là-dessus.
12:56 Et l'Azerbaïdjan, il a beau être un petit pays,
12:58 c'est un pays très très riche. - Thugdev El-Denis ?
13:00 - Oui, et puis il y a les visées générales,
13:02 il y a les faits aussi.
13:04 Le 1er mars, une délégation
13:06 d'indépendantistes kanaks s'est rendue
13:08 à une conférence
13:10 sur la décolonisation en Turquie
13:12 financée tout frais payé par l'Azerbaïdjan.
13:14 Ça a été révélé par les services secrets français.
13:16 Il y a deux journalistes azerbaïdjanaises
13:18 qui ont été identifiées
13:20 comme pouvant appartenir
13:22 aux services secrets azerbaïdjanais,
13:24 qui ont suivi le ministre de la Défense Sébastien Lecornu
13:26 lors d'une visite en Nouvelle-Calédonie
13:28 en 2023 et qui ont publié
13:30 une série d'articles assassins
13:32 sur la France. Et très récemment,
13:34 pendant les émeutes, les services français
13:36 ont repéré 4 000 publications
13:38 sur les réseaux sociaux
13:40 de relais d'une vidéo qui était un montage
13:42 où on voit
13:44 deux policiers blancs
13:46 avec des fusils
13:48 à viser.
13:50 Les images étaient montées de telle manière
13:52 qu'on alternait les images de ces policiers français
13:54 et blancs avec des images
13:56 de kanaks morts sur le bord de la route.
13:58 - Aliyev, rappelons-le quand même, qui sort d'une énorme
14:00 opération d'épuration ethnique à l'encontre des Arméniens.
14:02 - Puisqu'on parle de géopolitique,
14:04 Jean-François Merle, j'en viens à une question
14:06 qui est presque peu abordée
14:08 finalement depuis 48 heures dans cette crise.
14:10 Il y a une importance
14:12 géostratégique aujourd'hui pour la France.
14:14 La Chine étant son influence
14:16 dans le Pacifique, la Nouvelle-Calédonie
14:18 est un territoire français
14:20 en plein Pacifique, et puis il représente
14:22 30% des réserves de nickel au monde
14:24 alors que les nouvelles technologies en réclament.
14:26 Ça fait partie de l'équation, ça aussi, même si personne n'en parle vraiment ?
14:28 - Ça peut faire partie
14:30 de l'équation, mais il y a aussi une question
14:32 plus importante que cela.
14:34 On est au
14:36 21e siècle.
14:38 Est-ce que l'influence
14:40 d'un pays se
14:42 mesure encore en termes
14:44 de possession ?
14:46 La Chine n'a pas besoin de posséder
14:48 des territoires pour exercer une influence.
14:50 La Russie cherche à le faire,
14:54 c'est autre chose.
14:56 Le soft power, ça existe aussi.
14:58 Et je pense
15:00 que la France serait beaucoup plus forte
15:02 dans des relations
15:04 de partenariat
15:06 avec une Nouvelle-Calédonie
15:08 apaisée et marchande
15:10 confiante vers son destin, plutôt
15:12 que dans la situation où
15:14 on se crée aujourd'hui
15:16 un contexte
15:18 pour que la France devienne détestée
15:20 par une partie de la population
15:22 calédonienne.
15:24 - C'est un classique pour
15:26 des puissances, y compris quand elles n'ont pas des pratiques
15:28 démocratiques recommandables,
15:30 d'utiliser les failles des puissances qui sont comme la nôtre
15:32 démocratique, qui se réclament
15:34 des droits humains pour
15:36 générer de l'influence.
15:38 Ce n'est pas quelque chose de récent, moi,
15:40 ça me fait penser à la manière dont à l'époque
15:42 l'Union Soviétique utilisait
15:44 l'oppression des Afro-Américains
15:46 pour, d'une certaine manière, exposer
15:48 les contradictions en termes de droits humains
15:50 des Etats-Unis.
15:52 Et aujourd'hui, c'est très facile pour des puissances
15:54 étrangères de montrer que finalement, la France est en
15:56 contradiction avec ses engagements de décolonisation
15:58 et, d'une certaine manière,
16:00 après 161 ans
16:02 d'oppression coloniale, ne trouve pas de solution
16:04 à la survie d'un peuple qui subit
16:06 depuis un siècle et demi
16:08 une oppression véritable.
16:10 La question
16:12 aujourd'hui, ce n'est pas celle de la survie
16:14 d'un peuple. Je crois qu'il ne faut pas non plus...
16:16 Je ne parlais pas de
16:18 survie biologique.
16:20 Non, mais il ne faut pas...
16:22 La question aujourd'hui,
16:24 elle est effectivement de mener à son terme
16:26 un processus de décolonisation.
16:28 Si le troisième référendum...
16:30 - Je veux dire, Okaïa, ce qui coince
16:32 là aujourd'hui, c'est cette question de la révision de la Constitution
16:34 pour offrir aux derniers arrivants,
16:36 ceux qui sont là depuis moins de dix ans, la possibilité de voter
16:38 aux élections provinciales.
16:40 Avec la crainte, dans le camp
16:42 canaque, d'être en quelque sorte
16:44 au fur et à mesure et dans l'avenir invisibilisé
16:46 puisqu'ils ne représentent que 40%
16:48 aujourd'hui de la population de Lille.
16:50 Cette révision de la Constitution,
16:52 ils ont raison d'être inquiets, les canaques,
16:54 ou pas du tout, Jean-François Merle ?
16:56 - Sur la révision de la Constitution,
16:58 personne ne discute
17:00 que les modalités
17:02 d'inscription
17:04 sur les listes électorales pour les élections
17:06 provinciales a besoin d'être révisées.
17:08 Ne serait-ce que parce qu'il y a un certain nombre
17:10 de jeunes qui sont nés là-bas,
17:12 comme leurs parents n'étaient pas électeurs en 1998,
17:14 ne peuvent pas être inscrits, ne peuvent pas voter.
17:16 Mais le problème, c'est que ça se fait
17:18 sans accord. C'est la première
17:20 fois depuis 40 ans
17:22 qu'on touche aux équilibres fondamentaux
17:24 qui régissent la ville d'Annouilhé-le-Calédonie
17:26 sans accord entre les trois
17:28 parties qui sont à la base des accords
17:30 de Matignon et de l'accord de Nouméa.
17:32 C'est-à-dire l'État,
17:34 les indépendantistes et les non-indépendantistes.
17:36 Et si...
17:38 C'est ça qui manque aujourd'hui.
17:40 C'est cette volonté de créer un accord
17:42 et un consensus.
17:44 - J'ai envie de vous poser la question à tous, tous les quatre.
17:46 Est-ce qu'on peut encore parler d'avenir
17:48 commun aujourd'hui ?
17:50 C'est quand on entend les témoignages
17:52 qu'on entend depuis maintenant 72 heures.
17:54 Quand on entend un député aujourd'hui
17:56 de l'archipel, Nicolas Metzdorff,
17:58 loyaliste, député Renaissance,
18:00 anti-indépendance, dire "je suis menacé de mort parce que
18:02 je suis blanc", on se demande quand même
18:04 si l'avenir en commun aujourd'hui est encore
18:06 possible, Etienne Gernel ?
18:08 - C'est toujours possible, mais c'est vrai que c'est très mal parti.
18:10 C'est dans un climat de violence
18:12 générale
18:14 en France, d'homme-tombe ou pas d'homme-tombe,
18:16 c'est très impressionnant
18:18 ce qui est en train de se passer en ce moment.
18:20 De violence verbale, de violence physique.
18:22 Là, on voit des gens qui sont
18:24 meurtris en plus, qui se disent
18:26 "oui, il pose la question d'ailleurs".
18:28 - Est-ce qu'on pourra encore vivre ensemble ?
18:30 - Oui, bien sûr, mais c'est extrêmement
18:32 préoccupant. Ce qui est très frappant,
18:34 pardon,
18:36 c'est de voir,
18:38 c'est très surprenant cette inversion des choses,
18:40 un discours
18:42 de la part de certains canards qui parfois fait penser
18:44 à Zemmour, "on va devenir minoritaire".
18:46 - Sauf qu'ils sont
18:48 colonisés, nous on a jamais été colonisés par des gens
18:50 qui viennent de l'extérieur, c'est pas la même chose.
18:52 - Les rangerins, les tas de gens...
18:54 - Aujourd'hui, il n'y a pas des populations minoritaires
18:56 qui sont issues du projet d'un Etat
18:58 pour coloniser la France.
19:00 Là, c'était le projet d'un Etat, c'était Napoléon III.
19:02 C'est pas du tout la même chose.
19:04 - Il y a une partie du discours de la gauche aujourd'hui en France, parce qu'on parlait des agences extérieures,
19:06 mais aussi une forme d'ingérence
19:08 intérieure, avec des gens à gauche
19:10 qui d'ailleurs oublient subitement
19:12 le conflit israélo-palestinien pour se précipiter
19:14 sur la cause canaque,
19:16 et font l'inverse de ce qu'ils prennent habituellement.
19:18 C'est-à-dire que vous avez des gens de gauche qui, par exemple,
19:20 pour la France, prônent le fait que des étrangers
19:22 puissent voter aux élections locales,
19:24 mais par contre qui dénient à des métropolitains installés
19:26 depuis plusieurs générations, comme le rappelait
19:28 Jean-François Merle en Nouvelle-Calédonie,
19:30 de pouvoir voter aux élections provinciales.
19:32 - Mais les étrangers qui sont ici, ils sont pas venus
19:34 coloniser la France, c'est pas la même chose.
19:36 - Avec des arguments ethno-ratio, effectivement.
19:38 - Ce sont plutôt des arguments d'ordre culturel
19:40 et d'ordre de présence sur le territoire.
19:42 - Je sais très bien qu'il y a aussi une forme de racisme anti-blanc
19:44 en ce moment en Nouvelle-Calédonie,
19:46 un fond de rancœur colonial
19:48 qui est en train de s'installer.
19:50 - Jean-François Merle, là on est en train de parler
19:52 autour de cette table, mais personne ne connaît vraiment
19:54 la réalité de la Nouvelle-Calédonie.
19:56 On va être francs, autour de cette table, vous, vous la connaissez.
19:58 En 1988, vous avez négocié des accords entre deux camps
20:00 qui, à l'époque,
20:02 on était dans une période où la tension
20:04 était extrême et on était après les événements
20:06 de la Grotte de Verre.
20:08 - On sortait aussi d'une quasi-guerre civile,
20:10 puisqu'il y a eu le nombre
20:12 de morts qu'il y a eu entre 1984 et 1988
20:14 rapporté à la population
20:16 de l'Hexagone.
20:18 C'est comme si une ville de 25 000 habitants
20:20 avait été rayée de la carte.
20:22 Si on y est arrivé, pourquoi ?
20:24 C'est parce qu'il y a eu
20:26 une compréhension
20:28 de ce qui était fondamental
20:30 pour les uns et pour les autres.
20:32 Et qu'est-ce qui s'est passé ?
20:34 C'est que pour la première fois dans l'histoire
20:36 du droit international des décolonisations,
20:38 le peuple kanak
20:40 a accepté de partager
20:42 son droit à l'autodétermination
20:44 avec les descendants des colons.
20:46 Il n'y a pas d'autre exemple de ça
20:48 dans l'histoire.
20:50 Il demande simplement
20:52 à ce que cette règle qui a été
20:54 instituée par les accords de 1988
20:56 et confirmée en 1998,
20:58 si elle doit être
21:00 aménagée, modifiée pour toute une série
21:02 de raisons, ça soit fait d'un commun accord.
21:04 Et que ce ne soit pas imposé
21:06 par une décision unilatérale
21:08 de l'État.
21:10 François Merle, je voudrais votre avis.
21:12 Est-ce qu'ils vont, tous ces gens,
21:14 en Nouvelle-Calédonie, réussir de nouveau à vivre ensemble ?
21:16 On avait une auditrice,
21:18 on a diffusé son témoignage il y a une heure et quart,
21:20 qui nous disait "oui, il y a les kanaks, il y a les kaldochs,
21:22 mais il y a aussi les gens d'origine asiatique,
21:24 il y a les gens qui viennent de Mauricie-Sutuna,
21:26 on est un pays multiculturel".
21:28 Et arrêtez de dire que c'est une question
21:30 de Noir ou de Blanc en métropole, parce que d'habitude,
21:32 on s'entend très bien. C'est une vérité ça ou pas ?
21:34 Alors d'habitude, quelquefois,
21:36 on s'entend très bien parce qu'on ne se côtoie pas trop.
21:38 On a envie de savoir
21:40 ce qui se passe vraiment là-bas.
21:42 Est-ce que ce sont deux camps qui se font face ou qui, parfois,
21:44 vivent ensemble ?
21:46 Depuis 40 ans, il y a eu beaucoup
21:48 de métissage qui a progressé.
21:50 Et puis, de toute façon,
21:52 pour beaucoup de gens qui sont là,
21:54 ils n'ont pas d'autres ailleurs.
21:56 Donc forcément, ils vont devoir vivre ensemble.
21:58 Et donc, il fallait procrastiner, c'est ça ?
22:00 Pour qu'ils arrivent à vivre ensemble pacifiquement.
22:02 Donc, pour revenir à la première question,
22:04 il fallait procrastiner ? Emmanuel Macron devait procrastiner ?
22:06 Et il doit peut-être le faire ?
22:08 Il devait surtout ne pas
22:10 changer les règles du jeu.
22:12 Et les règles du jeu, c'est recherche du dialogue,
22:14 consensus et impartialité
22:16 de l'État. - Merci Jean-François Merle,
22:18 volontiers conseiller à Matignon
22:20 lors des accords de 1988.
22:22 Merci Rocaïa Dialo, Étienne Jarnel,
22:24 Thug Dualdeny. Merci à tous les quatre d'avoir participé à ce grand débat
22:26 dans RTL. Bonsoir, autour de la situation
22:28 pour le moins chaotique en Nouvelle-Calonie.
22:30 Je vous laisse filer parce qu'on va accueillir
22:32 d'autres débatteurs dans un instant et ceux-là, ils sont en short
22:34 et en crampons parce que l'autre débat
22:36 du soir, rien à voir. - On aurait pu garder
22:38 Rocaïa pour le foot à la norme.
22:40 - Grosnexpertise. - C'est quelle liste
22:42 pour les Bleus, pour l'Euro de foot ?
22:44 - Je suis un sportif, les amis. - Elle sera dévoilée.
22:46 Étienne, vous pouvez rester si vous le souhaitez.
22:48 Il est chiant, on dévoile sa liste dans une demi-heure, trois quarts d'heure.
22:50 Quel joueur est-ce qu'il faut s'inquiéter ? La cascade
22:52 de blessures ? Que valent nos Bleus
22:54 face à la concurrence ? On va refaire le match avec les
22:56 experts de la rédaction.
22:58 RTL. Donne-toi.

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