• il y a 6 mois
Visite de l'atelier de Nicola BONESSA qui s'entretient avec Evelyne ARTAUD, critique d'art.
Transcription
00:00 Quand tu parles, quand tu parles.
00:07 Oui forcément.
00:09 L'espace il se crée, il se construit petit à petit.
00:20 Donc moi c'est un peu ça qui m'a toujours intéressé, je ne sais jamais vraiment où
00:27 je vais mais je passe plus de temps à attendre qu'à faire.
00:34 Ça se fait assez naturellement, moi j'ai toujours travaillé un peu comme ça à l'instant
00:41 donc c'est des choses qui ressortent dans une énergie, mais vraiment au moment de la
00:49 peinture.
00:50 C'est très direct, c'est-à-dire être en prise avec le support sans sujet, sans une
00:59 technologie, un appareil, une machine, d'être vraiment en prise avec un support, une matière.
01:09 L'acrylique me permet ça, d'aller parfois dans des passages très aquarellés et des
01:19 fois des empattements, donc je joue un peu de tout ça aussi.
01:22 C'est un peu à part parce qu'il y a un côté comme ça un peu…
01:30 Oui, c'est beau, elle est belle.
01:33 Peut-être qu'elle est plus construite, plus unie, plus je ne sais pas quoi.
01:39 Je crois qu'il y a plus d'épaisseur.
01:41 Je suis revenu, c'est une touche que j'ai reprise beaucoup de fois et du coup à un
01:48 moment il y a une sorte de…
01:51 Là l'écriture est visible dans le blanc, c'est beau.
01:57 Il y a quelque chose qui s'ouvre et qui sort, ou qui ne sort pas mais qui est là.
02:05 Ah oui.
02:07 Une sorte d'inscription, je vois ça comme une inscription.
02:15 Mais même là, la toile aussi là-bas, à chaque fois il y a quelque chose de graphique
02:22 qui est là-dessus.
02:23 Oui, il y a quelque chose qui est là-bas.
02:26 Alors là dans les dernières périodes, depuis deux, trois ans, il y a pas mal de choses
02:34 qui ont bougé, je vais vers une sorte de… ça se simplifie beaucoup mais j'essaye
02:40 de garder ce qui me… finalement je fais de plus en plus confiance à la sensation de
02:52 peindre, au côté un peu tactile aussi.
02:55 Mais il y a une sorte d'écriture toujours.
02:58 C'est-à-dire que c'est vraiment… là c'est pas vraiment bien.
03:04 C'est pas un travail où on peut être neutre, il faut donner de soi, sinon ça ne marche
03:11 pas.
03:12 Ça c'est un peu plus récent ça.
03:15 Ah oui?
03:16 Oui, mais c'est dans la même lignée, ah non, 2019.
03:20 Oui, c'est la fin de cette série.
03:23 Un peu moins de couleur, alors il y a un truc avec… moi j'ai toujours été à fond
03:30 de la couleur et puis à un moment il y a eu un virage là où j'ai commencé à travailler
03:37 en noir et blanc volontairement pour voir ce qui n'en restait.
03:43 Donc ça m'a amené à faire des choses différentes mais c'était intéressant aussi.
03:50 Moi ce que j'aime beaucoup c'est le travail de couche, l'espace que ça génère, avec
04:03 les différents niveaux de lecture, il y a les tâches, il y a les traits, il y a tout
04:10 un tas de choses qui renforcent le… tout mais pas sur le même plan.
04:16 Après je joue pas mal aussi avec le… forcément ce que je disais, la peinture, les dilutions,
04:23 la matière mais aussi les outils.
04:26 Ça c'est un truc que j'ai développé, que je n'avais pas avant, c'est-à-dire
04:32 qu'il y a 20 ans je travaillais avec un pinceau ou deux, je faisais tout avec le même,
04:37 donc même épaisseur.
04:38 Et petit à petit j'ai commencé à…
04:41 Diversifier les outils.
04:42 Là on voit par exemple les… les différents pinceaux.
04:46 Les choses de très fin comme ça à des brosses très larges, parfois des brosses très…
04:56 comme ça, des choses très finies, plus dures, donc je joue un peu avec cette gamme-là.
05:04 Parfois je… je prépare même des brosses exprès que je taille pour avoir des traits
05:12 un peu… un peu particuliers, basés ou quoi.
05:17 Donc ça c'est devenu vraiment central quoi, le fait de l'outil et comment…
05:25 C'est quoi la photo?
05:27 La photo… ah c'est une photo de tous les peintres allemands des années 80, Baselitz,
05:34 Lupertz et compagnie, Kierkegaard.
05:37 Tu as pris toi?
05:38 Non, non, non, c'était un carton, je pense c'est un grand carton du Mexico.
05:42 Ah d'accord.
05:43 Ah oui, je vais le partager.
05:45 Baselitz, Heidel, Himmler, Katz, Polka, Bell, Katz.
05:49 Parce qu'il y en a plusieurs que j'aime beaucoup, donc notamment Baselitz, Kierkegaard
05:55 et Lupertz un peu moins maintenant.
05:58 Lupertz aussi, il est là d'ailleurs, Himmendorff un peu moins mais c'est quand même des
06:03 artistes que j'ai beaucoup regardé, qui se passent chez nous.
06:07 Oui, oui, oui.
06:09 J'avais exposé là-bas il y a quelques années, il y avait celle-ci avec quelques
06:15 autres tableaux.
06:18 C'est un très très grand espace.
06:20 Oui, oui, oui, je connais.
06:24 Ce que j'aimais chez Pinsemain, alors bon il y a des périodes que j'aime plus ou moins,
06:28 mais j'aime beaucoup quand il a vraiment basculé dans cette figuration, finalement
06:33 cette toile très… Mais j'aime bien parce qu'il y a la matière et l'attention
06:40 pour la peinture, il met le sujet et à un moment il disparaît.
06:45 Et c'est ça qui me plaisait.
06:47 Et puis il a été jusqu'à mettre du goudron sur ses toits.
06:50 Oui, oui, oui.
06:51 Il faisait la cuisine quoi.
06:54 Oui, oui, c'est ça.
06:56 C'est intéressant, à la fois il y a un côté on va dire précieux de la peinture
07:03 et à la fois un côté un peu artisanal, un peu amateur, moi j'aime bien ça.
07:08 C'est-à-dire être toujours dans un… Voilà, un peu à l'entre-deux.
07:12 C'est un confort, oui.
07:14 C'est par exemple, il y a des motifs qui sont plaqués, qui ne sont pas peints directement
07:19 sur la toile mais qui sont en rapport.
07:22 Un peu comme des empreintes.
07:24 Oui, oui, oui.
07:25 Ou je travaille à côté sur des bâches et puis hop.
07:29 Tu poses dessus, oui.
07:31 Donc il y a un côté un peu aléatoire que j'aime bien et à la fois il y a un côté
07:36 un peu voilà des arrachements, voilà tout ce côté-là que je n'aurais pas autrement.
07:45 Là on voit une espèce d'animal de dos, non?
07:49 J'ai jamais vu moi!
07:52 Moi ce qui m'intéresse c'est la matière, la couleur.
07:59 C'est autre chose.
08:02 Oui, mais j'ai fait ça pendant un moment et puis à un moment j'abordais le tableau
08:09 en me disant déjà, ah ben tiens, alors là il va y avoir la tête ici, là le corps.
08:17 Et en fait ça cloisonnait déjà tout le tableau.
08:20 Oui, au niveau de la matière on le sent bien, oui.
08:24 Après tu es dans la figuration, c'est autre chose.
08:28 Bon là ça échappe un peu.
08:32 Et ça c'est quelles années?
08:35 C'est entre 2007 les premiers et 2013-14.
08:42 Oui, je dirais même que c'est plus facile, enfin au sens, il y a un fond expressionniste.
08:59 Oui, bien sûr.
09:02 Voilà, donc à un moment je suis revenu.
09:07 Moi je ne suis pas du tout dessin, vraiment dessin, par contre là je suis en train de
09:13 revenir sur des monotypes, des gravures, tout ça, et j'utilise un peu ce type d'écriture
09:19 comme ça mêlée avec d'autres, je suis en train de faire une série là un peu.
09:24 Oui, oui.
09:27 Alors c'est marrant parce que ça c'est un travail que je fais vraiment, là en ce
09:32 moment par exemple le soir je rentre, je n'ai pas l'énergie de me mettre sur une grande
09:37 toile, mais je passe une heure sur des papiers comme ça, des petites choses, sans trop
09:44 contrôler, je laisse, et petit à petit ça commence à faire un ensemble, et là-dedans
09:53 je vois des choses, je les utilise.
09:57 Alors le fait par exemple de changer d'outil, ça m'aide aussi à ça, c'est-à-dire
10:02 ne pas me contenter du pinceau que je connais, d'ailleurs moi le matériel que j'utilise
10:11 c'est plutôt du matériel industriel, de chantier, c'est ça que j'aime bien.
10:19 Oui, il y a un côté brut, et aussi quand même non maîtrisé, on sent qu'il y a la
10:28 part de hasard, de ce à quoi te conduit le geste.
10:35 J'aime bien jouer de tout ce qui m'échappe, et de plus en plus, c'est-à-dire que je fais
10:40 de plus en plus confiance à tous les accidents, tout ce qui se passe pendant le travail, mais
10:47 par contre dans la façon de construire, d'arrêter ou pas revenir, etc.
10:54 Là j'essaye de contrôler un peu plus on va dire.
10:59 On est quand même dans le paysage, dans un paysage, c'est pas le paysage, mais on est
11:04 quand même toujours dans le même.
11:10 Alors celle-ci, je l'ai exposée à MAK Paris il y a deux ans je crois.
11:19 Oui là pour le coup, c'est vrai qu'il y a des toiles assez différentes.
11:23 Oui, regarde entre ces deux là.
11:25 Oui là on n'a rien à...
11:27 Là on est plus proche des toiles que vous avez vues avant.
11:30 Oui, oui.
11:37 Celle-ci d'ailleurs, elle est assez à part parce que c'est vraiment plus dans une optique
11:42 de presque de... comme une grande estampe quoi.
11:45 Ça, ça tient de l'écriture je trouve, enfin de l'écriture plastique bien sûr.
11:50 Alors souvent dans les tableaux, il y a une histoire aussi d'apesanteur, où souvent
12:00 on va dire, et c'est vrai, par exemple on pense à des paysages aquatiques parfois,
12:05 où il y a une histoire de flottement, où...
12:09 Ce n'est pas conscient mais c'est ce qui m'en ressort.
12:15 C'est l'élément dans lequel tu te trouves.
12:18 C'est parce que je suis nageur, j'ai toujours peur de nager.
12:20 Ah bon, c'est vrai?
12:21 Ce qui m'a toujours plu aussi dans la peinture, c'est un moment d'être dans...
12:26 C'est pour ça que j'aime beaucoup travailler grand, c'est être dans cette sensation de
12:32 vraiment quelque chose qui me... être dedans et à un moment ça me dépasse.
12:38 C'est-à-dire ce qui va en sortir, c'est quelque chose qui est une surprise pour moi
12:42 et qui va au-delà de ce que j'aurais espéré.
12:45 Bien sûr, de ce que tu as décidé même.
12:48 Oui, effectivement il y a...
12:51 Il y a du rêve oui.
12:53 J'aime bien en tout cas que la peinture m'amène dans un lieu, un espace que je ne connais pas.
13:01 C'est ça qui me... voilà.
13:03 Il y a de quoi découvrir.
13:11 Ah oui, oui.
13:12 Ah puis c'est fort parce qu'il y a à la fois un graphisme qui est utilisé dans les autotoiles
13:18 mais là il est développé et puis en même temps cette profondeur de champ qui fait que...
13:24 Enfin ces superpositions qui font une profondeur qui n'est pas réelle, enfin qui n'est pas...
13:30 Comment on dit ça? Oui... perspective quoi.
13:34 Oui, je commence à travailler sur des fonds de couleurs, je suis en train de reprendre ça en ce moment.
13:39 C'est quelque chose que je ne faisais jamais avant, c'est-à-dire de préparer un fond.
13:43 Et puis de passer dessus.
13:45 Voilà, je n'ai jamais fait ça avant.
13:47 Et donc j'attaquais directement.
13:51 Et puis à un moment je me suis dit tiens, qu'est-ce que ça apporte travailler déjà sur une couleur qui est derrière
13:59 et puis après revenir par-dessus.
14:03 Et là c'est le gris qui est la couleur...
14:07 Ah non, finalement c'est le gris qu'on voit sur la tranche.
14:11 D'accord, ok.
14:12 Finalement et quand même occulté.
14:14 Ah oui, complètement, oui.
14:16 Donc ça ne servait à rien.
14:20 Sauf quand on regarde sur le côté.
14:22 Oui.
14:23 Oui, là tu as envie de l'aquatique.
14:27 Oui, là c'est vrai que lino, collage, des plaques que j'avais récupérées,
14:34 des plaques que j'ai gravées moi, des plaques que j'ai récupérées gravées par d'autres,
14:39 voilà, un savant mélange.
14:43 Mais j'aimais bien le côté immédiat comme ça de la gravure et de travailler toute la surface comme ça d'un coup.
14:53 Oui, ça c'est joli.
14:56 Et du coup, voilà, là c'est plutôt un monotype quoi.
15:00 Et de retrouver ça à plus grande échelle.
15:04 Il y en a des très différents.
15:06 Oui, j'aime bien celle-là.
15:08 Après ça part dans des directions très différentes.
15:15 Un fond de couleur et le noir qui revient par-dessus avec tous les petits accidents, les imprévus.
15:32 C'est une série intéressante.
15:37 Là je suis assez attentif aussi aux espaces, c'est-à-dire qu'à la fois il y a le mouvement, la touche, l'occupation de l'espace,
15:55 mais en même temps il y a la prise en compte de la circulation de l'espace autour.
16:03 Voilà, là j'essaye de m'y tenir.
16:07 Oui, il y a un exercice.
16:09 Je m'y suis tenu un peu puisque très vite au début je voulais une seule couleur et puis après ça a dérapé,
16:16 j'ai commencé à ajouter des couleurs, etc.
16:18 Donc ça évolue de toute façon.
16:21 Ce passage est très intéressant.
16:24 C'est comme un manifeste quoi.
16:31 Après on peut dire qu'il y a une espèce de facilité, mais je ne le vois pas trop comme ça.
16:40 Moi non plus non.
16:42 Par rapport à ce que j'ai fait avant, ça a un sens.
16:45 Oui, il y a un parcours.
16:49 Le parcours, si on commence par ça, on peut se dire, je ne sais pas ce qu'on peut se dire,
17:01 mais il y a une sorte de logique quand même dans ce parcours.
17:07 Bon là j'ai dérogé à l'arrêt.
17:11 Aussi parce que tu as mis de l'orange.
17:13 Oui, c'était foutu à partir de là.
17:17 C'est musical aussi je trouve ces dernières heures.
17:25 Le côté musical c'est quelque chose qui me parle.
17:31 Il y a un rythme, il y a une expression.
17:39 Dans la peinture il y a l'histoire de rythme, d'orchestré avec la touche, il y a un mouvement.
17:53 Là on le sent bien.
17:55 D'ailleurs je travaille toujours en musique, je ne peux pas travailler dans le silence.
18:01 Ça m'arrive mais c'est très très rare.
18:03 Je suis toujours à fond musical, je ne suis pas spécialement en musique mais ça crée une ambiance.
18:11 Après il y a un côté plus frontal par rapport à ce qu'on avait vu au début où il y avait tous ces plans.
18:23 Mais après c'est toujours le tableau qui dicte, c'est à dire que si je me suis dit je vais faire comme ça
18:32 mais qu'à un moment ça ne fonctionne pas, je vais plus loin.
18:37 C'est ça le rythme.
18:39 Merci d'avoir regardé cette vidéo !
18:44 Merci d'avoir regardé cette vidéo !

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