Sandrine LOPEZ, la directrice de la Fondation Jean RUSTIN, interroge Evelyne ARTAUD, critique d'art et commissaire d'exposition, sur l'artiste Jean RUSTIN et son oeuvre.
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00:00 Tu es presque au Réunion.
00:02 Elle est au Réunion.
00:04 Saint-Eph.
00:06 Saint-Eph.
00:08 À l'inverse de moi.
00:10 Entendre Rustin parler de Boche, c'était quand même très...
00:16 Oui, très...
00:18 Comme une initiation à une certaine façon de regarder la peinture.
00:23 Selon ses préoccupations, en fait.
00:30 On peut regarder la même œuvre et on ne voit pas la même chose.
00:33 C'est fou, le Boche, je ne l'ai jamais ressenti.
00:35 La première fois que j'ai entendu Hans Orn,
00:37 il avait quand même quelque chose, parce qu'il était assez méprisant
00:40 avec le monde de la peinture, mais j'avais jamais...
00:43 Ah, cette impression de Boche.
00:45 Il était engagé politiquement, Rustin.
00:49 Oui, sans le doute.
00:53 Il a vécu 68, comme une évolution.
00:55 Puis il s'est dit, je fais des choses trop belles, c'est pas possible.
00:58 Ce n'est pas moi, quoi.
01:00 Mais ça, c'était vrai.
01:02 C'était une vraie révolution intérieure.
01:05 Je pense qu'il arrêtait de peindre, quand même, après cette exposition.
01:09 On ne sait pas rien.
01:11 Parce que c'était vraiment un bon peintre.
01:13 Mais il arrêtait d'abstraction, il est mort.
01:15 Non, il arrêtait de peindre aussi.
01:17 Ah, d'accord.
01:19 Jusqu'à ce qu'il reprenne, avec des morceaux de corps,
01:23 dans un espace abstrait.
01:26 Et puis, il racontait très bien,
01:29 c'est en mettant les pieds sur terre, de ces corps-là,
01:33 que tout à coup, la pesanteur l'a amené à un réalisme de son dessin.
01:41 Parce qu'on est attaché à la pesanteur.
01:45 C'est intéressant, c'est ça, la péterrasse.
01:47 Parce qu'il y a eu cette période où il est sans suspension,
01:50 et ensuite, il y a la pésanteur.
01:52 Il met les pieds sur terre, il dit "là, ça a été foutu".
01:55 Pour le sens où le tragique, c'est notre condition humaine.
01:59 Tant qu'on flotte dans les airs, parfois,
02:02 tant qu'on est dans l'abstraction, il n'y a pas ce tragique, la situation.
02:07 Je pense qu'il avait le sentiment du tragique.
02:10 Il avait le sentiment du tragique.
02:13 Oui, moi j'ai vu ça aussi comme ça.
02:15 De façon lichéenne presque, avec le sentiment que de là,
02:23 pourrait naître une sensation de pouvoir.
02:27 D'ailleurs, il l'a exercée, sans qu'on ne parle pas.
02:32 On lui en a assez voulu comme ça.
02:34 De quelle manière tu veux dire qu'il l'a exercée ?
02:36 En étant hors norme, il n'y a personne qui peignait comme ça.
02:43 Il avait horreur de l'extractionnisme.
02:45 Il disait que c'était un relâchement.
02:47 Il n'avait pas tort sur le plan plastique.
02:50 Tout était justement dans la contusion,
02:53 dans une certaine intensité de l'être.
02:59 Mais sans spectacle, quoi.
03:02 Alors le spectacle, je dirais même que pour lui,
03:07 c'était presque une plaisanterie de montrer des sexes.
03:09 Parce qu'il savait que ça, ça allait faire exploser tout le monde.
03:16 Mais pas lui.
03:17 Lui, c'était presque anatomique, je dirais.
03:20 D'ailleurs, tout ce qui représente le sexe ouvert de la femme,
03:25 c'est d'un réalisme non teinté.
03:34 Il n'y a pas de jugement.
03:36 C'est ni beau ni laid.
03:39 Mais c'est surtout montré dans la vulnérabilité.
03:42 Vulnérabilité, je ne pense pas.
03:45 Il n'y a jamais d'érection, il n'y a jamais de démonstration de virilité.
03:48 Je parle pour les hommes.
03:50 Il montre l'homme dans un nom de pouvoir viril de démonstration.
03:57 Oui, mais sa peinture, on avait du pouvoir viril.
04:02 La virilité n'était pas pour lui dans la démonstration,
04:07 mais dans la force du propos.
04:10 C'était pas quelqu'un de fragile, vraiment pas quelqu'un de fragile.
04:15 Lui, il était tout à fait déterminé, il savait ce qu'il faisait.
04:20 Et tout ce qu'on pouvait dire sur sa peinture,
04:25 ça valait pas sa peinture.
04:28 Mais on avait parlé aussi qu'il doutait quand même.
04:31 Et je parle peut-être par rapport à cette exigence qu'il avait dans son travail.
04:34 Ah oui, il avait une très grande exigence, oui, absolument.
04:40 Et puis il n'avait pas d'exemple.
04:43 Tu sais, des fois les artistes ont des exemples de ce qu'ils voudraient faire ou être.
04:49 Là, il était dans le vide quand même.
04:52 C'était un peu funambulique, comme...
04:55 Prenez des risques, hein.
04:58 Le risque de se casser la figure.
05:00 D'ailleurs, il peindrait ça maintenant.
05:02 C'est vrai qu'on voyait beaucoup plus de choses...
05:06 On ne pourrait plus, enfin, je pense que maintenant, ça serait...
05:09 C'est difficile.
05:11 Rien que quand on regarde Ludivaudor,
05:14 qui est né de cet ex-coincrité en 1522, c'est absolument...
05:19 Les gens sont quand même...
05:21 Ils la révoltent, ils sont outrés.
05:23 En fait, il essayait de peindre le point de bascule pour lui-même.
05:28 Point qu'il n'intégrait pas dans la vie courante.
05:32 Avec la peinture, c'était possible.
05:34 C'est l'acte, il est de peindre, mais il n'est pas dans ce qu'on peint.
05:39 Le sujet n'est pas le sujet.
05:42 C'est sa façon de peindre qui était extraordinaire.
05:45 Par exemple, moi j'ai beaucoup travaillé dans sa peinture,
05:48 enfin, quand j'ai écrit sur lui, sur les ombres.
05:51 Les ombres portées.
05:53 Parce qu'en fait, ce qui était intéressant,
05:55 c'était la lumière dans laquelle il plongeait son corps.
05:58 La lumière bleue, dure, enfin...
06:03 Froide.
06:05 Il y avait ces ombres portées
06:09 qui donnaient cette impression de la lumière.
06:13 La lumière était dans l'ombre, si je veux dire.
06:16 Celui qui n'a pas d'ombre, il est mort.
06:20 Tu vois, il y avait une symbolique de la lumière
06:24 qui était quand même...
06:27 Alors, je ne sais pas comment dire ça...
06:30 Un pari quoi, un pari avec la peinture.
06:33 C'est marrant quand tu parles de point de basculement.
06:36 D'aller chercher ce point,
06:38 qui peut basculer dans la phonie,
06:41 du coup ça veut dire que ce point de basculement
06:44 s'atteint dans un rapport aussi à la sexualité.
06:47 Puisqu'il a beaucoup peint la masturbation,
06:50 ce rapport au sexe,
06:52 donc ça veut dire que c'est un espace qui était propice
06:55 à tester ce point.
06:57 Et puis, la peinture, tu le fais avec le corps.
07:00 Tu parlais de la danse tout à l'heure.
07:03 On ne danse pas avec sa tête, on danse avec son corps.
07:06 On peint un peu de la même façon.
07:09 Donc, quand tu dis atteindre le point, c'était pour lui-même ?
07:12 Oui, oui, je pense.
07:14 Ce qui peignait pouvait le faire atteindre un point ?
07:17 Oui, oui, oui.
07:19 Comme un fil en flux qui cherche à tomber,
07:22 qui ne tombe pas, on espère.
07:25 Mais qui cherche le vertige du moment où ça tombe.
07:28 Je pense qu'il est très...
07:31 C'est une peinture très flambolique.
07:34 Il met ses personnages au bord du vide quand même.
07:37 Et lui-même, à l'occasion.
07:40 Surtout lui-même.
07:43 De l'obscénité, en fait.
07:46 C'est un terme qu'on peut facilement voir émerger
07:49 quand on parle de la peinture de Rustin.
07:52 Est-ce que c'est un terme qui est...
07:55 Moi, je ne dirais pas ça.
07:58 Par exemple, Sade.
08:00 Quand tu lis Sade, tu es devant des tableaux.
08:03 Des tableaux organisés.
08:05 C'est-à-dire que la sexualité n'est pas...
08:08 On ne se relâche pas.
08:10 On organise.
08:12 On organise un tableau.
08:14 Alors toi, tu te mets là, toi tu fais ça,
08:17 toi tu encules ma chatte, toi tu lèches ma chienne, etc.
08:20 C'est le spectateur qui joue.
08:23 Dans Sade.
08:25 Et il y a une mise en scène de la peinture de Rustin
08:29 qui est tout à fait sadienne.
08:31 C'est une réflexion sur l'organisation du fantasme
08:36 plutôt que le fantasme lui-même.
08:38 Tu vois ce que je veux dire ?
08:39 Il y a tout un processus de mise en scène.
08:43 Toi, tu te mets debout, toi tu t'allonges.
08:46 Attends, on va mettre une chaise.
08:48 Et si là, on mettait une prise électrique.
08:51 Et moi je me souviens quand j'allais à l'atelier,
08:54 des fois il me disait, il y a quelque chose qui ne marche pas.
08:57 Tu ne te trouves pas dans cette peinture ?
08:59 Alors je me disais,
09:01 des fois je lui disais,
09:02 ah oui, c'est peut-être la prise électrique,
09:04 elle n'est pas très bien placée.
09:06 Peut-être, la culotte sur les jambes,
09:10 peut-être ça tire vers...
09:13 Tu vois ?
09:14 Parce que c'était très précis, très précis ces mises en scène.
09:17 C'est ce qui pourrait être le plus sexuel, je trouve.
09:22 Mais la représentation elle-même,
09:25 elle n'est pas simplement obscène,
09:27 elle n'est pas simplement sexuelle.
09:29 Il y a tout un montage intellectuel, presque.
09:35 Il faisait de la musique, ce n'est pas pour rien.
09:37 Faire de la musique, c'est faire des mathématiques.
09:41 C'est toujours du bac.
09:42 C'est magnifique.
09:43 Il ne faisait que ça en plus.
09:44 En plus, il en faisait tous les jours.
09:46 Si bien qu'il était au niveau d'un concertiste.
09:49 C'était étonnant, étonnant la façon dont il jouait du violon.
09:53 Et je pense que d'aimer bac, c'était aimer la répétition,
09:58 c'était aimer cette espèce de fil ténu.
10:04 Je ne sais pas, tu es toujours dans le même registre,
10:07 tu es là, et lui, il ne faisait pas...
10:10 Enfin, il ne faisait pas réalisme.
10:11 C'est ça qui l'intéressait, je pense, et dans la musique de bac,
10:14 qui est quelque chose de très mathématique.
10:17 Ce n'est pas rien, une fugue, ce n'est pas n'importe quoi.
10:21 Il y a des lois de composition, etc.
10:24 Et je pense que dans sa peinture, elle est très musicale.
10:27 Oui, le côté répétitif.
10:29 Il disait toujours la même chose sans jamais faire la même chose.
10:33 Oui, en plus.
10:34 Enfin, il y avait quand même des éléments qu'il combinait.
10:39 J'ai parlé d'organisation, d'enseigne, mais aussi de combinaison.
10:46 Il essayait des combinaisons.
10:48 J'arrive très bien à croire qu'il n'était pas dans
10:51 "qu'est-ce qu'elle va vouloir dire, ma peinture, qu'est-ce que ça fait ?"
10:53 mais comment je vais la construire pour qu'elle soit parfaite, en fait.
10:56 Et ne pas penser, dire ça, ça va être bien,
10:59 que le sens de ça, bien dialoguer avec ça.
11:02 C'est vrai qu'on imagine un processus tellement plastique
11:05 pour arriver à la force de cette peinture,
11:07 sans penser à ce qu'elle va raconter.
11:10 Et avec un minimum d'éléments, un corps, deux quelquefois,
11:15 une chaise de temps en temps, une porte, un coin de mur,
11:21 puis une lumière qui arrivait, on ne sait trop comment.
11:26 Quelquefois, elle arrivait de l'extérieur,
11:28 quelquefois, elle arrivait de l'ampoule électrique,
11:32 et encore l'ombre ne répondait pas à la vérité.
11:38 L'ombre, c'est vraiment l'ombre, c'est la vôtre.
11:41 Oui, c'est quelque chose à notre corps presque,
11:44 ce truc qui va nous absorber très fort, les ombres.
11:48 Tu as fini en disant "presque animal",
11:54 d'ailleurs ils ont des postures presque,
11:57 et tu as fini en disant "renard" comme ici.
12:01 Oui, je ne produis pas la même chose, je pense.
12:05 Parce qu'on le sent tous en nous-mêmes,
12:11 mais on le vit plus ou moins,
12:16 selon la confiance que tu as dans ton partenaire,
12:21 selon ce que tu es capable de faire seul aussi.
12:25 L'humanisme est aussi dans cette animalité.
12:30 Je pense que c'est ça qui doit s'y révolter,
12:33 tout ce qui se passe dans le livre de 1982,
12:36 dans le livre d'or, c'est cette image qui est renvoyée,
12:39 qui doit parler à une partie de soi-même, qui est insupportable.
12:42 C'est très drôle ce que tu dis, parce que j'ai fait visiter
12:45 l'exposition à un groupe du 3e âge,
12:48 ou du 4e âge, je ne sais plus très bien ce qu'on dit,
12:51 et il y avait une dame, parmi tout le monde,
12:54 on sait ce qu'elle a fait, "Oh, quelle horreur !"
12:57 Et elle a dit, "Si on se met tous à poil,
13:00 on ressemble à une toile d'Eustace."
13:03 Et elle n'avait pas tort.
13:05 C'est-à-dire que ce sont des corps vieillissants,
13:07 ce ne sont jamais des jolis corps,
13:09 ce sont des corps vieillissants,
13:11 il n'y a pas d'autre chose, très proche de la fin.
13:16 Oui, ça c'est insupportable à voir,
13:19 parce que les gens veulent voir des...
13:21 Des beaux corps.
13:23 Oui, je pense que c'est comme ça que voyait le monde,
13:26 et notre condition humaine, tout simplement.
13:29 Et c'était cher en ce moment.
13:31 Oui, alors sa mère, qui suivait la mère de Rustin,
13:36 qui suivait son travail,
13:38 et Rustin aimait beaucoup dire ça,
13:41 il disait, "Ma mère dit que je peins toute la misère du monde."
13:45 Et c'est vrai.
13:47 Et une misère qui est aussi une misère sexuelle,
13:49 une misère intellectuelle,
13:51 une misère tout court,
13:53 une misère de la pensée spirituelle, bien sûr.
13:58 Moi je pense que son travail est...
14:01 est presque spirituel, enfin,
14:04 en tout cas philosophique,
14:06 ça je suis sûre.
14:08 C'est un démarrage, quelque part,
14:11 de notre propre misère.
14:14 Et les gens qui aiment,
14:16 ce sont ceux qui sont les plus conscients de ce qu'on est.
14:21 Et qui arrivent à l'avaler, quoi,
14:23 parce que c'est la fille, elle est quand même...
14:25 Même à l'apprécier,
14:28 à apprécier cette conscience,
14:32 parce que c'est ce qu'on a,
14:34 c'est pour ça que je dis que c'est un travail philosophique,
14:38 parce que je pense que c'est une plus grande conscience
14:42 que la conscience ordinaire.
14:44 Et c'est le travail de la peinture qui l'a amené là.
14:47 Il n'était pas théoricien,
14:49 tu ne lui faisais pas dire trois mots sur sa peinture,
14:53 mais il les termes en peintre, je trouve.
14:57 Oui, je pense qu'il savait aussi très bien ce qu'il disait, ce qu'il faisait,
15:01 mais il trouvait ça obscène de réduire éventuellement sa peinture
15:04 à quelques belles phrases, théoriques.
15:07 Oui, oui, oui.
15:09 Oui, parce qu'il a une grande humilité aussi.
15:12 Oui, puis ça lui laissait le champ.
15:17 Parce que les choses que tu définis, elles sont finies.
15:20 Oui, c'est ça, il ne voulait pas en faire même.
15:23 Oui, ça c'est clair.
15:25 Ça c'était très beau ce que tu avais dit,
15:31 mais tu viens de me dire que notre manière,
15:33 on a besoin d'une vérité parce qu'on va mourir, tout simplement.
15:36 Et je pense qu'il était là, Rusta,
15:38 ce n'est pas se dévoiler aux yeux des autres, en fait,
15:40 ces êtres-là, ce qu'ils peintent,
15:42 ils se dévoilent à eux-mêmes, c'est ça qui est fort.
15:45 Ce n'est pas un spectacle qu'on nous montre,
15:47 c'est une prise de conscience depuis le moment.
15:49 Oui, c'est ça, ça tient de la recherche d'une vérité.
15:54 Alors, on parle d'une vérité qui serait bonne pour tous,
15:57 c'est une vérité qui s'agit,
16:00 que le spectateur est capable ou non d'agir pour lui-même.
16:06 Ça nous renvoie tellement à nous-mêmes,
16:09 à nos propres ombres,
16:11 à nos propres doutes sur nous-mêmes,
16:15 sur la sexualité, sur la mort, sur l'animalité,
16:19 enfin tout ce que nous avons évoqué là maintenant,
16:23 ça nous renvoie tellement à nous-mêmes
16:25 qu'effectivement c'est nous aussi qui produisons
16:29 la conscience, plus ou moins.
16:34 Mais c'est vrai, quand on lit un beau texte,
16:38 c'est la même chose quand on voit un bon film,
16:42 on se dit "ah putain", oui c'est ça.
16:44 Mais souvent ça peut passer aussi, même pas par l'intellect,
16:47 quelque chose se transforme.
16:49 Oui, oui, oui, enfin, l'intellect,
16:52 on n'est pas divisé là,
16:55 je veux dire le corps peut penser aussi,
16:57 c'est ce qu'il montre d'ailleurs,
16:59 c'est que les corps pensent.
17:02 Et là ça geste, parce que ce qui est drôle,
17:05 c'est que le spectre, c'est qu'il embrasse complètement,
17:08 on a l'impression d'avoir des visages différents,
17:10 de déliré, d'idiot, et tout d'un coup,
17:12 ce même idiot va être investi dans une espèce de regard
17:14 tellement perçant, d'une sagesse,
17:16 on a l'impression qu'il sait quelque chose qu'on ne sait pas.
17:18 Une regarde.
17:20 C'est très très fort ça.
17:22 Ça c'est l'échange de regard entre le spectateur et...
17:26 et Rustin le savait, beaucoup de peintres le savent,
17:31 de la faire renvoyer le regard,
17:34 c'est pas simple, je suppose, je ne suis pas peintre.
17:38 Imagine les créatures de Rustin comme des êtres qui exhibent quelque chose.
17:43 Oui, oui, oui.
17:45 Une certaine, voire une certaine agressivité.
17:50 Mais on accepte ça d'un corps jeune,
17:53 mais ce que montre Rustin en tant que corps qui s'ouvre,
17:56 qui s'exhibe, on ne veut plus voir à partir d'un certain âge.
17:59 D'un certain âge.
18:00 Ce qui est tolérable, c'est l'exhibition.
18:02 Alors maintenant les femmes d'un certain âge,
18:04 pour qu'on les regarde, elles se teignent les cheveux en orange ou en violet.
18:11 C'est bien ça, c'est un peu comme faire un style jeune pour dire "je suis encore désirable".
18:18 J'ai éteint mes cheveux.
18:20 Et c'est drôle parce qu'on pourrait voir aussi les créatures de Rustin et Jean-Luc Artet
18:23 comme aussi un appel au désir en corps et en corps,
18:26 comme si ce corps était un corps désirant malgré les années, malgré tout.
18:32 C'est généreux ce que tu dis.
18:36 Tu dois être une femme généreuse.
18:39 En tout cas, je peux voir ça.
18:40 Non, c'est généreux.
18:42 C'est soit une provocation agressive, soit effectivement ce que tu dis, un appel à l'amour.
18:49 Oui, carrément.
18:52 C'est pour ça que je dis que c'est celui qui regarde, qui raconte l'histoire.
18:57 Parce que tu peux voir les deux choses.
18:59 Oui, et dans la peinture aussi. Je pense qu'il n'y a pas du tout qu'une proposition de Jean-Luc.
19:03 Non, absolument.
19:05 C'est ambigu à chaque fois.
19:08 Parce que c'est d'autant plus pour moi cette partie-là, plus appel du désir à un, à jamais,
19:15 à jamais, c'est ce trou à jamais veillant, qui est tout simplement dans un autre trou.
19:20 Ça me lit, tu y assures ?
19:22 Oui, ça s'incarne dans ce trou-là, cette matrice.
19:25 C'est l'objet du monde, le corbeau, qu'on ne veut plus montrer maintenant.
19:31 C'est censuré.
19:33 Maintenant, on le vit là. Pour ceux qui ont vécu la libération sexuelle, on vit le retour du bâton.
19:43 Si on les bat, si bientôt c'est plus possible, avec les filles, tout ça.
19:47 Oui, oui.
19:50 Bonne mission pour Justin, de le remettre sur le...
19:53 Parfait, parfaitement.
19:55 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
19:58 [SILENCE]