Lundi 27 mai 2024, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
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00:00Bon, et bien, profitons de ce jour férié dans le monde anglo-saxon et sur les marchés
00:08américains pour parler de Wall Street et c'est Pierre-Yves Dugas que nous retrouvons
00:11comme chaque lundi, notre correspondant américain qui est avec nous en visioconférence.
00:16Bonjour et bienvenue Pierre-Yves, merci beaucoup d'être avec nous, c'est Memorial Day donc
00:20aujourd'hui aux Etats-Unis, mais je voulais qu'on dise un mot de Wall Street, pour toute
00:25une nouvelle génération, j'entends bien que le Mazda, c'est Wall Street aujourd'hui,
00:30mais pour d'autres générations auxquelles nous appartenons, Pierre-Yves, Wall Street,
00:34c'est aussi le Dow Jones.
00:35Et oui, si je vous dis que je me souviens, mais vraiment, je me souviens de l'endroit
00:41où j'étais dans un couloir d'un bâtiment à Washington quand le Dow Jones a repassé
00:47la barre de 1000 points, il l'a passé la première fois en 72, ensuite s'est retombé
00:51et puis les choses se sont redressées ensuite dans les années 80 et je me souviens de l'endroit
00:56où j'étais et je disais aux gens autour de moi, le Dow Jones s'est repassé au-dessus
00:59de 1000 et on me regardait avec des grands yeux, on est à 40000 maintenant, enfin 39000
01:05et quelques après avoir franchi la barre de 40000, quelqu'un qui s'appelle David Elias
01:10a écrit un livre en 1999 et il s'est ridiculisé parce que le Dow Jones, à l'époque, que
01:17je ne dise pas de bêtises, était encore très très bas, il était à 10000 et David
01:24Elias a dit, un analyste financier de la région de New York, qu'en 2016, le Dow Jones serait
01:31à 40000.
01:32Pas mal.
01:33Il s'est trompé de 8 ans, il n'a pas anticipé l'explosion ou l'implosion de la bulle
01:40des dot-com, il a complètement raté, on ne peut pas l'emblâmer d'ailleurs, la catastrophe
01:46financière de 2008, mais enfin, voilà, aujourd'hui, des tas de fans lui ont envoyé
01:51des casquettes sur lesquelles il y a écrit 40000, parce qu'il a raison.
01:54Qu'est-ce que ça vaut 40000 points sur le Dow Jones, Pierre-Yves ?
02:00Il prévoit maintenant qu'on va passer à 68000, si je ne me trompe pas, dans 10 ans,
02:11donc s'il a toujours raison, il faut rester investi.
02:14Non, cet indice, 30 valeurs dites industrielles, est un indice qui d'un point de vue statistique,
02:21d'un point de vue technique, est un indice dépassé, c'est un indice qui ne devrait
02:27pas être un indice de référence de premier plan, et pourtant, c'est un indice emblématique,
02:32c'est un indice auquel on continue de se référer tout le temps, et j'en fais partie,
02:39et je trouve que c'est un indice fascinant à analyser parce que sa composition,
02:45qui change à peu près tous les deux ans, montre l'évolution de l'histoire économique
02:52et de l'histoire du capitalisme américain.
02:54S'il y en a une petite seconde, je vais évoquer quelques noms avec vous
02:58qui vont vous montrer à quel point nous avons vieilli.
03:03Le Dow Jones avait comme composante, je me perds dans mes notes ici, avait comme composante
03:12encore en 1987, vous vous souvenez, 87, on a cru que c'était un grand crash, avait
03:17encore au moins deux valeurs de la sidérurgie, je vous cite de mémoire, il contenait encore
03:26Goodyear Tire, le géant des pneus, il contenait des valeurs de la distribution qui ont totalement
03:33disparu aujourd'hui, Woolworth, Sears, Roebuck, c'était encore dans le Dow Jones en 1987.
03:40On zoome en avant aujourd'hui, il y a des valeurs qui sont tout juste rentrées dans
03:45le Dow Jones au début de l'année, Amazon, il a fallu longtemps avant que le comité
03:51qui gère cet indice et qui comprend des rédacteurs du Wall Street Journal,
03:58admette l'idée qu'Amazon puisse rentrer.
04:00Il y a une autre raison qui était une raison technique pour laquelle Amazon ne pouvait
04:04pas rentrer, je vais y revenir, et naturellement Nvidia, Nvidia qui est maintenant la troisième
04:09capitalisation américaine, 2600 milliards de dollars et loin de pouvoir rentrer dans
04:13le Dow Jones, encore que les choses peuvent changer puisque la direction de Nvidia vient
04:18d'annoncer qu'elle allait diviser par 10 la valeur de l'action et que donc au lieu
04:23de 1000 dollars on va tomber à 100 et que là ça devient plus facile et là je m'adresse
04:28si on a le temps à cette faiblesse fondamentale qu'est l'indice Dow Jones et que c'est
04:31une moyenne pondérée par le cours.
04:33Autrement dit, sur les 30 valeurs de l'indice Dow Jones, certaines valent 500 dollars,
04:40d'autres valent 10 dollars.
04:42Une variation d'un dollar est beaucoup plus facile à réaliser pour United Healthcare
04:47qui est mon assurance maladie et dont l'action est autour de 500 dollars.
04:52En revanche pour Intel qui vaut 10 dollars, une variation de 1 dollar c'est plus compliqué.
04:56Donc on a un déséquilibre dans l'évolution quotidienne du Dow Jones puisque 1 dollar
05:02de variation correspond à 6,6 points d'évolution du Dow Jones.
05:07Malgré cette faiblesse fondamentale, on s'aperçoit que peu de temps après que le S&P et le Nasdaq
05:14établissent des records, le bon vieux Dow Jones est toujours là, fidèle au rendez-vous
05:19et nous établit de magnifiques records avec ses plafonds qui frappent les esprits, 40 000
05:24qui auraient pu croire ça.
05:26Et puis comme vous le disiez, Amazon a intégré le Dow Jones, Apple est au Dow Jones également
05:31aujourd'hui, demain peut-être Nvidia et on voit que toutes ces entreprises ont procédé
05:36régulièrement à des divisions de leurs actions pour justement, alors ce n'est peut-être
05:41pas l'objectif premier mais j'imagine que ces groupes-là sont quand même satisfaits
05:46d'être représentés aujourd'hui au sein d'un indice aussi historique, on va le dire
05:51comme ça, que le Dow Jones industriel.
05:53C'est une référence, ça peut être une malédiction aussi.
05:56Alors là où ça devient vraiment rigolo, c'est qu'il y a des valeurs qui sont sorties
06:01du Dow Jones et qui n'ont été rien produites par la suite, c'est le cas d'IBM.
06:05Quand on a remis IBM dans le paquet des 30, en fait le cours d'IBM a commencé à chuter,
06:11il a fallu 15 ans avant que IBM retrouve le niveau de son entrée.
06:16Outre Nvidia, il y a d'autres particularités curieuses du Dow Jones.
06:23Vous vous souvenez tout de même, si vous ne vous souvenez pas de la première fois où
06:27le Dow Jones en 1972 a franchi la barre de 1000 points, vous vous souvenez qu'il y avait
06:32une société qui était la reine absolue de la nouvelle bulle Internet, qui contrôlait
06:41les tuyaux qui allaient faire circuler les informations dans ce nouveau réseau qu'on
06:46appelait Internet à la fin des années 90, c'était Cisco.
06:50Cisco est toujours dans l'indice aujourd'hui.
06:53Cisco vaut en capitalisation 187 milliards de dollars.
06:59Vous comparez cela à Nvidia qui en vaut 2600.
07:04Je ne serais pas surpris que le comité de gestion de l'indice, s'il décide de faire
07:10entrer Nvidia d'ici quelques mois, choisisse de supprimer Cisco et de remplacer donc Cisco
07:19par Nvidia, ce qui serait quand même quelque chose de stupéfiant, mais les capitalisations
07:24sont des choses assez formidables qui probablement sont exagérées.
07:27Est-ce qu'on peut vraiment penser qu'Nvidia vaut 14 fois Cisco quand on se souvient de
07:34ce que Cisco a été ? Je ne parle pas de GDS Uniface dont nous
07:38parlions quotidiennement dans les journaux, à la radio et à la télévision à la fin
07:43des années 90.
07:44C'était d'une autre grandeur.
07:45Qu'est-ce qui est devenu GDS Uniface ? Je n'en sais rien.
07:47Effectivement, mais la vie des indices, c'est toujours passionnant à suivre, avec parfois
07:52des entrées-sorties qui se font un peu à contre-courant, on va dire ça comme ça.
07:56J'ai encore en mémoire la sortie d'ExxonMobil.
07:59C'était au terme du mandat de Donald Trump 2019, avant tout ce qui s'est passé ensuite
08:06évidemment pour les valeurs de l'énergie.
08:08On verra, je pense qu'ExxonMobil est loin de la fin de son histoire et aura tout le
08:12loisir peut-être de réintégrer à un certain stade l'indice Dow Jones.
08:16Il nous reste quelques minutes quand même, Pierre-Yves, pour avancer sur le sujet de
08:20la consommation américaine.
08:21Derrière la résilience du marché du travail, il y a bien sûr la question des salaires
08:25et la capacité des Américains à continuer de consommer.
08:28On aura des indications précieuses, je m'avance peut-être, mais en tout cas des indications
08:32intéressantes en cette fin de semaine sur les dépenses et revenus des ménages américains.
08:37Je surveille ces chiffres de vendredi, pas simplement pour cette mesure de l'inflation,
08:44l'indice des prix des dépenses personnelles de consommation, mais aussi pour les dépenses
08:49personnelles de consommation qui ont beaucoup monté.
08:51De mémoire, plus 0,8 au mois de mars, j'aimerais voir si les choses ne se calment pas un petit
08:56peu.
08:57Il est frappant de constater.
08:59Pour un vieillard comme moi, on nous dit que l'économie américaine va bien, que la consommation
09:05se porte bien, qu'on va probablement avoir plus de 3% de croissance au second trimestre
09:11et que Target, Home Depot, Lowe's, pour ne citer que ces trois géants de la distribution,
09:19affichent deux ou trois ou quatre trimestres consécutifs de baisse de leur vente.
09:24Les Américains consomment, oui.
09:26Ils ne sont pas tous Américains d'ailleurs, ils sentent qu'en fait, c'est ces 2 à 3
09:30millions d'immigrants qui arrivent et qui consomment beaucoup, qui ont augmenté le
09:34pool de la consommation aux Etats-Unis, mais ils consomment moins de biens.
09:39La consommation de biens aux Etats-Unis a été négative au premier trimestre.
09:43Elle est largement compensée par une forte augmentation de la consommation de services
09:48au premier rang desquels on trouve ces fameux logements dont l'estimation est un peu controversée,
09:54mais aussi la santé et les assurances.
09:57Il faut suivre de près cette consommation américaine parce que c'est plus de 70% du
10:01PIB et on a cette divergence curieuse dont nous avons souvent parlé, mais je crois que
10:08c'est vraiment un sujet récurrent qu'il faut essayer de mieux comprendre parce que
10:12le mystère s'épaissit sur la solidité de la consommation américaine alors que le
10:16moral des Américains en avril est tombé au plus bas depuis cinq mois, alors qu'on
10:20a une divergence fracassante entre ce que les Républicains considèrent comme la situation
10:25de l'économie et ce que les Démocrates considèrent.
10:27On s'est aperçu par exemple que les anticipations inflationnistes des Américains lorsqu'ils
10:33sont Républicains sont deux fois plus élevées que celles des Démocrates, en particulier
10:38dans les Etats pivots.
10:39Si je vous dis que le dernier sondage montre que 74% des électeurs du Michigan considèrent
10:48que la situation actuelle dans le Michigan est moins bonne qu'au pire de la pandémie
10:53du Covid, c'est quelque chose qui inquiète beaucoup le président Biden qui ne sait pas
10:57comment expliquer à ses électeurs que les choses vont bien.
11:01La question de la perception par rapport à la réalité économique, alors encore une
11:06fois la réalité économique telle que mesurée par des indicateurs macroéconomiques imparfaits
11:11mais effectivement ces écarts sont spectaculaires aujourd'hui, il y avait un sondage du Guardian
11:16la semaine dernière sur ces sujets-là, la moitié des Américains pensent que le
11:19taux de chômage est au plus haut, que le stock market est au plus bas etc.
11:23Evidemment, ça n'est pas la réalité mais c'est une perception importante, notamment
11:29quand on est un homme politique en campagne pour sa réélection aux Etats-Unis.
11:33Merci beaucoup Pierre-Yves Duguay avec nous chaque lundi pour ce quart d'heure américain
11:38hebdomadaire dans Smartbourse sur Bsmart.
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