Tous les soirs à 20h15, Pierre de Vilno reçoit un invité qui fait l’actualité politique.
Retrouvez "L'invité politique d'Europe 1 Soir" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linvite-politique-deurope-1-soir
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00:00 19h21, Pierre De Villeneuve.
00:03 L'actualité sur Europe 1, dans Europe 1 Soir, débattue ce soir par Catherine Ney.
00:08 Bonsoir Catherine.
00:09 Bonsoir Pierre, bonsoir à tous.
00:11 L'éditorialiste à Europe 1, bonsoir Olivier D'Artigolle.
00:13 Bonsoir Pierre, bonsoir les amis.
00:15 Et j'ai la chance, nous avons la chance d'avoir dans ce studio Christophe Barbier.
00:20 Bonsoir Christophe.
00:21 Bonsoir Pierre, bonsoir à tous.
00:22 L'éditorialiste, écrivain, dramaturge, auteur de Moi, Jean-Luc M.
00:26 Alors c'est exactement ce que vous dites, c'est-à-dire que d'un côté vous vous êtes mis dans la peau de Jean-Luc Mélenchon pendant...
00:34 Ah là on a l'impression vraiment de vivre avec lui, c'est assez effrayant d'ailleurs.
00:38 Et puis ensuite c'est un... c'est une analyse sur ce qu'il est, sur ce que vous avez aimé chez lui, sur ce que vous avez admiré.
00:46 Et il y a toute une anaphore sur le j'accuse, vous l'accusez de plein de choses.
00:51 Mais d'abord, pourquoi lui, pourquoi ce personnage qui, j'ai l'impression en tout cas vous allez me répondre,
00:58 constitue une véritable fascination, sachant que le mot fascination est assez guelvaudé,
01:03 les gens ne comprennent pas très bien ce que c'est que la fascination.
01:05 Il y a une forme d'amour et de désir, mais il y a aussi... c'est une saloperie la fascination,
01:11 c'est-à-dire qu'on peut avoir des conséquences tragiques avec la fascination.
01:15 C'est terrifiant en effet, c'est une addiction aussi d'une certaine manière.
01:18 Pourquoi lui ? D'abord parce que c'est un personnage, il y a de l'épaisseur, il y a de la chair, il y a un vécu, il y a un tracé,
01:24 c'est un personnage couturé, il y a une enfance, c'est un personnage qui sait raconter lui-même et il sait se raconter.
01:30 Il sait être le héros de sa propre histoire.
01:33 C'est un personnage qui nous dit beaucoup de l'histoire de France, de la décolonisation,
01:37 des luttes radicales de la gauche des années 70, de l'union de la gauche qui permet l'arrivée du météorandisme au pouvoir.
01:45 Donc ça raconte beaucoup cette histoire de la gauche et sa déréliction actuelle.
01:48 Et puis ça nous parle de la France aussi. La France du Maroc, la France de Normandie,
01:52 la France de la Franche-Comté, la France de l'Essone et aujourd'hui une certaine France terrifiante qu'on a vu à Sciences Po et ailleurs,
01:59 qui est la France de l'islamo-gauchisme.
02:00 Quand vous parlez justement du Maroc, de son enfance, de la façon dont elle était arrivée en Normandie,
02:05 tout ça c'est, j'imagine, totalement documenté.
02:07 Bien sûr.
02:08 Ça n'est pas uniquement un voyage que vous avez inventé. Il a vraiment eu, par exemple, spécialité le coup de boule quand il se faisait embêter devant la cour.
02:20 C'est lui qui l'a raconté.
02:21 C'est lui qui l'a dit. Tout comme il a dit "je grandissais au milieu des Arabes et quand j'arrive en Normandie c'est moi le bougnoule".
02:27 Donc tout ça est authentique. Il s'est beaucoup confié Jean-Luc Mélenchon dans ses meetings, dans ses interviews, dans des livres à quatre mains d'autobiographie.
02:34 Donc on a de la matière. On a des mots parce qu'il sait se mettre aussi en phrase.
02:39 Catherine Ney a lu, dévoré ce livre.
02:41 Oui, j'ai dévoré parce qu'il a la courtoisie d'écrire des livres qui ne font pas 350 pages.
02:45 Quand on prend l'avion, on prend un livre qu'on peut lire.
02:47 Moi j'ai beaucoup aimé. Au départ j'avais vu, sur moi-même, comme il raconte sa rencontre dans la maison de campagne
02:55 où le leader Maximo se liloque devant lui et montre son caractère, ses colères, ses frustrations, ses fragilités.
03:03 Enfin tout ça est très bien.
03:04 Moi je croyais que Christophe avait vraiment été le voir dans sa campagne.
03:08 Parce que c'est comme quand vous lisiez le match du Kremlin.
03:11 C'était tellement vérifié que tout ce qu'il racontait je prenais pour argent comptant.
03:15 Mais c'était quand même...
03:17 C'est quand même très inspiré de la réalité.
03:19 Oui, pareil. Ce livre vous prend.
03:23 Et alors j'ai découvert que c'était une pièce de théâtre après avoir fini un premier morceau.
03:27 Parce qu'après j'accuse en disant "attention ce type est dangereux".
03:31 Ou après avoir été séduit.
03:33 La première partie s'arrête et après elle j'accuse.
03:35 Et ça c'est assez formidable.
03:37 Il y a au final peu de politiques contemporaines qui peuvent inspirer une approche ou théâtrale ou romanesque.
03:44 Malheureusement j'ai envie de dire.
03:46 Ça s'est asséché.
03:48 Reste juste une chose et ça m'intéresse d'avoir l'avis de Christian Marbié.
03:52 Je ne sais pas si la phrase de Mitterrand est juste ou apocryphe.
03:56 Sur "de mémoire c'est le plus doué de sa génération et le plus dangereux".
04:02 Je ne sais pas si cette phrase a été prononcée.
04:04 En tout cas si elle l'a été, elle a été visionnaire.
04:06 Parce qu'en effet il a par ses talents réussi à s'extraire du parti socialiste et à bâtir autre chose.
04:12 Quelque chose de puissant qui a digéré ce PS, détruit le PC.
04:16 Et ça c'est quand même un exploit idéologique et historique.
04:19 Et en même temps c'est pour emmener cette gauche, tel le joueur de fut de Hamelin, vers le désastre et vers le goût.
04:24 C'est une vision entreprenariale presque.
04:27 Il se comporte comme un chef d'entreprise.
04:29 Oui, les plus sévères diraient "comme un gourou".
04:31 C'est une vision sectaire. On n'investit pas dans la France insoumise.
04:35 On adhère, on entre en religion, on se voue au culte du chef.
04:38 C'est rare, c'est plus un capitaine d'industrie en fait.
04:42 Il y a l'humiliation aussi. Le fait de s'être fait avoir comme une trompette.
04:48 Les lus du temps.
04:50 Par Hollande.
04:52 Sans accéder à aucun poste de ministre.
04:55 Quand on regarde le Wikipédia de Jean-Luc Mélenchon, il a été ministre une fois d'une semaine.
05:03 Il est plutôt bon d'ailleurs. Il a investi peu de temps mais il a plutôt bien travaillé et se passionné pour la chose.
05:08 Sans doute voulait-il plus.
05:10 Oui, il n'a pas été payé de retour.
05:12 Au Sénat il était un puriféraire de M. Dassault parce qu'il aimait les riches à l'époque.
05:17 Il a été un très bon sénateur parce qu'il s'est fondu dans l'institution.
05:21 Quand il rencontre Emmanuel Macron sur le port de Marseille en 2018, il est toute déférence face au président.
05:26 Que quelques heures avant il vient d'accuser des pires vilainies.
05:29 Et ça c'est le double Mélenchon.
05:31 Quand il est confronté à l'institution de la République, à l'époque il fondait.
05:37 D'où aussi son rapport filial et là aussi transcendantale à François Mitterrand.
05:43 Dans sa conversion contre le PS, dans cette volonté de détruire le PS, il y a les humiliations,
05:47 les promesses faites au congrès notamment à Brest, déchirées immédiatement par François Hollande.
05:52 Il y a aussi une certaine forme de rupture avec Mitterrand.
05:55 Il n'a jamais réussi à se remettre de la disparition de Mitterrand.
05:58 Mitterrand est mort trop tôt, avant que lui Jean-Luc Mélenchon ait pu se hisser à sa hauteur.
06:02 Et de l'illumination de Jospin à la présidentielle au point des tours.
06:06 Le 21 avril 2002.
06:08 Pour lui c'est aussi un traumatisme puissant.
06:11 Oui, et il n'a pas compris que la gauche ne comprenne pas à ce moment-là qu'il fallait repartir à zéro.
06:16 Et le combat suivant c'est le référendum de 2005 contre l'Europe.
06:20 Le non l'emporte, et Mélenchon pense que quelque chose va démarrer, qu'il y a un plan B, qu'il y a une nouvelle gauche qui va surgir.
06:25 Et là il est déçu par le fils de Mitterrand, c'est-à-dire Fabius.
06:28 Et donc de rupture en rupture, de déception en déception, il s'est mis à son compte
06:32 avec la volonté de détruire tout ce qu'il y avait autour et la certitude qu'en détruisant,
06:37 du chaos et des ruines jaillirait la lumière et que ça permettrait et la révolution et son triomphe personnel.
06:43 Et honnêtement, pour l'instant, même si on pense qu'il ne réussira pas, il a marqué des points.
06:48 Il a franchi des états pour ça.
06:49 Il y a eu une césure quand même.
06:53 Il avait 600 000 voix pris, il était au second tour.
06:55 Et ces 600 000 voix-là, c'est resté sur l'estomac.
06:58 Bien sûr, bien sûr.
06:59 Il y a eu une césure quand même avec la perquisition.
07:02 La République, c'est moi, on a été beaucoup de commentateurs et beaucoup d'observateurs et de journalistes à dire "c'est fini".
07:08 C'est-à-dire qu'il s'est tiré une balle dans le pied.
07:10 Et d'ailleurs, pendant six mois, on n'a plus entendu parler de l'Égypte.
07:13 Et pourquoi ce n'était pas fini ?
07:15 D'abord parce qu'il l'a intégré à sa propre histoire et qu'il a construit à travers cette rébellion,
07:20 puisqu'il a été condamné pour rébellion, un moment révolutionnaire,
07:23 comme Lula qui va en prison et qui redevient président,
07:25 comme Chavez, Castro ou les autres qui passent par le pire avant d'avoir le meilleur et de gagner.
07:30 Donc il l'a intégré à son roman.
07:31 Puis la deuxième raison, elle est sociologique, c'est qu'il y a des tas de gens dans notre pays
07:35 qui ont une envie de destruction, une envie de nihilisme
07:38 et qui seraient ravis de pouvoir, eux aussi, dire "la République, c'est moi"
07:41 en empêchant une perquisition de se dérouler.
07:43 La rébellion antirépublicaine, dire la police tue, piétiner les institutions,
07:48 c'est ce que pensent, au fond d'eux, beaucoup de gens qui, dans la souffrance, parce qu'ils souffrent vraiment,
07:52 nourrissent ce projet de renversement.
07:55 Mais est-ce que la véritable bascule n'est pas tant la perquisition et "c'est moi la République, c'est moi"
08:01 que la séquence ouverte qui n'est pas qu'une séquence, désolé,
08:04 mais que c'est ce qui vient de s'ouvrir après le 7 octobre ?
08:06 Il y a deux choses. D'abord, qu'est-ce qui se passe juste après la perquisition ?
08:09 Les gilets jaunes.
08:11 Les gilets jaunes, j'en parle avec lui dès le début, il me dit "c'est rien, c'est un mouvement pougéadiste,
08:16 c'est des petits blancs sur les ronds-points qui font des barbecues".
08:18 Il détestait les gilets jaunes.
08:20 Et puis ça prend, et il se dit "ben le voilà, peut-être ce prolétariat que je cherche depuis toujours".
08:24 Il fait une déclaration d'amour à Éric Drouet,
08:26 le comparant à l'Éric Drouet qui a arrêté le roi Havaren.
08:29 Il essaye de récupérer cette mythologie des gilets jaunes.
08:32 Et puis évidemment, ça fera flop avec le grand débat lancé par Macron.
08:36 Avec le 7 octobre, qu'est-ce qui arrive ?
08:38 De nouveau, une masse prolétarienne disponible.
08:41 Ce sont les opprimés, les humiliés, par la colonisation, par le racisme,
08:45 par la République qui leur tourne le dos.
08:47 Mais ça c'est son électorat déjà.
08:48 Oui, mais ils s'abstiennent, ils se dispersent.
08:50 Mélenchon est persuadé que depuis le 7 octobre, il a réussi à creuser un canal
08:54 dans lequel cette colère qui est à la fois anti-israélienne, anti-capitaliste, anti-sioniste,
09:00 sans doute pour une part antisémite,
09:02 cette colère-là, elle peut aller aux urnes.
09:04 Pas aux européennes, il s'en fiche des européennes.
09:06 Elle peut aller aux urnes en 2027, pas pour le faire gagner.
09:10 Il y aura toujours en face une France "blanche" et en tout cas âgée et installée
09:14 qui sera plus nombreuse.
09:15 Mais pour le faire accéder à un second tour face à Le Pen,
09:18 qui nous donnera une victoire éclatante de Le Pen,
09:21 à au moins deux tiers, peut-être 70%,
09:23 mais après, il attend la révolution.
09:26 Et Le Pen élu face à Mélenchon au second tour,
09:28 pour lui, c'est le détonateur de la révolution.
09:31 La France des banlieues ne se laissera pas faire
09:33 et menée par l'avant-garde qu'on a pu voir à Sciences Po,
09:36 elle déclenchera la révolution.
09:37 Et enfin, son rêve sera réalisé.
09:39 C'est intéressant sur l'islamisme et sur ce trend de l'islam.
09:45 C'est totalement nouveau.
09:46 C'est arrivé quand même avec le 7 octobre
09:49 et avec cette prise de position tout à fait nouvelle.
09:52 La première apparition publique de cela, c'est novembre 2019.
09:55 C'est la manifestation organisée, co-organisée par le CCIF,
09:58 où on entend des slogans insupportables.
10:01 Il est là.
10:02 Et il l'assume. Il aurait pu dire "je fais une connerie, j'y suis allé".
10:04 Non, il l'assume.
10:05 Donc là, il y a un revirement.
10:07 On est donc après l'affaire des gilets jaunes qui n'a pas fonctionné.
10:10 Il se rend compte qu'il n'y a plus de prolétariat,
10:12 de lumpenprolétariat disponible pour la révolution.
10:15 Et là, il se convainc, on le convainc,
10:18 que cette France de l'humiliation des musulmans,
10:21 humiliée par la colonisation, par la décolonisation,
10:24 par les ghettos des quartiers, etc.
10:26 Par la police, par les contrôles aux faciès,
10:28 par le racisme systémique, nous dit-on,
10:30 ça lui donne la base de la révolution.
10:31 Et ce mot de créolisation, il l'invente à quel moment ?
10:34 Il l'invente à la présidentielle suivante.
10:36 C'est une invention plus tardive.
10:38 Ça vient d'Edouard Glissant.
10:39 Et pour lui, la créolisation, c'est une manière de déborder l'immigration
10:43 en l'intégrant à autre chose.
10:44 D'abord, quelque chose de poétique,
10:46 et puis quelque chose qui intègre la France de l'outre-mer.
10:49 Et montrer que la décolonisation,
10:50 c'est pas seulement ceux des pays décolonisés,
10:52 Afrique, Tunisie, Maroc, Afrique noire,
10:55 qui forment une masse révolutionnaire,
10:57 mais aussi ceux des pays à décoloniser.
10:59 Regardez leur prise de position sur l'affaire de Nouvelle-Calédonie en ce moment.
11:03 Le vote de l'élargissement du cour électoral devait se faire à 16h30,
11:06 il se fait à minuit, 1h du matin,
11:08 parce que la France insoumise fait l'obstruction.
11:10 Ils veulent donc avoir les ex-colonisés,
11:12 qui pour eux sont toujours des colonisés de l'intérieur,
11:15 humiliés, et puis les décolonisés de demain.
11:18 Vous écrivez en amorce de deuxième partie
11:21 "Je suis en deuil" de Jean-Luc Mélenchon.
11:24 Il est mort quelque part dans les fossés de l'islamo-gauchisme.
11:26 Il s'est pendu avec la corde de la provocation.
11:30 Il s'est fait exploser en kamikaze de l'outrance.
11:32 C.J. Jean-Luc M.
11:34 Républicain apostat, socialiste dévoyé, humaniste égaré.
11:40 Vous êtes en deuil.
11:42 Oui, j'ai beaucoup admiré, j'ai beaucoup apprécié,
11:45 comme Olivier d'ailleurs, le premier Mélenchon.
11:47 Ce Mélenchon que j'ai très bien connu du début des années 90
11:50 jusqu'en 2012, 2014, par là on s'est vraiment perdu.
11:56 La rupture avec Jean-Luc Mélenchon, c'est le jour où Jean Plantu dans l'Express fait un dessin
12:01 où il y a Le Pen à une tribune de meeting et Mélenchon à une autre
12:05 et c'est le même discours.
12:06 Le rouleau du discours de l'un va jusqu'à l'autre côté.
12:09 Et Jean était très attaché à cette idée du rouge brun
12:12 et à ce risque des deux populismes qui semblent se combattre
12:15 mais qui en fait se font la courte échelle.
12:17 Et Jean-Luc Mélenchon dans une loge de maquillage d'un plateau télé
12:21 vient vers moi et me dit "Vous êtes un fasciste parfumé".
12:23 Et je lui réponds "Mais pourquoi parfumer ?"
12:25 Et là il y a eu une rupture entre lui et moi.
12:28 On a continué à se parler, on s'est vu,
12:30 mais on est passé en mode combat, en mode agonistique à partir de ce moment-là.
12:34 Alors que j'allais le voir par exemple dans son secrétariat d'État.
12:37 On parlait République, on parlait...
12:39 Et encore après on a encore réussi à se voir au moment de l'affaire Katniss
12:42 donc on est en 2021, ou en 2022,
12:45 et on a parlé de Bolivard, on a parlé de Mitterrand,
12:48 il a les yeux embués quand on parle de Mitterrand.
12:50 - Mais il a les yeux embués quand on parle de Katniss aussi.
12:52 C'est le fils prodigue qui rate une marche
12:55 parce qu'il a des problèmes personnels et il gifle sa femme.
12:58 - Oui, et il avait sous-estimé, Jean-Luc Mélenchon,
13:00 la tempête qui allait s'abattre sur Katniss,
13:02 mais il m'a dit quand même...
13:04 - Comment lui, l'homme d'État, a pu sous-estimer ça ?
13:06 - Parce que c'est une gifle !
13:08 - Parce qu'il n'a pas compris cet aspect-là de son époque.
13:10 - C'est ironique dans la bouche de Catherine, bien sûr.
13:12 - Il n'a pas compris cet aspect-là de son époque.
13:14 Il est, par certains aspects, daté.
13:16 - Comme le restaurant dans lequel vous déjeunez
13:18 au début de la pièce de théâtre.
13:21 - Voilà. Et là il a des combats de retard.
13:25 - Si vous vous embêtez, c'est pas si renant.
13:27 - Il a dit que face à ce genre de tempête,
13:29 il n'y a qu'une seule solution, c'est faire le dos rond.
13:31 Alors ça dure plus longtemps que ce qu'il pensait pour Katniss,
13:33 mais Katniss n'est pas détruit, Katniss est revenu,
13:35 Katniss est là, et parmi les députés et les filles,
13:37 ce n'est pas celui qui est le plus menacé dans sa circonscription.
13:39 - Olivier Dardigolle ?
13:41 - C'est passionnant, parce que je connais aussi un peu le personnage.
13:43 Un personnage qui se livre.
13:45 Il y a au final aussi peu de politique...
13:47 - Quand il veut.
13:49 - Oui, mais il peut se livrer dans des moments très particuliers,
13:51 où il va assez loin d'ailleurs.
13:53 - Oui, il y a des cycles.
13:55 - Mais je pense vraiment que la non-qualification,
13:59 au second tour de la présidentielle,
14:01 qui était pour lui une sorte de Graal,
14:03 ça me fait penser,
14:05 je pense en vous écoutant,
14:07 à la phrase de Mme Louise,
14:09 la fille de Louis XV,
14:11 qui se retire dans un Carmel,
14:13 et qui écrit sur le mur,
14:15 "Souffrir n'est rien, souffrir passe,
14:17 avoir souffert ne passe pas."
14:19 Il a souffert, beaucoup en politique,
14:21 avec des blessures terribles,
14:23 et ça ne passe pas.
14:25 Cette colère ne se dissipe pas.
14:29 Il est en colère.
14:31 Il y a un mécontentement
14:33 de la situation qui lui a été faite
14:35 au Parti Socialiste,
14:37 puis devant le suffrage universel,
14:39 alors qu'il pense véritablement
14:41 qu'il devait être qualifié pour un second tour.
14:43 - Et que l'âge ne lui apporte pas d'apaisement.
14:45 C'est au contraire...
14:47 On le sent toujours dans un courroux formidable,
14:49 toujours un orage...
14:51 - Avoir souffert ne passe pas.
14:53 - On est en pleine période électorale pour les Européennes,
14:55 vous avez dit d'un mot, mais j'aimerais en savoir plus,
14:57 Christophe Barbier, il s'en fout des Européennes ?
14:59 - Oui, bien sûr.
15:01 Il s'en fout, il constate pour l'instant
15:03 qu'ils ont fait un peu plus de 6 la dernière fois,
15:05 Manon Aubry est à 8 dans les sondages,
15:07 il a déjà pris son bénéfice politique,
15:09 il l'a pris à Lille, en criant la censure,
15:11 il l'a pris à Sciences Po, il l'a pris avec Rima Hassan,
15:13 il a pris son bénéfice politique, pas pour envoyer
15:15 quelques députés dans un Parlement européen,
15:17 mais pour continuer à avoir
15:19 ce noyau dur,
15:21 atomique, qui va lui permettre d'aller vers 2027.
15:23 - Un Parlement européen qui l'a dit faire ?
15:25 Ou un Parlement européen où il a
15:27 décidé aussi de faire une forme d'obstruction
15:29 à la démocratie
15:31 européenne, si tant est qu'on pouvait parler de cela ?
15:33 - Il n'en aurait pas les moyens.
15:35 Les nationalistes de droite, en deux groupes
15:37 divisés, ont les moyens
15:39 de perturber le jeu du Parlement européen.
15:41 Cette gauche radicale-là, Podemos
15:43 s'est essoufflée, les Grecs
15:45 n'existent plus, donc vous voyez...
15:47 Et puis ça n'intéresse pas.
15:49 - La course à laquelle
15:51 on assiste dans la première partie,
15:53 parce que ça commence effectivement,
15:55 Catherine a raison de le dire, par l'enfance,
15:57 par...
15:59 connaissance, pardon,
16:01 avec ce petit garçon qui devient
16:03 ensuite ce qu'il est,
16:05 à la fin ça s'accélère encore, et puis le téléphone
16:07 sonne sans cesse, on ne va pas dire pour quelle raison,
16:09 mais est-ce qu'il y a
16:11 un destin de Jean-Luc Mélenchon ?
16:13 Vous laissez les choses en suspens,
16:15 mais est-ce qu'il y a un destin que vous imaginez ?
16:17 Et si oui, lequel ?
16:19 - Je suis persuadé qu'il ne renoncera pas,
16:21 que sa fameuse phrase "Je suis en retrait,
16:23 pas en retraite" est la
16:25 première étape de sa candidature en
16:27 2027. Je suis persuadé que
16:29 aucun de ces dauphins autodésignés
16:31 n'a les tripes et le cran
16:33 pour le défier et lui dire "Non,
16:35 Jean-Luc, tu n'iras pas, c'est moi qui irai à ta place."
16:37 Aucun n'en a la force politique,
16:39 la force psychologique, ni l'envie,
16:41 ni le talent, ni l'incarnation.
16:43 - Et puis ils ne s'entendent pas entre eux, donc ils ne peuvent même pas
16:45 faire une affaire collective, un complot
16:47 collectif, donc il n'y a pas de brutus.
16:49 - Il n'y aura pas de crime de l'Orient Express.
16:51 - Exactement. Donc ça sera Mélenchon ou personne.
16:53 Et moi je pense que Mélenchon continue
16:55 à creuser un sillon dans la
16:57 colère française qui lui permettra
16:59 d'être candidat en 2027.
17:01 Il a commencé en 2022, il était à peu près à égalité avec
17:03 Hidalgo dans les premiers sondages. - Mais quel lien,
17:05 vous parliez tout à l'heure du rouge-brun, vous avez raison,
17:07 quel lien avec
17:09 Glucksmann ? Parce que le numéro 3 de la liste de
17:11 Glucksmann, c'est un mélenchoniste
17:13 et il pourrait y avoir
17:15 ou pas, je ne sais pas. - En tout cas, c'est des partisans de la NUPES.
17:17 La NUPES est morte officiellement,
17:19 nous ne pouvons plus travailler avec Jean-Luc Mélenchon,
17:21 elle n'est pas morte dans les faits.
17:23 S'il y avait une dissolution à l'automne,
17:25 beaucoup au PS diraient qu'il faut absolument
17:27 se rabibocher avec LFI, sinon on n'a plus de députés.
17:29 La NUPES reviendrait. - Mais quand vous avez
17:31 Valérie Ayé par exemple au grand rendez-vous
17:33 européen, C News,
17:35 dimanche dernier, dit
17:37 que c'est l'arbre qui cache la forêt, ou l'enquerasse, c'est l'arbre qui cache
17:39 la NUPES, en parlant de la liste
17:41 Glucksmann, est-ce que c'est la réalité ?
17:43 - Oui, c'est la réalité. - Il n'y aurait pas un accord électoral
17:45 pas exactement dans les mêmes conditions
17:47 que la dernière fois. - Non, bien sûr, il y aurait un peu, puis il y aurait des dissidents.
17:49 Ça serait un peu différent, ça serait moins facile
17:51 pour Mélenchon. Et puis le mythe
17:53 "Élisez-moi Matignon", ça ne fonctionnerait
17:55 plus. Mais je pense qu'au PS, dans la
17:57 direction officielle et dans les cadres du PS,
17:59 il n'y aurait pas, s'il y avait dissolution, la volonté de dire
18:01 "on va contre lui". En revanche,
18:03 en 2027, s'il est battu,
18:05 notamment s'il était battu au premier tour, s'il n'arrivait pas
18:07 à se qualifier pour le second, là, ça change
18:09 un peu la donne. Parce que là, l'après-Mélenchon
18:11 commence vraiment. En 2027,
18:13 il ne sera pas plus vieux qu'un Poutine, un Erdogan,
18:15 un Xi Jinping, ou moins vieux qu'un Lula.
18:17 Il aura à peu près l'âge de De Gaulle
18:19 quand il a été élu en 1965. Donc,
18:21 rien ne fera reculer Mélenchon, sauf
18:23 peut-être, comme Le Pen, la justice
18:25 dans l'affaire des assistants parlementaires européens. Il y a toujours
18:27 cette épée de Damoclès. Sinon, il sera
18:29 candidat. Il a une bonne chance d'être au second
18:31 tour, parce que le corps central n'aura plus de Macron.
18:33 Donc, si vous avez un Attal,
18:35 un Edouard Philippe, un Wauquiez et un Xavier Bertrand
18:37 qui se tirent dans les pattes, vous aurez tout le monde
18:39 entre 8 et 16, et vous aurez Mélenchon à
18:41 18, Marine Le Pen à 29, et vous aurez
18:43 un second tour, Mélenchon-Le Pen.